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3.2.2 HISTOIRE EPOQUE PREHISPANIQUE TARDIVE

L’archéologie de la cordillère sud-orientale : bilan des connaissances

3.2.2 HISTOIRE EPOQUE PREHISPANIQUE TARDIVE

3.2.2.1- Période Intermédiaire Récente

3.2.2.1.1- Introduction : concept de « Période Intermédiaire Récente »

Le début de la période Intermédiaire Récente est associé à la dissolution de l’empire wari vers la fin du premier millénaire. C’est durant cette période que se met en place la mosaïque ethnique et sociopolitique qui formera, quatre siècles plus tard, le Tawantinsuyu. Cette époque de l’histoire préhispanique est donc avant tout définie par sa position « intermédiaire sur la frise chronologique », entre deux phénomènes (ou du moins démarches) « d’unification » politique matérialisée par une certaine hégémonie culturelle (les « horizons » wari et inka). S’il a le mérite d’être clair du point de vue de la périodisation historique, le qualificatif « intermédiaire » rend-t-il

bien compte de la réalité andine des 10-15ème siècles ? Qu’entend-on par « période intermédiaire » du point de vue social et culturel ?

3.2.2.1.1.1- La vision ethnohistorique : « l’auka pacha runa »

Les mythes relatés dans les chroniques dépeignent le monde pré-inka comme un univers désordonné, caractérisé par le morcellement politique et le conflit permanent (voir supra, 2.1.1). Guaman Poma (1615 : 78), qualifie cette époque, d’ « auka pacha runa », expression quechua qui se traduit « l’âge des guerriers » ; comme il le souligne lui-même, « ces gens abandonnèrent leur

village pour peupler les régions d’altitude. Ils construisirent des forteresses sur les montagnes

[…] ; leurs rois étaient en guerre »16. Dans le même registre, Santillan (1968[1563] : 104) stipule « qu’avant que les Inkas ne débutent leur règne, il n’y avait ni ordre ni loi ; chaque vallée, ou

province, avait son cacique, et était en guerre avec ses voisins. Pour cela il n’y avait pas de commerce, ni de communication entre eux ; chaque vallée avait sa propre langue. »17. Une telle vision chaotique s’explique sans doute par la volonté des Inkas de s’inscrire dans « leur » histoire (celle qu’ils ont relatée aux chroniqueurs espagnols) comme les bâtisseurs légitimes d’un monde civilisé. En réalité, il est difficile de dégager la part du mythe de ce dit auka pacha dans l’histoire inka.

Des sources écrites, nous avons vu (dans le chapitre précédent) qu’il est possible d’essayer de déduire les grandes lignes de la configuration territoriale des régions andines du 16ème siècle. Mais si les archives coloniales anciennes (titres d’encomienda, recensements, etc.) fournissent des informations précieuses pour l’étude de la composition ethnique du

Tawantinsuyu, l’exploitation de ces mêmes informations pour l’époque pré-inka est bien plus

délicate. Il est en effet indéniable que l’intégration à l’empire inka et que les bouleversements des premières décades coloniales ont dû beaucoup modifier les paysages socioculturels et les territoires hérités de l’époque Intermédiaire Récente. Les déplacements massifs de populations, dans le premier cas, et la forte chute démographique, dans le second, faussent probablement, de manière significative, l’image des groupes ethniques que livrent les divers recensements coloniaux (Wachtel, 1992[1971]). C’est pour cette raison que les approches régionales sont importantes et assez nombreuses pour l’archéologie de cette époque dont les vestiges architecturaux et céramiques abondent dans les Andes (Stanish, 2001 et 2003).

16 Cette citation est extraite du passage suivant : “Prólogo de los lectores indios llamados Auca Pacha runa, el cuarto edad,

aunque tuvo la ley de sus antepasados de llamar y conocer a Dios de los altos y de cerros; como esta dicha gente se despoblaron de sus pueblos y se fueron a poblarse a lo alto, cerros y penas, edificaron fortalezas por la gran guerra que ellos tuvieron, y por eso les llamaron Auca runa, como se mataban y acababanse y se quitaban a sus mujeres e hijos y se cautivaban unos y con otros por la mucha batalla un rey y con otro rey” (Guaman Poma, 1615 : 78). La traduction est nôtre.

