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MUTATION DU COURANT UNITAIRE ET

B- Les débats revendicatifs

a- Que revendiquer pendant la reconstruction du pays ?

Sur le plan revendicatif, la période qui suit la Libération est marquée par la bataille de la production, impulsée par le PCF et la majorité de la CGT, et soutenue activement par la SFIO. Ceci signifie un effort prioritaire des travailleurs pour la reconstruction du pays, et lřacceptation provisoire dřun certain blocage des salaires. Paul Delanoue explicite la projection dans lřavenir que cette stratégie implique : « nous pensons quřau fur et à mesure que les classes travailleuses gagneront une place grandissante, notre fonction connaîtra, elle aussi un rayonnement accru. »289 Lřaustérité est donc pensée comme temporaire, et comme lřindique Annie Lacroix-Riz les communistes et leurs alliés « étaient prêts à souscrire à des sacrifices immédiats dont la classe ouvrière recueillerait ultérieurement le bénéfice politique »290.

Mais lřévolution de la conjoncture politique compromet ce pari dès mai 1946, et le Bureau confédéral sřengage désormais dans la revendication dřune hausse de salaire de 25 %. Les adversaires de cette politique ne manquent pas de souligner ce recul, tel Duthel, dirigeant

287 EL n°21, 15 septembre 1946.

288 F.D. Serret in EE, n°1, 22 septembre 1946.

289 Rapport sur le programme d’action revendicative. EL n°18, 10 juin 1946.

290 LACROIX-RIZ Annie, « CGT et ŖBataille de la productionŗ de septembre 1944 au printemps de 1946 »,

Chapitre 2 155 Ecole Emancipée :

« Jusquřalors, en effet, la presse ouvrière était remplie de grands communiqués concernant la bataille de la production, la bataille du charbon, la bataille de lřacier qui toutes dřailleurs se soldaient par des victoires. Mais il y avait un combat que lřon nřavait pas engagé, ou plutôt que lřon avait perdu : cřétait celui des traitements et des salaires. Aujourdřhui, le bilan est là, sans phrases : les conditions de vie des travailleurs se sont abaissées massivement depuis 20 mois, alors que les profits patronaux nřont jamais été aussi importants. La nouvelle réaction du Bureau confédéral sřexplique par lřacuité dřune situation dont il est facile de dresser un rapide mais triste bilan. »291

Paul Delanoue lui répond en affirmant « que jamais la CGT nřa défendu le blocage des salaires, que son dernier congrès a, en particulier, proclamé que production et augmentation des salaires devaient aller de pair »292. Son insistance à réfuter cette idée prouve que la campagne des militants de lřEcole Emancipée a porté, y compris sans doute chez les unitaires, puisquřil écrit : « Quelques-uns de nos bons camarades ont tellement lu ou tellement entendu cette affirmation quřils ont fini par y croire. »

Marcel Valière intervient en congrès confédéral sur ce thème : « Le congrès aura à opter entre le mot dřordre de blocage des prix qui, à lřexpérience, se révèle trompeur, et la vieille revendication de lřéchelle mobile, un peu trop oubliée. »293 LřE.E. propose donc de remédier à cette situation par une solution simple : lřéchelle mobile, cřest-à-dire lřindexation des salaires aux prix, pour quřils augmentent parallèlement à lřinflation. Cette revendication a lřavantage dřêtre ancrée dans la tradition syndicale, y compris du courant unitaire294. Celui-ci la refuse pour ne pas provoquer une trop forte hausse des salaires, mais il lui est difficile dřavouer ce motif aux syndiqués. Aussi Paul Delanoue cherche-t-il de multiples raisons pour justifier ces réticences : « Dans lřaction quřil entreprend, le mouvement syndical entend rester maître de sa tactique, ne pas se lier par des formules mathématiques comme lřéchelle mobile. »295 Il affirme également quřil sřagit dř« un mot dřordre Ŗparesseuxŗ parce quřil dispense les militants dřétudier les aspects concrets que peut revêtir la lutte contre lřinflation. »296 De tels motifs ne peuvent convaincre que les instituteurs rétifs aux mathématiques et passionnés dřéconomie, lřactivité syndicale consistant justement en grande partie en lřélaboration de mots

291 EL n°19, 25 juin 1946.

292EL n°20, 10 juillet 1946. 293 EL n°13, 25 mars 1946.

