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CHAPITRE 1. Les violences faites aux femmes : un phénomène d’ampleur et de genre

2. Etendue des violences faites aux femmes et ampleur du phénomène

Dans cette partie, nous abordons différentes formes de violences faites aux femmes : les violences physiques et sexuelles, mais aussi des violences liées au milieu professionnel, au harcèlement et violences liées aux inégalités et discriminations sexistes. Nous mettons en exergue également les auteurs de violence. Puis, nous nous intéressons à la perception de ces violences et enfin aux représentations des femmes dans les médias et la culture.

2.1 Des violences physiques et sexuelles faites aux femmes et leurs

auteurs

Il existe de nombreux chiffres sur les féminicides et les violences sexuelles aux niveaux mondial et français, des violences où les sexes des victimes et des auteurs sont distinctement marqués.

Les violences faites aux femmes se constatent au niveau mondial, nous reprenons ici des données de l’ONU Femmes25 qui en recense des « faits et chiffres » : une femme sur

trois dans le monde a été victime de violences physique ou sexuelle dont l’auteur est un partenaire intime ou de violences sexuelles d’un autre agresseur (non-partenaire) au cours de sa vie. Moins de 40% des victimes cherchent une aide et parmi elles, moins de 10% le font auprès de la police. Les féminicides sont estimés à 87 000 dans le monde en 2017, plus d’un tiers est le fait du partenaire ou plus de la moitié du partenaire ou de membres de la famille. A travers le monde, 15 millions d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont subi des rapports sexuels forcés à un moment de leur vie, dont 9 millions au cours de l’année écoulée26. Seules 1% d’entre elles se sont tournées vers des services d’aide

professionnelle d’après une étude sur 20 pays. En Europe, 2,5 millions de jeunes femmes font état de violences sexuelles, avec ou sans contact, avant l’âge de 15 ans27. Point positif,

l’ONU Femmes précise que ces dernières années, les données sur les violences faites aux femmes se sont améliorées, davantage d’études et de pays les conduisant.

En France, les données les plus récentes sont celles de l’enquête VIRAGE (Debauche et al., 2017) conduite par une équipe de l’Institut National d’Etudes Démographique (Ined). Ces premiers résultats recensent les violences sexuelles28. Au cours des 12 mois

précédant l’enquête, 2,90% des femmes (580 000) entre 20 et 69 ans et 1,03% des hommes (197 000) déclarent avoir vécu au moins une forme de violence sexuelle, tous espaces de vie inclus. Le viol concerne 0,26% des femmes (52 500) et 0,01% des hommes (2500) au cours de cette période.

Ces mêmes violences, sur la vie entière, recensent ainsi que 3,26% des femmes ont été victimes de viol et plus largement 14,47% des femmes ont été victimes de violences

25 ONU Femmes, « La violence à l’égard des femmes et des filles : quelques faits et chiffres »

http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures, consulté le 12 décembre 2018 Les chiffres cités sont principalement issus des Nations Unies, avec les liens vers les rapports, tels que : Affaires économiques et sociales, Nations Unies (2015). Les femmes dans le monde 2015, tendances et statistiques. p.159 et p.140 ; United Nations Office on Drugs and Crime (2018). Global Study on Homicide 2018, p. 10. ; Affaires économiques et sociales, Nations Unies (2015). Les femmes dans le monde 2015, tendances et statistiques, p. 140.

26 ONU Femmes, « La violence à l’égard des femmes et des filles : quelques faits et chiffres »

http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures, consulté le 12 décembre 2018 Les chiffres cités sont ceux de l’UNICEF (2017)

27 UNICEF. A Familiar Face: Violence in the Lives of Children and Adolescents. New York: United Nation’s

Children’s Fund, 2017. https://data.unicef.org/resources/a-familiar-face.

28 Ces violences sont le viol, tentative de viol et les agressions sexuelles.

Le viol, définition pénale reprise dans le document de l’étude VIRAGE (2017, p. 19) « est un crime jugé en cour d’assises, et est défini comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis

sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-23 CP). Il peut s’agir d’une

pénétration vaginale, anale, buccale (fellation), digitale (pénétration avec le doigt) ou d’une pénétration au moyen d’un objet commise sur autrui ».

