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5.7 Facteurs favorisant l’aptitude au drageonnage

5.7.2 Les facteurs endogènes

5.7.2.1 Aspects génétiques

A l’instar d’autres modes de MV, l’aptitude au Dge dépend de l’origine génétique : certaines espèces drageonnent plus facilement que d’autres, qui sont totalement récalcitrantes. Des différences sensibles peuvent exister entre individus (génotypes) d’une même espèce, en fonction notamment de la capacité à produire des racines superficielles de type traçant qui favorisent l’émission de Dr.

Dans le nord du continent américain, Barry & Sachs (1968) rapportent une nette différence dans la production de Dr entre des clones californiens de peupliers (P. tremuloides). Barnes (1966) et Tew (1970) confirment que le nombre de Dr produits par l’aspen varie en fonction des clones. Selon Bailey & Bailey (1976), la présence de Dr est indubitablement un caractère génétique lié au cultivar. Les cultivars considérés présentaient des aptitudes au Dge profondément différentes, mais ils sont aussi affectés par les conditions environnementales (Bailey & Bailey 1976). Schier (1978) a observé de nombreuses variations dans la production de Dr au sein d’un même clone. Schier et al. (1985-a) mettent également en évidence une capacité intrinsèque liée au génotype et ajoutent que le nombre de Dr produits peut varier considérablement entre des clones différents. Par exemple, Sachs (1968), cité par Schier et al. (1985-a), a mis en évidence une très grande variabilité dans l'aptitude au Dge entre clones de peupliers de Californie.

Des études génétiques avec marqueurs intégrant cinq traits morphologiques et phénologiques (dont le Dge) se sont intéressées aux génomes de différentes variétés de pomme (Malus spp.) afin de localiser les gènes qui ont un effet majeur sur les traits étudiés. Lawson et al. (1995) ont réalisé leur étude au sein d’une famille de pommes obtenues par croisement entre les variétés ‘Rome Beauty’ et ‘White Angel’. Parmi les résultats obtenus, ils notent que « dans cette famille 38 plants possèdent des Dr et 44 en sont dépourvus, suggérant un héritage monogénétique (2

= 0.027 ; P = 0,87 pour une ségrégation de type 1:1). Le phénotype du Dge est associé avec le groupe linké 1 de ‘White Angel’ à proximité du marqueur RAPD P124e. La forte corrélation suggère que dans ce croisement un seul gène, désigné ici comme étant le gène Rs, détermine la production de Dr ». Par contre, « dans le croisement entre ‘Rome Beauty’ et ‘Robusta 5’, seul sept arbres ont produit des Dr. Si dans la famille ‘Rome Beauty’ x ‘White Angel’, la présence de Dr apparaît comme étant conditionnée par un seul gène, l’analyse de la ségrégation des Dr dans la famille ‘Rome Beauty’ x ‘Robusta 5’ ne permet pas de confirmer l’héritage monogénétique ».

En Finlande, Stenvall (2006) démontre qu’il y a de très grandes différences entre clones en ce qui concerne la précocité de réactions de BSR de Populus tremula (chapitre 6.2.2.2). Harrison (2009) conclut que l’aptitude des P. tremula à s’enraciner varie considérablement entre clones. Pour Kitamura et al. (2000), la formation des Dr dépend du génotype chez Fagus grandifolia.

175 En Afrique, la désertification du milieu a entraîné une perte de diversité génétique importante pour les populations de Balanites aegyptiaca du sud algérien, qui n'a pu survivre que grâce à la MV, alors qu’au nord du Burkina Faso et au Sénégal, cette même espèce se régénère rarement par Dr (Chevallier 2003 ; CSFD 2004). Au centre du Burkina Faso dans des jachères, le comptage de tous les jeunes plants en vie sous 73 kapokiers (Bombax costatum) a montré que 67 % des pieds-mères ne se régénéraient pas par semis. Une I°D sur dix kapokiers adultes a eu lieu au début de la saison des pluies (mi-juin). Après un peu plus de trois mois, le 30 septembre, tous les arbres avaient drageonné (chapitre 5.8). A cette date, 170 Dr ont été individualisés : leur nombre par

