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Exemple 1 : Vivant ou inerte ? Mimivirus et ATTV 35

3. Non-circularité : une définition ne peut pas faire appel à elle-même

3.4 Définir un objet (suite) : complexité et frontières floues Les exemples précédents portaient sur des notions qui pouvaient apparaître comme

3.4.2 Exemple 1 : Vivant ou inerte ? Mimivirus et ATTV 35

La biologie étudie, par définition, les êtres vivants. Une question fondamentale est donc celle de la définition du vivant. Qu’est-ce qu’un être vivant ? Ou, autrement formulé, quelle est la différence entre le vivant et l’inerte ? Nous allons voir que cette question est beaucoup plus problématique que les précédentes. Outre son caractère strictement scientifique, cette question porte une très forte charge affective et émotionnelle. Elle a de très fortes implications philosophiques, religieuses, éthiques ou encore sociales et politiques. La réflexion sur la définition de la vie est donc, par construction, beaucoup plus subjective et sujette aux débats extra-scientifiques que celles évoquées plus haut dans le domaine de la physique. La distinction entre le

s’applique à tous les êtres rencontrés. Si, le problème ne se pose pas pour les grands organismes (les êtres multicellulaires) pour lesquelles l’identification est simple, il est rencontré à l’échelle microscopique. Rappelons tout d’abord qu’il n’existe pas aujourd’hui de définition unique de ce qu’est un être vivant. Toutefois, les différentes définitions ont des points communs, rappelés ci-dessous :

Critères de définition du vivant

Une entité est vivante si :

• Elle peut utiliser ou créer de l’énergie

• Elle se reproduit

• Elle échange avec le milieu extérieur

• Elle répond à des stimuli

• Elle croît

• Il peut exister une variabilité génétique qui distingue un parent de ses descendants

Ceci est à rapprocher de la première esquisse d’une définition générale de la vie, qui est due à Aristote (384-322) dans son Traité de l’Âme (II,1) : « Nous entendons par vie le fait de se nourrir, de croître et de dépérir par soi-même ».

Depuis la fin des années 1970, à la suite des travaux du microbiologiste américain Carl Woese, l’ensemble des êtres vivants est regroupé selon trois règnes (au lieu de deux précédemment):

Les 3 règnes du vivant

• Les eucaryotes, qui possèdent une structure intracellulaire complexe, qui sépare le cytoplasme du nucléoplasme où baigne l’ADN

• Les procaryotes (les bactéries), qui ne possèdent pas de noyau

• Les archébactéries ou archées (depuis la fin des années 1970), qui ne possèdent pas de noyau mais qui présentent des différences de structure de leur membrane telles qu’elles ne peuvent être regroupées avec les procaryotes.

Les virus (du latin virus : poison) sont des entités complètement différentes.

Découverts chez les plantes à la fin du XIXe siècle, puis chez les animaux et les humains au début du XXe siècle, ils sont constitués d’un acide nucléique (ADN ou ARN) protégé par un structure protéique appelée capside. Jusqu’à très récemment, les virus connus ne pouvaient pas être classés comme des êtres vivants car :

• Ce sont des parasites obligatoires, qui ne se multiplient qu’au sein d’une cellule vivante hôte, à laquelle ils imposent une série de tâches qui la condamne à fabriquer des virus. Certains virus, dits endogènes, s’insèrent dans le patrimoine génétique de l’hôte et sont transmis à chaque génération de descendants de l’hôte. Notons que le parasitisme obligatoire n’est pas un argument suffisant, puisque certaines bactéries sont totalement dépendantes d’une cellule hôte.

• Ils sont incapables de synthèse protéique

• Ils ne peuvent croître en dehors du contexte cellulaire de l’hôte

• Ils ne contiennent qu’un seul type d’acide nucléique (ADN ou ARN), alors que les deux types sont présents chez tous les êtres vivants

• Ils n’ont aucun métabolisme propre, l’énergie requise pour leur multiplication étant fournie par l’hôte.

• Mais ils sont susceptibles de variabilité génétique (ce qui fait que certains médicaments deviennent inefficaces)

Des découvertes récentes ont placé les virus dans une sorte de no man’s land entre vivant et inerte, ce qui rend floue la définition du vivant.

En 1992, un virus géant nommé Mimicking Microbe Virus (Mimivirus) a été isolé.

Ses caractéristiques hors normes ont fait qu’il a d’abord été considéré comme une nouvelle bactérie aux caractéristiques étranges. Ce n’est que beaucoup plus récemment, en 2003, qu’une équipe de chercheurs français (Didier Raoult et ses collègues à Marseille) l’a enfin identifié comme étant un virus. Mimivirus possède de nombreuses propriétés qui remettent en cause la séparation entre les virus et les êtres vivants. Ce virus est d’une taille (400 nanomètres de diamètre) supérieure à celle de certaines bactéries, et possède un génome plus grand et plus complexe que plusieurs dizaines d’entre elles. Plusieurs gènes du Mimivirus semblent participer à la synthèse protéique et à la réparation de son propre patrimoine génétique. Enfin, cotoyant l’ADN du virus, des ARN ont été détectés. Plus surprenant encore : alors que l’on pensait que les gènes viraux avaient une origine cellulaire (une sorte de « vol génétique » chez les hôtes au cours de l’évolution), de nombreux gènes du Mimivirus n’ont aucun homologue chez les êtres vivants connus. Ce virus géant serait donc le premier exemple découvert d’une nouvelle famille qui serait apparue sur Terre en même temps que la vie elle-même, il y a environ quatre milliards d’années. Ce qui pousse certains biologistes à proposer la création d’une quatrième branche dans l’arbre du vivant : les Girus (pour Giant Virus).

Figure 15: Mimivirus. Haut: photo; bas: schéma

Plus récemment encore, on a découvert un virus capable de changer de forme et de se développer par un processus actif en dehors de tout contexte cellulaire : le virus ATTV (Acidianus Two-Tailed Virus). Ce virus infecte des archébactéries qui vivent près des sources hydrothermales chaudes. Il a une forme de citron, qui s’allonge à chaque extrémité lorsque la température est suffisamment élevée (environ 80 degrés Celsius).

Ces deux exemples montrent la difficulté de trouver des définitions précises qui résistent aux nouvelles découvertes. Et il faut garder en mémoire que l’on ne connaît aujourd’hui qu’environ 10 000 virus, alors qu’on estime le nombre de particules virales différentes à environ 1031 sur notre planète (un diversité infiniment supérieure à celle cumulée de l’ensemble des trois règnes du vivants : eucaryotes, procaryotes et archées).

Figure 16: Image de Ricardo Aramayo. Collaboration avec le Dr David Prangishvili (Institut Pasteur, Paris). Etude structurale du virus ATTV (acidianus two-tailed virus) de la famille nouvellement découverte des bicaudaviridae. A) Cryomicroscopie électronique du virus à l'état congelé-hydraté. B) Reconstruction de l'enveloppe d'un virus immature permettant d'évaluer son volume moyen. C) Image moyenne d'une extension tubulaire d'un virus mature.

3.4.3 Exemple 2 : la définition de la mort et la cryptobiose du