17 La citation originale dont il est fait mention est adaptée de la suivante : « Antes quellos comenzasen a señorear no había esa

orden ni policía; antes en cada valle o provincia había su curaca, señor principal, y tenían sus principales mandones subjetos a el curaca, y cada valle destos tenía guerra con su comarcano, y desta causa no había comercio ni comunicación alguna entrellos; y en cada valle había su lengua distinta de la del otro; dabanse guazabaras los unos a los otros, y era uso que al que quedaba con la victoria y sujetaba al otro, le hacían los subjetos sementeras de maíz y coca y ají, y dabanle ovejas y de lo demás que tenían, en reconocimiento.” Santillan (1968[1563] : 104). La traduction est nôtre.

3.2.2.1.1.2- L’archéologie de la période Intermédiaire Récente dans les Andes centrales

Du point de vue archéologique, nous possédons aujourd’hui, une vision d’ensemble relativement homogène de la période Intermédiaire Récente. Les régions ayant fait l’objet des études les plus approfondies sont la vallée du Mantaro (Lavallée et al., 1976 ; Parsons et al., 2000 ; D’Altroy et al., 2001), le département d’Ayacucho (Gonzalez Carré et al., 1987 ; Gonzalez Carré et al., 1988), les alentours du Titicaca (Stanish, 2003 ; Arkush, 2006), ainsi que les régions d’Andahuaylas (Bauer et Kellet, 2010) et de Cuzco (Bauer et Covey, 2002 ; Covey, 2003b ; Bauer, 2004) sur lesquelles nous reviendrons dans le détail.

Cette longue période, que les archéologues font s’étendre sur près de cinq siècles, est caractérisée par un faciès archéologique assez homogène dans l’ensemble des Andes. Les vestiges de cette époque abondent dans les régions montagneuses. L’essentiel des sites archéologiques identifiés correspond à des ensembles d’habitations agglomérées qui forment des établissements résidentiels généralement implantés sur les hauteurs.

Dans la vallée du Mantaro où les études ont été très poussées (Earle et al., 1987 : 79 ; Hastorf, et al., 1989 ; D’Altroy et Hastorf, 2001), l’Intermédiaire Récent est divisé en deux phases :

- La première, située entre 800 et 1300 apr. J.-C., est caractérisée par le développement progressif de nouveaux villages (correspondant à des ensembles plus ou moins étendus de structures d’habitation à la forme circulaire typique, localisés le plus souvent sur les hauteurs).

- La seconde, dont l’origine est située aux alentours de 1300 apr. J.-C., se singularise par la formation de grandes agglomérations pouvant atteindre plus de 70 ha, et abriter plus de dix milles personnes (Earle, 1997 : 56). Dans le haut Mantaro, ces établissements gigantesques sont considérés comme les centres politiques de la région, à la tête de territoires densément peuplés.

Dans les Andes centrales, peu d’étude ont abouti à une telle résolution chronologique, si bien que la date de 1300-1350 apr. J.-C., proposée sur la base des recherches réalisées dans la vallée du Mantaro (D’Altroy, 2001 : 38), est souvent retenue afin d’opérer une division de l’Intermédiaire Récent (Covey, 2008).

Expliquons à présent les principales caractéristiques de cette période dans le contexte du développement socioculturel préhispanique. L’essor démographique et le peuplement étendu à l’ensemble des milieux andins sont sans doute les deux attributs les plus importants de cette époque dans les Andes centrales (Covey, 2008). Mais il demeure de nombreuses questions quant à la nature du paysage sociopolitique.

Ce qui est sûr c’est qu’avec ses villages typiques, composés de structures circulaires (le plus souvent), répandus dans l’ensemble des Andes centrales, le faciès archéologique de cette période est, du point de vue de l’habitat, sans doute le plus homogène de l’histoire préhispanique. Ces villages qui se ressemblent tous présentent, en outre, peu d’indices de stratification sociale (Covey, 2008). Signalons, par exemple, que les expressions d’architecture publique sont rares ; elles se limitent, lorsqu’elles existent, à de vastes places au cœur des établissements (Bonnier, 1997 ; D’Altroy, 2001). A ce sujet, il faut aussi souligner que, bien qu’il existe, parfois, des

différences dans la taille des unités domestiques18 et dans leur facture architecturale (De Marrais, 2001), ainsi que des disparités de consommation domestique (Hastorf, 1993)19, comme le remarque Earle (1997 : 61), tous les membres de la communauté vivent dans le même type de maison et les chefs n’apparaissent pas comme une classe sociale à part.

