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Un exemple issu de la physique moderne : le modèle standard

7 La science nous apprend-elle quelque chose sur le monde ?

7.1 L’opposition réalisme/antiréalisme

7.4.2 Un exemple issu de la physique moderne : le modèle standard

La discussion précédente va maintenant être illustrée par exemple aujourd’hui célèbre de programme d’unification locale dans le domaine de la physique fondamentale : le modèle standard. Le modèle standard est le niveau le plus fondamental de description de la matière et des forces présentes dans l’univers qui soit très fortement corroboré par les données expérimentales.

Selon le modèle standard, il existe quatre forces ou interactions fondamentales : la gravitation, l’interaction forte, l’interaction faible et l’interaction électromagnétique.

Chacune de ces interactions est portée par une particule spécifique (voir les tableaux ci-dessous). Il y a en tout 12 de ces particules ; elles forment la famille des bosons.

La matière est, quant à elle, constituée par une autre famille de particules : les fermions. Ils sont regroupés en deux sous-familles : les leptons, qui sont insensibles à l’interaction forte, et les quarks, qui y sont sensibles. Il y a en tout 6 leptons et 6 quarks, soit 12 particules élémentaires, auxquelles il faut ajouter les 12 antiparticules

associées pour la formation de l’antimatière81. Les fermions sont classés en trois familles, chacune comprenant 2 quarks et 2 leptons, dont une seule constitue la matière stable, les fermions des deux autres familles n’apparaissant pas dans des configurations stables.

Figure 64 Illustration schématique des niveaux de description menant au Modèle Standard. On représente ici les particules comme des corpuscules, en négligeant leur caractère quantique.

Tableau 5 Caractéristiques des 4 interactions fondametales connues. Le graviton n’a jamais été observé à ce jour, car il correspondrait à des niveaux d’énergie hors d’tteinte des moyens expérimentaux. La boson de Higgs, prédit par la théorie électrofaible et qui serait responsable de la masse, n’a pas été observé à ce jour et n’est pas figuré dans le tableau.

Interaction Portée Intensité

Temps caractéristi

que

Particule porteuse (boson)

Rôle

gravitation infinie 10-39 graviton ? Structuration de l’Univers à grande échelle

électromagné tique

infinie 10-2 10-16 s photon Lumière, cohésion des atomes, molécules, cristaux forte ~10-15 m 1 10-23 s 8 gluons Cohésion des

protons et des noyaux atomiques faible 10-17 m 10-5 1 à 10-12 s W+, W-, Z0 Fusion nucléaire,

radioactivité β

81 L’antimatière a été prédite théoriquement par Paul Dirac en 1930 et découverte en 1932 par Carl Anderson au moyen d’une chambre à brouillard.

Tableau 6 Particules élémentaires de la famille des fermions. La masse est exprimée en électron-Volt (eV)82. La masse des neutrinos est théoriquement nulle, et très difficile à mesurer (on ne possède que des limites supérieures). Les quarks ne sont pas observables de manière isolée : on ne possède donc que des estimations indirectes.

Découverte 1962 1937 (confirmation 1945)

82 1 eV est défini comme l’énergie acquise par un électron soumis à une différence de potentiel de 1 Volt, soit 1,6 10-19 joule. On fait le lien avec la masse en utilisant la fameuse formule d’Einstein E=

mc2, ou c désigne la vitesse de la lumière. On trouve 1 eV = 1,6 10-36 kg

Figure 65 schéma de la variation d'intensité des interactions fondamentales en fonction de la distance

Le modèle standard a été défini dans une volonté d’unification de la théorie électrofaible et de la chromodynamique quantique dans le but d’obtenir un cadre unifié pour 3 interactions fondamentales : l’interaction électromagnétique, l’interaction faible et l’interaction forte.

La théorie électrofaible, développée durant les années 1950 et 1960, est une théorie quantique des champs qui unifie l’interaction électromagnétique et l’interaction faible.

L’interaction électromagnétique était jusque là décrite de manière isolée par une autre théorie quantique des champs, l’électrodynamique quantique, développée durant les années 1930. Cette théorie elle même issue de trois théories antérieures : l’électromagnétisme, la relativité restreinte et la mécanique quantique. Elle permet de décrire les interactions élecromagnétiques entre deux objets par l’échange de photons. A une force est donc associée une particule porteuse (un boson : le photon), dont la vitesse de propagation ne peut dépasser la vitesse de la lumière dans le vide. Cette théorie, bien que limitée dans son champ d’application, est très précise et en très bon accord avec les observations, ce qui a conduit à rechercher son extension pour les autres forces fondamentales. Cette extension a été pleinement réalisée pour la force faible au moyen d’outils mathématiques très évolués (théorie des groupes, symétries, …), conduisant à la théorie électrofaible. Ce développement a valu le prix Nobel de Physique en 1979 à Seldon Glashow, Abus Salamn et Steven Weinberg. Les développements mathématiques conduisaient à la prédiction de l’existence de nouvelles particules : les bosons W+, W- et Z0, qui ne seront découverts que plus tard au début des années 1980. Cette corroboration a posteriori est considérée comme une argument fort en faveur de la théorie électrofaible. Mais cette théorie prédit également l’existence d’un autre boson, appelé boson de Higgs, associé à un champ de force dont l’effet est de donner une masse non-nulle aux bosons autres que le photon. Cette particule de Higgs joue un rôle central, mais il n’existe aucune preuve directe de son existence à ce jour.