Quant aux agressions sexuelles autres que le viol, elles « constituent un délit et sont jugées devant le tribunal correctionnel. Elles sont définies comme « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte,

menace ou surprise » (articles 222-22 et 222-27 CP). Les actes visés peuvent être des attouchements du

sexuelles. Le viol concerne 0,47% des hommes et plus largement 3,94% des hommes sont victimes de violences sexuelles.

Concernant les viols des femmes, les sphères du couple et de l’ex-partenaire sont marquées (0,74%, 0,83%) ainsi que la famille et les proches (1,41%).

Les hommes déclarent près de quatre fois moins être victimes de violences sexuelles (3,94%) que les femmes (14,47%). Les hommes ayant subi un viol le sont principalement dans le cadre de la famille et proches (0,27%).

Concernant les violences sexuelles, des différences entre les femmes et les hommes sont aussi constatées, telles que les femmes déclarent plusieurs types d’actes, contrairement aux hommes.

Au cours de la vie, ces violences apparaissent dès le plus jeune âge : « plus d’un quart des femmes et un tiers des hommes [concernées] déclarent que les viols et tentatives de viol ont commencé avant leur 11 ans » (27%, 34,1%). Ces violences ont lieu avant leurs 15 ans, ce qui constitue une circonstance aggravante29 pour la loi, pour 38,3% des femmes

victimes et 59,2% des hommes victimes.

Les victimes de violences sexuelles apparaissent dans tous les milieux socioprofessionnels, que les victimes soient hommes ou femmes, et qu’elles concernent le viol et tentative de viol ou les autres agressions sexuelles.

Concernant les agresseur·e·s, ils et elles sont caractérisé·e·s selon leur sexe, leur nombre et les espaces de vie des violences commises.

Les violences sexuelles sont quasi exclusivement le fait d’un ou de plusieurs hommes (entre 92,6% et 99,1%) lorsque les femmes sont victimes. L’espace de vie du travail recense une ou des femmes agresseures dans 1,3% des cas. L’espace de la famille et de l’entourage proche, du travail ou de l’espace public comprend des situations où les deux sexes d’agresseur·e·s agissent (1,4%, 1,3% et 1,6%). Les violences conjugales sont quasi exclusivement le fait d’un partenaire homme (99%) et 1% dans des relations homosexuelles.

Lorsque les hommes sont victimes de violences sexuelles, les agresseurs sont majoritairement des hommes, en particulier dans le cadre de la famille et des proches (75,5%), cadre dans lequel les violences sexuelles sont le plus déclarées. Plus nuancés,

29 « L’auteur·e d’un viol ou d’une tentative de viol encourt une peine de quinze ans de réclusion

criminelle (article 222-23 CP). Si le viol ou la tentative de viol est commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes prévues par la loi, la peine encourue est majorée : par exemple, vingt ans de réclusion criminelle sont encourus si le viol est commis sur un·e mineur·e de quinze ans. (…) Concernant les agressions sexuelles autres que le viol, celles-ci sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75000€ d’amende (articles 222-27 et 222-31 du CP). L’agression sexuelle avec circonstances aggravantes est punie de sept ans d’emprisonnement et 100000€ d’amende, voire de dix ans d’emprisonnement et 150000€ d’amende (articles 222-28 à 222-30 CP) » la condition aggravante de mineur·e de quinze ans en fait également partie. Repris de l’étude VIRAGE (2017, p. 19)

dans le cadre des études ou de l’espace public, 58,1% et 56,4% des agresseurs sont un ou plusieurs hommes ; 33,6% et 28,8% une ou plusieurs femmes. Dans le cadre du travail, ce sont majoritairement une ou plusieurs agresseuses (61,1%).

Dans les chiffres issus du recensement des études de la MIPROF30, concernant les

violences conjugales en France, 130 féminicides31 sont recensés en 2017, c’est-à-dire des

femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. 21 hommes ont été tués sur la même période dans ce cadre (ex)conjugal. Sur les 16 femmes qui ont tué leur conjoint, au moins 11 étaient victimes de violences au sein du couple.