En revanche, l’interprétation de la configuration territoriale des espaces ethniques et de la structuration sociopolitique des groupes territoriaux demeure problématique. Le morcellement politique et le climat de conflit permanent qui sont, comme nous l’avons vu plus haut, deux aspects récurrents dans les sources ethnohistoriques sont souvent mis en avant dans les interprétations archéologiques (Arkush et Stanish, 2005 ; Arkush, 2009). Du point de vue archéologique, les settlement patterns20 typiques de l’Intermédiaire Récent semblent, en effet, traduire l’existence d’entités sociopolitiques, le plus souvent, peu centralisées et surtout peu étendues (Covey, 2008). Par exemple, même dans la région de Jauja où il existait une forte hiérarchisation des établissements, il semble aussi que l’extension territoriale des entités sociopolitiques était assez limitée (D’Altroy et Hastorf, 2001).

Quant à la question du fameux climat de conflit permanent de l’auka pacha, elle fait l’objet de vives polémiques (voir les discussions dans Arkush et Stanish, 2005). Nombreux sont ceux qui interprètent l’implantation des villages sur les points élevés du paysage comme un système d’occupation du sol visant à la protection de leurs habitants. De même, la présence, assez courante, de vestiges de murs d’enceinte et de tranchées sur les plus grands établissements (Lavallée et Julien, 1973 ; Parsons et al., 2000 ; Stanish, et al., 1997), est souvent interprétée comme l’aménagement d’un système de défense. A ce sujet, Arkush (2006 : 318) affirme que « durant l’Intermédiaire Récent, la plupart des régions montagnardes des Andes se trouvaient

dans une situation de conflit endémique, ayant bouleversé le mode d’occupation du sol, et qui devait avoir un impact fort sur la vie quotidienne des populations villageoises »21 exposées aux risques de raids et de pillages. Les raisons invoquées pour expliquer ce, soit disant, climat de tensions généralisées font aussi l’objet de spéculations. Par exemple, certains auteurs, comme Covey (2008), envisagent que le conflit pourrait s’être intensifié, au cours de cette époque, comme un mécanisme de régulation de la croissance démographique et de la rivalité pour les

18 Par l’expression « unité domestique », on entend ici un ensemble (au nombre variable, de deux à une petite dizaine) de structures d’habitat regroupées autour d’un patio. Les recherches montrent que ces groupes de structures devaient constituer l’habitation de familles plus ou moins étendues qui résidaient dans les villages typiques de l’Intermédiaire Récent (Lavallée et Julien, 1973 ; Bonnier, 2001 ; De Marrais, 2001).

19 Dans la région de Jauja, les chercheurs distinguent des unités domestiques élitaires, le plus souvent situées au cœur des plus grands établissements. Celles-ci sont, d’une manière générale, plus vastes et composées de plus de structures circulaires que les unités domestiques communes. Les structures circulaires présentent, également, une maçonnerie plus soignée et se regroupent autour d’un patio plus vaste. Par ailleurs, l’étude des déchets de faune montrent qu’on trouve les meilleures pièces de boucherie dans les sols des résidences supposées élitaires. Ces dernières concentrent également une plus grande proportion d’objet en métal. Il semble, toutefois, qu’il n’existe pas de différence notable au niveau du matériel céramique (D’Altroy et al., 2001).

20 Par l’emploi de l’expression anglaise « settlement pattern », nous nous référons spécifiquement, ici, au mode d’occupation du sol tel qu’il est traditionnellement conçu par les archéologues américanistes, c'est-à-dire comme « l’expression matérielle des

hiérarchies sociopolitiques et des différences sociales » (Willey, 1953 : 1). Cette perspective théorique a donné lieu à des

centaines de recherches qui font des relations spatiales et hiérarchiques entre les établissements préhistoriques le cœur des problématiques qui possèdent une échelle régionale (voir Kowalewski, 2008 : pour une synthèse historique et de nombreux exemples d’application ; et Stanish, 2001 : pour une revue bibliographique de l’étude des settlement pattern dans le contexte des périodes tardives andines).

21 Le texte original est le suivant : “In the hiatus period of the Late Intermediate period, endemic warfare afflicted much of the

andean highland, altered the settlement pattern dramatically and must have a great impact on people’s daily life.” (Arkush, 2006

ressources dans le contexte des épisodes de sécheresses de l’époque de réchauffement médiéval (voir supra, 1.2.4.1.2).