294 Jeanne Siwek-Pouydesseau indique que l’échelle mobile est revendiquée par la Fédération des Fonctionnaires

dès l’entre deux-guerres, in Le Syndicalisme des fonctionnaires jusqu’à la guerre froide, op. cit. Ŕ p. 226.

295 EL n°20, 10 juillet 1946.

dřordres simples et efficaces.

Paul Delanoue argumente donc de trois autres manières. Il met dřabord en avant lřidée dřun « salaire minimum »297. Mais cette revendication qui commence à se concrétiser à cette époque ne signifie rien pour les instituteurs, dont le traitement est fixé nationalement, aussi Duthel peut suggérer que les syndicats « mènent parallèlement la lutte pour lřélévation du salaire minimum vital et pour lřapplication de lřéchelle mobile, faute de quoi la conquête du premier objectif ne serait quřun leurre. »298

Avec son second argument, Delanoue insiste sur lřaspect défensif de ces « formules dřhier », puisque lřéchelle mobile ne permet pas dřaugmenter les salaires plus vite que lřinflation. Selon lui, les militants de lřEcole Emancipée se cantonnent « dans une attitude purement négative, propagent des mots dřordre qui convenaient lorsquřil sřagissait de rassembler les masses sur des plates-formes défensives (échelle mobile par exemple) »299. Duthel rétorque que lřéchelle mobile « ne peut constituer une fin en soi, mais quřen période dřinstabilité économique et financière (…), elle est le seul moyen de conserver les avantages momentanément acquis par les classes laborieuses. Elle permet ainsi aux organisations ouvrières dřabandonner lřattitude défensive désormais inutile »300 pour être offensives. Cet argument est donc utilisable par les deux parties, ce qui limite sa pertinence.

Enfin, Paul Delanoue tente un dernier argument selon lequel les salaires doivent augmenter « avec la production, le coût de la vie, devant, lui, être le plus possible bloqué. »301 Il défend donc une liaison entre les salaires et la production, et non entre les salaires et les prix. Il explique que ce système peut être avantageux :

« A lřheure actuelle, lřaugmentation de notre pouvoir dřachat est liée à lřaugmentation de la production. Si, dans un délai très bref, la production revient à ce quřelle était avant-guerre, nous pourrions revendiquer des salaires relativement supérieurs à ce qu’ils étaient en 1939 (…). Nous pourrons aller au-delà des mots d’ordre correspondant à l’échelle mobile. Même dans la période actuelle des résultats très appréciables peuvent être obtenus sans Ŗaccrocherŗ les salaires aux prix »302.

Ce raisonnement nřoublie quřun détail : comment évaluer la productivité dřun instituteur ? Si elle se calcule en fonction du nombre dřélèves, elle ne peut augmenter dans lřannée et dépend de lřEtat, et non de ses efforts personnels. Le plus étonnant dans ce discours tenu par

297 Ibid.

298 EL n°19, 25 juin 1946. 299 EL n°15, 25 avril 1946. 300 EL n°19, 25 juin 1946.

301 Rapport sur le programme d’action revendicative. EL n°18, 10 juin 1946. 302 EL n°18, 10 juin 1946.

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un marxiste patenté est quřil ne semble pas considérer que lřaugmentation des salaires doive dépendre aussi de la répartition de la plus-value. De plus, Delanoue traite la question des salaires dans lřorgane dřun syndicat de fonctionnaires, et il nřévoque jamais la politique salariale de lřEtat, leur patron. Il cite diverses catégories dřouvriers, sans la moindre équivalence avec la situation des instituteurs, qui ne peuvent augmenter leur production de la même façon quřun mineur. Il défend le « système des conventions collectives », critique « les trusts », et semble oublier que ces notions restent théoriques pour ses lecteurs. Evidemment, la bataille de la production nřest guère facile à expliquer à des personnes non concernées, mais cela produit un discours très politique, extérieur aux préoccupations des instituteurs. Lřinadéquation de son discours avec la situation concrète des instituteurs apparaît dans cette autre déclaration de Paul Delanoue, qui ne nie pas « la détresse matérielle des enseignants » :

