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3.4 Le rejetonnage

3.4.1 Définitions

3.4.1 Définitions

Dans les articles relatifs aux « rejets », « réitérats », « suppléants », nos collègues anglophones utilisent très souvent le terme « sprouting » qui tantôt parle du résultat du processus, ce que nous pouvons alors traduire sans difficulté par rejet (quelle qu’en soit la nature), tantôt du

processus qui conduit à la formation des rejets. Pour ce dernier, la langue française n’a pas

d’équivalent simple, car nous optons pour l’expression « formation de rejets ». Nous proposons donc d’utiliser dorénavant le terme « rejetonnage » en écho au clonage, bouturage, marcottage et greffage, drageonnage pour désigner non pas le résultat du processus (RS, RB, RC), mais le processus lui-même (Bellefontaine et al. 2002).

En français, la définition de ces trois expressions RS, RB, RC n’est pas toujours claire. Tous les chercheurs travaillant dans l’arganeraie au Maroc ou en Algérie ont observé qu’au pied de certains arganiers diverses pousses sont parfois émises par les vieux arbres, même s’ils semblent n'avoir jamais été coupés (Figure n° 20). Cette profusion de pousses très épineuses rend difficile toutes observations et aucune étude n’a été menée pour déterminer leur origine. Il pourrait s’agir de drageons (Bellefontaine 2005-a) ainsi que le suggèrent deux auteurs (M’Hirit et al. 1998 ; Kenny 2007), sans cependant apporter de preuves (Bellefontaine 2010) : « la régénération par rejets de souches après la coupe, et encore moins celle qui s’opère par le drageonnage ou le marcottage, ne peuvent en aucun cas assurer la pérennité à long terme de l’écosystème à arganier (M’Hirit et al. 1998) » ; « à la base du tronc, on observe très souvent une régénération abondante de drageons (Kenny 2007).

Figures n° 19 et 20. Au pied de cet Argania spinosa, des « rejets » très épineux naissent dans un rayon d’un mètre autour des brins. A droite, ce Balanites aegyptiaca, qui n’a sans doute jamais été coupé rez terre, émet lui aussi des « rejets »

(Oued Sersouf, nord de Tamanrasset, Algérie - Photo B. Traoré).

Dans la littérature anglophone, le rejet de souche (RS) se traduit par « sprout » ou mieux par « stump sprout » qu’il s’agisse de RS après exploitation du tronc ou de « rejets de collet » (RC - sans exploitation, après un feu de brousse par exemple) et dans ce dernier cas, certains auteurs parlent de « fire sprouts » et de « root sprout » (ce dernier étant évidemment un drageon ou « root sucker »). Certaines espèces produisent également des rejets basaux et des rejets de collet, alors que l’arbre n’a pas été coupé. Nous présentons dans l’encadré n° 6 différents termes anglais souvent peu précis et difficilement traduisibles.

61 Pour le dictionnaire Harraps, « sprout » se traduit selon le sens de la phrase par les mots suivants : jet, rejet, rejeton, pousse, germe, bourgeon. D'après la terminologie de la Banque Mondiale (Gorse 1987), « sprout » correspond à une pousse ou un rejet, « sprounting species or sprouty species » à espèce capable de « rejeter », sans précision. Le dictionnaire canadien de vocabulaire de la foresterie de Laflamme & Le Blanc (1987) précise que le mot « sprout » a deux sens : rejet et rejet de taillis. Mais ces auteurs ajoutent et traduisent d’autres expressions : « sprout forest » = taillis, « sprout method » = régime de taillis, « sprounting » = pousse ou drageonnement. D'après le Dictionnaire Forestier Multilingue de Metro (1975), « sprout » a deux sens : rejet et rejet de souche. L’emploi associé de deux mots n’est jamais ambigu : «root sprout » et « root sprouting » peuvent se traduire par drageon et drageonnage.

Encadré n° 6 : PROPOSITIONS POUR CERTAINS TERMES ANGLAIS DIFFICILES A TRADUIRE.

