• Aucun résultat trouvé

Dans cette fameuse journée de Morat, comparée , par de

grauës historiens modernes, à celles deMarathon et de Platée, plusiturs chefs fribourgeois, émules des Wuippens et des Fégely, brillent au rangdes héros ou des chefs secondaires.

C'est l’avoyer Petermann de Faucigny, distingué par plus d'unenégociation heureuse, et dont un monument

pieux

et

£i-gantesque , le grand Crucifix du cimetière Saint-Pierre , rend la mémoire populaire. C’est Guillaume d’Affry,, frère de l'au-bergiste de la Croix-blanche, qui commande, sous le grand Adrien de Bubenberg , 80 Fribourgeois de la garnison de Morat. C'est Nicod Perrotet qui , à la prise de Châtel Saint-Denis, le19 mars 1461 , à fait des prodiges debravoure ,

re-nouvelés depuis à Grandson , et qui, après la grande défaite du Téméraire , est élevé au poste de commandantde place de Morat, devenue une

ville

aussi importante que célèbre. C’est Jacques Felga, de cette noble famille des Felga ou Duens

qui,

onze fois dans le cours du 13° et du 14° siècle , occupe le fauteuil des avoyers. RKemarqué par son héroïsme aux siéges deLille etdeBlamonten Bourgogne, Jacques Felga contribue, deux ans après,

à

laprisedeRueet de Romont,

et

devient

le

pre-mier avoyer de Morat, auparavant ville savoisienne, C'est

en-core

le

vieux Petermann Pavillard, misà latêtedelarépublique fribourgeoise par le ducAlbert d'Autriche, et qu'illustrent ses travaux diplomatiques auprès des cours de France , de Bour-gogne et de Savoie. Une'place aussi, parmi ces hommes dis-tingués , à Willi Techtermann , lerichetanneur

et le vaillant

capitaine , l'honneur des métiers et des armes de Fribourg, qui ajouteles lauriers de Morat à ceux qu'il a cueillis daris la guerre de Thurgovie , et dans l’expédition d'Hélicourt. Et pourclore enfin cette galerie mémorable, le brave et infortuné chancelier Cudrefin , qui finit dans le désespoir du suicide une carrière, glorieusement commencée dansles combats pour

* Tellier, Goschichte des çidgendssischen FPreistantes Bern. T, IT, p. 298.

Sn

2 ex

l'indépendance , cthonorée par des services éminents rendus

à la république *.

La rare valeur des Fribourgeois , pendant tout le cours de la guerre de Bourgogne

,

illustres , fixent de plus enl’éclatpluset

l'attention

le nombredes Confédérés etde leurs hommes des étrangers sur une

cité

célèbre déjà par l'aspect imposant

et terrible de ses fortifications, Un grand congrès se prépare, des ambassadeurs, des généraux, desprinces voisins avec les chefs de la Confédération. Il s'ouvrira à Fribourg; etaprès cette diète , la plus brillante peut-être desannales helvéliques, deux des héros fribourgeois, Hanz Fégely et l’avoyer de

Wuip-pens

iront

avec Waldmann et Bubenbergreprésenter à la cour de Louis XI les vainqueurs de Morat.

La guerre de Souabe qui suivit deprès celle de Bourgogne, et dont les six grandes batailles achevèrentd'affermir l’edifice

de la Confédération,

militaires. Lie capitaine de cette époque ‘qui

attire

le plus les regards, est le chevalieret avoyer Dietrich d'Englisberg. Issu donna à Fribourg de nouvelles gJoires

d’une maison qui

avait

déjà fourni aupaystrois avoyers, d'En-glisbergse signalecomme

chef

detroupes auxiliaires enFrance, en Savoic etsur les bords du Rhin. Commandant d’un corps de Fribourgeois à Dornach, il en commande un seconc sous lesmursde Gênes en1507, et

fait

flotterle drapeau de Charles VIII dans cette ville révoltée ?.