219 000 des femmes majeures32 déclarent avoir subi des violences physiques et/ou

sexuelles de leur partenaire ou ex partenaire, représentant 1% des femmes âgées de 18 à 75 ans vivant en ménage. Moins d’une victime sur 5 déclare avoir été déposé plainte pour ces faits.

Le rapport illustre également que le nombre de victimes de violences sexuelles (non exclusivement conjugales, violences : viol, agression sexuelle et harcèlement sexuel) connues des forces de l’ordre a augmenté de 23% entre la période octobre 2016- septembre 2017 et la période octobre 2017-septembre 2018, temporalité concomitante avec les événements de prise de parole des femmes sous le #MeToo33.

2.2 D’autres formes de violences faites aux femmes et leurs auteurs

Il est difficile de tracer les violences faites aux femmes, inégalités et discriminations sexistes, sans en omettre. Nous ne visons pas l’exhaustivité, mais une mise en perspective de l’étendue du phénomène. Les violences, inégalités et discriminations citées auront peut-être un pouvoir suggestif aux lecteur·trice·s des manques. Nous évoquons ici celles liées au monde professionnel et en hors de ce cadre, puis à celles de l’espace public, à travers l’asymétrie dans l’emploi, les remarques, injures, l’humour sexiste ou encore le harcèlement.

Annuellement sont publiés par l’organisation ministérielle aux Droits des Femmes des « Chiffres clés » vers l’Egalité réelle entre les femmes et les hommes. La dernière édition de 2018 à ce jour34 est thématisée autour de la culture de l’égalité, l’égalité professionnelle,

30 La MIPROF, Mission Interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la

traite des êtres humains, publie dans La lettre de l’Observatoire Nationale des Violences faites aux femmes, des données statistiques issues d’organisations partenaires externes. MIPROF. « La lettre de l’observatoire National des violences faites aux femmes ». MIPROF, novembre 2018. https://www.stop-violences- femmes.gouv.fr/IMG/pdf/violences_au_sein_du_couple_et_violences_sexuelles_novembre_2018.pdf.

31 La MIPROF n’utilise pas ce lemme féminicide mais celui d’homicide, nous lui préférons le premier car

il s’agit bien de femmes tuées exclusivement. La source initiale citée par MIPROF est l’Etude Nationale sur les morts violences au sein du couple, année 2017, Délégation aux victimes, Ministère de l’Intérieur.

32 La source initiale citée par MIPROF est l’Enquête « Cadre de vie et sécurité » INSEE – ONDRP – SSMSI

2012-2018

33 La source initiale citée par MIPROF est le Ministère de l’Intérieur – SSMSI – Base des crimes et délits

enregistrés par la police et la gendarmerie – extraction janvier 2018 (données provisoires)

34 Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes « Chiffres clés – Edition 2018 -

l’accès aux droits et les violences sexistes et sexuelles. Pour n’en donner que quelques illustrations, 42% des femmes de 25 à 34 ans ont eu, lors d’un entretien d’embauche, la question de savoir si elles comptaient avoir des enfants bientôt ; 30,1% des femmes actives ont un emploi à temps partiel (contre 8,2% des hommes actifs), une situation qui est subie pour 9,8% des femmes et 3,8% des hommes. Un rapport consacré au « sexisme dans le monde du travail » illustre que 50% des femmes à temps partiel ont déjà entendu des remarques culpabilisantes relatives à cet agencement de temps de travail35.

Poursuivant sur cette problématique professionnelle, ce même rapport sur le sexisme réalisé par le Conseil Supérieur de l’Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de 2015 pointe la nécessité de « nommer » précisément ce qui en relève. « Deux définitions (…) l’une sur le sexisme au travail, incluant des actes allant de ce qui peut sembler le plus anodin jusqu’au viol, l’autre, sous partie de la première, sur le sexisme ordinaire ou résiduel, intégrant des actes masqués d’exclusion et de délégitimation, y compris les blagues sexistes, sans pour autant que cela implique forcément un mauvais traitement visible » (p.76 du rapport). Précédé d’une enquête, ce long rapport (130 pages) quantifie, par exemple, que 80% des femmes salariées se considèrent régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes, 42% des femmes affirment avoir entendu des compliments sur leur tenue ou leur physique, les mettant mal à l’aise, ou encore 80% avoir été témoins de blagues sur les femmes et, pour la moitié d’entre elles, en avoir été la cible.

