• Aucun résultat trouvé

Financement de l’intégration régionale en Afrique

On s’accorde généralement à reconnaître que les problèmes de financement sont le prin-cipal obstacle à l’intégration de l’Afrique. Les communautés économiques régionales tirent l’essentiel de leurs ressources financières des contributions de leurs membres, mais leurs opérations sont financées avant tout par l’assistance extérieure. Les contributions acquittées ont décliné au fil du temps et l’aide extérieure fait parfois défaut ou ne suffit pas pour répondre aux besoins des communautés économiques régionales. Cette ten-dance préoccupante doit être examinée dans le contexte d’une transformation majeure du paysage de l’intégration de l’Afrique avec l’avènement de l’Union africaine.

Le résultat inévitable de cette tendance est une situation financière malsaine. Prenons l’exemple de trois communautés économiques régionales: la CEMAC, le COMESA et la SADC (tableau 3.1). Certaines années, moins de la moitié des contributions de la CEMAC et du COMESA ont été acquittées, alors que les fonds extrabudgétaires du COMESA et de la SADC ont dépassé les contributions des États membres. L’écart entre les besoins des communautés économiques régionales et les contributions des États membres est déjà grand et les projections donnent à penser qu’il va encore se creu-ser (tableau 3.2).

L’exemple de ces trois communautés économiques régionales est représentatif de la situation qui prévaut sur le continent:

• Les communautés économiques régionales qui demandent la même contribution à tous leurs membres doivent en fixer le montant en prenant comme référence les capacités de leur membre le plus pauvre. Pour ces communautés, le budget ne peut répondre aux besoins et il risque de rester insuffisant pendant longtemps;

• Les communautés économiques régionales qui déterminent les quotes-parts de leurs membres en fonction d’un principe d’équité tiennent compte de la capacité de paiement de chacun. Cette méthode peut se défendre en principe mais, au fil du temps, les pays devant verser les principales contributions rechignent à assu-mer la majeure partie du financement du budget. Cet état de faits a causé l’effon-drement de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) lorsque la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont refusé de verser les montants qu’ils devaient à l’organisation.

Les problèmes de financement sont le principal obstacle

à l’intégration de l’Afrique

ARIAF ch3 052604.qxp 6/9/04 12:37 PM Page 46

L’expérience montre que ces formules ne parviennent pas à couvrir les besoins finan-ciers ou qu’elles ne sont plus viables avec le temps.

Pour assainir leur situation financière, certaines communautés économiques régionales (l’UMEOA, la CEDEAO, la CEMAC, le COMESA et la CEEAC) ont envisagé d’autres mécanismes de financement. Plusieurs d’entre elles ont choisi de prélever une taxe sur les importations provenant de pays tiers; l’UMEOA a déjà mis en oeuvre ce système et la CEDEAO et la CEMAC en ont installé certains éléments.

De tels systèmes d’autofinancement sont fiables, ils permettent des flux de ressources prévisibles et empêchent la rétention des fonds par les États membres car les fonds sont déposés sur des comptes dans une banque centrale, auxquels seule l’organisation a accès.

Qui plus est, les ressources générées par des mécanismes d’autofinancement sont plus

Tels systèmes d’autofinancement sont fiables, ils permettent des flux de ressources prévisibles et empêchent la rétention des fonds par les

États membres Tableau 3.1

Taux de recouvrement des quotes-parts par la CEMAC, le COMESA et la SADC, 1991–1998 (en pourcentage)

Année CEMAC et COMESA CEMAC, COMESA et SADC

1991 100,0 100,0

1992 55,0 77,5

1993 100,0 100,0

1994 80,0 90,0

1995 44,8 73,7

1996 47,4

1997 48,1

1998 51,9

— données non disponibles.

Source: Commission économique pour l’Afrique, à partir de sources officielles.