arbre varie de 1 à 74. Les arbres n° 4 et 5 ont 31 et 28 Dr respectivement, l’arbre n° 7 en porte 74,

alors que l’arbre n° 6 n’en a produit qu’un seul. Cette variabilité est sans doute d’origine génétique, car la saison d’induction, ainsi que la technique utilisée, étaient identiques. De plus, il n’y a pas une grande variation quant à la nature du sol sableux, très homogène dans ces parcelles. En particulier, en comparant les arbres n° 6 et 7, l’hypothèse d’une influence génétique sur le Dge est plausible, tout en considérant que d’autres facteurs, par exemple liées à la physiologie des arbres, peuvent être envisagés (Belem et al. 2008).

Nombre de drageons (ND) avant et après induction (Belem et al. 2008). 25/06/061 20/08/06 30/09/06 Accroissement en 3 mois ND dans les trous ND entre les trous ND broutés Arbre 1 0 1 2 2 2 0 0 Arbre 2 1 1 4 3 3 0 0 Arbre 3 0 1 10 10 7 3 3 Arbre 4 0 3 31 31 20 11 12 Arbre 5 0 0 28 28 24 4 9 Arbre 6 0 4 1 1 1 0 0 Arbre 7 0 4 74 74 36 38 7 Arbre 8 0 0 6 6 5 1 0 Arbre 9 0 0 9 9 9 0 0 Arbre 10 0 0 6 6 6 0 0 Total 1 14 171 170 113 57 31 1

avant la mise en place de l’essai

Des analyses génétiques ont été réalisées pour diverses espèces drageonnantes et commercialement importantes (ébénisterie, fruits, etc.) ou formant des colonies fragmentées et isolées : Erythroxylum pulsillum, Eucalyptus dolorosa, E. grandis, E. phylacis, Eurya marginata, Fagus grandifolia, Hakea pulvinifera, Haloragodendron lucasii, Lindera triloba, Lomatia tasmanica, Malus sp., Prunus avium, Quercus ilex, Populus tremula, P. tremuloides, Robinia pseudacacia, Salix exigua, Santalum austracaledonicum, S. insulare, Sorbus torminalis, Ulmus minor. Pour retrouver les références bibliographiques de ces études relatives aux espèces citées ci-dessus, elles sont reprises dans le chapitre 8 sous une forme télégraphique, puis de manière classique dans la bibliographie (chapitre 9).

On remarquera malheureusement qu’aucune analyse génétique n’a été réalisée pour les espèces africaines (sauf au Maroc pour l’arganier), absentes de cette liste !

176 5.7.2.2 Réserves glucidiques et âge

Les réserves glucidiques sont évidemment liées à la saison (chapitres 5.7.3.1 et 6.1.3) et donc à la température de l’air exerçant un stress sur l’arbre, la température du sol, la lumière et les radiations solaires, etc. Il est en conséquence très difficile d’établir la part réelle des éléments discriminants. Nous citerons ici les conclusions de quelques articles et travaux qui traitent principalement des réserves en glucides (autrefois appelés hydrates de carbone), aux réserves carbonées, au réservoir de substances trophiques, à la mobilisation de réserves de type glucidique (amidon) et à la nutrition minérale. La production de Dr est étroitement liée à la capacité de mobilisation des réserves glucidiques (amidon, sucres solubles, hémicelluloses).