Dans cette perspective du sexisme, un autre long rapport documenté (140 pages), cette fois du Haut Comité à l’Egalité entre les femmes et les hommes de 201936, s’intéresse au

sexisme dans ce cadre professionnel. Le HCE pointe clairement, à l’instar du rapport du Conseil Supérieur à l’Egalité professionnelle, les « remarques et blagues sexistes : la dissimulation du sexisme sous le masque de l’humour » que « l’humour et le sexisme [est] une combinaison répandue et tolérée » dans la société. Le HCE ajoute, en seconde focale, « les injures sexistes, une violence au quotidien peu condamnée ». Les deux rapports questionnent aussi le recours à une aide ou à rapporter les faits sexistes. Ainsi, le recours des salarié·e·s ciblé·e·s par ce sexisme à leur hiérarchie (9%) ou aux organisations syndicales (4%) reste faible ; quant au sexisme lié aux injures, dont les femmes sont majoritairement les victimes, 94% d’entre elles ne vont pas porter plainte. En 2017 en France, 1,2 million de femmes ont subi une injure sexiste, soit près d’une femme sur vingt37.

hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2018/09/29474-DICOM-CC-2018-essentiel_BD.pdf, consulté le 5 janvier 2019 Les sources citées sont : Ifop, enquête pour la fondation Jean-Jaurès, 2017 ; INSEE, enquête Emploi

35 Grésy, Brigitte, et Marie Becker. « Le sexisme dans le monde du travail ». Conseil Supérieur de l’Egalité

Professionnelle, 6 mars 2015. https://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2015/03/RAPPORT-CSEP- V7BAT.pdf. Consulté le 17 mai 2019

36 Bousquet, Danielle, François Vouillot, Marion Collet, et Marion Oderda. « 1er état des lieux du sexisme

en France ». Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, 17 janvier 2019. http://www.haut- conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_etatdeslieux-sexisme-vf.pdf. Consulté le 17 mai 2019

37 La source initiale citée par HCE dans le rapport « 1er état des lieux du sexisme en France » est le

Dans l’espace public, ce sont d’abord les atteintes verbales, physiques et sexuelles qui apparaissent, note une autre étude issue de l’enquête VIRAGE (2017). Sur 12 mois, 20% des femmes ont été sifflées, interpellées ou abordées sous un prétexte de drague et 8% insultées (contre 3% et 8% pour les hommes). Contrairement aux autres espaces de violence, elles sont le fait d’auteurs inconnus des victimes : 88% des victimes femmes ne les connaissent pas et 78% des victimes hommes. Si le caractère sexiste et sexuel est marqué du côté des victimes, il l’est aussi du côté des auteurs, majoritairement des hommes, peu importe le sexe de la victime. En Île de France, les agresseurs hommes dans l’espace public sur les femmes représentent 92,6% et sur les hommes 76%, données issues de l’enquête VIRAGE38. Les victimes de violences dans l’espace public touchent le

plus souvent les jeunes : 58% des femmes et 30% des hommes entre 20 et 24 ans y ont été confronté·e·s, avec des violences différentes : 40% des jeunes femmes rapportent des dragues importunes et 14% des situations de harcèlement et d’atteintes sexuelles, quand pour les jeunes hommes, 10% rapportent des violences physiques.

2.3 Perception des violences : degré de gravité perçu, stéréotypes

genrés et représentations des femmes dans les médias et la culture

La perception des violences, du genre et du sexisme s’envisage ici par trois prismes. Le premier est le degré de gravité perçue des violences par les victimes, issu de l’enquête VIRAGE. Le second concerne la perception (attitudes et stéréotypes) des Français·e·s sur les violences, le sexisme et l’égalité, issue principalement d’études d’opinion conduites par des instituts de sondage et commanditées par des associations. Le troisième illustre la présence/absence des femmes dans les médias et la culture. Les ressources sont celles d’études d’instituts publics. Ces éléments visent à capturer une photographie des perceptions à l’heure de l’écriture de cette thèse, quant à la minimisation des violences et la culpabilisation des femmes victimes, mais aussi pointent le manque de modèle féminin et les inégalités qui perdurent dans le monde des médias et de la culture.

