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MUTATION DU COURANT UNITAIRE ET

A- Aspects particuliers du syndicalisme enseignant

Parmi les spécificités du syndicalisme enseignant, figurent aussi bien la place des femmes dans lřorganisation que le traitement des questions corporatives, au moyen de la participation à la gestion. Lřaction syndicale des instituteurs, depuis leur rejet du rôle joué dans la préparation de la Première Guerre mondiale, concerne aussi la question du pacifisme.

a- Le pacifisme des instituteurs malmené : la formation prémilitaire

Le déroulement de la Seconde Guerre mondiale questionne obligatoirement les conceptions pacifistes des instituteurs. A la Libération, les unitaires évoluent le plus. Ce fait paraît logique puisque les enseignants communistes ont commencé plus tôt une remise en cause du pacifisme de leur milieu, dès la montée du fascisme et du nazisme. Auparavant, les normaliens communistes refusaient de participer à la formation militaire et sřexposaient à des sanctions pour cela248. Leur aggiornamento est considérable, puisque Labrunie se présente en spécialiste des questions militaires, se prononçant pour « une armée dřun type nouveau, peu coûteuse pour nos finances appauvries, dynamique par lřesprit démocratique qui lřanimerait, populaire par les racines quřelle plongerait dans les usines, les campagnes, les syndicats »249. On reconnaît le projet communiste dřarmée démocratique, qui lřamène à critiquer « une armée de métier fortement armée et motorisée, expurgée peu à peu des éléments venus des F.F.I., armée gaspilleuse, fleurant lřancien régime et dont les intentions risquent fort dřêtre

247 AIGUEPERSE Henri - CHÉRAMY Robert, Un syndicat pas comme les autres, op. cit. Ŕ p. 233.

248 FRAJERMAN Laurent, L’Internationale des Travailleurs de l’Enseignement et son activité en France, 1919

Chapitre 2 145 dangereuses pour le peuple. »

Pour réaliser la démocratisation de lřarmée, Labrunie préconise une formation prémilitaire des élèves, assurée par les instituteurs. Ceci correspond à lřaccent mis par les Jeunesses Communistes sur une préparation militaire précoce et de masse. Michel Pigenet précise que pour « lřâge dřinitiation, en octobre 1944, les JC envisagent dřaccepter des enfants de 12-13 ans dans les stages de préparation militaire »250. Dans les sections aussi, les unitaires critiquent « les mercenaires » qui composent lřarmée de métier et expliquent que la formation prémilitaire marque « la volonté du corps enseignant de sřunir à la classe ouvrière pour former une armée populaire, démocratique. »251

Un débat agité se déroule à lřoccasion du congrès de Grenoble. Une nouvelle fois, la dirigeante réformiste Juliette Harzelec emploie des arguments frappants. Négligeant lřidée dřarmée démocratique émise par Labrunie, elle sřinterroge : « lřinstituteur ne risque-t-il pas de perdre toute indépendance de pensée en devenant lřéducateur militaire de la jeunesse ? Ainsi enrégimenté, quelle garantie dřindépendance conservera-t-il vis-à-vis du gouvernement ? Le rôle essentiel de lřinstituteur nřest-il pas dřapprendre à penser ? » Cette première critique sřavère dřautant plus solide quřelle repose sur la séparation des domaines éducatifs et militaires, dont la nature est effectivement très dissemblable. Rappelons cependant un précédent historique, avec les bataillons scolaires des débuts de la III° République.

Une seconde critique se révèle nettement antimilitariste, pour utiliser une notion assumée par H. Vidalenche, de lřEcole Emancipée, très opposé à la préparation militaire252. Juliette Harzelec sřinterroge sur lřidéal à proposer à la jeunesse : « Faut-il développer chez les jeunes la conviction que les conflits internationaux ne recevront jamais dřautres solutions que des solutions de force ? Faut-il leur laisser ignorer que lřéchec du désarmement universel est la plus belle réussite du capitalisme international ? » Michel Pigenet élucide certainement la raison du peu de réaction des unitaires à cet argument : « quand bien même les communistes tiennent bon sur leur double projet de Ŗdémocratie arméeŗ et Ŗdřarmée démocratiqueŗ, leurs appels à lřeffort de guerre fleurent le néo-militarisme. »253 Cette analyse sur la situation en 1944 est davantage valable deux ans après.