Les blocs sous-régionaux, piliers de l’intégration régionale? 47 Tableau 3.2

Projections des besoins financiers et des recettes provenant des quotes-parts des États membres pour la CEMAC, le COMESA et la SADC, 2000–2004 (en millions de dollars, sauf indication contraire)

2000 2001 2002 2003 2004

Besoins financiers à

moyen terme 176,1 180,7 185,7 198,7 204,5

Contributions mises

en recourvrement 22,7 24,8 26,7 28,8 30,0

Pourcentage des besoins

financiers couverts 12,9 13,7 14,4 14,5 14,7

Note: Les projections des contributions mises en recouvrement ont été établies à partir des tendances antérieures. Un taux de change fixe (1 dollar = 700 francs CFA) a été appliqué aux données de la CEMAC. S’agissant de la SADC, dont l’exercice budgétaire couvre deux ans, les données ont été annualisées en combinant la moitié de deux budgets consé-cutifs de sorte que les données des trois organisations correspondent à des années civiles.

Source: Commission économique pour l’Afrique, à partir de sources officielles.

ARIAF ch3 052604.qxp 6/9/04 12:37 PM Page 47

susceptibles de répondre aux besoins des communautés économiques régionales que les contributions des États membres. Les projections des recettes d’une taxe communau-taire, selon des hypothèses hautes et basses, montrent que, s’il peut arriver que ce méca-nisme ne couvre pas les besoins des communautés économiques régionales, il réduirait nettement le déficit de financement (tableau 3.3).

L’état financier des communautés économiques régionales indique clairement que le système des contributions n’est pas viable à long terme. Dans l’avenir immédiat, la seule option crédible, autre que le recours au financement extérieur, semble être les moda-lités d’autofinancement (encadré 3.1), mais les pays doivent les négocier avec soin pour en préserver les caractéristiques uniques:

• L’autonomie des ressources acquises par rapport aux budgets nationaux.

• Le caractère automatique de la taxe, afin de garantir un flux régulier de ressources;

• La croissance soutenue et la viabilité des ressources. Le flux de ressources devrait au moins permettre de maintenir constantes les capacités des institutions régionales et étendre les activités d’intégration;

• L’équité des contributions. Les mécanismes d’autofinancement doivent être équitables pour garantir une viabilité à long terme. L’équité ne veut pas dire l’égalité mathéma-tique mais une égalité relative, fondée sur la capacité de contribuer de chaque pays.

Jusqu’à présent, la question du financement de l’intégration régionale en Afrique s’est surtout posée pour le fonctionnement de la Communauté économique africaine et des communautés économiques régionales. Avec la création de l’Union africaine, elle a pris une nouvelle ampleur. Outre les frais de fonctionnement des communautés économiques La question du

financement de l’intégration régionale en Afrique s’est surtout posée pour le fonctionnement de la Communauté économique africaine et des communautés économiques régionales

Tableau 3.3

Projections des besoins financiers et des recettes provenant d’une taxe

communautaire pour la CEMAC, le COMESA et la SADC, 2000–2004 (en millions de dollars, sauf indication contraire)

Item 2000 2001 2002 2003 2004

Besoins financiers

à moyen terme 176,1 180,7 185,7 198,7 204,5

Hypothèse haute

Recettes 180,8 188,8 194,9 200,5 207,7

Pourcentage des besoins

financiers couverts 102,7 104,5 104,9 100,9 101,6

Hypothèse basse

Recettes 143,4 147,7 152,0 156,4 161,6

Pourcentage des besoins

financiers couverts 81,4 81,7 81,8 78,7 79,0

Note: Les ressources extrabudgétaires n’étant pas prévisibles et ne rendant pas compte de l’effort des États membres, elles ne sont pas prises en compte dans l’évaluation du déficit financier.

Source: Commission économique pour l’Afrique, à partir de sources officielles.

