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BILAN DE LA PREMIERE PARTIE Résumé et questions soulevées

L’archéologie de la cordillère sud-orientale : bilan des connaissances

3.4.4 LA VALLÉE DE L’APURIMAC EN AVAL DE CHOQEK’IRAW

A. BILAN DE LA PREMIERE PARTIE Résumé et questions soulevées

La première partie de ce travail, développée en trois chapitres, avait pour objectif de dresser le cadre de recherche.

Dans le premier chapitre, nous avons pris la mesure de l’espace montagnard aux caractéristiques géographiques extrêmes, que forme le CMVA : une vallée au dénivelé avoisinant cinq mille mètres, un relief abrupt couronné de cimes éternellement enneigées ; le tout dessine un paysage unique dans les Andes. De telles mensurations géographiques soulèvent plusieurs questions relatives à l’occupation humaine d’un tel milieu : comment pouvait s’organiser le peuplement dans un tel espace ? Comment exploiter cette mosaïque écologique dont la diversité fait la principale richesse ? Comment de tels paysages étaient vécus et perçus par les communautés paysannes qui l’habitaient et par les Inkas qui en firent le théâtre d’un leurs plus ambitieux ouvrages architecturaux ?

Le premier chapitre ouvre plusieurs pistes de recherche concernant ces questions. Ces pistes reposent sur :

- une sorte de « déconstruction » des paysages de la vallée que nous avons opérée afin d’en cerner les détails physiographiques et environnementaux. Cette démarche nous a permis de dresser un zonage du CMVA qui forme le cadre géographique de notre approche régionale sur le paysage archéologique, ainsi que la base de nos analyses de la spatialité du peuplement préhispanique.

- une somme d’observations (fondées sur l’ethnographie et l’ethnohistoire) relevant du domaine de l’écologie culturelle. Cette approche « ethnoarchéologique » se justifie ici pleinement, tant les héritages préhispaniques sont tangibles dans les modes de vie paysans actuels et omniprésents dans leur paysage (réutilisation des champs, des enclos, des chemins, etc.). A cela, il faut ajouter que le CMVA forme un milieu où la nature, de par son relief notamment, impose, aujourd’hui comme hier, les mêmes conditions montagnardes radicales à ses habitants.

Dans les chapitres 2 et 3, nous avons réalisé la revue des données ethnohistoriques ainsi que l’état des lieux des connaissances archéologiques sur la cordillère sud-orientale et plus spécifiquement sur Choqek’iraw et la vallée de l’Apurimac. D’une manière générale, les visions ethnohistoriques et archéologiques sont assez concordantes.

A l’époque inka, le CMVA formait une sorte d’espace intermédiaire entre les provinces

chanka et kichwa du Chinchaysuyu, d’une part, et les domaines royaux de la cordillère de

Vilcabamba, d’autre part.

Les informations concernant l’Intermédiaire Récent sont bien plus rares. Dans l’ethnohistoire, la plupart des données relèvent des mythes inkas qui expliquent le développement de l’hégémonie politico-culturelle cuzquénienne sur la cordillère sud-orientale. Quant au paysage archéologique de cette époque, il est composé d’une myriade de villages dont le nombre et la dispersion traduisent l’importance démographique des sociétés paysannes qui habitaient cette vaste région comprise entre Andahuaylas et Cuzco, même s’il demeure de nombreuse inconnues relatives à leur affiliation ethnique et à leur organisation territoriale.

Ces deux regards complémentaires, ethnohistorique et archéologique, nous ont permis de façonner une solide introduction sur l’histoire préhispanique de Choqek’iraw et du CMVA. Mais ils soulèvent aussi plusieurs questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans la suite de ce travail.

En ce qui concerne l’époque inka, il subsiste de nombreuses inconnues au sujet de l’étendue du domaine royal de Choqek’iraw et à son rayonnement régional. En dehors du domaine inka, on ne mesure d’ailleurs pas bien quelle était la densité et la nature du peuplement de la vallée de l’Apurimac et de la cordillère de Vilcabamba. Quant au peuplement pré-inka, les informations demeurent très sporadiques. Les recherches ponctuelles, réalisées jusqu’à maintenant, qui signalent la présence de manifestations culturelles non-inkas dans le CMVA, n’ont pas permis de définir, avec précision, l’identité socioculturelle des populations installées dans la vallée, ni d’ailleurs l’ancienneté de leur établissement. Il n’existe, en particulier, aucune information concrète concernant leur possible affiliation avec les Chanka, Kichwa ou autres groupes ethniques supposés peupler la région. En bref, on doit constater, qu’alors que les dernières études ont livré les premières informations de caractère scientifique sur Choqek’iraw, aucune hypothèse étayée de données de terrain n’a été développée concernant le contexte régional du site1.

C’est pour tenter de répondre à ces questions et de combler ce silence archéologique que nous avons entrepris une approche régionale visant à déterminer la nature et l’histoire du peuplement du CMVA2. Pour mener à bien cette étude, nous avons réalisé une série de reconnaissances, entre 2006 et 2007, dans certaines zones spécifiques de cette vaste région au

1 La dimension géopolitique de Choqek’iraw a été abordée, de manière ponctuelle, par Bingham (1910), Samanez et Zapata (1995), et par Lecoq (2008). Ces auteurs ne disposaient, toutefois, pas de données de terrain suffisantes pour traiter cette problématique de façon approfondie.

2 Rappelons que l’origine de notre étude est liée aux recherches dirigées par Lecoq sur l’ancienneté et la nature de l’occupation de Choqek’iraw. C’est, en effet, d’un commun accord avec lui que nous avons décidé d’entreprendre des reconnaissances archéologiques dans la vallée de l’Apurimac, ceci afin de développer un contexte régional sur l’histoire de Choqek’iraw. Cela étant dit, le développement de notre recherche et l’acquisition d’abondantes données de terrain inédites, nous ont amené, au fur et à mesure, à adapter un angle d’étude plus vaste, dans lequel la région (le CMVA) forme désormais l’objet fondamental. Signalons également que dans le même temps et de façon complémentaire, Lecoq entreprit la reconnaissance archéologique de la basse vallée du Pampas, toute proche de notre aire d’étude. Il réalisa trois missions de terrain en 2007, 2008 et 2010 dans une grande région comprise entre Chungui et la confluence du Pampas avec l’Apurimac.

paysage archéologique méconnu. Nous en exposons, dans la deuxième partie de ce travail, le déroulement et les résultats.

CHAPITRE 4