Comme nous pouvons le constater (sans même rentrer dans les détails), l’existence de conflit endémique et du morcellement sociopolitique forme une problématique omniprésente de l’archéologie de l’Intermédiaire Récent : raids belliqueux, guerre de conquête et/ou batailles rituelles ? Engagées pour des raisons économiques et/ou socioculturelles (possédant une forte dimension symbolique) ? Il s’agit là de questions complexes que nous ne saurions résumer ici en quelques lignes (voir la synthèse d’Arkush et Stanish, 2005). Mais, soulignons qu’il ne faudrait, toutefois, pas faire une place trop importante au phénomène belliqueux, tant, comme nous allons l’illustrer dans ce travail, l’interprétation des modes d’occupation du sol et de la présence de muraille pourrait être tout autre. Signalons d’ailleurs dès maintenant, que les signes de violences, qui constituent un thème courant de l’iconographie des grandes cultures andines comme wari, par exemple, sont apparemment absents des registres stylistiques de l’Intermédiaire Récent. Remarquons aussi que, d’un point de vue géopolitique, il est délicat de concevoir le bon fonctionnement des mécanismes socioéconomiques relatifs à la territorialité en réseau (aux territoires discontinus et morcelés) typique de l’époque préhispanique tardive (Murra, 2002[1975]), dans un tel climat de conflit endémique (bien que cette forme de territorialité et la guerre ne sont bien entendu pas exclusifs l’un de l’autre). Mais rien ne sert de prolonger cette discussion théorique ici ; nous l’approfondirons plus loin dans le contexte du CMVA, en montrant que l’occupation préférentielle des crêtes et des sommets ne possède pas forcément une dimension défensive, car il s’agit aussi d’un système d’occupation du sol bien adapté à l’articulation de la verticalité andine (voir infra, chap. 7).

Dans l’ensemble des Andes centrales, l’Intermédiaire Récent est donc une période dynamique de changements sociaux, culturels et écologiques (Covey, 2008 ; Arkush, 2006), dont les principales caractéristiques sont résumées dans le tableau 3.1, ci-dessous.

Principaux changements

constatés par rapport à l’Horizon Moyen

Implications sociales, écologiques et politiques

Changement climatique (voir supra, 1.2.4) : entrée dans la période de réchauffement médiéval (caractérisée par des conditions plus sèches et plus chaudes que durant l’Horizon Moyen)

> Décalage positif de près de 150 mètres de l’étagement écologique andin

> Importance accrue de l’eau provenant de la fonte des glaciers

Augmentation générale du nombre et de la superficie

des sites archéologiques > Croissance démographique

Changement radical du mode d’occupation du sol : abandon des sites de fond de vallée, pour

l’établissement de nouveaux villages dans les régions d’altitude et, en particulier, sur les crêtes des éperons montagneux.

> Morcellement sociopolitique (settlement pattern) > Changement de stratégie de subsistance

(diversification, économie agropastorale, microverticalité)

Nombreux vestiges de canaux, de terrasses de culture

et d’enclos > Maîtrise et exploitation intégrale des milieux andins

Tableau 3.1- Caractéristiques générales de la Période Intermédiaire Récente (1000-1440 apr. J.-C.)

Après cette introduction nécessaire à la période Intermédiaire Récente, nous reprenons le plan adopté depuis le début de ce chapitre et examinons, à présent, quelles sont les spécificités de l’Intermédiaire Récent dans la cordillère sud-orientale.

3.2.2.1.2- Le territoire chanka

Dans le chapitre précédent, nous avons vu que le territoire chanka, tel qu’il est décrit dans la plupart des sources écrites anciennes, correspond à la région d’Andahuaylas22. Il y a peu, la région a fait l’objet d’un projet de prospection systématique ayant couvert environ 300 km2, autour de la ville du même nom (Bauer et Kellet, 2010). Près de deux cent sites identifiés sont attribués à la période Intermédiaire Récente. Une dizaine de dates radiocarbones situent, plus précisément, leur occupation entre le 10 et le 13ème siècle. On trouve sur l’ensemble de ces sites une céramique caractéristique qui, d’après Bauer, est « mal faite et présente peu d’uniformité ou

de standardisation dans ses décors et les formes des récipients »23. Sa pâte est généralement de couleur claire et présente souvent un engobe orange ou noir. La peinture employée pour les décors est très diluée et se caractérise par l’emploi de couleurs ternes. Les motifs sont exécutés avec peu de soin ; les plus récurrents sont composés de lignes ondulées et de réticules. Il est également courant de trouver de petits visages modelés sur le col des récipients (ibid.).

