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REY Frédéric 1 , SINOIR Nicolas 1 , WOHRER Jean 2 , TOURET Claire 3 , MAZOLLIER Catherine

1 ITAB, 149 rue de Bercy, 75595 Paris cedex 12 ; 2 GNIS, 3 FNAB, 4 GRAB Contact : Frederic.Rey@itab.asso.fr

Résumé : Une vaste étude conduite entre 2010 et 2012 a permis de dresser un état des lieux de la semence biologique en France. Des freins et leviers ont été identifiés, ainsi que les principales attentes des utilisateurs et ce, pour les cultures de céréales, de fourragères et de potagères. Un plan d’action a été élaboré par un large panel d’acteurs clés.

Mots-clés : semences biologiques, céréales, potagères, freins, plan d’action Projets dans lesquels s'intègrent les travaux :

Programme de la Commission Semence ITAB (2007-2020)

Projet européen SOLIBAM (Strategies for Organic and Low-input Integrated Breeding and Management), KBBE FP7, 2010-2014 Projet Casdar Semences et Plants bio (projet 2011, piloté par l'Agence bio)

Partenaires impliqués : ITAB, GNIS, FNAB, GRAB

Contexte

Le règlement européen de l’Agriculture Biologique (CE) n° 889/2008 impose que "les semences et matériels de reproduction végétative utilisés par les producteurs bio doivent être biologiques". Il prévoit que des dérogations pour des semences conventionnelles non traitées soient possibles dans certains cas. Bien que l’offre en semences bio tende à se développer ces dernières années, elle reste insuffisante en quantité et en diversité pour réponde aux diverses attentes des utilisateurs.

Objectifs et enjeux du travail de recherche

Les agriculteurs biologiques sont confrontés à de nombreux facteurs limitants et recherchent des semences et des variétés adaptées mais aussi adaptables à leurs différents systèmes et environnements. L’objectif final est de faire progresser l’ensemble des systèmes vers la qualité, les performances, la stabité de ces performances, dans une optique de développement durable. Démarche scientifique

Dans le cadre du projet européen SOLIBAM, une première enquête téléphonique a été menée en 2010 par l’ITAB auprès d’un large pannel d’acteurs des filières grandes cultures et potagères biologiques (conseillers, expérimentateurs, OP, coopératives…). Ces données ont été complétées en 2011 par diverses sources statistiques (ex. GNIS, Coop de France) ainsi que par des enquêtes quantitatives via Internet, auprès de l’ensemble des opérateurs français notifiés en AB. Avec près de 20% des opérateurs de chaque filière ayant répondu aux enquêtes, les résultats sont représentatifs. Ce travail a notamment impliqué l’Agence Bio, l’ITAB, le GNIS, le GRAB et la FNAB.

Acquis scientifiques

Nous avons montré, par cette vaste étude, que les pratiques des agriculteurs et leurs besoins en termes de semences sont étroitement liés à trois facteurs : structure de leur ferme (plus ou moins diversifiée), type d’utilisation attendu fortement lié aux circuits de distribution pour les cultures de ventes et contexte pédoclimatique. Ces facteurs conditionnent les systèmes de production et ont un impact significatif sur les superficies cultivées, les types de variétés utilisées (variétés anciennes, locales ou modernes), le nombre d'espèces et de variétés, ainsi que sur les attentes des acteurs pour l'avenir.

L’offre et l’utilisation des semences biologiques se sont améliorées entre 2009 et 2011 (Figure1). La grande majorité des producteurs biologiques utilise volontiers des semences biologiques avec, en moyenne, une part comprise entre 45 et 70% pour les cultures de céréales, et entre 75 et 100% en maraichage (Figure 2). Toutefois, le nombre total de dérogations reste élevé en France : une marge de progrès est possible pour améliorer l’offre et l’utilisation des semences biologiques. Des freins et leviers ont été identifiés, ainsi que les principales attentes des utilisateurs et ce, pour les cultures de céréales, de fourragères et de potagères. Ce travail a débouché sur un plan d’action dont la mise en œuvre devra être suivie de près. L’ensemble du secteur de l’AB dépend du développement d’une offre en semences biologique large et adaptée.

Figure 1. Evolution des surfaces de multiplication de semences en AB pour quelques espèces agricoles, 2007-2011, France (GNIS - Coop de France, 2011)

Figure 2. Part d’utilisation des semences potagères biologiques (ITAB, 2011)

Impact des résultats / applications / résultats opérationnels

Plusieurs facteurs limitant l'offre et l’utilisation de semences biologiques ont été identifiés, parmi lesquels on peut citer :

i) Un investissement faible (au niveau public et privé) dans la sélection végétale pour l’AB et dans la production de semences biologiques.

ii) Un modèle économique à inventer : 1) pour financer une sélection spécifique, l’évaluation et l’inscription au catalogue officiel des variétés pour l’AB ; 2) pour rentabiliser les coûts de production, qui sont plus élevés que pour la production de semences conventionnelles en raison de rendements plus faibles en AB (ex. 50% de moins pour le blé ou le maïs), d’un marché encore réduit et fragmenté ("tragédie de petit lots"). Ceci implique également : un surcoût des semences bio par rapport aux semences non traitées (en moyenne de 30 à 100% selon les espèces) ; un manque de disponibilité en variétés adaptées, en particulier pour les cultures fourragères et quelques espèces potagères (principale raison évoquée dans les demandes de dérogation). Cela est dû à deux raisons principales : des difficultés de multiplication pour certaines espèces et le choix stratégique de certaines entreprises semencières qui ne veulent pas multiplier en bio certaines de leurs variétés phares.