La chromodynamique quantique est une théorie de l’interaction forte, qui assure la cohésion du noyau atomique (qui sinon éclaterait sous l’action de la répulsion électromagnétique). Elle est basée sur l’existence des quarks, dont elle prédit le nombre et les propriétés : charge électrique, étrangeté (-1, 0, 1), nombre baryonique (1/3 ou -1/3) et couleur83. Les quarks sont des particules étranges, qui vont toujours par groupe de 3. La cohésion du proton, qui est formé de quarks, est assurée par une force, appelée force de couleur (d’où le nom de chromodynamique), qui est portée par les gluons qui assurent les échanges de couleur entre les quarks. Les quarks ne sont pas observables directement, car ils ne restent jamais isolés et sont confinés au sein des particules lourdes qu’ils forment. Les gluons, quant à eux, on été observés en 1978.

Le modèle standard est extrêmement puissant, car il permet de réduire la description des centaines de particules observées à 12 particules fondamentales qui interagissent via 3 forces fondamentales. Il est corroboré par de très nombreuses expériences.

Toutefois, les théoriciens lui trouvent plusieurs faiblesses :

• Le degré d’unification de l’interaction forte avec les deux autres est moindre que celui atteint entre l’interaction électromagnétique et l’interaction faible.

Certains y voient une juxtaposition formelle plutôt qu’une unification réelle.

Des tentatives d’unification plus poussées, comme la théorie de supersymétrie, ont été avancées. Cette théorie prédit l’existence de nouvelles particules.

L’unification entre les trois forces auraient lieu à des niveaux d’énergie de l’ordre de 1016 GeV, ce qui correspond à des échelles84 de l’ordre de 10-30 à 10

-32 m. Ce niveau d’énergie est très supérieur aux capacités des moyens expérimentaux existants ou en préparation, ce qui semble interdire tout espoir de corroboration directe.

• Le modèle standard nécessite l’introduction d’une vingtaine de constantes qui ne sont pas déterminées par la théorie.

• Il ne dit rien sur la différence entre les quarks et les leptons

• Il ne dit pas pourquoi il existe 3 familles de fermions, et pas 2, 4 ou un autre nombre.

• Certaines corroborations sont toujours manquantes : la masse de certains fremions, les neutinos, n’ont toujours pas été mesurées ; de même, le boson de Higgs n’a toujours pas été observé.

• La description par 12 fermions et 12 bosons semblent trop compliquée pour certains physiciens, qui cherchent une théorie faisant apparaître moins de constituants élémentaires.

• Le modèle standard ne permet pas de prendre en compte la quatrième interaction, à savoir l’interaction gravitationnelle. L’unification des 4 interactions est l’objet de théories plus récentes, comme la théorie des

83 La couleur est une propriété inventée pour satisfaire le principe de Pauli, qui stipule que 2 fermions ne peuvent pas être dans des états quantiques identiques. Pour résoudre certains problèmes théoriques, il est apparu qu’il fallait donner une nouvelle propriété aux quarks au sein d’une triade pour éviter qu’ils soient identiques. Cette propriété a été appelée couleur, car la somme des couleurs au sein d’un groupe de 3 quarks s’annule, comme lors de la composition des couleurs en base RGB.

84 Le lien entre l’énergie et une échelle caractéristique est donné par la relation de de Broglie, qui indique que la longueur d’onde de l’onde associée à une particule est inversement proportionnelle à la quantité de mouvement (produit de la masse par la vitesse) de celle-ci. Donc, plus la masse ou la vitesse d’une particule est grande, et plus petite est la longueur d’onde, qui est prise comme échelle caractéristique.

supercordes, qui inclut une formulation quantique de la gravitation. De telles théories implique une augmentation du nombre de dimensions (entre 10 et 23), et des échelles de l’ordre de l’échelle de Planck (10-35 m), soit un niveau d’énergie de 1019 GeV très supérieur aux limites imaginées des dispositifs expérimentaux.

Figure 66 Représentation schématique de l'unification des interactions fondamentales en fonction de la température ou de l'énergie