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B et leurs conséquences syndicales

A- Les forces en présence

a- La première réaction du syndicalisme enseignant à la scission confédérale

Comme lřindique postérieurement Paul Delanoue, personne « ne prévoyait que quelques semaines » après le congrès de la FEN de 1947 arrivent « les rudes affrontements de la scission syndicale. »117 Dřautant que les directions du SNI et de la FEN sřopposent fermement aux préparatifs de scission. Didier Sapojnik explique quřAdrien Lavergne intervient dans ce sens devant la réunion des groupes FO du 18 et 19 décembre 1947, qui décide de la rupture, mais que lřimpact de son discours est « annihilé par lřintervention faite dans la matinée par un membre du SNES, Pierre Giraud, qui au nom des groupes FO de lřEducation nationale, a demandé la scission immédiate. »118

Prudentes, les premières réactions des syndicalistes enseignants témoignent du désir de prendre le temps dřévaluer la situation, ses risques, et les rapports de force. Le premier souci des dirigeants semble être de limiter les conséquences de la scission. Le jeune militant unitaire André Drubay estime quřà lřépoque prévalaient dans son esprit « deux exigences : lřexigence unitaire et lřexigence dřefficacité. » Le SNES et la FEN sont engagés dans la bataille du

114 EL nº 21, 15 septembre 1946.

115 EL nº 5, 30 octobre 1947.

116Par exemple, la section SNI du Puy-de-Dôme publie en février 1948 le compte-rendu intégral des débats de

l’AG consacrée à la scission SNI, Section du Puy-de-Dôme, Bulletin mensuel, nº 31, février 1948.

117 DELANOUE Paul [sous la direction de], Le mouvement syndical des enseignants, op. cit. in ROCHE (P.),

Les Instituteurs communistes, op. cit. - Tome II - p. 101.

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reclassement. « Cřest pourquoi il paraissait vraiment catastrophique que le mouvement syndical se scinde, car à ce moment-là il nřaurait plus pu peser de la même manière pour obtenir la réalisation du reclassement. »119

Le premier syndicat national important à réunir sa direction est le SNES, le 22 décembre. La discussion de sa commission exécutive montre que « les positions étaient loin dřêtre tranchées », selon Danielle Pouzache et Alain Dalançon120. Cela sřexplique par la position inconfortable des réformistes enseignants dans Force Ouvrière et par la particularité des débats internes au SNES, moins tranchés et idéologiques que dans le SNI. Des dirigeants influents du SNES se prononcent pour rejoindre Force Ouvrière, dřautres penchent déjà pour lřautonomie, les unitaires se battent pour rester à la CGT. Ils trouvent néanmoins un accord unanime autour de motions prévoyant que les syndiqués restent unis dans leur syndicat jusquřau congrès extraordinaire convoqué. La réunion décisive est celle du conseil national du SNI, le 28 décembre. Le débat débute entre Paul Delanoue et Marcel Valière, selon un schéma rituel depuis la Libération. Didier Sapojnik estime que « chacun attend avec curiosité que les majoritaires fassent connaître leur avis puisque cřest cela qui sera déterminant : or ceux-ci restent absolument silencieux »121. En effet, Henri Aigueperse consulte la base, et constate rapidement quřelle ne se prononce pas pour FO, sauf quelques sections, comme celle de la Manche.

Le CN vote à lřunanimité une motion, publiée à la place de lřéditorial de L’Ecole Libératrice, en gros caractères pour marquer son caractère exceptionnel : le CN « Donne mandat au Bureau national :

1) dřentreprendre immédiatement une étude objective et précise sur les possibilités qui sřoffrent à notre organisation en face du problème de la scission ;

2) dřorganiser sur le plan national une consultation qui permettra à chaque syndiqué de faire connaître sa position précise. »122

On prévoit donc un débat pour statuer, sans précision de forme. Les attendus de la motion insistent sur le « danger que présenterait à lřheure actuelle lřéparpillement de nos forces syndicales ». Mais sřil est aisé de refuser la scission syndicale, il lřest moins de préciser quel niveau de structure compte le plus. Les unitaires estiment que lřéchelon confédéral est aussi important que les échelons syndicaux et fédéraux, quitter la CGT est pour eux un acte scissionniste. Les réformistes hostiles à Force Ouvrière privilégient lřéchelon du Syndicat national et de la FEN, pour eux être scissionniste, cřest diviser cet échelon, comme cela se

119 Entretien avec André Drubay, 1994.

120 POUZACHE Danielle et DALANCON Alain, « Le SNES et le choix de l’autonomie », op. cit. Ŕ p. 5. 121SAPOJNIK Didier, « La Fédération de l’Éducation Nationale choisit l’autonomie », op. cit. - p. 27 122EL nº 12, 31 décembre 1947.

produit dans les autres milieux qui se divisent en syndicats affiliés à la CGT et à FO.