« Lřessentiel est dřaugmenter le pouvoir dřachat, dřautant plus que la quantité de richesses produite augmente elle-même. Tous moyens pour ce faire doivent être mis en œuvre : activité accrue des comités dřentreprise, suppression des intermédiaires inutiles et des organisations parasitaires, réduction de la marge bénéficiaire du patronat, action de comités formés sur lřinitiative des organisations syndicales pour contrôler le commerce (grand ou petit) et lřassainir. La bataille des prix est au moins aussi importante que celle des salaires. »303

Non seulement, les prix ne baissent pas dans la période considérée, surtout si on inclut dans le calcul lřexistence du marché noir, mais le dispositif envisagé par Delanoue imite la stratégie des unitaires dans le monde ouvrier : le blocage des salaires y est compensé par des progrès sociaux tous azimuts, tels que des primes variées, les comités dřentreprise, le développement de la Sécurité Sociale… Or les enseignants ne profitent pas des gouvernements tripartites. Ils disposent depuis plusieurs années dřun statut et de conseils élus, même si le statut Thorez parachève lřédifice, leurs syndicats sont déjà reconnus par lřadministration, les enseignants ne bénéficient pas des services dřun comité dřentreprise etc…. Tout ceci augmente lřimportance relative des salaires, point faible de lřexpérience, et favorise le discours de lřE.E. Lřinfluence des enseignants unitaires recule dans cette période, peut-être à cause du mauvais souvenir laissé par la participation communiste au gouvernement. Paradoxalement, le courant unitaire, après avoir combattu bec et ongles lřéchelle mobile, allait reprendre cette idée en 1951304.

Logiquement, le congrès de Grenoble vote le principe de lřéchelle mobile, par 741 voix contre 482 et 62 abstentions. LřEcole Emancipée commente ce résultat : « Cřest un échec pour la Majorité Confédérale qui avait tirée à boulets rouges contre cette vieille revendication

303 EL n°20, 10 juillet 1946.

syndicaliste si réaliste que Ŗles Amis de lřEcole Emancipéeŗ ont su reprendre très opportunément et populariser »305. Ce résultat est acquis avec le soutien de nombreux militants réformistes, qui ont laissé se développer la polémique sans intervenir. En novembre 1946, Pierrette Rouquet dénonce « cette politique dite dřéconomie qui laisse subsister des classes surchargées et qui oblige à utiliser en permanence dans des classes provisoires un personnel au rabais, que la création de classes régulières permettrait de titulariser. »306 Le seul avocat de la politique gouvernementale est donc Paul Delanoue.

Cependant, le courant majoritaire ne souhaite pas provoquer de véritables mouvements revendicatifs pour obtenir lřéchelle mobile. Ainsi, lřassemblée générale de la section de la Somme vote à lřunanimité le principe de lřéchelle mobile et rejette dans le même temps son application immédiate à une grosse majorité307. Les dirigeants de lřEcole Emancipée déplorent donc un an plus tard que cette position en faveur de lřéchelle mobile soit « restée sans lendemain ». Ils affirment quřaucun « effort sérieux de propagande pour populariser cette revendication capitale nřa été entrepris, tant auprès des autres organisations syndicales (FEN, UGFF, etc...) quřauprès de lřopinion publique, et enfin des pouvoirs publics. »308 Cette attitude du courant réformiste correspond à lřévolution de leurs amis dans la CGT : après une tentative de déborder les unitaires sur leur gauche, par la critique de la bataille de la production, ils abandonnent peu à peu cette orientation revendicative, à cause de leur soutien au gouvernement.

Ce débat reste dans la tradition du SNI, à savoir un débat politique et très théorique, qui nřaboutit pas à des actions concrètes. Aucun de ces protagonistes ne pouvait lřignorer. Pourtant, le mécontentement croissant des enseignants impose une radicalisation effective de lřaction syndicale.

b- La question du reclassement

La situation matérielle des enseignants pâtit de la guerre et des mesures prises pour reconstruire le pays. L’Université Syndicaliste dépeint un tableau très sombre :

« Le professeur de collège ŕ en dépit des mérites quřon se plaît très souvent à lui reconnaître ŕ nřa pas vu son traitement doubler depuis 1939, tandis que le prix des livres et des journaux a quadruplé et que la plupart des denrées nécessaires à la vie