Mais au-dessus de toutesces illustrations politiqueset guer-rières de nos fastes fribourgeois, s'élève une figure hautaine et ambilieuse , la plus fière peut-être dc notre histoire can-tonalc, figure dramatique, comme

celle

de l'avoyer d'Avenches,

et brillant même d'un cerlain lustre dans les luties curopéennes de la

mais bien autrement mélée aux aflaires fédérales,

fin da 16°siècle, l'ayager Pierre Faucon, ou, comme

it

aimait

à s'appeler lui-même, Peter Falck8.

Peter Falék , comme presque tous les grands hommes, eut de faibles commencements. I] sertait cependant d’une illustre famille. Les nobles Faucon occupaient l’une des quatre mai-sons fortifiées qui flanquaient

la

cité gerroyante de Berch-told IV#. Mais, dans les républiques, on ne parvient pastout d'un coup. Il faut parcourir des degrés et gagner peu-à-peu

+ Le chancelier Jacques Cudrefn , attaqué delalèpre, se suicida et{fut traîné surune claiejusqu'au lieu du supplice.

? Tous ces détails biographiques se trouvent ou dans l’H:szoire cantonale ,passim, ou dans les Chroniques les plus communes Lenz-bourg, d'Alt etDescription dtenduela plupartet ctreonstancivedans une Chroniquedes villes, baill‘ages, terres, paysimanuserite intitalée

:

et

selgmeuries, ete. de

Fribourg.

Paris 1780.

3 Le nom véritable ei primitif de la famille Falck est Fanéôn.

Ainsi qu'il est facile de s’en convaincre par l'examen du Lure des avec Les généalogies des

familles

Bourgeois, unefoule de famillesd'origine savoisienne etbour gvignonne, germanisèrent Teurs noms à l'époque de l’entrée de Fribourg dans la Confédération suisse. Les Faucon devinrent des Falck, les Veillard s'appelèrent d’Alt, les Mestral Ammann, les Duens des Dudingeu,

comme plustard lesDupasquier, des Yonderweid.

4 Guillimann , De rebushelv. DeFriburgo.

Pour les détails de l'histoire tragique d'Arsent,

les suffrages du populaire, Peter Falck avait tout ce qu’il fallait pour réussir: Une haute intelligence, servie par des études approfondies, vastes connaissances, une grande hardiesse dans les vues et les démarches, une volonté de fer, une bra-voure à toute épreuve, et une éloquence qui captivait la bour-geoisie, Aux avantages de l'esprit,

il

joignait une taille élevée et imposante, Avoyer de Morat en 1505, puis bourgmaître, il parvint

à

se faire élire banneret en 1510 8.Or,les bannerets étaient devéritables tribuns du peuple, armés du redoutable Veto, juges etmagistrats en temps de paix, et portant la ban-nière en temps de guerre. Leur pouvoir, à la fois civil, poli-tique et militaire, leur donnait sur la communauté un im-miense ascendant, accru encore parle libre choix des ciloyens.

Falck sut exercer cepouvoirdans toutesa plénitude, ctcomme aucun banneret, ni avant ni après lui. Mais il existait, dans

larépublique , une dignité plus éminente que celledont

il

était

revêtu. Les avoyers, consuls de l’état, comme

les

bannerets, en

étaient

les

tribuns, marchaient à la têtedu petitconseil et des Deux-cents, etcommandaienten chef,en Lemps

de

guerre. Cette suprême magistrature était occupée, au commencement du 46° siècle , par l'expérimenté capitaine et chevatier Dictrich d’Englisberg, dont nous avons parlé, etle chevalier François d'Arsent, gendre de l’avoyer Diesbach, deBerne. D'un carac-tère honorable, mais faible et dénué de talents distingués, François d’Arsent devint facilement un objet d'envie poar

le fort et orgueilleux banneret.

Un procès acheva de brouiller ces deux hommes qui sem-blaient ne se rencontrer partout que pour rendre plus

sail-lante leur haine mutuelle ; en ville, leurs demeures n’était séparées que par un pelit jardin °, à la campagne , où leurs habitations d'été se touchaient presque, dans le village alle.

mand

de

Frisenheit”. Les intrigues despuissances étrangères qui, depuis laguerre deBourgogne, enlaçaient!a Suisse comme un réseau, divisant chaque canton en deux ou même trois partis, dont chacun

avait

ses chefs richement pensionnés, vin-rent donner une couleurpolitique à l’animosité de Falck et d’Arsent, dont l’un devait tomber victime de l’autre, Le parti

de la France avait alors pour agent principal en Suisse , un genfilhomme valaisan nommé Georges Auf der Flüe *; etun Valaisan encore, l’ancien protégé d'Auf der Flüe, Mathieu

