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4.2 Améliorations à apporter aux graines et aux pépinières (en Afrique notamment)

4.2.3 Création de pépinières modernes

Figures n° 69 à 73. A l’extrême gauche, extraits de sachets en plastique de 7-8 cm de diamètre, on voit un semis de Casuarina et d’un arganier avec ses cotylédons montrant tous deux des racines concentrées dans le fond et qui commencent à s’enrouler en chignons. Ensuite au centre, conteneurs inadaptés et chignons caractéristiques entraînant la

mort des semis (pépinière de l’IAV à Agadir). Et à droite, trois plants malingres à croissance atone, âgés de 4 à 6 ans, déracinés dans la plantation de Tifadine montrant un système racinaire inadéquat avec une seule racine (et son ombre sur

le capot de la voiture pour la cinquième photo) permettant à peine la survie du jeune plant (Photos R. Bellefontaine).

4.2.3 Création de pépinières modernes

L’introduction de nouvelles techniques culturales permet de produire des plants sains, bien

proportionnés qui, du fait d’une mortalité très faible en plantations ne nécessiteront pas de regarnis

et se développeront ensuite vigoureusement (Bellefontaine et al. 2012 ; Le Bouler et al. 2013 ; Masse et al. 2015). Très rares sont les pays des zones semi-arides usant d’un itinéraire technique convenable et disposant de pépinières modernes (Bellefontaine et al. 2011). De nos jours, on sait que

pour produire des plants dotés d’un enracinement de qualité (disposant de plusieurs racines

pivotantes et d’un réseau étoffés de racines latérales) et pour assurer un taux ultérieur appréciable

de survie et de croissance dans les reboisements, l’utisation indispensable des godets rigides rainurés (ou de conteneurs alvéolés-rainurés) placés à 30 cm au minimum du sol (hors sol), l’optimisation des substrats standards et reproductibles et la fertilisation sont déterminants.

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Figures n° 74 à 78. Culture en WM « hors sol », avec de gauche à droite : 1) conteneur en WM sans fond nécessitant un substrat adapté. - 2) jeune plant élevé dans un WM, posé sur un parpaing, avec à sa gauche une barre en acier galvanisé (conseillée) et à sa droite une barre en acier non galvanisé (qui rouille) ; ces barres supportent les caissettes bleues pendant

toute la saison. – 3) on voit que les racines sont guidées vers le bas grâce aux angles du WM ; arrivées au fond, et à l’air, les racines extérieures se nécrosent et se ramifient à l’intérieur du WM. – 4) caissette contenant 32 WM sans substrat (ces caissettes sont emportées sur le terrain de plantation et aisément transportables par un ouvrier). – 5) les caissettes bleues

reposent sur des barres et sur d’autres caissettes rouges vides pour le confort des manœuvres et pour éviter les tours de rein et les congés de maladie (Photo R. Bellefontaine).

Figures n° 79 à 82. Il existe des godets anti-chignons et conteneurs, rainurés et à fond grillagé, de tous formats, y compris des plaques rainurées (Photo R. Bellefontaine)

En Europe notamment depuis les années 1980-90, l’usage de substrats à base organique (tourbes, écorces compostées) s’est généralisé, associé à des itinéraires techniques spéciaux pour le pilotage de l’irrigation et de la fertilisation et à l’organisation des sites de production (Argillier et al. 1991). Un substrat inapproprié, tels les substrats à base exclusive de terre, d’humus et de sable, montre des problèmes de densité racinaire, de cohérence de la motte et d’interface sol-motte lors de la plantation (Le Bouler et al. 2013). Les jeunes plantules doivent former un système racinaire vigoureux et équilibré. A défaut, tout effort de reboisement sera compromis ou sa croissance

nettement réduite (Bellefontaine et al. 2011 ; Escadafal et al. 2012).