Au cours de l’expérimentation menée par Tew (1970, cité par du Laurens et al. 2000), le nombre de Dr produits semblait être plus justement corrélé au taux de croissance annuel moyen du diamètre de la tige du clone, plutôt qu’à la quantité de réserves présentes dans les racines. Sur Populus tremula, Eliasson (1971-a, 1971-b) a montré que quelques feuilles matures doivent être

maintenues sur la tige pour permettre le Dge. Il en conclut que la formation des Dr est dépendante

d’un apport de substances carbonées. D’après Schier & Zasada (1973, cités par Schier 1978), la croissance initiale des Dr varie en fonction de la concentration en réserves carbonées. Le Dr reste en effet, selon Schier & Zasada (1973, cités par Schier 1985-a), dépendant des réserves de la

racine-mère jusqu’à ce qu’il émerge de la surface du sol et qu’il puisse lui-même photosynthétiser ses

propres substances carbonées. Selon Schier & Johnson (1971) et Schier et al. (1985-a), le nombre de Dr produits par un clone est probablement relié au niveau de la réserve en hydrates de carbone. Robinson & Schwabbe (1977) confirment que pour obtenir 90 % de réussite avec des BSR de pommier, ce niveau « initial » des hydrates de carbone lors de la récolte des BSR est primordial.

Etudiant des plants d'Ailanthus altissima âgés de quatre ans, Clair-Maczulajtys (1985) remarque « qu'en hiver, au mois de janvier, 91,2 % de l'amidon (total) est localisé dans les racines (2/3 dans le pivot, 1/3 dans les racines latérales). Quant au collet qui n'en contient guère (1,4 %), il se révèle moins riche en amidon que les quatre unités de végétation de la tige (en partant du bas vers le haut : 2,2 – 1,4 – 1,5 et 1,7 %). Seules les zones de transition situées entre les quatre unités de végétation, qui se succèdent au fil des ans, montrent des taux très bas en amidon (0, 1 à 0,3 %). Par contre, en ce qui concerne les sucres solubles, 73,5 % du total sont localisés en hiver dans les racines (2/3 dans les latérales et 1/3 dans le pivot). Les racines latérales stockent à elles seules la moitié de la quantité totale des sucres solubles des parties pérennes du plant de quatre ans. Pour le système aérien, le collet est la zone la plus riche en ces métabolites, avec 11,1 % des sucres solubles des parties pérennes, pour moins de 16 % pour l'ensemble de la partie aérienne (trois zones de transition et quatre zones de végétation). Une grande différence existe entre les proportions mesurées dans les quatre unités de végétation proprement dites (6,2 – 3,5 – 2,6 et 2,3 %) et celles mises en évidence dans les trois zones de transition de la tige (inférieures à 0,1 %). En gros, l'unité de végétation renferme entre 23 et 70 fois plus de sucres solubles que la zone de transition.

177 Figure n° 107. Evolution de l’amidon et des sucres solubles en été et en hiver (Tableau de Clair-Maczulajtys 1985).

En été, au mois de juillet, la situation est bien différente pour les répartitions souterraines d'amidon. Si l'amidon est toujours accumulé préférentiellement dans le système racinaire (93,1 % de l'amidon total contre 91,2 % en hiver), ce sont les racines latérales, et non plus le pivot, qui en contiennent plus des 2/3 15 . Pour l'ensemble de la partie aérienne, le collet et la première unité végétale contiguë sont les zones privilégiées (mais avec seulement 1,9 et 4 % respectivement de l'amidon total) ; le cumul des proportions dans les autres unités de végétation et les zones de transition est inférieur à 1 % du total. Les racines latérales et le pivot contiennent plus de 65 % des sucres solubles totaux des parties pérennes, bien que leur teneur soit plus faible (65, 5 % en été contre 73, 5 % en hiver) et l'ensemble collet plus la premièreunité de végétation en contiennent plus de 25 % (dont 19,2 dans le collet, alors qu'il n'en avait que 11,1 % en hiver). Le reste des sucres solubles est bien évidemment mieux réparti dans les unités de végétation en été (12 % pour les trois unités sommitales et 0, 2 % pour l'ensemble des trois zones de transition » (Clair-Maczulajtys 1985).

Dans les trois graphiques qui suivent, Clair-Maczulajtys (1985) présente l’évolution des teneurs en amidon, en sucres solubles et en hémicelluloses au cours de la formation d’un drageon de trois ans (les différentes unités de végétation sont indiquées par les lettres A, B et C.