iii) Une connaissance partielle des besoins et des attentes des agriculteurs biologiques.

iv) Les attitudes négatives à la fois chez certains producteurs (par exemple, 10% des producteurs de légumes biologiques ne sont pas convaincus de l’intérêt des semences biologiques), du blocage socio-technique de plusieurs types d’acteurs imbriqués du producteur au metteur en marché, notamment sur certains circuits longs et/ou à certains distributeurs de semences et de certaines compagnies semencières en particulier obtentrices (qui sont peu enclines à produire des semences biologiques).

v) Des exigences réglementaires fortes, voire contraignantes. Les semences biologiques doivent se conformer à une double réglementation : une obligation de moyens (le cahier des charges de l’AB) ainsi qu’une obligation de résultats (qualité des semences, agrément des lots). Par ailleurs, il y a un manque de règles spécifiques et adaptées pour l’inscription de variétés pour l’AB. Enfin, une relative "souplesse" dans l’application de la réglementation relative aux semences biologiques dans certains pays d’Europe du sud n’incite pas les sociétés des semences à développer leur offre en semences bio (ex. : poivron : gros marché en Espagne).

Plan d’actions

À l’issue du travail d’analyse des pratiques et d’identification des principaux freins au développement des semences biologiques, plusieurs propositions d’action ont été formulées. Ces propositions émanant d’un large panel d’acteurs ont été regroupées en quatre

volets (statistique, économique, technique et réglementaire) et ont été reprises lors de la réunion finale du projet Casdar piloté par l’Agence Bio le 21 mai 2012.

Volet données statistiques & analyses

1) Pour faire suite au travail d’analyse des dérogations, il est proposé de demander au GNIS (courrier) d’organiser une réunion de concertation avec les obtenteurs pour discuter de l’opportunité de produire/faire produire en bio les variétés très demandées mais actuellement non disponibles en AB. Volumes à identifier pour montrer le développement du marché et susciter l’intérêt.

2) Poursuivre à intervalle régulier (2-3 ans ?) le travail d'analyse des dérogations, publier des statistiques. Volet économique

3) Prise en charge financière du risque (aide spécifique à la multiplication de semences bio ? Aide à la conversion / maintien pour les agriculteurs multiplicateurs ? Soutien à des investissements spécifiques comme les serres ?). Expertiser ces possibilités par rapport au second pilier de la PAC.

4) En vue d’atténuer les coûts de maintenance variétale, des aides à la sauvegarde du patrimoine végétal pourront être mises en place, en mobilisant notamment le second pilier de la PAC. D’autres mesures de soutien public permettront de ramener au plus bas possible les frais d’enregistrement des variétés destinées à l’AB.

5) Développer, pour d’autres espèces (pois, luzerne, pomme de terre, par ex.), la concertation en groupes bio inter-professionnels au GNIS, à l’instar de ceux existants en céréales et maïs.

6) Lancer une campagne de communication à destination de la chaîne (grossiste, distributeur) et des pépiniéristes. Préparer un argumentaire sur l’intérêt de la semence biologique.

Volet technique : recherche, développement, formation

7) Renforcer et soutenir les programmes de sélection pour ou en bio. Déterminer les stratégies de sélection les plus efficaces pour l’AB et le "faibles intrants", définir des critères de sélection spécifiques.

8) Valoriser les expériences réussies (ex. témoignages) et développer les actions de formation (continue ou initiale).

9) Faciliter la mise en relation entre semenciers et agriculteurs-multiplicateurs (via FNAMS, FNAB et formations). Identifier les compétences (ex-multiplicateurs qui sont passés en bio).

10) Relancer et renforcer les programmes de recherche et d'expérimentation et autres actions techniques sur la multiplication des semences bio.

11) Poursuivre les essais de criblages variétaux en réseau, coordonnés par l’ITAB, et élargir le criblage à d’autres espèces. Pérenniser les financements : rencontrer FranceAgriMer.

Volet réglementaire

12) Dispenser de demandes de dérogation les mélanges de fourragères commercialisés contenant plus de 60% de semences biologiques en volume.

13) Réaffirmer le soutien au plan d'action "Semences et agriculture durable". Créer un cadre juridique spécifique adapté concernant i) la commercialisation de semences population hétérogènes, ii) la gestion dynamique in situ à la ferme de la biodiversité cultivée dans un cadre collectif.

14) Formuler des propositions réglementaires répondant aux besoins de l’AB, à l’échelle européenne via Eco-PB et IFOAM-UE, dans le cadre de "Better-Regulation" (mise à plat de la réglementation sur la commercialisation des semences et des plants en Europe).

Perspectives

À partir de cet état des lieux sur “la semence biologique en France”, de l’identification de freins d’ordres techniques, économiques et réglementaires, plusieurs propositions d’actions ont été formulées pour y remédier. Il conviendra de veiller à leur mise en oeuvre et à leur suivi. L’ensemble du secteur de l’AB dépend du développement d’une offre en semences biologique large et adaptée. C’est aussi une première étape vers des programmes de sélection spécifiques.

Pour en savoir plus

Alter Agri n°111, Dossier Semences et Plants biologiques (http://www.itab.asso.fr/publications/archives-semences.php)

Session "Semences et sélection" Présentation orale

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