Pour cela, six éléments sont indissociables, notamment les trois premiers :

-1°/ la formation de techniciens supérieurs-pépiniéristes, car le pilotage humain ne peut plus être confié à un ouvrier lambda formé au fil des ans. Le dosage et la régularité dans le temps des apports en eau (en évitant le lessivage malheureusement omniprésent en zones sahéliennes) et en fertilisants sont essentiels ;

- 2°/ Les godets anti-chignons, les plaques rigides alvéolées, les conteneurs multiples

alvéolés-rainurés doivent porter des rainures trapézoïdales en relief sur leurs parois intérieures, de façon à guider les racines vers le bas. Ces godets et conteneurs ont un fond grillagé à mailles larges. Certains

peuvent ne pas avoir de fond s’ils sont remplis d’un substrat adéquat. Ils seront ensuite tous disposés hors sol, c’est-à-dire placés sur un support, à minimum 30 cm du sol. Après quelques semaines, les

134 racines qui ont atteint le fond du godet sont exposées à l’air sec ambiant et leurs extrémités se

nécrosent, mais dans les godets, les racines en vie développent de multiples bourgeons racinaires et

des radicelles.

Figures n° 83 à 86. Jeunes plants, élevés « hors sol » et dans des plaques alvéolées rainurées, montrant un enracinement dense après enlèvement du substrat (les deux photos de droite représentent le même plant, vu de profil et vu de dessous)

(Photos R. Bellefontaine).

Ce système hors sol favorise la formation d’un maximum de racines (Lamond et al. 1983 ; Stenvall 2006 ; Vanhala & Hubert 2009 ; Bellefontaine et al. 2011, 2012) qui permettront une reprise immédiate et un excellent développement ultérieur du système racinaire. Notons qu’en 2015 au Maroc (Achour et al. 2013), le faux dispositif « hors sol » (à 2 ou 3 cm du sol seulement surplombant une feuille plastifiée posée sur le sol de la pépinière – Figures n° 87 à 89) permet malheureusement aux racines les plus vigoureuses de continuer à se développer en longeant la feuille plastifiée à l’ombre et humidifiée par les arrosages quaotidiens. Il est indispensable que les godets et conteneurs soient manipulés avec précaution en pépinière et sur le chantier de plantation, puis remisés à l’abri

des UV pour être conservés jusqu’à la prochaine saison ; les sachets, avec ou sans fond, obsolètes,

doivent impérativement être abandonnés ;

Figures n° 87 à 89. Arganiers élevés en faux « hors sol » au sud du Maroc : les plaques alvéolées sont posées 3 cm au-dessus du sol sur des petits bouts de bois ou directement sur un plastique sur le sol. Au centre, une plaque a été retournée et on aperçoit à droite des radicelles qui sortent du substrat (trop compact), sans se nécroser, puisqu’elles peuvent continuer à

grandir à l’ombre et dans l’humidité (Photos R. Bellefontaine).

- 3°/ un substrat cohérent et adapté localement doit être réalisé, après études, avec les matériaux locaux disponibles. Un substrat inadapté annule tout autre progrès, notamment l’utilisation de

godets modernes hors sol. A lui seul, le substrat conditionne la qualité physiologique du plant. Pour

obtenir un substrat d’excellente qualité, il doit nécessairement toujours être constitué de deux

composants : un « aérateur » chimiquement neutre, léger et résistant au compactage et un « rétenteur-relargueur » d’eau et de sels minéraux stable, car il doit assurer à la fois et en

135 permanence une disponibilité en air et en eau élevée et durable, un stockage et un relargage régulier et facile d’eau et d’éléments nutritifs. De plus, il doit être léger et constituer une motte cohérente facile à planter. L’aérateur peut provenir d’écorces compostées, de fibres végétales diverses, de matériaux de synthèse (perlite par exemple) à faible densité spécifique. Le rétenteur-relargueur fait appel à de la tourbe (la fibre de coco convient aussi, mais il faut faire attention à la provenance, le produit pouvant présenter un taux de salinité important) ou à un compost stabilisé. La durée et autres conditions de compostage sont importantes à déterminer localement. La porosité de l’ensemble doit être égale ou supérieure à 80 %, ce qui favorise une bonne disponibilité en eau, tout en assurant une aération maximale. En Europe, un mélange d’un volume de tourbe blonde à longues fibres et d’un volume d’écorce de pin compostée de 5-15 mm (pin maritime de préférence) permet d'atteindre cet objectif, à ajuster en fonction des conditions locales (P. Brahic 2011, comm. pers.). - 4°/ la nutrition des jeunes plantules revêt bien entendu un aspect capital ; il faut l’étudier localement en fonction de la pluviométrie et de la qualité de l’eau et avec des substrats normalisés