Dans un article rédigé en anglais, certains termes ne sont pas toujours très précis et/ou aisés à traduire. Des mots comme « sprout », « resprout », « sprouters » ou « resprouters » reviennent fréquemment, souvent sans précision. Si « sprout » équivaut à une pousse feuillée, « resprout » peut être traduit par le mot rejet (sans le définir précisément, comme en français, on ne distingue pas dans tous les articles les RC, RB, RS, rejets proventifs, rejets adventifs, etc.). Bond & Midgley (2001, 2003) utilisent les termes « seeders, sprouts, resprouts, sprounters, nonsprouters, resprouters et sprouting » : « Many woody plants can resprout and many ecosystems are dominated by resprouters. They persist in situ through disturbance events such as fire, flooding or wind storms ». Ces chercheurs dissocient la régénération par graines (« seeders ») des autres formes de réitération, soit aérienne (réitérats post-traumatiques dans la cime ou sur le tronc comme les gourmands, etc.), soit au niveau du sol par TL, Rh, St, MT, RS, RB, RC, Dr (Charles-Dominique et al. 2015). Pour Bond & Midgley, les « sprouters » ont de faibles taux de recrutement par semis, sont souvent multicaules et sont en général moins présents que les « nonsprouters » quand les perturbations sont rares.

En anglais, « coppice » ou « coppice stand » ou « sprout forest » se traduisent généralement par le terme français « taillis ». Mais nombreux sont les forestiers qui utilisent « coppicing » pour recéper, recépage, ou rejeter, et « coppices » ou « stool shoots » ou « coppice shoots » pour rejets de taillis ou rejets de souche. Il y a donc une impérieuse nécessité de se pencher sur la description précise de ces phénomènes et de leur attribuer un terme précis, dans chaque langue.

Nous avons généralement opté pour les traductions suivantes :

- Burl : amas de bourgeons (parfois souterrains) ou d’excroissances ligneuses, broussin ; ce terme désigne la structure ligneuse à la base des tiges des Ericacées et les tiges basales des Betula et Populus selon Lacey & Johnston (1990). Selon Quézel & Médail (2003), ce terme serait utilisé comme synonyme de tubercule ligneux (lignotuber).Selon Beentje (2016) : « hard woody excrescenceon a tree, usually rounded »).

- Bush : buisson ou parfois arbuste (voir aussi à « shrub » et chapitre 1.1) ; « intermediate between shrub and tree, 3-7 m high » (Beentje 2016).

- Bush encroachment : envahissement d’arbustes, embroussaillement. - Bush fallow : jachère forestière.

- Bushland : espace forestier ouvert dont les « bushes » ont 3 à 7 mètres de haut (Kindt et al. 2014) et une couverture de la canopée supérieure à 40 % (Huxley & van Houtten 1997).

62 - Clump : cépée, bouquet, groupe, amas issu d’une même racine ou rhizome (référence aux

bambous) (« the aggregate of stems issuing from the same roots, rhizome system or stool » Lacey & Johnston 1990) (voir aussi « cluster »).

- Clump of trees : bouquet d’arbres, bosquets, repartition en groupes.

- Clumpwood : c’est un bosquet de ligneux multicaules dominé par des « woody clumps » (Lacey & Johnston 1990).

- Cluster : bouquet, groupe, massif, grappe, amas (voir aussi « clump »). - Collar : collet (la limite entre les parties souterraine et aérienne d’un ligneux).

- (to) coppice: rejeter (the mallee species readily coppice from the lignotuber after cutting). - Coppice : taillis, bosquet de taillis, fourré (voir aussi « thicket »).

- Coppice clumps : cépées ; selon Fonty et al. (2011), ce sont des réitérats érigés sur des troncs affaisés au sol.

- Coppice forest : taillis simple.

- Coppice poles : brins (plus tard, quand le taillis vieillit : les baliveaux) issus de souches (« stumps or stools » in Mabberley 2008).