Quelles forces cite lřappel du SNI ? On ne trouve aucune référence à la CGT, tandis quřil évoquée « la nécessité impérieuse de sauvegarder avant tout lřunité du Syndicat national et de la Fédération de lřEducation nationale. » Didier Sapojnik estime que comme « toutes les motions votées à lřunanimité, elle est évidemment ambiguë et peut être interprétée de différentes façons, mais elle a pour effet principal de bloquer toute tentative de désintégration et dřéclatement du SNI. »123 Dans quel sens vont jouer ces ambiguïtés ?

Les dirigeants unitaires en votant la motion, souhaitent gagner du temps. Ils ont besoin dřun débat approfondi pour convaincre les syndiqués, puisque leur position minoritaire dans lřappareil les affaiblit en cas de décision rapide. Ils songent également à saper Force Ouvrière : le refus de rejoindre immédiatement la nouvelle confédération de la part du SNI est de nature à limiter la dynamique de la scission. Leur principal objectif est donc de prouver aux syndiqués hésitants lřéchec de la création de la CGT - Force Ouvrière. Mais cela signifie-t-il que les unitaires ne perçoivent pas le danger de mettre lřunité du SNI en avant : sřattendent-ils au choix de lřautonomie ? En tout cas, cet appel légitime la position autonome, avec la mention de lřécole laïque, donc une question spécifiquement enseignante, et en faisant du syndicat lřéchelon primordial, dont il faut préserver lřunité. Quand les unitaires dirigent le syndicat, la formulation est différente. Lřappel du SNET branche Ecoles, signé par lřensemble des membres du bureau réuni le 24 décembre et approuvé à lřunanimité par la CA du 3 janvier, déclare quřil faut maintenir lřunité du syndicat, de la FEN « et tenter de reconstruire lřunité de la CGT »124.

L’Ecole Libératrice ne retranscrit pas fidèlement lřambiance de la séance du CN du SNI ; elle insiste sur les facteurs de cohésion et évite les polémiques. Par contre, Yvonne Issartel relate dans L’Ecole Emancipée un épisode révélateur des tensions :

la motion unitaire déposée par Ducol demande « le respect des statuts jusquřau congrès de Pâques. Ce que la motion ne précise pas, mais implique statutairement, cřest la nécessité de payer jusquřau congrès les timbres confédéraux alors que dans un souci dřunité, la majorité voulait se prononcer tacitement pour le blocage des cotisations jusquřau congrès afin de ne pas préjuger de lřavenir. Le vote sřeffectue dans une confusion inénarrable ; la présidente ne peut parvenir à obtenir le silence ; des paroles violentes sont échangées et les résultats obtenus sont aussi confus que les débats : (373 mandats pour, 232 contre, 240 abstentions, 196 absents, 309 refus de voter). Sur cette impression pénible, dans une atmosphère tendue le CN se

123SAPOJNIK Didier, « La Fédération de l’Éducation Nationale choisit l’autonomie », op. cit. - p. 28.

124 TET, nº 30, janvier 1948, cité par POUZACHE Danielle et DALANCON Alain, « Le SNET (Ecoles et

Chapitre 3 193 sépare. »125

La position unitaire vise à ne pas entériner subrepticement la scission, la part confédérale de la cotisation symbolisant lřappartenance à la CGT. Il apparaît dès cette occasion que la majorité du SNI veut clairement quitter la CGT. Cependant, lřappel du SNET-Ecoles, dirigé par les unitaires, demande simplement aux syndiqués de payer le quart de leur cotisation pour 1948 pour financer le congrès, sans préciser le sort des timbres confédéraux.

b- Les circonstances du choix de l’autonomie

Le choix de lřautonomie demeure énigmatique car les majoritaires ne le revendiquent pas immédiatement, et lřEcole Emancipée le partage, ce qui nřallait pas de soi. Le plus délicat consiste à déterminer le rôle que joue la tendance syndicaliste-révolutionnaire.

