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David Wallace Wilson

B. Imposition d’une charge sur le trustee

En effet, l’autorisation requise par la lex Koller peut être subordonnée à des conditions ou des charges destinées à assurer que l’immeuble soit affecté au but dont se prévaut l’acquéreur. En particulier, l’autorisation peut être assortie de l’obligation d’affecter de manière durable l’immeuble au but pour lequel l’acquisition a été autorisée et de requérir le consentement de l’autorité

com-62 Cf. supra I.A.3.

63 Ainsi, un trust constitué en faveur des « enfants du constituant » constitue une classe ouverte durant la vie du constituant, mais qui deviendra fermée à son décès ; un trust constitué en faveur des « membres de la famille du constituant » représente une classe ouverte, même après son décès, car d’autres membres peuvent à tout moment s’adjoindre à la famille par mariage, nais- sance ou adoption.

64 Pour une problématique similaire en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, soit l’iden-tification de l’ayant droit économique dans le cadre d’un trust, voir les chiffres 43 et 44 de la

Planification immobilière autour du trust pétente pour toute modification de l’affectation ; l’autorité compétente peut même prévoir des charges plus sévères pour assurer cette affectation65. 1. Principe et contenu de la charge

A la différence d’une condition, la charge ne fait pas obstacle à l’inscription au registre foncier, mais l’autorisation peut être révoquée si l’acquéreur ne la respecte pas66. Par ailleurs, elle déploie ses effets, même si elle n’est pas inscrite au registre foncier, cette inscription ayant des effets purement déclaratifs67. L’autorité compétente doit en faire usage conformément aux exigences légales et réglementaires, en se fondant sur le but de la loi68. En particulier, selon la doctrine, l’autorité compétente doit imposer toutes les charges nécessaires et propres à garantir l’affectation de l’immeuble et seulement celles qui le sont.

Outre le principe de la légalité, l’imposition d’une telle charge doit respecter ceux de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire ; une charge est ainsi inadmissible lorsqu’elle dépasse l’objectif légal, soit qu’elle vise plus que

« la garantie de la sincérité des déclarations du [trustee] qui tend à établir la légitimité de son intérêt propre à l’acquisition »69.

Dès lors, l’imposition d’une charge dans le cadre de biens immobiliers détenus en trust permettrait de s’assurer que le trustee respecte la lex Koller durant toute la durée d’existence du trust. En particulier, on pourrait conce-voir un formulaire exigeant qu’il confirme périodiquement la nature du trust et, cas échéant, l’identité du bénéficiaire du trust qui dispose d’un droit sur l’immeuble suisse ainsi que tout changement y relatif, sous peine des sanc-tions prévues par la lex Koller. Une solution similaire se pratique déjà dans le domaine bancaire par le biais du formulaire T instauré par la Convention de diligence 200870.

2. Imprescriptibilité de la charge

En outre, l’obligation de respecter une telle charge ne se prescrit pas. En ef-fet, la nature même de l’obligation qui vise à assurer la pérennité des motifs

65 Art. 14 al. 1 LFAIE ; art. 11 al. 2 lit. a et al. 3 OAIE.

66 ATF 106 Ib 282.

67 ATF 129 II 361.

68 Perrig, p. 319.

69 Perrig, p. 320-321.

70 Art. 4 al. 1 §§ 43-44 CDB 08. En passant, on notera avec intérêt le changement d’attitude entre la CDB 03 et la CDB 08 vis-à-vis des trusts, changement intervenu en faveur d’une certaine ré-serve à requérir et à conré-server tous les documents du trust, cf. supra I.C.3.

sur lesquels se fonde l’autorisation implique que la sanction administrative que représente la révocation de l’autorisation n’est pas sujette à prescription71. Cette solution est particulièrement intéressante dans le cadre des trusts, compte tenu de leur relative longue durée d’existence72.

3. Large régime de sanctions

Enfin, le régime des sanctions potentielles en cas de violation d’une telle charge est vaste73. A teneur de la jurisprudence actuelle, ces sanctions peuvent d’ailleurs être imposées à toutes les personnes qui participent de façon significative à des opérations qui auraient nécessité une autorisation74. Ceci pourrait inclure le trustee, le bénéficiaire en cause et/ou le protector du trust en fonction des pouvoirs de décision dont il jouit.

IV. Conclusions

L’acquisition d’immeubles par un trustee est désormais possible en Suisse, mais le principe de prudence s’impose encore pour les personnes à l’étranger en raison des incertitudes liées à l’application de la lex Koller. Des clarifica-tions de la lex Koller au sujet du trust sont souhaitables, mais toute adaptation législative semble actuellement impossible en raison du blocage politique ré-sultant de l’échec de son abrogation. Or, ce (triste) état des choses ne devrait pas pénaliser des personnes qui, pour les motifs légitimes de planification exposés, souhaitent constituer un trust en vue de détenir un bien immobilier en Suisse. Néanmoins, des solutions pragmatiques semblent possibles dans le cadre législatif existant, pour autant que les autorités compétentes diffé-rencient les types de trust et adoptent des exigences raisonnables vis-à-vis des trustees sur le plan formel et matériel (documents du trust, charge, etc.).

En tous les cas, qu’ils aient à l’esprit le Statute of Uses d’Henri III qui, loin de freiner l’usage des uses, accéléra le développement du trust tel que nous le connaissons aujourd’hui !

71 ATF 129 II 361.

72 Cf. supra I.A.2.

73 Notamment les art. 12 lit. c et 26 ss. LFAIE.

Planification immobilière autour du trust