Enfin, Juliette Harzelec compare le projet de Labrunie avec « la fascination exercée sur les jeunesses hitlériennes allemandes ou les Ŗbalilasŗ de lřItalie fasciste par un régime qui les

249 EL n°18, 10 juin 1946.

250 PIGENET Michel, « Les jeunes communistes de la région parisienne et la guerre à la Libération », pp. 477-

487 in GIRAULT Jacques [sous la direction de], Des communistes en France (années 1920 – années 1960), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, 525 p. - p. 485.

251 Thiers. SNI, Section du Puy-de-Dôme, Bulletin mensuel, n°23, octobre 1946. 252 EE, n°6, 21 décembre 1947.

militarisait de très bonne heure. »254 Si peu de temps après la fin de la guerre, cette déclaration ne pouvait plaire aux unitaires. Peu en reste dřamabilités, Thiers, militant unitaire du Puy-de- Dôme, dépeint Juliette Harzelec en « habituelle avocate du sentimentalisme bêlant, qui nřa rien appris dans la tourmente de 1938 à 1945 ». Sřattaquant aussi aux trotskistes, il rapproche leur hostilité à la formation prémilitaire dřun article de leur journal, La Vérité, qui « exige pour lřAllemagne Ŗlřévacuation de tous les territoires par les troupes dřoccupation.... la libération des prisonniers de guerre que lřon continue dřutiliser comme main-dřœuvre à très bon marchéŗ. Il y a là tout un programme. »255 Lřhostilité à lřAllemagne constitue un ressort important du discours communiste dřaprès-guerre, et lřattitude inverse des trotskistes ne pouvait que les heurter.

Confrontés aux réticences de nombreux militants sensibles aux arguments pacifistes, les unitaires préfèrent invoquer la laïcité : les associations cléricales risquent dřoccuper le terrain laissé vacant, pour une formation essentiellement civique et sportive. Un article de L’Ecole Emancipée qualifie cette présentation de la préparation prémilitaire de « manœuvre » de Labrunie, « seul moyen dřabuser la masse des éducateurs dřinstinct hostiles à lřarmée et à tout ce qui la rappelle. »256 Finalement, le congrès de Grenoble adopte la motion Labrunie, ce qui démontre une fois de plus la division du courant majoritaire.

b- Transformer l’école, une réelle priorité ?

La période qui suit la Libération connaît un bouillonnement dřidées et de réalisations dans de nombreux domaines, dont le domaine pédagogique. Dès le premier numéro libre de L’Université Syndicaliste, un article évoque les réflexions à accomplir, pour transformer lřécole : « Il faudra déterminer les rapports des enseignements classique, moderne et technique, apprécier les conditions dřaccès aux fonctions dřenseignement, discuter des conditions de lřorientation, juger de lřapplication des programmes, des emplois du temps »257. On peut constater que la volonté syndicale de rénovation connaît peu de limites. Lřesprit est le même au SNI.

Lřimportance des syndicats est reconnue dans le fonctionnement du système éducatif, ils participent donc aux travaux de la Commission présidée par Paul Langevin, chargée de réfléchir à la réforme scolaire. Elle comprend 17 membres, dont Canonge pour le SNET, Lavergne pour la FGE, Senèze pour le SNI, Voguet (instituteur, militant du PCF) pour le

254 EL n°20, 10 juillet 1946.

255SNI, Section du Puy-de-Dôme, Bulletin mensuel, n°23, octobre 1946. 256 EE, n°1, 22 septembre 1946.

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Front National Universitaire, George et Janets pour le SNES. Le SGEN-CFTC nřest pas représenté258.

Cependant, la place consacrée par la presse syndicale aux travaux de la Commission reste modeste. Durant lřannée 1945-1946, L’École Libératrice ne suit pas en détail lřévolution des débats et intervient quelquefois, notamment par lřintermédiaire de deux éditoriaux, pour pointer des enjeux importants. La Commission Langevin-Wallon reste au second plan de lřaction syndicale, nřayant pas encore proposé le projet de réforme qui marquera les esprits. Les congrès du SNI discutent peu de ce thème, dřautant quřil ne provoque pas de fortes dissensions internes. Lřorgane du SNET, Le Travailleur de l’Enseignement Technique, est le journal syndical enseignant qui consacre le plus de place aux travaux de la commission. La commission promeut dřailleurs lřidée dřune culture polyvalente, dans laquelle la formation technique compte beaucoup.