5 Chronique fribourgeocse écrite àParisen1780, avticle : Falek

Stettler, Chronique suissse, p. 565. ;

6 Voir le Dürgerbuch On Livredes Bourgeois. La maison de Fran-çois d'Arsent élait entre l’abbaye des Merciers et la maison des nobles d‘'Avenches, occupée au 16°siécle par lesFales, hortulo quodwmn

inter-medio. (Note due à l'amitié de M Berchtold.)

* P'résenheit, paroisse, de Bæœsiagen.

ue

ulin, Diet, hist, et géogr.

voir dans le Ge-schichtforscher vne longue et savante relalion (Berne. 7872. &, 1.415).

Glutz-f de p- 233 à 240. D'Alt, 4°" volume , depuis

F30. Archives cuntonales. #

3 En latin Supersax. M. de Chambrier

,

dans son intéressante His-toire de Neuchittel, page 297, nous paraît traiter avec troop de dédain ce personnage qui joua un rôle important

:

dans la Buisse de l'époque.

Blosheïm ,

és

5

2

Schynner, cardinal évêque de Sion , représentait le parti du | pape JuleslI. D'Arsent, au lieu de garder la position neutre qui convenait à un chefde république , montra du penchant pour la France. C'enfut assez, pour queFalck sejetät

corps

perdu dans la faction opposée. Un incident vint compliquer encore la querelle, Auf der File étant venu à Fribourg, le crédit du cardinal Schynner fut assez puissant pour

l'y

faire

arrêter etmettre enjugement, Falck qui ne voulait pas laisser échapper l'ocasion de perdre d'Arsent, le fit charger de dé-fendre l’accusé, Cemagistrat se voyait placé par ,dans la fà-cheuse alternative de tomber dans la disgrâce de ses conci-toyens, ou d’anéantirlni-même son parti avec son ami et chef politique. Sur ces entrefaites, leprisonnier s'évada de l’Hôtel-de-ville où il était enfermé, et s'enfuità Neuchâtel, Falck crie à la trahison , et soulève labourgeoisie , qui entoureavce des cris lumulluerx l’église de Saint-Nicolas, le pieux avoyer d’Arsent entendait tranquillement la messe. Les chanoincs, amis de l’avoyer , ferment précipitamment les portes de la collégiale. Mais l’exaspération de la bourgeoisie contraint les prêtres à les r'ouvrir, ct GO hommes délégués par le conseil | conduisent d'Arsent en prison, Les Deux-cents s'assemblent.

La riche et noble parenté d’Arsent, les Diesbach de Berne, lesambassadeurs de Savoie, les députés des cantons, l’évêque deLausanne, le clergé entier, intercèdent en faveur du noble

caplif.

Lui-même , d'Arsent , tremblant devant le sorti qui le me-nace, implore la pitié de ce sénat qu’il présidait autrefois:

« Jene suispoint coupable de l'évasion de Supersax,

écrivail-» il aux Deux-cenls. Tout mon crime est d’en avoir eu

con-naissance. Le

vrai

coupable est ledoyen de Saint-Nicolas,

» Messire Laubli, » Le Sénat ébranlé par les sollicilations d'hommes puissants, et par les larmes de son ancien avoyer, semble un moment s’adoucir. Mais Falck qui ne-veut point là-chersa victime, haranguelabourgeoisie. D'horriblés clameurs

assiégentl'Hôtel-de-ville et font pâlirlesSénateurs jusque sur leurs sièges. Les Deux-centsvolent la mort. L'avoyer Dietrich d’Englisberg, mal disposé, ou impuissant à sauverson vieil

»

ami

et

collègue, vient lui-même

lni

ôter le collier des cheva-liers, quiornailsa poitrine,.et peu d'heures après la sentence

rendue, le chevalier et avoyer François d'Arsent, vénérable par son grand âge, des services rendus, et l'exercice de Ja

plus haute magistrature , marche au supplice,, revêtu d’une robe blanche de camelot, et reçoitle coup de la mort avec la sérénité d'un homme plus malheureux que coupable. C'était le 18 mars 1544 1,