15

Les racines latérales peuvent ainsi mieux répondre à un stress en été et éventuellement réagir ou émettre un Dr, spécialement si l'enracinement est très traçant et si l'espèce est réputée par son aptitude au Dge. Il semble donc important de mettre en évidence cette migration (entre période de repos et période d'activité cambiale) des sucres solubles et de l'amidon entre l'enracinement pivotant et l'enracinement latéral chez les plantes capables de drageonner.

178 Figure n° 108. Evolution des teneurs en amidon au cours de la formation d’un drageon de trois ans. Les différentes unités

de végétation sont indiquées par les lettres A, B et C (Clair-Macjulajtys 1985).

Figure n° 109. Evolution des teneurs en sucres solubles au cours de la formation d’un drageon de trois ans. Les différentes unités de végétation sont indiquées par les lettres A, B et C (Clair-Macjulajtys 1985).

179 Figure n° 110. Evolution des teneurs en «hémicelluloses» au cours de la formation d’un drageon de trois ans. Les différentes

unités de végétation sont indiquées par les lettres A, B et C (Clair-Macjulajtys 1985).

A la suite de ces analyses, Clair-Maczulajtys (1985) émet l’hypothèse suivante, représentée par la figure n° 111 : « Il est classique de considérer chez les jeunes arbres que le système racinaire constitue un « puits à métabolites » surtout en automne à la chute des feuilles (…). Pour le drageon d’ailanthe, on peut envisager, en pleine période de végétation, un antagonisme entre les deux types de « puits » : croissance végétative et système racinaire. »

Figure n° 111. Pertes en % de la matière sèche foliaire en été en automne en France pour les drageons d’Ailanthus glandulosa (Dessin de Clair-Macjulajtys 1985).

180 Pour Stenvall et al. (2009), qui ont étudié les taux d’amidon, glucose, fructose et sucrose en fonction des saisons, au laboratoire (-18°C) et au champ, seul le sucrose montre une corrélation

forte avec l’ "efficience à drageonner". Le taux élevé de sucrose n’explique pas à lui seul cette

efficience : au printemps, des signaux hormonaux liés à l’élévation de la température entrent en jeu (Wan et al. 2006 ; Stenvall et al. 2005, 2009).

En ce qui concerne l’âge des ligneux qui drageonnent, les observations en forêt sont quasiment absentes, car l’âge des arbres-mères est inconnu, sauf dans le cas de plantations. Francis (1983) signale que de vieux Liquidambar styraciflua âgés de plus de 150 ans émettent encore des Dr. Des Casuarina cunninghamiana âgés peuvent encore drageonner (Turnbull 1986). Indirectement, on

peut avoir une certaine idée de l’effet « âge » en étudiant les BSR. Troup (1921) remarque que les

BSR récoltées sur des plants de trois ans de Xylia xylocarpa ont un taux de réussite de 72 % alors qu’il n’est que de 56 % à six ans. Nsibi et al. (2003) notent que pour Quercus suber en Tunisie, l’âge influe nettement sur la MV : les BSR prélevées sur des racines d’arbres âgés d’un an s’enracinent beaucoup mieux que celles d’arbres de 50 à 100 ans. Suchockas (2010) compare les taux de survie de BSR en fonction de l’âge de deux hybrides (P. tremula x P. tremuloides et P. tremula x P.alba). Les BSR sont prélevées sur des peupliers hybrides de 1, 24 et 39 ans. Les taux de réussite respectifs des BSR sont de 52, 11 et 6 % (chapitre 6.2.2).

5.7.2.3 Phytohormones et dominance apicale

Dans de nombreux articles, lorsque l’on parle d’hormones, beaucoup d’auteurs utilisent la locution impropre « régulateurs de croissance » ; celle-ci évoque une action régulatrice. Cette expression, tout comme le terme « phytorégulateur », proviennent vraisemblablement des fabricants de produits phytosanitaires. Il faut leur préférer l’expression « substance de croissance » ou phytohormone. Ce sont les hormones végétales produites par les plantes.

