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1.2.3 LA MOSAÏQUE ÉCOLOGIQUE DU CMVA

1.2.3.4. c Commentaires sur la carte 1

La carte 1.5, qui illustre l’agencement de la mosaïque écologique de l’aire d’étude, mérite quelques commentaires. Il s’agit d’une modélisation élaborée par l’ONERN (1976), où la distribution des « zones de vie », théoriques, est fonction de la latitude et de l’altitude. La délimitation des écozones est approximative : d’une part, car les géofaciès évoluent en permanence en fonction de l’impact et des aménagements anthropiques et d’autre part car, la modélisation ne rend pas bien compte des zones de transition qui fusionnent les caractéristiques des milieux voisins. Mais, en l’absence d’une étude intégrale du couvert végétal par télédétection56, initiative dépassant les limites de notre recherche, cette carte reste néanmoins, malgré ses défauts et ses simplifications, l’outil le plus précis pour étudier la relation de l’occupation humaine préhispanique dans son contexte géo-environnemental.

Ayant réalisé une description détaillée des milieux du CMVA, il convient d’évaluer la pertinence de ces informations pour notre recherche archéologique. Nous faisons donc,

55 L’évaluation approximative des superficies couvertes de forêt repose sur le traitement d’images satellites Landsat ETM+ datés des années 2000 et 2001.

56 Compte tenu de la taille de la zone d’étude et de la grande diversité de géofaciès en présence, il s’agit là d’un travail qui dépasse largement le cadre de cette thèse. Bien qu’aujourd’hui l’existence de puissants logiciels de télédétection facilite ce type d’étude, le caractère particulièrement accidenté du relief et la présence de nuages sur les images disponibles ont constitué un frein à notre initiative. Parmi les difficultés rencontrées, signalons, par exemple, les problèmes posés par l’exposition différentielle des versants (impliquant des jeux d’ombres complexes) qui empêche le traitement global des signaux colorimétriques.

maintenant, un état des lieux des connaissances sur l’histoire du climat, afin de cerner quel pouvait être l’environnement à l’époque préhispanique.

1.2.4- CLIMAT & ENVIRONNEMENT A L’EPOQUE PREHISPANIQUE

La vision d’ensemble de l’histoire climatique de la cordillère orientale des Andes Centrales repose sur les résultats des études des glaciers Huaytapallana et Quelccaya57. Dans l’état actuel des recherches, il n’existe pas de données spécifiques sur les climats préhispaniques du CMVA, mais les recherches en cours menées par Chepstow sur les sédiments de la lagune de Marcacocha, localisée (à 3355 m d’altitude dans la vallée de Patacancha, en amont d’Ollantaytambo) non-loin de notre aire d’étude, livrent des informations exploitables. L’étude des sédiments de Marcacocha couvre, en effet, les derniers 4000 ans58 et ses résultats concernent non seulement l’histoire du climat, mais aussi celle des aménagements anthropiques du milieu (Chepstow et al., 2009). Ils nous permettent donc de dresser l’ébauche d’un contexte historico- climatique.

1.2.4.1- Contexte historico-climatique

1.2.4.1.1- 2000 av. – 1000 apr. J.-C.

Après avoir expérimentés une longue période sèche depuis le retrait des grandes glaciations du Pléistocène final59, les Andes connaissent un profond changement climatique au cours du troisième millénaire avant notre ère. Dès lors, il semblerait que le climat soit relativement proche des conditions actuelles (Chepstow et al., 2004 : 25).

A Marcacocha, les deux derniers millénaires avant notre ère (2000 av. J.-C. - 100 apr. J.- C.) sont caractérisés par un paysage anthropique ouvert. Le quinoa (Chenopodium quinoa) paraît avoir été le principal cultigène. Quant au maïs (Zea mays), ses pollens sont très rares et ne font leur apparition qu’à partir de 600 av. J.-C. Notons que le faciès botanique recèle une grande proportion d’herbacées, si bien que les environs de la lagune pourraient avoir été utilisés comme pâturage pour camélidés (Kendall et Chepstow, 2006 : 188). Par ailleurs, Chepstow signale quatre périodes de sécheresse centrées autour de 1500 av. J.-C., 900 av. J.-C., 500 av. J.-C. et 100 apr. J.-C.60.

57 La montagne Huaytapallana est localisée dans la vallée du Mantaro (12e parallèle). Les moraines de son glacier ont été étudiées par Seltzer et Hastorf (1990). Quant au Quelccaya, cette montagne est située dans la cordillère de Carabaya à mi-distance entre Cuzco et le lac Titicaca (14e parallèle). Sa calotte glaciaire a été analysée par Thompson (1995), sur la base de deux carottes extraites dans les années 1980. Ces carottes permettent de mesurer l’accumulation annuelle de glace, dont on déduit les taux de pluviométrie. L’analyse des isotopes d’oxygène pris dans la glace permettant, pour sa part, de déterminer les variations de températures (la présence de poussières constitue un marqueur complémentaire). Les données du Quelccaya couvrent les derniers 1500 ans.

