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la répartition des revenus (splitting) des conjoints

C. Abus de droit

Il y a abus de droit lorsqu’un moyen juridique déterminé est invoqué pour réaliser des intérêts que ce même moyen n’entend pas protéger9. La jurispru-dence n’a pas exclu, à ce jour, l’hypothèse que le droit constitutionnel d’ob-tenir de l’aide dans des situations de détresse puisse être exercé de manière abusive, avec comme conséquence le refus ou la réduction de l’assistance sociale10. La doctrine est en revanche pratiquement unanime pour affirmer qu’il n’y a pas de place pour des abus de droit dans le cadre de l’exercice des droits issus de l’art. 12 Cst., puisque cette norme garantit un minimum vital intangible11. Un abus de droit présuppose nécessairement que la personne qui se trouve dans une situation de détresse ait provoqué sa propre situation de manière intentionnelle, dans le seul but de pouvoir ensuite se prévaloir du droit à l’aide dans des situations de détresse12. Cette volonté doit être établie de manière claire et indiscutable. L’abus doit dès lors être manifeste, tandis que de simples soupçons ou indices ne suffisent pas13.

9 ATF 128 II 145 consid. 2.2 p. 151.

10 Cf. ATF 131 I 166 consid. 6.2 p. 178, 130 I 71 consid. 4.3 p. 76, 122 II 193 consid. 2c/ee p. 198.

11 Littérature citée dans l’arrêt.

12 ATF 121 I 367 consid. 3d p. 377.

13 Amstutz Kathrin, Das Grundrecht auf Existenzsicherung – Bedeutung und inhaltliche Ausge- staltung des Art. 12 der neuen Bundesverfassung, thèse Berne 2002, p. 311.

Dans le cas d’espèce, la cession du patrimoine était intervenue en 1997.

Il n’était dès lors pas raisonnablement soutenable que le recourant aurait cédé ses propres biens dans la seule intention d’éluder, plusieurs années plus tard, les dispositions sur l’assistance publique. Il est vrai que, en l’occurrence, le droit d’usufruit dont bénéficiait l’assuré avait été annulé en 2005, année durant laquelle il avait présenté sa demande d’assistance à la commune. Le jugement cantonal attaqué ne contenait cependant aucune constatation per-mettant de conclure que le recourant aurait renoncé de manière délibérée à son droit d’usufruit, ayant pour seul but celui d’obtenir des prestations de l’assistance sociale. Il apparaissait bien plus vraisemblable que le recourant, âgé alors de 82 ans, impotent, avait renoncé à son droit d’usufruit en faveur de son fils en sachant qu’il n’aurait plus été en mesure d’occuper sa propre habitation à la suite de son placement en maison de retraite et compte tenu des frais d’entretien que sa maison aurait occasionné. Dans ces conditions, un abus de droit manifeste devait être nié, le refus de la commune ne pou-vant être admis, puisqu’il aurait mis en cause le minimum vital garanti par l’art. 12 Cst.

V. Prévoyance et planification en relation avec le financement du séjour en maison de retraite ou établissement médico-social (EMS)

Dans la planification du patrimoine, les frais de pension dans un établis-sement pour personnes âgées peuvent être un facteur extrêmement lourd.

Ni l’assurance-maladie, ni aucune autre branche des assurances sociales ne prévoit la couverture de ces frais. En effet, selon l’art. 25 LAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles. Ces prestations com-prennent notamment le séjour en division commune d’un hôpital et le séjour dans une institution prodiguant des soins semi-hospitaliers.

En se prononçant sur un litige relatif au prix de pension dans un éta-blissement pour personnes âgées, le Tribunal fédéral a jugé que l’application de traitements dissemblables aux établissements pour personnes âgées selon qu’ils sont ou non reconnus comme établissements médico-sociaux repose sur un motif raisonnable, à savoir les exigences et la qualité de prestations différentes, de sorte qu’elle ne viole pas la principe de l’égalité de traitement.

Il a en outre considéré que la fixation du prix de pension 1996 agrée par l’Etat de Genève repose sur différentes dispositions des législations fédérale et ge-nevoise. Les différences existant entre les simples établissements pour

per-Prévoyance et planification : le côté social sonnes âgées et les établissements médico-sociaux empêchent de considérer ces deux catégories d’établissements comme des concurrents directs14.

Dans une autre affaire, relative aux pensions différenciées pour le séjour en maison de retraite et aux conditions de revenu et fortune, le Tribunal fé-déral a constaté que, au Tessin, les établissements pour personnes âgées sont tenus de prélever des pensions fixées en considération des conditions de re-venu et fortune des résidents. Il est en soi licite de baser le calcul sur des don-nées établies par le fisc, nonobstant le « décalage » temporel qui en découle. Il est cependant arbitraire de retenir les données fiscales, et dès lors le moment temporel auquel elles remontent, uniquement pour les éléments de la fortune et de déterminer en revanche les revenus de manière autonome en les actua-lisant. Un tel dualisme méthodologique et temporel est constitutif d’arbitraire indépendamment des conséquences économiques qu’il entraîne15.

VI. Conclusion

Les prestations des assurances sociales sont, d’une manière générale, un élé-ment important dans la planification du patrimoine. Elles peuvent l’influen-cer par leur nature, leur étendue et leur durée. Par rapport à ces prestations, celles qui découlent du devoir de fournir des aliments à ses parents lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin, ainsi que celles qui correspondent au droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse sont subsidiaires. Des interférences peuvent néanmoins exister entre ces dif-férents domaines, notamment lorsque, dans l’assurance sociale, on est en pré-sence de prestations complémentaires à l’AS ou à l’AI.

14 Arrêt non publié 2P.319/1996.

15 Arrêt 2P.28/2006, publié dans RtiD 2007 I p. 81. Littérature générale : Duc Jean-Louis, De l’éten-due du droit aux prestations de l’assurance-maladie en cas de résidence dans un EMS non subventionné – Obligation des assureurs en cas d’hospitalisation ou de séjour en établisse-ment médico-social, dans : AJP/PJA 2/2008, p. 198 ss ; Duc Jean-Louis, De la prise en charge par l’assurance-maladie obligatoire des frais de soins à domicile et lors de séjour dans un EMS – Un point de la situation, in LAMal : soins à domicile, soins en EMS, vol. 31 de la collection de l’IRAL, Faculté de droit, Lausanne, Berne 2005, p. 205 ss.