ENCADRE N° 8 : LES PHYTOHORMONES

Les phytohormones sont donc des messagers chimiques, émis à très faibles doses, synthétisés dans un tissu qui peuvent réguler certains processus dans un autre tissu. Le développement des plantes est régulé par six catégories majeures de phytohormones : les auxines, les gibberellines, les cytokinines, l’éthylène, l’acide abscissique et les brassinostéroïdes (Urban & Urban 2010) :

- les auxines (telles que l’acide indole 3-acétique [AIA], l’acide naphtalèneacétique [ANA], l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique [2,4-D] stimulent notamment la dominance apicale, la croissance en longueur, l’élongation cellulaire, la ramification des racines, la rhizogenèse adventive (l’enracinement des BFB, BSR, MT, MA) et régulent l’abscission des fleurs et fruits. L’AIA est produite par le bourgeon terminal qui régule la dominance apicale qui fait qu’un ligneux pousse d’abord en hauteur. L’AIA inhibe le débourrement des bourgeons latéraux en agissant de manière décalée, à distance de ces derniers. L’AIA ne pénètre pas dans les bourgeons latéraux, car plusieurs phytohormones interagissent avec elle ;

- les cytokinines (telles que l’isopentényladénine [IPA] ou la Zéatine ou N6-isoentényladénine) stimulent la division et l’allongement cellulaires et jouent notamment un rôle dans la régulation de

181 la différenciation cellulaire, des bourgeons et des racines. Elles lèvent la dormance des graines et retardent la sénescence. Les cytokinines ont le pouvoir de contrarier l’effet de l’AIA. Elles sont impliquées dans le débourrement des bourgeons latéraux et inhibent la dominance apicale ; - les gibbérellines (telles que l’acide gibbérellique [GA3] ou d’autres gibbérellines [GA1 à GA110] ont de multiples rôles et interviennent notamment dans l’élongation des entrenœuds, la levée de dormance des graines et des bourgeons, l’induction de la floraison, etc. ;

- l’éthylène (C2H4 ou CH2=CH2) est surtout connue pour l’accélération de la maturation des fruits (ainsi les bananes cueillies vertes sont mûries artificiellement durant leur transport par bateau sous une atmosphère riche en éthylène) et de la stimulation de l'abscission des feuilles ainsi que de la sénescence ;

- l’acide abscissique (ABA) qui a un effet inhibiteur général de la croissance cellulaire, un effet sur la régulation de la dormance des bourgeons et des graines et la régulation de l'abscission des feuilles, des fleurs et des fruits ; il contrôle l’adaptation au déficit hydrique et la régulation du fonctionnement des stomates en situation de stress ; il compense l’action de l’AIA et du GA3 ;

- les brassinostéroïdes sont des stérols, voisins des terpènes, famille à laquelle appartiennent les

gibbérellines et l’acide abscissique. Ils provoquent notamment l’inhibition de la croissance racinaire.

Toutes ces phytohormones agissent rarement seules : leurs effets résultent bien souvent d’une action coordonnée entre certaines d’entre elles. A bonne dose, l’action conjuguée de l’auxine et des cytokinines peut stimuler la division cellulaire. Leurs effets varient en fonction de leur concentration, ce qui a été mis en évidence par la recherche en laboratoire. Ce micro-dosage, très

particulier, en fonction de la saison, l’âge des ligneux, etc., peut expliquer la plupart des échecs des essais de MV en Afrique, lorsque des hormones artificielles sont utilisées (dont certaines ont été conservées dans de mauvaises conditions ou trop longtemps).