ARIAF ch3 052604.qxp 6/9/04 12:37 PM Page 48

Les blocs sous-régionaux, piliers de l’intégration régionale? 49 Encadré 3.1

La notion d’autofinancement

Inconvénients du système des quotes-parts

Les communautés économiques régionales africaines ont de grosses difficultés à mobiliser des ressources régulières suffisantes pour financer l’intégration. Jusqu’à présent, les ressources mobilisées ont été consacrées principalement aux dépenses de fonctionnement des secrétariats et des institutions spécialisées et elles provenaient des budgets nationaux des États membres, qui sont subordonnés aux priorités et aux contraintes de chaque pays. Il en découle:

Une forte dépendance des communautés économiques régionales envers la capacité des États membres de s’acquitter de leurs dus;

Une mobilisation insuffisante des ressources, qui couvrent à peine les dépenses de fonctionnement;

Une accumulation des arriérés;

Un financement irrégulier des fonds de compensation ou des fonds de développement régional;

Une dépendance envers l’assistance internationale pour le financement de projets et de pro-grammes sectoriels alors que cette assistance est de plus en plus incertaine ou assortie de conditions.

Objectifs des mécanismes d’autofinancement

Le principal objectif est de faire en sorte que le processus d’intégration économique soit sûr, viable et irréversible. Les différents mécanismes proposés visent à mobiliser davantage de ressources pour financer:

Les budgets ordinaires des secrétariats des communautés économiques régionales;

Les mécanismes compensatoires, existants ou prévus;

Les projets et programmes régionaux et les études connexes;

Les fonds de développement régional.

Le deuxième objectif est de rendre les communautés économiques régionales africaines moins tributaires de l’aide extérieure et des budgets des États membres. La dépendance actuelle doit être nettement réduite, voire éliminée, pour que le paiement des salaires ou d’autres dépenses de fonc-tionnement cesse d’être la principale préoccupation des responsables de l’intégration économique.

Critères de base des mécanismes d’autofinancement

Pour atteindre ces objectifs, les ressources dérivées des mécanismes d’autofinancement doi-vent être:

Réservées aux institutions régionales et distinctes des budgets nationaux, dans un souci d’autonomie;

Permanentes, pour garantir la régularité des flux financiers de l’institution;

Automatiques, pour permettre une plus grande concordance entre la conception et la mise en œuvre de projets et de programmes régionaux;

En hausse continue, pour maintenir les capacités des institutions en termes réels et permet-tre l’extension nécessaire de la portée de l’intégration;

Indépendantes des fonds des trésors nationaux et d’autres recettes gouvernementales afin de protéger les communautés économiques régionales des effets d’une modification éven-tuelle des priorités au niveau national;

Équitables, en fonction de la capacité de contribuer de chacun.

Les objectifs et critères décrits ci-dessus supposent une taxe à l’assiette large, facilement quantifiable et pouvant générer des montants importants à un faible taux d’imposition.

Source: Commission économique pour l’Afrique, à partir de sources officielles.

ARIAF ch3 052604.qxp 6/9/04 12:37 PM Page 49

régionales, il faut désormais financer les réunions de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union, du Parlement panafricain, du Conseil exécutif et du Conseil économique, social et culturel, et le fonctionnement de la Commission.

Si l’on veut que l’Union donne de meilleurs résultats que la Communauté économique africaine, les institutions financières prévues dans l’Acte constitutif de l’Union africaine (la Banque centrale africaine, le Fonds monétaire africain et la Banque africaine d’in-vestissement) doivent être opérationnelles et viables. Il est impératif de mettre en place une stratégie de financement globale qui tienne compte des besoins de financement à court et à long termes de l’Union africaine, des communautés économiques régionales et d’autres organismes secondaires et techniques, comme l’Union panafricaine des postes, l’Union des chemins de fer africains ou les organisations de mise en valeur des bassins fluviaux, entre autres. De par leurs avantages comparatifs, ces organes spécia-lisés peuvent compléter les activités des communautés économiques régionales et faire progresser l’Union africaine et l’intégration de l’Afrique; ils doivent donc être ferme-ment soutenus.