• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2. Méthodologie

1. DDG : construction de l’objet par la collecte

1.1 Un corpus construit progressivement et une approche abductive

Notre recherche sur les formes de DDG visant à lutter contre les violences faites aux femmes s’est construite sur la base de critères premiers (point 2.1, page 137), critères préalables (point 2.2, page 137), puis d’une analyse permettant d’inclure ou d’exclure des dispositifs (point 1., page 150) et de critères de segmentation dans la base de données constituée (point 3.2, page 148). Ces resserrements progressifs visent à la cohérence du corpus. En revanche, ils ne visent pas l’homogénéité des formes de DDG ou de dispositifs. Au contraire, nous avons cherché à les multiplier, afin de proposer des résultats sur une large étendue de formes de DDG et de dispositifs les mobilisant.

Notre corpus s’est constitué par une collecte empirique, par des découvertes, le recensement d’initiatives allant dans le sens d’une prévention s’adressant aux hommes. Il a, en cours de construction et très rapidement, suscité des questions pour lesquelles la littérature a été le support de connaissances.

Notre approche est abductive : nous avons constitué notre corpus d’étude des formes de DDG visant la lutte contre les violences faites aux femmes, à la fois en nous laissant surprendre lors de la collecte de dispositifs, mais aussi avec une grille a priori déjà déterminée par des critères premiers et préalables, puis en cours de collecte, avec des critères d’inclusion/exclusion. Enfin, c’est à partir des dispositifs collectés que des critères de segmentation qualitatifs ont émergé. La collecte relève d’une exploration inductive, de découvertes par la collecte, couplée à une approche déductive par les critères premiers et préalables et par la littérature des notions connexes de DDG.

Notre perspective théorique a un impact relativement fort sur la collecte de données, quelque part la conditionne, mais cette collecte reste aussi ouverte, preuve en est des éléments d’inclusion/exclusion au cours de la constitution de la BDD. Notre corpus s’est construit par des allers-retours entre théories et découvertes du corpus en même temps qu’il se construit.

Cette approche abductive est aussi celle qui fonde notre intérêt pour cet objet de recherche -le DDG comme stratégie créative de lutte contre les violences faites aux femmes. Notre intérêt pour les dispositifs de DDG incluant et ciblant les hommes s’est construit par étape et progressivement, en même temps que notre curiosité scientifique s’est portée sur ce que peuvent apporter ces dispositifs de DDG à la lutte contre les violences. Cet intérêt a pour point de départ des visualisations sur internet de deux dispositifs124, desquels nous sommes partie pour ensuite remonter à des

questionnements plus larges : manque de la communication de l’Etat, absence des hommes, intérêts d’une communication les incluent et les ciblant, liens entre acte et dimension collective, littérature des formes connexes au DDG. La collecte est ainsi concomitante à la découverte de formes de DDG de manière empirique et depuis la littérature. Dans ce processus a émergé plusieurs questions, notamment celles sur les hommes : la différence entre préventions primaire, secondaire, tertiaire, mais aussi ce qu’ils recoupent comme concepts (masculinités, privilèges par exemple), ou bien encore, qu’est-ce que signifie inclure les hommes dans les dispositifs, leur présence dans les dispositifs.

1.2 Une étude imparfaite

Ces allers-retours entre terrain et théorie pointent également que cette partie de la recherche sur les formes de DDG est un processus en cours, une étude exploratoire poussée qui nous permet de rebondir, ensuite, sur une analyse plus ciblée et plus précise de dispositifs à travers leur création et leur réception. Cette partie est aussi relativement interprétative, au sens où la subjectivité de la chercheure, non sans base théorique issue de la littérature sur le genre et les notions connexes de DDG, est ici plus libre.

C’est par le prisme du genre et de sa réécriture qu’est envisagé le DDG. Et notre construction progressive, perfectible et imparfaite de formes de DDG relève d’une « question ouverte, de mouvement d’élucidation du sens » (Paveau, 2018). Si le genre reste pour nous un outil d’analyse, il est aussi une manière d’aborder les significations qui sont construites à travers lui. C’est-à-dire que, confrontée à de nombreux dispositifs et formes de DDG, nous nous sommes posée la question de leurs significations, mais aussi de leurs intentions. Il s’agit d’une intégration du concept de genre à l’étude, bien qu’il y

124 Ces deux dispositifs sont le court-métrage d’Eléonore Pourriat, « Majorité opprimée » (2010), et le

clip de prévention du Lobby Européen des Femmes, « Changeons de point de vue » (2011). Ces deux dispositifs abordent respectivement le continuum des violences faites aux femmes et la prostitution. Ils utilisent l’inversion du genre, pour lutter contre ces violences, en exposant l’homme aux situations violentes. Les acteurs hommes deviennent la personne sifflée dans la rue, agressée sexuellement, culpabilisée ou bien personne prostituée, selon la conception abolitionniste. Les hommes sont les cibles de ces deux messages.

soit plus qu’intégré, central, et d’une relative appropriation du concept pour « penser avec le genre » (Paveau, 2018).

Enfin, si nous avons posé comme dénomination à l’étude des formes celles d’étude exploratoire, une construction progressive, perfectible et imparfaite, c’est que d’une part, il s’agit d’un processus itératif (constructions de critères, allers-retours entre terrain et théories) et que d’autre part, même plus aboutie, la taxinomie resterait imparfaite. Imparfaite et insuffisante, car « faire une typologie des actions ne serait vraisemblablement pas suffisant » (Butler, 1990, p. 262-263) et que la construction taxinomique des formes d’hypertextualité permet l’exploration, mais l’analyse rend les frontières floues, voire vient la « bouiller (…) [la] dissoudre, et finalement l’effacer » (Genette, 1982, p. 44)

Ainsi, nous essayons de trouver la juste mesure entre développement d’une proposition significative et rigoureuse des formes de DDG, tout en précisant son caractère imparfait, exploratoire et surtout non clos. La qualification des formes de DDG est issue des multiples lectures de ces dispositifs, entre lecture flottante et encodage qualitatif

multiple, soit une combinaison entre matériaux bruts et théoriques, construction de

connaissances et d’expériences sur et par les dispositifs de DDG, portant ainsi une dimension de bricolage intellectuel (Lévi-Strauss, 1985). La grille d’analyse finale bénéficie d’un enrichissement progressif, tout en demeurant inachevée.