58 La séquence de Marcacocha est établie sur cinq datations radiocarbones (Chepstow et al., 2003 : 497)

59 D’après les études des moraines du glacier du Huaytapallana, il semble que le retrait des glaces se soit produit progressivement entre 12000 et 8000 BP (Seltzer et Hastorf, 1990).

60 Chepstow (et al., 2003) utilise les pics de pollens de plantes herbacées de la famille des carex (Cyperaceae spp.) comme marqueur de sécheresse.

Quant au premier millénaire, il est caractérisé par un climat froid qui limitait sans doute la mise en culture des zones d’altitude (entre 200-900 apr. J.-C.). Les précipitations étaient importantes. A cette époque, les alentours de la lagune Marcacocha étaient couverts d’herbacées (Chepstow et. al., 2007). Deux périodes de forte sécheresse surviennent aux alentours de 600 et 1000 apr. J.-C., respectivement.

1.2.4.1.2- 11 – 16ème siècle

Bien documentée dans le monde entier, la Période de Réchauffement Médiéval s’étend entre environ 1000 et 1490 apr. J.-C. dans la cordillère orientale. D’après l’étude des strates de glace du glacier Quelccaya, il semble cette période de réchauffement soit associée à une forte baisse de la pluviométrie (Thompson et al., 1985). Notons que le réchauffement implique la fonte des eaux des glaciers et donc un développement considérable du réseau hydrographique. Il entraine aussi une variation positive de près de 150 m du gradient climatique et, par conséquent, de l’étagement écologique (Seltzer et Hastorf, 1990). A titre d’exemple, citons Chepstow (et al., 2004 : 28) pour qui, en raison du réchauffement, « il est possible que l’aménagement de systèmes

de terrasses de culture et de canaux ait débuté durant cette période, car les pentes de la vallée Patacancha étaient devenues trop prisées pour continuer à être exploitées comme pâturage. »61.

Autre phénomène mondial, le Petit âge glaciaire s’étend, dans la région, entre environ 1490 et 1880 apr. J.-C., d’après les données du Quelccaya. Bien que l’entrée dans le Petit âge glaciaire soit caractérisée par un changement climatique radical, il semble que les effets du refroidissement ne soient pas encore très prononcés au cours du 16ème siècle (Chepstow et al., 2004).

1.2.4.2- Commentaires

Ce travail concerne, en premier lieu, l’époque préhispanique tardive (11-16ème siècles) qui correspond à la période de réchauffement médiéval. A cette époque, les montagnes andines bénéficiaient de bonnes conditions climatiques pour les pratiques agricoles. Les chercheurs les plus optimistes envisagent que les páramos d’altitude étaient cultivables jusqu’à près de 4300 m (Schoenwetter dans Lavallée et Julien, 1973 : 50) 62.

Bien qu’il s’agisse d’une période assez sèche, la faible pluviométrie devait être compensée par la fonte des glaciers qui alimentait de façon régulière les zones de cultures des versants de Vilcabamba et de l’Ampay. En raison des faibles précipitations, les vallées et

quebradas alimentées par l’eau de la fonte des glaciers étaient sans doute des zones de cultures

privilégiées. En fait, il est envisageable qu’il ait existé, durant cette période de réchauffement, une sorte de ségrégation des terres cultivables. Par exemple, la région du massif d’Hatun Urqu

61 La citation originale dont il est fait mention est la suivante : “It may also be suggested that the slopes of the Patacancha valley

became too valuable to be used for camelid pasture during this period. It is plausible that many of the slopes in the valley were first formally terraced at this time and that the construction of irrigation canals had begun as well (Chepstow et al., 2004 : 28)”

62 Dans le cadre du projet Asto, Schoenwetter identifia des pollens de plantes sauvages de la famille des Astéracées dans un contexte archéologique localisé à près de 4300 m et daté des premiers siècles du second millénaire de notre ère. Aujourd’hui, la limite supérieure de développement des Astéracées se situe aux alentours des 4000 m.

qui ne possède pas de glacier se trouvait peut-être défavorisée en comparaison des régions de la cordillère de Vilcabamba où l’eau des glaciers était abondante.

L’état embryonnaire des connaissances sur l’histoire climatique de la région doit toutefois inciter à la prudence lors de l’intégration des données climatiques aux explications des processus archéologiques. En effet, les données disponibles sont non seulement peu nombreuses, mais aussi de portée très générale ou très localisée63. Pour conclure, il faut souligner que les conditions de la période de réchauffement que nous vivons sont plus ou moins comparables à celles de la Période de réchauffement médiévale et que, par conséquent, les inférences issues des observations actuelles possèdent donc une certaine validité pour l’étude du contexte environnemental de l’occupation préhispanique tardive.