Didier Sapojnik, sřappuyant sur des sources orales, affirme que la majorité du SNI se prononce en faveur de lřautonomie au cours dřune réunion secrète, tenue avant le CN du 28 décembre 1947126. Pourtant, elle nřassume pas publiquement ce choix lors du Conseil national. Quelles raisons motivent ce mutisme ? Selon Didier Sapojnik, les majoritaires attendent « lřavis des syndiqués et (…) la position des communistes : sřils décident de sřen aller, le passage à FO sera possible ; sřils restent, ce sera lřautonomie. » Ils sont également attentifs au « plus ou moins grand succès remporté par FO : on ne sait pas encore si la nouvelle Centrale va réussir à attirer à elle la grande masse des syndiqués. »127 René Mouriaux ajoute un autre élément, les « arrière-pensées » des majoritaires qui « font probablement le calcul que les communistes seront plus faciles à contrôler sřils font partie dřune organisation commune que sřils sont à lřextérieur. »128 Enfin, Renaud Chauvet note le souci corporatif : « La décision de la majorité est plus Ŗsolidaristeŗ et Ŗcorporativeŗ que politique. »129

Il distingue cette décision du choix autonome de lřEcole Emancipée, dont les raisons seraient surtout « tactiques». Il estime que lřEcole Emancipée garde un mauvais souvenir du passé de la fédération unitaire, avant 1935, « sans cesse harcelée par la calomnie et les tentatives de noyautage », quřelle est plus opposée aux communistes quřaux réformistes, « les amis de l’Ecole Emancipée ont pensé que, sřils optaient pour le maintien à la CGT, ils se trouveraient dans une position assez inconfortable parmi les cégétistes. » La tendance admet

125 EE, nº 8, 18 janvier 1948.

126SAPOJNIK Didier, « La Fédération de l’Éducation Nationale choisit l’autonomie », op. cit. - p. 28. 127SAPOJNIK Didier, « La Fédération de l’Éducation Nationale choisit l’autonomie », op. cit. - p. 29.

128 MOURIAUX René, Le syndicalisme enseignant en France, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1996, 126 p. - p. 35-

36.

129 CHAUVET Renaud, Théories et pratiques du SNI (1947-1960), Thèse de 3°cycle, Paris X, [A.Kriegel], 267

donc lřautonomie, « condition essentielle de sa survie en tant que tendance syndicaliste révolutionnaire. »130

Cette interprétation nřanalyse pas les divergences qui touchent lřEcole Emancipée. Contrairement à lřimpression donnée par la lecture des numéros correspondants de son bulletin, la tendance et lřextrême gauche enseignante en général se livrent à un intense débat. Les militants de la Révolution Prolétarienne optent pour Force Ouvrière. En sens inverse, les trotskystes du Parti Communiste Internationaliste, qui militent dans lřE.E. sont, dřaprès Jean- Pierre Debourdeau « partagés entre partisans de lřautonomie et partisans du maintien à la CGT. »131 Les dirigeants de la tendance hésitent, Louis Bouët se prononce pour lřautonomie, rappelant lřexemple de la Fédération autonome des fonctionnaires dřavant-guerre132, tandis que Marcel Valière penche pour la CGT : « Ayant cohabité avec les staliniens depuis 1926, je nřai jamais eu de complexe à leur égard »133. Il craint que le SNI ne se coupe de la classe ouvrière avec lřautonomie, mais privilégie le syndicat majoritaire chez les instituteurs. Ces discussions excluent une option : la tendance ne veut pas se transformer en un syndicat distinct, sans doute par manque de forces. Ceci la contraint à faire lřappoint dřun des blocs en présence.

Une fois décidée pour lřautonomie, la tendance E.E. tait ses désaccords et mène une campagne vigoureuse pour cette solution, Valière en tête. Les militants favorables à la CGT ne peuvent sřexprimer dans les colonnes de l’Ecole Emancipée quřaprès le congrès du SNI. Quelavoine assure que certains militants de lřE.E « nřétaient pas trop fiers », ceux « qui avaient chanté la complainte autonomiste ; oh ! sans grande conviction »134. La campagne de la majorité de lřE.E. lřamène à tenir la balance égale entre les protagonistes de la scission, Féraud, militant de lřHérault, écrit que « rien ne justifiera jamais lřaction scissionniste des dirigeants de Force Ouvrière. (...) Mais, ceci dit, tous les syndiqués savent bien ŕ et Delanoue tout le premier ŕ que la CGT nřest pas exempte de responsabilités. Une scission ne se décrète point Ŗa prioriŗ. Il faut encore que des conditions concrètes la rendent possible. Ces conditions, la CGT les a réalisées en novembre et décembre 1947. »135 Il reprend donc à son compte, dřune manière déguisée, lřargument de la grève politique avancé par la SFIO et FO. Ce discours de lřEcole Emancipée, qui a pourtant participé aux grèves, sřexplique par le souci

130 Ibid.

131 DEBOURDEAU Jean-Pierre, « Où et quand est née l’idée de l’autonomie ? », Points de repères, nº 23,

février 2000 Ŕ p. 40.