1

>

un grun pacier la morte« (c'est un grand réconcilialeur que Jamort), dit Alessandro Mansoni, dans sa Tregedie de Carmagnola (atto quinto). Le cœur du peuple, qui ne s'était point ému en faveur d'Ar-sent suppliant, versa des larmes sur la tombe d'Arsent mort. Long-temps celle tombe, que l'ondistingue encore dansl'église des

Corde-Vers, en entrant par la grande porte à droite, fut l'objet d'une pro-fonde vénération parminos pères; mais les pas insoucieux de la foule

onteffacé l'inscription funéraire. La poésie même se plutà embellir la

Falek triomphait désormais dans larépublique. Mais lesang versé avait calmé bien des effervescences et éveillé bien des remords. Quand, trois ans après , se fit l’élection d’un nou-vel avoyer,le cruel banneret ne réunit point les suffrages de la bourgeoisie. Îl résolut alors d'eflacer son crime par la victoire, et de cacher l'échafaud sous des bannières conquises.

L'occasion était favorable.

Aa sortirdu moyen-âge, lesgrandes puissances, parvenues

àurl: organisation intérieure vigoureusement constituée;

cher-chèrnt

à s’agrandir au dehors ct à se créer une suprématie sur d'autres parties du continent. L'Ttalie anarchique et dé-naticnalisée, était devenue le champ de bataille des peuples conquérants. Français , Allemands , Espagnols , Italiens, Anglais même et Ecossais se ruaient tour à tour sur la Lom-Lardie et le royaume de Naples, principal objet de la convoi-tise des princes.

“Mais, ni les uns ni les autres de ces peuples, au dire des écrivains contemporains, Mechiarel et Guichardin , ne de-vaiert recueillir la gloire de cette guerre: Era con Infamia

grande (s'écrieavec indignation Guichardin) di tutri gli altri destinata la gloria di questaguerra, non d'Francesi, non

'fanti

tedeschi, non all'armi spagnuole, non alle Feneziane, ma solo agli Suizæcri

Peter Falck fat l’un des grands hommes de ces expéditions ultramontaines, dontlesrésultats immédiats furent,en premier lieu, l'expulsion des Français de l'Italie, la réinstatlation des Sforzasurletrôneducal deMilan, la délivrance duSaint-Siége,

et comme conséquence naturelle, la prépondérance mnomen-lanée des Suisses en Europe,

Condaits etélectrisés parlearénergique et prudent banne-ret, les Fribourgeois luttèrent d'héroïsme avec les plus cou-rageux dés Confédérés, Dans la première campagne, 1511, en novefiibre , un corps de Confédérés passe le Saint-Gothard

et arriŸé aux bords de la Trésa. Les cavaliers et les archers

{ du général français Liapalice occupaient l’autre rive. Sans Hésiter , les guerriers fribourgeois, Hanz Heid, Hanz Lau-per, Hauz Schwænci, l’ancien banneret Schnewli, se jet-tent à la nage et fondent

sur

le rivage, Les Français disparais-sent , et à peine les cavaliers de Liapalice ont-ils le temps de couper le ficol de leurs chevaux 3, ALodi , Hanz Heid, guer-traditionde la mort tragique d'Arsent,de circonstances émouvantes.

La plus répandue, est le traitde désespoir d’une domestique fidèle qui, voyant son maître marcher au supplice, sufrappa lapoitrine d'un con-teau qu'elle trouva soussa main. Le grand caractère, prêté à d'Ar-sent par cerlaines chroniques, est moius historique encore. Pours'en

convaincre,Onn'a qu'à jeterun coup d'œil sur

la

relution du Ceschrehki-Jorseher citée plus haut.

? A lagrande hontede tonsces peuples, la gloire de cetteguerre était réservée non aux Français, nom aux fantassins allemands, non aux Espagnols, ni. aux aymes vénitiennes, Mais dr/quement auxSuisses,

(Guichardin, p. 882.)

3 Gluts-Blozheim, p. 253, édition allemande.

su

À

eu