et stabilisés reproductibles dans le temps. L'ajout d'engrais à libération retardée donne de bons

résultats dans des conditions très contrôlées. Leur vitesse de libération est dépendante de deux facteurs : l'humidité du milieu et la température. Si on peut contrôler très facilement l'humidité en gérant finement les irrigations, en extérieur, la température sera bien entendu plus difficilement contrôlable. Certains engrais prévus pour une libération sur huit à neuf mois semblent présenter un pic de libération massif vers trois à quatre mois avec pour conséquence des brûlures, voire des nécroses sur les jeunes racines. La majeure partie des éléments nutritifs ne sera pas absorbée (P. Brahic 2011, comm. pers.). Notons aussi que le mélange initial d’engrais au substrat induit une hétérogénéité de croissance des plantules et que les engrais à libération lente montrent une libération aléatoire dans les climats chauds. Si les irrigations sont excessives ou mal contrôlées, le résultat sera pire, car les plants ne pourront pas absorber les nutriments, surtout si le système racinaire n'est pas suffisamment développé. La ferti-irrigation raisonnée peut être une solution qui donne de très bons résultats, si le pépiniériste est bien formé et motivé, car le régime hydrique est la

clé de voûte de tout le système. Son contrôle doit être le plus fin possible (par simple pesée,

automatisée à faible coût de pesée de plusieurs godets ou caisses de plants « témoins » bien réparties sur toute l’aire de la pépinière). Ce système peut être automatisé en fonction du degré d’hygrométrie variable, avec alarme sonore ou téléphonique en cas de stress. La

ferti-irrigation permet d’apporter aux plants simultanément des quantités standards d’eau et de

fertilisants en fonction des conditions climatiques locales. Toute panne du système de ferti-irrigation est vite catastrophique si on ne se repose que sur l'automatisme. Le pépiniériste doit absolument assurer une surveillance continue du dispositif automatisé, y compris durant les week-ends et fêtes locales. Dans ce cas, l'économie d'eau sera importante et de plus, on réalisera une économie due à une moindre utilisation des engrais. L’état physiologique des plants sera meilleur, tout en protégeant l’environnement (nappe phréatique) ;

- 5°/ les associations symbiotiques (bactéries et/ou champignons) : en forêt, le champignon profite des ressources carbonées synthétisées par le ligneux ; en échange, à cause de l’augmentation du volume de terre prospecté par ses hyphes, le champignon favorise la nutrition minérale (azote ; phosphore par la production de divers enzymes extracellulaires capables de mobiliser du phosphore)

et l’absorption d’eau (chapitre 4.2.4). Cette synergie est à étudier pour chaque type de sols ;

- 6°/ la plantation et son suivi : sur le chantier de reboisement, les plants ne doivent être extraits du godet que très délicatement et à l’instant même de la plantation, afin de réduire au maximum les risques de dessèchement du substrat et de délitement des mottes. Pour éviter au maximum les

136 regarnis deux à trois semaines après la plantation, il convient de prendre beaucoup de temps à bien

former les ouvriers pour qu’ils extraient la motte humide sans endommager le système racinaire. Il

faut ensuite parfois prévoir, si nécessaire, un à trois arrosages pendant la première saison sèche, l’entretien de l’impluvium un à deux mois avant la fin de la saison des pluies pendant la première année, voire la pose d’un manchon protecteur contre les animaux.