132 Cette Fédération est créée par les syndicalistes-révolutionnaires et syndicalistes unitaires de la Fonction

publique quand la Fédération des Fonctionnaires adhère à la CGT. Pour ne pas s’affaiblir, elle ne rejoint pas la CGTU mais adopte l’autonomie. Elle fusionne en 1935 avec la Fédération des Fonctionnaires.

133 Lettre de Marcel Valière à Vidalenche 8/12/1967, citée par DEBOURDEAU Jean-Pierre, « Où et quand est

née l’idée de l’autonomie ? », op. cit. Ŕ p. 40.

Chapitre 3 195 dřéquilibrer les critiques.

Didier Sapojnik note que cette « rapidité de lřÉcole émancipée à se déterminer contraste avec le silence des majoritaires qui se prolonge. »136 Henri Aigueperse tente de dédouaner la direction du SNI, en négligeant sa participation à Force Ouvrière, rappelée par Delanoue137, puis en la dépeignant sous les traits dřune opinion personnelle, qui nřengage pas lřorganisation. Il présente la scission comme un évènement extérieur à lřactivité des dirigeants du SNI, qui sont placés « en face dřune situation quřils nřont certes pas recherchée »138. Ne voulant pas être assimilé aux scissionnistes, il veut « expliquer, sans la justifier toutefois » leur démarche139. Mais en janvier 1948, il nřexamine que lřalternative CGT ou CGT-FO. En février, il défend lřautonomie en émettant « lřespoir que la situation se clarifiera ». Il affiche alors une certaine réticence : cette « solution mřaurait paru autrefois une hérésie. »140 Le secrétaire de la section de Seine & Oise, Momboisse, poursuit dans ce sens : « Ce nřest pas une fin : lřautonomie est nécessairement provisoire. Cřest une solution dřattente »141.

Pour Didier Sapojnik, la propagande autonome est dominée par « les thèses mises en avant par les tenants de lřÉcole émancipée qui édifient de la sorte en quelques semaines une véritable théorie de lřautonomie. Ces thèses ressortent dřautant plus que les majoritaires, à court dřarguments, finissent par les reprendre telles quelles. On peut parler dřune véritable osmose idéologique des majoritaires et de lřE.E. qui trouvera son aboutissement au Congrès de Pâques dans la motion Bonissel-Valière. »142 Nous avons vu que cette forme dřassociation entre la majorité et lřE.E. a été expérimentée de 1945 à 1947, les réformistes ont pris lřhabitude de reprendre à leur compte les théories syndicalistes-révolutionnaires. La théorie autonomiste élaborée par lřE.E. renvoie dos à dos la « CGT-Frachon » et la « CGT-Jouhaux », présente le SNI et la FEN restés unis dans lřautonomie comme le modèle de la réunification à venir, conditionnée par le respect de la démocratie syndicale. Valière postule que lřautonomie « permettrait de travailler avec la plus grande efficacité à la reconstruction dřune CGT unique. »143

Dans le choix de lřautonomie par le SNI, toutes les recherches soulignent la part prise par lřE.E. Ses militants nřinventent pas cette solution, car lřéventail du choix étant restreint, tous les courants réfléchissent à cette éventualité. Il ne nous semble pas que la majorité ait eu

135 EP nº 3, décembre 1948.

136SAPOJNIK Didier, « La Fédération de l’Éducation Nationale choisit l’autonomie », op. cit. - p. 29. 137 EL nº 15, 22 janvier 1948.

138 Éditorial. EL, nº 13, 8 janvier 1948. 139 Éditorial. EL nº 17, 5 février 1948. 140 Éditorial. EL nº 17, 5 février 1948. 141 EL nº 19, 19 février 1948.