Sur le plan architectural, les sites chanka exhibent des ensembles de structures circulaires, de terrasses et des patios, qui composent des établissements résidentiels, typiques de l’époque préhispanique tardive. La région est dominée par deux grands sites (s’étendant sur près de 15 ha), établis sur les crêtes de deux contreforts de massifs montagneux situés de part et d’autre de la vallée du Chumbao. De par leur taille et leur localisation, ils pourraient avoir constitués les centres politiques de la région où, pour le reste, sont établis de nombreux villages, plus ou moins étendus, dispersés dans les divers étages écologiques. D’une manière générale, les plus grands sites sont localisés sur les hauteurs et d’autres, plus petits, plus bas à l’étage écologique quechua. D’après Bauer, il n’existe pas d’indice de planification des établissements résidentiels ni de distinction sociale possible entre les unités domestiques. Les aménagements « défensifs » se limitent à de simples tranchées restreignant l’accès au trois plus grands sites de la région. Pour Bauer (ibid.), l’occupation préférentielle des zones d’altitude reflète plutôt d’un changement de système de subsistance, en réponse au grand épisode de sécheresse des alentours de la fin du premier millénaire (Chepstow et al., 2003), qu’un mode d’implantation conséquent d’un climat de tensions généralisées. Sur le plan politique, il remarque, enfin, que « les données

archéologiques ne semblent pas refléter la forte unité politique que mentionnent les

22 Notons toutefois que les archéologues d’Ayacucho, se fondant sur l’extrapolation de Garcilaso que nous avons expliqué plus haut (voir supra, chap. 2), désignent généralement l’archéologie de l’époque préhispanique tardive de leur région comme « archéologie chanka » (Lumbreras, 1959 et 1974b ; Gonzalez Carré et al., 1987 ; Gonzalez Carré et al., 1988 ; Gonzalez Carré,1992). Or, l’ensemble de ces publications ne traitent pas ou très peu d’Andahuaylas, si bien que nous ne développons pas ici. Signalons, tout de même, que le paysage archéologique tardif d’Ayacucho présente un grand nombre de villages typiques de l’Intermédiaire Récent. Quatre styles céramiques ont été définis. Nous y faisons référence dans le sixième chapitre.

23 Le texte original dont il est fait mention est le suivant : « the local ceramic of the Chanka phase are poorly made and there is

chroniques »24, lorsqu’elles se réfèrent aux puissants rivaux des Inkas de Cuzco (voir supra, chap. 2).

3.2.2.1.3- Le pays kichwa

Comme nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent, le territoire du groupe ethnique

Kichwa devait se situer entre le Pachachaka et l’Apurimac. A notre connaissance, il n’existe

aucun établissement, typique de l’Intermédiaire Récent, connu dans la riche vallée agricole d’Abancay25. En revanche, la vallée de Curawasi, qui, selon les sources historiques, devait constituer le cœur du pays kichwa, était bien peuplée : aujourd’hui, il existe plusieurs vestiges de petits villages dispersés dans la vallée, depuis la puna du col Soqllaqasa jusque sur le promontoire San Cristobal qui domine la ville de Curawasi et offre un vaste panorama sur le CMVA (Araoz, 2005a et 2005b). D’après Araoz (com. pers., 2010), la céramique associée à ces sites d’habitat possède de nombreuses similarités avec la céramique chanka d’Andahuaylas.

Au-delà de l’Apurimac, dans la vallée de Limatambo, Heffernan (1996a) a identifié seize petits établissements de l’Intermédiaire Récent. Ceux-ci se concentrent aux limites supérieures et inférieures de l’étage écologique quechua et ne présentent aucune trace d’aménagement défensif. On y trouve une céramique apparentée à Killke, désignée Qopa B26.

3.2.2.1.4- Cuzco et la formation de l’état inka

A Cuzco, la période Intermédiaire Récente est celle de la formation de l’Etat inka avec la fédération progressive des groupes ethniques peuplant la région. Ce processus long et complexe, que nous synthétisons ci-dessous, contraste avec la vision mytho-historique inka qui explique l’apparition soudaine de l’état avec l’avènement de Pachakuti (Bauer, 1992).

Au début du second millénaire, la région est occupée par plusieurs groupes ethniques installés à Cuzco et dans les vallées environnantes (Anta, Urubamba, Lucre et Paruro, notamment). Chacun de ces groupes, qui sont mentionnés dans les chroniques, possèdent, du point de vue archéologique, une organisation sociale, un territoire et une culture matérielle distincte. Leur complexité sociopolitique est variable. Les régions du nord et du sud sont

24 La citation originale dont il est fait mention est la suivante : « Our field work suggests that the Chanka may not have been as