2.3.1 Le degré de gravité perçu des violences

Le degré de gravité est un indicateur associé aux actes violents et évalué par les victimes dans l’enquête VIRAGE (2017). Or, pour leur donner du sens, il faut rappeler que les femmes et les hommes ne sont pas victimes de violences de genre dans la même ampleur ni des mêmes actes de violence. Concernant les actes de « pelotage » (terme utilisé pour les hommes) et des actes « touchée sein/fesse, embrassée, frottée, collée contre son gré » (pour les femmes) dans différents espaces (étude, travail, publics), 84,4% des hommes victimes les évaluent tous comme sans gravité (9,1% au moins un assez grave, 6,1% tous les actes très graves). Pour les femmes, ces actes sont évalués différemment : 31,7% des femmes victimes les jugent tous sans gravité, mais 35,2% au

38 Lebugle, Amandine, et Aurélie Latourès. « Violences faites aux femmes dans les espaces publiques en

Ile de France ». Observatoire régional des violences faites aux femmes et l’équipe de l’enquête VIRAGE, 2018. https://virage.site.ined.fr/fichier/s_rubrique/20838/cha_._synthese_virage.web2.fr.pdf. Consulté le 21 mai 2019

moins un grave et 32,3% tous très graves. Ces catégories recoupent en fait celle des « attouchements forcés ». « Pelotage » est utilisé pour les hommes car « lors des tests de nombreux hommes ont accueilli l’idée d’être embrassé de force ou se voir toucher les fesses avec des rires, confiant aux enquêtrices regretter de ne pas y avoir été confrontés » (Debauche et al., 2017, p. 11). Ce changement sémantique est aussi, selon nous, un indicateur intéressant de la différence de perception entre les hommes et les femmes.

Par ailleurs, le degré de gravité évalué est corrélé à la fréquence des actes (Lebugle & Latourès, 2018). Ainsi, les femmes en Ile de France, comparativement aux femmes en France, jugent deux fois plus souvent les faits de sifflement ou interpellation sous prétexte de drague comme graves ; elles y sont aussi plus exposées (26% pour les franciliennes et 16% ensemble des femmes en France).

Enfin, le degré de gravité dépend aussi des représentations collectives39. Certains actes,

sifflement et interpellation sous prétexte de drague ou insultes, sont jugés sans gravité (86% et 55%). « Ces agissements paraissent largement tolérés. (…) Les faits déclarés comme graves relèvent le plus souvent des violences physiques et sexuelles » notent les chercheur·e·s.

2.3.2 Stéréotypes de genre et perception des violences

Concernant les perceptions sur les violences et le genre issues d’études d’opinion, une étude de 201640 illustre des stéréotypes sur les différences sexuelles entre les femmes et

les hommes : 63% sont plutôt ou tout à fait d’accord avec l’idée qu’il est « plus difficile pour un homme de maîtriser son désir sexuel que pour une femme ».

Sur la perception de ce qui constitue un viol, 96% des répondant·e·s l’identifient correctement comme le fait de forcer une personne. Cependant, lorsque l’agresseur est un partenaire intime, 17% des répondant·e·s excluent l’acte de la catégorie viol. De plus, les pénétrations digitales ou orales peuvent disqualifier le viol et être perçues comme agression sexuelle chez certain·e·s répondant·e·s (entre 13% et 28%). Autre stéréotype qui vient minimiser la perception du viol, la résistance ou l’attitude de la victime. 21% des répondant·e·s estiment qu’il n’y a pas viol lorsque la personne cède à la force, et 26% quand elle cède à la menace. Pourtant, force et menaces sont des termes inscrits dans la définition du viol. Quant à l’agresseur, il est déresponsabilisé par les 40% des répondant·e·s lorsque « des femmes ont une attitude provocante en public ». Dans le même sens de renversement de la culpabilité sur la victime, 25% répondant·e·s estiment qu’il est possible d’éviter le viol « lorsqu’on respecte certaines règles simples de