142SAPOJNIK Didier, « La Fédération de l’Éducation Nationale choisit l’autonomie », op. cit. - p. 36.

besoin des voix de lřEcole Emancipée pour faire prévaloir ses vues, quoiquřelle ait pu penser le contraire : le courant unitaire est puissant et une bataille nřest jamais gagnée dřavance. Lřinfluence acquise par lřEcole Emancipée dans le dispositif autonome tient à deux facteurs : dřabord ses dirigeants excellent dans les controverses avec les unitaires ; ensuite, en tant quřhéritiers de la Fédération unitaire144, donc garants de la mémoire des pionniers du syndicalisme universitaire aux yeux de la masse des instituteurs, ils sont les seuls en capacité dřaccréditer lřidée que ce choix ne constitue pas une solution réactionnaire, un retour à la tradition amicaliste. Louis Bouët, symbole vivant de lřépopée de la naissance du syndicalisme enseignant, intervient dans L’Ecole Libératrice : « Bien quřétant un de ces Ŗpionniers du syndicalisme universitaireŗ dont il est question, et peut-être lřun de ceux qui en ont le plus fait pour lier le syndicalisme du personnel enseignant à celui de la classe ouvrière (…), je me place résolument aujourdřhui parmi les partisans de lřautonomie du SN des instituteurs et de la FEN. »145

c- La déception des partisans de la CGT-FO

A mesure que le choix autonome de la majorité de la FEN se précise, durant les mois de janvier et février 1948, la déception grandit parmi les partisans de Force Ouvrière. Plusieurs réunions de convents se tiennent, pour selon lřexpression de Didier Sapojnik « sermonner » certains majoritaires du SNI, dont semble-t-il René Bonissel. En effet, « toute la sympathie [des francs-maçons] allait à la CGT-FO »146.

Le SNES compte plus de partisans de FO et de ses rangs provient le responsable du groupe Force Ouvrière de lřEducation Nationale qui a voté pour la scission, Pierre Giraud. Le plus notoire partisan de FO est Maurice Janets, secrétaire général du syndicat à la Libération, trésorier de la FEN en 1947, épaulé par Lucien Mérat, secrétaire général de la FGE avant la guerre. Enfin ce groupe comprend Paul Ruff, nouveau secrétaire du S2 de Paris et G. Walusinski, membre suppléant de la CE. On distingue nettement parmi eux une génération de fondateurs du SPES (lřancêtre du SNES avant-guerre). Lřancien secrétaire général du Syndicat National des Collèges Modernes, Gilbert Pacquez, soutient également FO. Une des explications de cette différence avec le SNI réside dans le fait que lřunité du syndicalisme ne représente quřun idéal dans lřenseignement secondaire, avec la concurrence du SNALC, du SGEN-CFTC et dřautres organisations. Le pluralisme syndical nřapparaissant pas comme une

minorité Force Ouvrière. EL nº 18, 12 février 1948.

144 La Fédération Unitaire est le premier syndicat des instituteurs, affilié à la CGTU entre 1921 et 1935. Son

équipe dirigeante a donné par la suite naissance au courant Ecole Emancipée. Cf chapitre 1.

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hérésie aux yeux des professeurs, les militants syndicaux adopteraient alors un positionnement moins sensible à lřunité corporative que dans le SNI. Cependant, le résultat obtenu par ces dirigeants connus et appréciés oscille entre 28 et 25,5 % des voix dans le SNES et 37 % dans le SNCM147.

Dans le SNI, Force ouvrière est un courant insignifiant, au point que Renaud Chauvet estime que la « faiblesse numérique » de ses partisans « limitait la portée de leur action »148. La majorité du Bureau National se soude autour de lřautonomie, cohésion paradoxale au regard des divergences internes récurrentes depuis la Libération, mais effective. Dans les sections, aucune vague ne se manifeste en faveur de la nouvelle confédération. Par exemple, la section du Puy-de-Dôme connaît des conflits internes depuis la Libération, ce qui pourrait la sensibiliser aux vertus de la scission. Son ancien secrétaire général Delafoulhouze, devient secrétaire administratif de lřUnion Départementale FO et le nouveau secrétaire réformiste, Sol, nřobtient pas son exclusion du Conseil syndical149. Mais FO nřobtient que 332 voix contre 1106, soit 23 % des suffrages150. Trois sections du SNI seulement donnent une majorité de leurs mandats à FO au congrès dřavril 1948, et ces sections des Ardennes, de la Corrèze et du Territoire de Belfort, accordent aussi la majorité de leurs mandats à lřautonomie151.