Le consensus prévaut à lřintérieur de chaque syndicat national sur la conception de la réforme. Paul Delanoue regrette simplement que le SNI nřait « pas, en ce qui concerne la reconstruction de lřécole française, nettement et complètement défini son programme dřaction. » Se positionnant en aiguillon du syndicat, il estime que rien « de grand nřa été obtenu pour lřécole française, depuis la conquête de facto du droit syndical. Nous réformons par ci, améliorons par là, le grand édifice que dřautres ont construit et qui commence à se lézarder. »259 On peut lire cette déclaration comme une invitation à soutenir plus les efforts de la Commission, mais Henri Aigueperse formule une ambition identique : « la rénovation de notre système scolaire et la réalisation de lřécole nationale républicaine. »260

Etya Sorel estime cependant quřen 1947 « les soutiens syndicaux manquent à la Commission : le SNI, du fait de la crise de recrutement, est amené à défendre le maintien de la préparation du baccalauréat dans les écoles normales et à remettre en cause les modalités dřentrée préconisées par la Commission. »261 Le soutien global manifesté par le SNI ne doit donc pas dissimuler que les intérêts corporatifs continuent de guider les réflexions syndicales. La Commission devient par la suite un enjeu dans les conflits internes, aiguisés par la scission confédérale de 1948. Selon Etya Sorel, Beaussier, membre unitaire de la CA de la FEN reproche à celle-ci « de ne pas avoir assez épaulé les efforts des militants membres de la Commission Langevin. Il demande que la FEN établisse un programme hardi dřapplication rapide de la Réforme et quřelle jette le poids de toutes ses forces dans la bataille. »262

258 SOREL Etya, Une ambition pour l’école. Le plan Langevin-Wallon, Paris, Editions sociales, 1997, 235 p. -

p. 57.

259 EL n°13, 25 mars 1946.

260 Éditorial. EL n°14, 10 avril 1946.

261 SOREL Etya, Une ambition pour l’école. Op. cit. - p. 174. 262 Ibid.

La méthode utilisée par Langevin et son successeur Wallon pour promouvoir la réforme scolaire soulève dès le départ quelques interrogations. La Commission se compose de nombreux représentants des mouvements pédagogiques. Parmi eux, le Groupe Français dřEducation Nouvelle est le plus représenté, or il rompt en avril 1946 avec Célestin Freinet et son mouvement, influent chez les instituteurs engagés dans le renouvellement des pratiques pédagogiques. On nřassocie même pas Freinet aux travaux de la Commission263. Au niveau politique, les communistes se retrouvent en force dans la commission, alors que le ministre de lřEducation Nationale appartient à la SFIO. Ce point nřest pas soulevé dans le SNI, pourtant féru de querelles politiques, mais selon Jacques Girault, le peu dřintérêt « des socialistes au moment des résultats de la commission Langevin-Wallon, à partir de lřété 1947, laisse aussi le SNI, soutien actif des travaux du projet de réforme, privé du relais politique susceptible dřimpulser la rénovation de lřenseignement. »264

Les représentants de lřenseignement secondaire craignent cette difficulté dans la matérialisation du projet dès le printemps 1945. Le SNES et la Société des Agrégés déclarent « quřils ne partageraient lřoptimisme officiel en matière de réformes que si lřEducation Nationale se montrait résolue à secouer la tyrannie des Finances. » Lřargument financier cache peut-être des réticences plus profondes sur le contenu de la réforme envisagée, mais lřavertissement de Lucien Mérat, dirigeant du SNES, est prémonitoire : « Est-ce ainsi que lřon entend amorcer la réforme ? Va-t-on détacher dřune étude dřensemble, conduite sur un plan idéal, dřoù la tyrannie financière est bannie, quelques mesures fragmentaires destinées à satisfaire les exigences de la rue de Rivoli ? »265

Dans un éditorial de L’Université Syndicaliste, Janets insiste pour que la discussion sur la réforme soit ambitieuse et ne se réduise pas « à des débats sur les horaires et les programmes entre les représentants des diverses sociétés de spécialistes. »266 Mais le principal obstacle soulevé par lřélaboration de la Réforme provient du heurt entre les différentes identités professionnelles portées par les syndicats, lors du débat sur lřécole moyenne, futur collège. Tous acceptent le principe dřune unification du système en degré, et les instituteurs admettent que lřécole moyenne soit baptisée premier cycle du second degré, marquant la séparation symbolique avec lřunivers primaire. Mais lřaffrontement entre syndicats de la FEN concerne deux aspects : la démocratisation et le profil des professeurs intervenant dans ce cycle.