- Coppice selection system : régime du taillis fureté.

- Coppice shoot : après une coupe, rejet de taillis, rejet de souche, suppléant, réitérat. - Coppice stand : taillis, bosquet de taillis.

- Coppice system : régime du taillis.

- Coppice with reserves : régime du taillis avec réserves.

- Coppicing : rejetonnage, recépage, coupe (voir aussi sprouting). - Crown : couronne d’un arbre, mais aussi collet (« root crown »).

- Epicormic shoot : après une exposition brutale à la lumière, gourmand orthotropique, pousse épicormique sur le tronc, rejet épicormique, pousse adventive ou rejet de tronc, tige ou branche (Schmidt 1997).

- Fire resisters : espèces qui survivent aux feux grâce à leur écorce très épaisse qui protège le cambium vasculaire et grâce à des bourgeons situés dans la cime, mais qui ne rejettent pas nécessairement (Clarke et al. 2013).

- Fire resprouters : espèces qui émettent des rejets issus de la base ou souterrains, par divers mécanismes, par exemple par des bourgeons bien protégés des feux (Clarke et al. 2013).

- Fire sprout : rejet de souche (rejet de taillis), Dr, RB, RC, axe aérien issus d’un TL, etc.

- Geophyte : selon le système de Raunkiaer, c’est une plante qui survit à des conditions difficiles en accumulant des réserves dans un bourgeon ou dans un organe souterrain (rhizome, bulbe, tubercule, racine) ; selon Huxley & van Houten (1997) : « a herbaceous plant, perennial or biennal, that periodically reduces its shoots to storage organs embedded in the ground » ; voir aussi chapitre 2.8.3).

- Lignotuber : tubercule ligneux (souterrain, mais parfois apparent, contenant des bourgeons dormants, commun dans les zones incendiées régulièrement) ; synonyme de « basal burls » selon Lacey & Johnston (1990).

- Non sprouters : espèces qui n’émettent aucun type de « rejet » (souvent assimilés aux « seeders »). - Obligate resprouters : espèces qui se régénèrent uniquement par « rejets » (sans précision : RS, RB, RC, Dr, …).

- Obligate seeders : espèces qui se régénèrent uniquement par graines.

- Resprout : rejet (sans précision : = RS, RB, RC, TL, parfois Dr, pousse aérienne d’un Dr, etc.). - Resprouters : espèces qui émettentdes « rejets » sur d’anciens « rejets » (voir aussi « sprouters »).

63 - Resprouting species : espèces qui, après une perturbation (feu par ex.), émettent des réitérats dans la cime, sur le tronc, à sa base ou dans le sol ; ces espèces comprennent des « Fire resprouters » et des « Fire resisters » (Clarke et al. 2013).

- Resting buds : bourgeons dormants, bourgeons latents. - Rootlet : radicelle, radicule.

- Rootling : plant issus de BSR ou du système racinaire (Ky-Dembele 2004).

- Rootstock : porte-greffe ; mais aussi l’ensemble des racines d’un peuplement capables de rejeter « the collective roots in a stand capable of sprouting » selon Huxley et van Houten (1997) ;

synonyme de tubercule ligneux (lignotuber) selon Quézel & Médail (2003) ou de Dr, Rh, TL selon Timberlake et al. (2010). Terme imprécis à ne pas utiliser selon Beentje (2016).

- Rootstock grasses : graminées à rhizome. - Root bud : bourgeon racinaire.

- Root collar : collet de la racine.

- Root crown : synonyme de collet selon Beentje (2016) : l’endroit où la racine se change en tige au niveau du sol ; synonyme de tubercule ligneux (lignotuber) selon Quézel & Médail (2003).

- Root cutting : bouture de segment de racine ou BSR (différent de « rooted cuttings » = boutures de tiges enracinées).

- Root layer : horizon d’enracinement. - Root mound : monticule de racines.