305 F.D. Serret. EE, n°1, 22 septembre 1946. 306 EL n°4, 10 novembre 1946.

307 SNI, Bulletin de la Section de la Somme, n°10, octobre 1946. 308 EL n°17, 15 juin 1947.

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sřachètent au marché noir à des prix inaccessibles pour nos pauvres bourses. »309 Dressant un constat identique pour le SNI, Paul Delanoue estime même que plus « encore que lřensemble de la classe ouvrière, le corps enseignant se trouve dans une situation difficile. Nos traitements étaient déjà trop faibles et les prix nřont cessé dřaugmenter. »310 Une crise de recrutement marque la situation. Le syndicalisme enseignant se mobilise donc pour obtenir le reclassement de la fonction enseignante. Cette revendication sřinscrit dans les négociations débutées entre les syndicats de fonctionnaires et le gouvernement. Le terme de reclassement signifie que les enseignants souhaitent obtenir une augmentation plus importante que les autres fonctionnaires.

Une bataille de ce type implique deux niveaux de négociation, dřabord entre syndicats enseignants pour établir les parités internes et ensuite entre le syndicalisme enseignant et les autres organisations de fonctionnaires, pour aboutir aux parités externes. Le congrès de la FGE est justement lřoccasion dřun conflit entre le SNI et le SNES sur le projet de reclassement, le SNES défendant le principe de hiérarchie dans le milieu enseignant et un niveau faible de traitement de début des instituteurs. La position du SNI est adoptée par 348 voix contre 127 sur le premier point, et par 259 contre 229 sur le second. Juliette Harzelec, du SNI, regrette ces controverses aiguës : « Je souhaite donc, pour lřavenir, quřà la faveur de relations plus fréquentes, dřune connaissance réciproque plus complète, des conceptions sřinspirant davantage du syndicalisme finissent par prévaloir. »311 Le rêve de la Fédération dřindustrie, entretenu à la Libération, laisse donc la place aux rivalités corporatives.

Lřobtention du reclassement nécessite un affrontement avec le gouvernement, confronté à une crise budgétaire. La majorité ne sřy résout pas, ainsi Lavergne réagit dřune manière très modérée au gel du budget de lřEducation Nationale au printemps 1946. Ses explications insistent sur lřopposition classique entre le ministre des Finances et celui de lřEducation Nationale, que les enseignants appuieront « énergiquement »312.

Pendant lřété 1946, les difficultés sřaplanissent avec le gouvernement, qui admet que le reclassement des enseignants est prioritaire et leur propose une allocation dřattente. Cette question des parités externes heurte dřautres fonctionnaires, qui se sentent lésés. A lřopposé de toute la tradition syndicale de solidarité, la fédération des Finances CGT proteste alors contre le « surclassement » des enseignants. Henri Aigueperse explique que cette « action déclenchée alors que les décrets intéressant lřenseignement et la magistrature étaient sur le point dřêtre signés, a permis à la direction du budget de remettre en question des chiffres déjà

309 Etienne Colomb. US n°1, 30 décembre 1944.

310 Rapport sur le programme d’action revendicative. EL n°18, 10 juin 1946. 311 EL n°12, 10 mars 1946.

acceptés par le ministre des Finances et de diminuer, non pour des raisons de crédit, mais pour des raisons de parités ses propositions. »313 De ce fait, dřautres fédérations expriment la même revendication, puis lřUGFF demande finalement une indemnité dřattente pour lřensemble des fonctionnaires, ce qui élimine lřidée de reclassement. Les fonctionnaires des services financiers, ainsi que le personnel administratif du Ministère de lřEnseignement, déclenchent même une grève isolée, contre lřavis des autres fédérations.

Cette grève sřeffectue donc autant pour la satisfaction des demandes propres aux fonctionnaires des Finances que contre les revendications enseignantes. Henri Aigueperse note quřelle prend fin sur lřassurance donnée par le gouvernement « quřil ne serait pas accordé dřautres indemnités dřattente et que le reclassement dans les nouvelles échelles des catégories reconnues comme particulièrement défavorisées aurait un effet rétroactif et partirait dřune date qui serait la même pour toutes. »

Les dirigeants de la FEN éprouvent une colère dřautant plus grande que ceux qui bloquent leur activité syndicale appartiennent au même courant confédéral, Force Ouvrière, et que parmi les « concours précieux »314 apportés à leur cause se trouve le bureau confédéral de la CGT, dirigé par le courant adverse.