Jean-Auguste Senèze plaide pour la démocratisation dans un éditorial intitulé « La véritable

263 BARRÉ Michel, Célestin FREINET, un éducateur pour notre temps, Tome 2, Mouans - Sartoux, éd. PEMF,

1996, 192 p. - p. 82.

264 GIRAULT Jacques, « La SFIO et le monde enseignant » in BERSTEIN Serge, CÉPÈDE Frédéric, MORIN

Gilles, PROST Antoine, et autres, Le Parti socialiste entre Résistance et République, op. cit. - p. 304.

265 Le ministère des Finances est situé dans cette rue à l’époque. US n°10-11, 10-25 mai 1945. 266 US n°4-5, 10-25 février 1945.

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réforme de lřEnseignement », où il écrit : « Nous craignons que la réforme soit surtout étudiée et réalisée du point de vue du recrutement des « élites ». Ce serait une erreur des plus graves. »267 Ceci lui permet de plaider pour des structures de proximité, notamment dans la France rurale. Du côté du SNES, on souscrit à lřidée dřune augmentation des effectifs dans les filières dites nobles, mais lřon tient à préserver un filtre. Mérat parle donc dřune « grave difficulté » parce que le projet « envisage la suppression des examens » ; il craint que la Commission ne « veuille substituer entièrement la notion dřorientation à celle de sélection. »268 Le SNES demande lřinstitution de deux examens, lřun à lřentrée du lycée, lřautre « à lřentrée dans le second degré, qui sera destiné à classer les élèves et non à éliminer certains dřentre eux, le second degré devant être ouvert, sous une forme ou sous une autre, à tous les enfants qui ont terminé leur scolarité primaire. Cet examen tiendra compte, avant tout, des aptitudes de lřenfant et du dossier constitué au cours de la scolarité primaire. »269 Malgré lřaffirmation dřune volonté sélective, le discours qui justifie celle-ci confirme la perméabilité du SNES aux idéaux de lřécole unique et de lřéducation nouvelle.

Chaque corps dřenseignants exige le contrôle du premier cycle du second degré. Les instituteurs sřinquiètent que lřenseignement du premier degré ne forme plus « un tout complet comme au temps où le cours supérieur couronnait, de 12 à 13 ans, lřédifice primaire », Jean- Auguste Senèze les rassure270. En juillet 1947 il commente la sortie du plan Langevin-Wallon, et explique que le SNI sřest battu pour lřidée de classes intercommunales « organisées sur le modèle de nos Cours Complémentaires à deux maîtres. »271 Il refusait « vigoureusement » celle du collège cantonal, car « le maintien des enfants dans le cadre familial répond également au souci de permettre aux vocations agricoles de naître et de se développer par la participation à la vie de la ferme natale. » Les professeurs du SNES soutiennent eux lřidée des collèges cantonaux, qui correspondent aux collèges modernes et classiques dans lesquels ils enseignent.

Ces débats intersyndicaux et lřévolution rapide du contexte politique expliquent peut-être que les syndicats de la FEN ne se soient pas plus investis dans le travail de la Commission Langevin-Wallon. Lřéchec du plan est aussi le leur, ils ont accordé de lřintérêt à son élaboration et à sa réalisation, sans décider de sřy consacrer prioritairement.

c- La survivance du féminisme syndical

267 EL n°3, 25 octobre 1945.

268 Editorial. US n°2-3, 10-25 janvier 1945.

269 Résolution adoptée par le Congrès. US n°7-8, 10-25 avril 1945. 270 Editorial. EL n°5, 25 novembre 1945.

Le syndicalisme des instituteurs a manifesté son originalité dans lřentre-deux-guerres en créant des commissions féminines, analysées par Anne-Marie Sohn272. Les féministes ont joué un rôle important dans la Fédération Unitaire de lřEnseignement, et formé des cadres pour le SNI. La tradition est préservée à la Libération. Par exemple, un article dřOdette Jarlaud dans L’École Libératrice sřintitule « Il nous faut plus de militantes au Syndicat » et sřefforce de convaincre les femmes de se dégager de leur « complexe dřinfériorité », dřautant que les « préjugés » nřexistent pas dans le SNI273.