- Root pruning : taille ou habillage des racines. - Root sprout : drageon (= rejet de racine). - Root sprouting : drageonnage.

- Root sucker : drageon ; (ou surgeon : terme à éviter !) ; « shoot arising from adventitious buds on root » (Beentje 2016).

- Root suckering : drageonnage.

- Root tuber : tubercule radiculaire (voir aussi « lignotuber »).

- Sapling : stade de plantule, jeune pousse, jeune arbre (ce stade suit le stade de semis « seedling », donc d’une graine germée ; pour certains, un « sapling » peut être issu de Dr ou de MT, mais ceci amène de la confusion.

- Scion : scion, greffon, partie aérienne d’un ligneux [souvent un greffon qui est greffé sur un porte-greffe (« rootstock ») d’un autre ligneux (Schmidt 1997)].

- Seed root : racine embryonnaire.

- Seeders : espèces qui se régénèrent par graines abondantes et rarement par voie végétative. - Seedling : jeune semis (issus de la germination d’une gaine ; précède le stade « sapling » ; voir aussi « vegling » ?).

- Seedling coppices : baliveaux « francs de pied » (issus de semis et non de RS) (Métro 1975). - Seedling sprouts : rejets d’un semis, jeunes pousses feuillées (axes aériens) d’un semis brouté (à opposer à « true seedling »). « Seedling sprouts are individuals of seed origin that have been affected by shoot dieback, but resprouted from the root collar of the seedlings » (Ky Dembele et al. 2008). - Shoot : pousse aérienne, pousse feuillée, axe aérien, brin, « rejet » (RS, RB, RC, TL, Dr, gourmand, etc.) (voir aussi « sprout »).

- Shoot lignification : aoûtement ou lignification de la pousse.

- Shrub : buisson ou arbrisseau (voir chapitre 2.1), parfois arbuste (voir aussi « bush ») ; un « shrub » produit des tiges depuis la base ; il n’est jamais monocaule, ni un arbre ; « self-supporting woody plant branching at or near the ground or with several stems from the base » (Beentje 2016).

64 - Shrublands : espaces forestiers, fermés ou ouverts, dont les « shrubs » ont maximum 2 mètres de haut (opposé à « bushlands » - Kindt et al. 2014).

- Shrub savana : savane arbustive. - Shrub step : steppe à arbrisseaux.

- Sprout : axe aérien, pousse feuillée, « jet » (RS, RB, RC, TL, Dr, pousse aérienne d’un Dr, etc.). Le mot « jet » est rarement utilisé et ne doit pas être confondu avec un rejet.

- Sprouters : espèces qui émettent des « rejets », qui ont de faibles taux de recrutement par semis, qui sont souvent multicaules et qui peuvent être moins présentes que les « nonsprouters » quand les perturbations sont rares (Bond & Midgley 2003). Les « sprouters » sont sans doute assimilés aux « resprounters » pour beaucoup de chercheurs.

- Sprout forest : taillis.

- Sprout method : régime de taillis.

- Sprounting : 1°) rejet ou pousse (quelle qu’en soit la nature = le résultat du processus), parfois Dr ;

2°) mais aussi le processus qui conduit à la formation des rejets ou « rejetonnage » (Bellefontaine

2005), parfois aussi drageonnage, marcottage terrestre, etc. « Botanically, sprouting is the initiation of growth from buds and is not necessarily a disturbance response, whereas resprouting is used in the context of a response to disturbance, as it implies the potential for repeated vegetative

regeneration from a source of ‘protected’ buds abd meristem. The position of buds and the location of resprouting shoots after fire are extremely varied and are key criteria that define resprouting ability because bud location is a primary constraint » (Clarke et al. 2013) ; 3°) bourgeonnement. - Sprounting species, sprouty species : espèces capables de « rejeter » (sans précision).

- Steckling : jeune plant issu d’une BSR (« it is a propagule originated from asexual rooted cuttings» selon Ky-Dembele et al. 2010).

- Stem suckers : gourmands.