Les conflits catégoriels qui opposent les enseignants aux autres fonctionnaires, comme le durcissement revendicatif de la FGE à partir de 1946 témoignent de la clôture de la période de reconstruction et de consensus de la Libération.

SYNTHÈSE

Le climat a beaucoup évolué entre la Libération et 1946. Le consensus interne au syndicalisme enseignant et lřeuphorie progressiste qui envahit le pays laisse place à un durcissement des conflits politiques et à la cristallisation de tendances. Lřactivité syndicale tend à être de plus en plus déterminée par les enjeux sous-tendus par lřinstallation de la guerre froide. Il sřagit sans conteste dřune de ces périodes dřaccélération de lřhistoire, ce qui explique la quantité impressionnante dřinnovations stratégiques qui en proviennent.

La transformation de la FGF en UGFF, avec lřémancipation du syndicalisme enseignant de la tutelle de la Fédération des Fonctionnaires quřelle implique, la création dřune Fédération de lřEducation Nationale incluant les non-enseignants, la tentative de développer des syndicats départementaux intercatégoriels, de limiter le nombre de syndicats nationaux qui sont affiliés

313 La direction du budget est une administration intégrée au ministère des Finances. Éditorial. EL n°1, 25

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à la Fédération, témoignent de ce bouillonnement créateur dans le domaine des structures syndicales. Mais lřactivité syndicale ne se résume pas aux questions organisationnelles, puisque les syndicalistes enseignants créent la Mutuelle Générale de lřEducation Nationale. Cette incursion dans le domaine des services constitue une des originalités de leur syndicalisme. La création de la FCPE et du Cartel dřaction laïque prouve que le SNI occupe désormais une place essentielle dans le mouvement laïque. Finalement, la décision de 1946 ne concerne pas quřun changement de nom : la FEN ne prolonge pas seulement la Fédération Générale de lřEnseignement, mais constitue une organisation neuve, puissante, qui a redéfini son identité, dans un sens plus radical et quelque peu élargi aux conceptions des professeurs de lřenseignement secondaire et des non-enseignants.

Le courant unitaire contribue pleinement à toutes ces initiatives, par le biais de ses idées et de ses dirigeants. Il propose le compromis entre les tenants de la Fédération dřindustrie et ceux de la toute-puissance des syndicats nationaux. Il défend la participation à la gestion contre les thèses syndicalistes-révolutionnaires de lřEcole Emancipée. Son aggiornamento sřopère dans un sens constructif, parce quřil participe à la construction du nouveau syndicalisme enseignant et quřil manifeste un esprit pragmatique. Le courant unitaire peut ainsi influer sur les choix. Il est en capacité de proposer des solutions réalistes et apporte un souffle nouveau à lřaction syndicale, notamment en animant les structures consacrées aux jeunes.

Ses dirigeants exercent pour la première fois des responsabilités à tous les échelons. Ils profitent de cette opportunité pour crédibiliser leur discours par des actes. Ainsi, Paul Delanoue joue un rôle majeur dans la création de la FEN, en tant que responsable des structures fédérales, et dans celle de la FCPE par sa fonction de secrétaire laïc du SNI. On écoute dřautant plus le courant quřil a connu une forte augmentation de son influence grâce à son rôle moteur dans la Résistance, atteignant le tiers des mandats du SNI, dirigeant le SNET Ecoles et Apprentissage, le SNESup et le Syndicat des Agents. Dès la Libération, il est devenu la principale minorité, au détriment de lřEcole Emancipée. Il acquiert par sa politique constructive un capital de légitimité dont lřimportance explique le choix ultérieur de lřunité du syndicalisme enseignant.

Les multiples joutes auxquelles se livrent les dirigeants syndicaux constituent un autre signe de vitalité. Les syndiqués, surtout dans le SNI, sont interpellés par ces débats. Les sujets sont dřailleurs variés : lřindépendance syndicale, le rapport à la CGT, le pacifisme ou encore le type de revendication. Aucun argument ne peut être employé à la légère, tant les protagonistes excellent à défendre leurs positions. Leurs articles se répondent dřun numéro de