Des initiatives locales témoignent de la survivance du féminisme syndical. Dans la section SNI du Puy-de-Dôme, une militante lance fin 1945, un « Appel aux candidatures féminines », dans lequel elle estime que les « instituteurs ne doivent pas se trouver seuls, ou à peu près, à la direction et dans la conduite des affaires syndicales. Toutes les institutrices doivent sřintéresser à cette lourde tâche »274. Elle est partiellement écoutée, puisque sur les huit délégués de la section au Congrès de Montreuil, se trouvent trois femmes. Cet appel suit la création dřune Commission féminine au printemps 1945275.

Lřélection de Pierrette Rouquet comme cinquième permanente du SNI en 1946 semble sřinscrire dans ce mouvement. En effet, Henri Aigueperse légitime cette proposition controversée par un argument féministe : « il semblerait assez logique de donner aux femmes qui représentent les deux tiers des effectifs du syndicat une place dans les responsabilités de lřaction syndicale. »276 Les unitaires, qui pourtant tentent dřobtenir un poste de permanent pour leur courant, ne combattent pas cet argument. Ils proposent que le SNI se dote dřun sixième permanent sur les questions de la jeunesse, poste idéal pour Marcel Merville.

On peut pourtant subodorer que lřutilisation dřun argument féministe provient des circonstances, plus que dřune position de fond. En effet, Henri Aigueperse évite dřexpliquer ce choix par des raisons de tendance, et se replie sur des arguments tactiques. Lřexercice se révèle assez acrobatique quand il explique quřun permanent ne peut se consacrer à la jeunesse « lřengagement nřayant pas été pris dřétendre cette tâche [du secrétariat] à des activités nouvelles ». Notons dřailleurs que la commission dřéducation féminine disparaît.

Pierrette Rouquet tente au début de stimuler le féminisme syndical, en vantant les « sections féminines départementales ». Elle accorde « « une mention spéciale » à « la section de la Seine, où un noyau de militantes actives a fait en quelques mois un travail

271 EL n°19, 10 juillet 1947.

272 SOHN Anne-Marie, Féminisme et syndicalisme . Les institutrices de la Fédération unitaire de

l’enseignement de 1919 à 1935 ; thèse de 3°cycle, Paris X, [A. Kriegel], 417 p.

273 EL n°8, 10 janvier 1946.

274 SNI, Section du Puy-de-Dôme, Bulletin mensuel, n°19, décembre 1945-janvier 1946. 275 SNI, Section du Puy-de-Dôme, Bulletin mensuel, n°13, avril 1945.

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considérable. »277 Mais elle évite le problème de la place restreinte réservée aux femmes dans la direction du SNI, problème que son élection ne résout pas. Les sections féminines périclitent rapidement. Lřune des explications réside dans le fait que la génération de militantes féministes formée dans la Fédération Unitaire nřa pas passé le relais, et quřelle sřinvestit après la guerre dans dřautres tâches.

d- La participation aux instances de gestion de l’Education Nationale

Les syndicats enseignants entretiennent depuis lřentre-deux-guerres des rapports étroits avec les autorités, qui tiennent compte de leur avis, notamment pour la gestion des carrières du personnel. A la Libération, lřune des façons pour eux de renouer avec leur activité consiste à reprendre ces contacts. Le premier numéro de L’Université Syndicaliste, journal du SNES, en témoigne par la plume dřEtienne Colomb : « Comme par le passé, nos organisations syndicales peuvent défendre nos intérêts moraux et matériels et intervenir auprès de lřadministration pour contribuer au progrès de lřenseignement qui nous est confié. »278 Cette citation montre que la négociation avec le ministère constitue le principal mode dřaction envisagé par le syndicat en cette période. Un appel du bureau explique comment ce principe se concrétise : « Le principe de la collaboration avec le ministre étant admis, les modalités en furent fixées. Des rapports réguliers sont établis avec le cabinet du ministre et avec la direction de lřenseignement secondaire. »

Jean-Auguste Senèze, secrétaire général du SNI, théorise des pratiques identiques. Selon lui le SNI « veut participer à lřélaboration de toutes les directives » au motif que ce sont les instituteurs qui doivent en « assurer lřexécution. » Il ajoute :

« Ce rôle du Syndicat ainsi compris, ce nřest pas autre chose que la participation à la gestion. Une des plus anciennes revendications des travailleurs de toutes professions,