- Stool : souche avec un ou plusieurs RS (voir aussi « stump »).

- Stool shoots : rejets de souche, rejets de taillis, cépée de souche, brins de taillis, drageon (« 2. several stems arising from the same root » in Beentje 2016).

- Stump : souche (voyez aussi le NB *** ci-dessous). - Stump shoots : rejets de souche (RS et RB ? RC ?).

- Stump sprouts : rejets de souche (RS et RB ? RC ?), brins de cépée ; pour Peltier et al. (2014), les «stump sprouts » sont des RS issus d’un arbre coupé pour la première fois, alors que pour les « coppice shoots », les arbres ont déjà été coupés au moins une fois (rejets de RS).

- Sucker : drageon (l’expression « root sucker » est à privilégier) – le terme, assez rare, « blind sucker » n’est pas synonyme de pneumatophore.

- Sucking root : racine absorbante.

- Suffrutex : sous-arbrisseau (voir chapitre 3.8.3).

- Thicket : fourré, broussaille, hallier, bosquet ou espace forestier impénétrable (dont les « bushes » ont entre 3 et 7 mètres de haut ; opposé à « bushlands » selon Kindt et al. 2014).

- True seedling : semis (jeune plant) qui n’a pas été brouté (par opposition à « seedling sprout » : rejets de semis) ; pour Ky Dembele et al. (2008) : « true seedling refers to a plantlet of seed origin that had never been affected by shoot dieback »

- Truncheon : terme très imprécis et à éviter - ce terme est défini comme suit par Coates Palgrave & Tiffin (1997) : « a piece of branch or stem is placed in a hole where it is to grow ». Il s’agit en fait de macro-boutures (voyez chapitre 3.6.2 ; certains parlent de « souchets » - terme à éviter également). Pour Metro (1975), c’est une « portion de tige ou de souche, assez épaisse et longue, et comportant

65 du vieux bois, utilisée comme bouture pour multiplier certaines espèces ».

- Vegling : a small seedling of vegetative origin (selon Parker & Donoso in: Silla et al. 2001). - Water shoots : gourmands (Elsevier 1990).

- Water sprouts : RB et RC, pousses feuillées issus de la base (collet ?) d’arbres vivants [Pour Dembélé (2004), il ne s’agit apparemment pas des gourmands situés sur le tronc] ou sur les branches (pour certains horticulteurs). Il convient de les éliminer, car ils épuisent l’arbre fruitier. - Woody clump = ensemble de tiges multicaules (résultant de la perte de la dominance apicale d’un ligneux monocaule) issues de tissus situés au niveau ou au-dessous du niveau du sol, mais parfois, il forme un groupe de plants de même génotype [NDLR : clone] souvent connectés, mais des tiges peuvent devenir autonomes (Lacey & Johnston 1990) ; un « clumpwood » est un groupe ou une communauté dominée par des « woody clumps ». Parfois traduit par « tache de drageonnage ».

xxxxx

***NB. Les « stumps » sont des plants provenant de semis de 8 à 18 mois dont la pousse aérienne et les racines ont été recépés et « habillés » (on garde 20 cm de la pivotante et un axe aérien sans feuille de 5-15 cm de haut) et réinstallés en pépinière pendant quelques semaines avant plantation (Banerjee 1989). « On empêche la transpiration du plant qui est la cause du desséchement lors de la plantation…ce procédé ne convient qu’à certaines espèces » (Aubréville 1938).

Pour le rejet basal (RB) et le rejet de collet (RC), souvent aucun traumatisme apparent n'est nécessaire. Ils se forment spontanément (Bellefontaine 2005). Le RB se rencontre assez souvent en forêt tropicale humide (Blanc 2003), chez les monocotylédones et les dicotylédones (plantes cespiteuses, saxicoles et épiphytes). De nombreuses dicotylédones ligneuses de taille moyenne ont cependant des RB.