Des substances chimiques organiques interviennent dans la croissance des plantes ou dans la

communication entre individus végétaux différents. Dans le New Hampshire (Etats-Unis), Baldwin &

Schultz (1983) 16 ont montré que lorsqu’un expérimentateur détruit volontairement une partie du feuillage d’un peuplier, d’un érable ou d’un chêne, les plantes communiquent entre elles par un gaz, l’éthylène CH2=CH2. Il rayonne sur six mètres et se dépose sur les arbres voisins qui ripostent en produisant très rapidement une synthèse accrue de diverses substances, aussi incomestibles les unes que les autres pour les herbivores, en particulier des tanins. L’arbre devient indigeste. En Afrique du Sud, les arbres broutés par des antilopes koudous (Tragelaphus strepsiceros) peuvent émettre des

molécules volatiles informant les arbres du voisinage qu’une cause de stress est présente. Les tanins

ont pour effet de bloquer totalement la digestion et les antilopes koudous qui s’étaient retrouvées enfermées dans un parc muni de barbelés en sont mortes (Hallé 2011). En forêt ou dans les savanes,

16

Baldwin I.T. & Schultz J.C., 1983. Rapid changes in tree leaf chemistry induced by damage: evidence for communication between plants’. Science 221 (4607): 277-279.

182 on constate d’ailleurs que dans la plupart des cas, les chevreuils, chèvres, girafes mangent rapidement sur chaque arbre en remontant au vent. Si à ce jour, on sait que des plantes en état de manque d'eau ou blessées émettent des molécules défensives, personne n’a prouvé que ces

phytohormones défensives jouent un rôle dans l’apparition de Dr sur une racine stressée ou blessée. S’agit-il d’une riposte ?

Une phytohormone est nécessairement une substance endogène (non fournie par l'environnement), oligodynamique (elle agit à faible dose : de l'ordre de la micromole) et vectrice

d'une information apportée à une « cellule cible » sélectivement sensible à son action et dont elle influence le fonctionnement. Ce sont ces exigences qui permettent de faire la distinction entre une

phytohormone et une substance trophique (qui se rapporte à tout ce qui est relatif à la nutrition d’un organe ou d’un tissu vivant).

Dès 1957, Danckwardt-Lillieström découvre que la kinétine induit la formation de pousses depuis des racines isolées du pastel des teinturiers (Isatis tinctoria), plante tinctoriale. A la même époque, les résultats obtenus par Skoog & Miller (1957) avec des tissus isolés de tiges de tabac indiquèrent que la formation des bourgeons est régulée par la balance entre l’AIA et d’autres facteurs, tels l’adénine et la kinétine (Encadré n° 8). Se basant sur ces résultats, Eliasson (1961) montre que les auxines inhibent la formation des Dr du peuplier (P. tremula). Ses résultats suggèrent qu’il n’y a pas de corrélation entre l’activité de l’auxine et les propriétés phytotoxiques des composés contenant un groupe phénoxyle (composés phénoxylés). En conclusion, Eliasson insiste sur la forte sensibilité des racines de peupliers aux substances phénoxylées. Eliasson (1961) relève que pour Emery (1955) le traitement à l’AIA inhibe la formation de bourgeons dans une racine coupée de l’épilobe (Chamaenerion angustifolium) et que la formation de bourgeons est régie par des concentrations locales d’auxine.

D’après Farmer (1962), le degré de la dominance apicale varie en fonction des espèces, des états ontogéniques et des conditions locales de croissance. L’AIA et l’AIB influencent la réduction de

la formation de Dr sur des racines coupées. Les Dr apparaissent sur le système racinaire après que

les tiges aient été coupées ou après toutes autres perturbations sévères, mais n’apparaissent pas sur des arbres sains et à croissance vigoureuse : ainsi, Farmer (1962) conclut que le Dge est lié à la dominance apicale. Schier (1981), cité par Greenway (1990), confirme les assertions de Farmer ci-dessus pour P. tremuloides. Des perturbations qui engendrent des dommages (les coupes, l’élimination des pousses aériennes) réduisent le flux d’auxines issues des bourgeons apicaux vers

les racines et provoquent la régénération par Dr des peupliers. Pour Schier et al. (1985-a), il n’y a

pas de doute que le développement des Dr est inhibé par le transport d’auxine à partir des parties

aériennes de l’arbre. Ce processus est appelé la dominance apicale (Eliasson 1971-b, 1971-c ;