Figure n° 21. A Torodi (Niger), l’excavation d’un Guiera senegalensis fait apparaître des rejets (de collet ?) plus bleutés que le feuillage normal (Photo Fabre).

Le RB est un rejet le plus souvent issu juste sous la surface ou au niveau du sol, soit d'un bourgeon axillaire au repos depuis plusieurs mois ou années, soit d'origine adventive (c'est-à-dire qu'il provient de la néoformation d'un méristème) à partir des tissus de l'écorce vivante de la base d'une tige sénescente. L'affaissement de cette dernière à même le sol se traduit par l'initiation d'un nouvel individu issu du marcottage par néoformation de racines adventives. Lorsque ces racines

66 s'implantent dans le sol, une ou plusieurs tiges dressées apparaissent, issues de bourgeons axillaires des derniers noeuds ou de l'apex de la tige.

Figure n° 22. Dans les forêts ougandaises, Brugmansia aurea se déplace dans le sous-bois à la suite de réitérations par rhizomes (?), par marcottes ( ?) ou par drageons qui s’affaissent (?) (Photo Q. Meunier).

Selon Blanc (2003), « toute cette dynamique de remplacement et de rajeunissement des parties aériennes et souterraines d'une même plante au même endroit doit davantage être qualifiée de « persistance végétative » plutôt que de véritable MV, dans la mesure où la plante se perpétue dans le temps et non dans l'espace. Cette persistance végétative ne permet pas à la plante de conquérir directement de nouveaux espaces, sauf au moment où la première tige s'affaisse. Ce mode de croissance se retrouve sur des espèces telles que Miconia calvescens, à Tahiti par exemple. Le bourgeon qui donnera naissance au nouveau rejet basal provient d'une zone plus ou moins tubérisée, à l'aisselle d'une des pièces foliaires réduites à des cataphylles. Il s'agit en fait d'un stolon (chapitre 2.8) très court. La tubérisation dans les sous-bois des forêts tropicales n'entraîne pas une « multiplication végétative » effective, contrairement à ce que l'on peut observer chez des populations clonales de milieux ouverts ou de sous-bois tempérés. La répétition basale caractérise souvent les plantes poussant dans des milieux contraignants comme les pentes fortes, les sols pauvres ou hydromorphes, les savanes régulièrement incendiées, etc. En règle générale, le fait de former un stolon doit être considéré comme un comportement témoignant d'un haut niveau d'énergie, car la plante-mère poursuit sa croissance normale tout en allouant des ressources à la plante-fille. En revanche, un RB apparaît lorsque la tige-mère devient sénescente et réduit sa croissance : il y alors transfert des ressources vers la plante-fille, ce transfert s'accompagnant à court terme de la disparition de la plante-mère » (Blanc 2003).

Cette capacité de multiplication par voie végétative est vue par certains comme une

adaptation à un environnement très variable : feux de brousse, sécheresse, surpâturage. Nous

verrons au chapitre 3.8 que la nature s’octroie le luxe de contourner toutes ces agressions de l’environnement en variant le comportement des ligneux.

La MV permet à l’arbre de se maintenir en vie pendant un temps long sur place, sans déplacement dans l’espace. Le rejetonnage permet de rajeunir le ligneux. Le RS apparaît en général très peu de temps après la mort de la cime et du tronc (incendie) ou l’élimination physique de la tige ou du tronc. La capacité d’émettre des RS n’est pas liée à la taille de la graine, ni au patron de développement des plantules pour Melaleuca leucadendra, Asteromyrtus symphyocarpa,

67 Tristaniopsis laurina, Eucalyptus camaldulensis var. obtusa (Chong et al. 2007). Dans 70 % des cas, cette dernière espèce à petite graine est même capable de rejeter cinq jours après la germination. En régions méditerranéennes, on constate qu’il existe de fortes disparités entre ligneux. Pour un même genre, Quercus ilex rejette puissamment de souche alors que Q. pubescens est doté d’une aptitude bien plus limitée (Quézel & Médail 2003).