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SECTION I : SUREXPOSITION ARTIFICIELLE DE LA SOURCE COUTUMIÈRE

A. DIVERSITÉ DES UTILISATIONS POSSIBLES

Les juridictions pénales internationales se livrent à une utilisation très particulière de la source coutumière. Alors que ses traits caractéristiques rendaient son utilisation délicate, le juge pénal international n’hésite pas à l’utiliser de manière quotidienne. De plus, elle revêt dorénavant un degré de précision tout à fait inédit.

441 La théorie des sources fait accéder certains comportements internationaux à la normativité internationale. Le non respect des règles d’accession à la normativité internationale ne permet pas à la norme qui en résulte de s’insérer dans le droit international public.

a) Fréquence d’utilisation de la norme coutumière

Le juge pénal international utilise de manière intensive la source coutumière pour mener à bien les raisonnements juridiques lui permettant de juger certains individus. En agissant ainsi, il confère à la coutume internationale un aspect et un rôle très différents de ceux qu’elle revêtait jusqu’alors.

Le droit coutumier irrigue l’ensemble du droit applicable devant les juridictions pénales internationales. Le juge pénal international se réfère en effet énormément au droit coutumier et ce, pour soutenir des raisonnements très divers.

Les juridictions pénales internationales se réfèrent au droit coutumier pour justifier de nombreuses affirmations, par exemple, lorsqu’il s’agit de vérifier que le droit international impose bien une responsabilité pénale aux auteurs des violations graves de l’article 3 commun

des Conventions de Genève442. Le TPIY atteste également l’existence de certaines notions en

droit international en invoquant la source coutumière, il s’agit notamment du cas du but

commun comme forme de complicité443.

S. Sur écrivait en 1986 que la règle coutumière « ne se dévoile qu’à l’occasion de manifestations ponctuelles, puisqu’elle n’a qu’une existence hypothétique en dehors de ses

applications concrètes »444. La ponctualité employée dans ce contexte renvoie à quelque chose

qui porte sur un point précis ou un objectif particulier, sur l'un des éléments d'un ensemble. Ces manifestations ponctuelles se réfèrent à la révélation par le juge du caractère coutumier d’une norme. Lorsqu’il règle un différend, le juge international peut se prononcer sur

l’existence d’une coutume internationale445, c’est parfois même l’objet exclusif du litige

interétatique. Pourtant de telles manifestations restent rares en raison de l’absence sur la scène internationale d’un juge obligatoire. Certes, la Cour internationale de justice est apte à régler

442 Affaire Blaskic, Chambre de première instance I, 3/03/2000, § 176 : « La Chambre rappelle que les violations de l’article 3 du Statut, qui englobent les violations des règles de La Haye et celles de l’article 3 commun, sont par définition des violations graves du droit international humanitaire au sens du Statut. Elles sont donc susceptibles d’entraîner la responsabilité pénale d’un individu conformément à l’article 7 du Statut. La Chambre observe au demeurant que les dispositions du code pénal de la RSFY, adoptépar la Bosnie-Herzégovine en avril 1992, prévoient que les crimes de guerre commis au cours de conflits internes ou de conflits internationaux, engagent la responsabilité pénale individuelle. La Chambre est d’avis, comme l’a conclu l’Arrêt Tadic I, que le droit international coutumier impose une responsabilité pénale pour les violations graves de l’article 3 commun ».

443 Affaire Tadic, Chambre d’appel, 15/07/1999, § 220.

444 SUR (S.), « La coutume internationale : sa vie, son œuvre », Droits, Revue française de théorie juridique 1986, p.124.

n’importe quel litige de droit international mais elle ne peut nullement s’autosaisir. Pire encore, l’ensemble des parties impliquées dans le différend doit accepter qu’elle se prononce, rendant ainsi hypothétique la clarification de la réglementation internationale. Pour ces raisons, « la jurisprudence n’est guère en état d’enregistrer de façon répétée et cumulative la règle coutumière, et, ce faisant, de lui offrir un support permanent et généralement accepté »446.

Les Tribunaux pénaux internationaux appliquent au contraire de manière très fréquente des règles issues du droit international, ce qui constitue autant d’occasions pour les juges d’attester ou de contester l’existence d’une règle coutumière. Cette possibilité est également renforcée par l’existence d’un double degré de juridiction ; les chances de voir les juges se prononcer sur l’existence et le contenu des règles coutumières sont donc décuplées.

Les rapports entre le juge et la coutume s’en trouvent nécessairement modifiés. S’il a toujours

été un acteur privilégié d’attestation de la coutume447

, le juge voyait toutefois cette prérogative limitée par le jeu du consentement à la juridiction. La fréquence des affaires pénales nécessite la clarification de l’étendue et du contenu du droit coutumier et désacralise la source coutumière. La coutume perdrait son caractère exceptionnel pour rejoindre le clan des sources faciles à appréhender. Les contours de la source coutumière semblent se faire plus nets et la coutume semble pouvoir être invoquée et appliquée de manière plus aisée.

Les juridictions pénales internationales font une application pratiquement quotidienne de la coutume internationale. De ce fait, la source coutumière auparavant difficile à appréhender se trouve plus fréquemment et plus facilement mise à jour. Ces considérations pratiques expliquent en grande partie les dérives qui seront étudiées par la suite. La mise en place de juridictions pénales internationales a modifié les rapports qu’entretenaient auparavant le juge et la source coutumière. Plusieurs conséquences en découlent.

446 SUR (S.), « La coutume internationale : sa vie, son œuvre », Droits, Revue française de théorie juridique 1986, p. 114.

447 « Ce lien entre coutume et jurisprudence, on le retrouve dans une certaine mesure dans l’ordre international. Mais il se présente de façon substantiellement différente. On le retrouve, puisque l’une des principales bases de détermination de la coutume figure dans le statut de la CIJ, dont l’article 38 énumère les éléments du droit qu’elle applique, et que l’examen de sa jurisprudence occupe une place de choix dans la problématique du droit coutumier. Ce lien est en même temps précaire, puisque l’ordre international ne connaît pas de principe de juridiction obligatoire, et que les sujets ne se présentent devant un tribunal qu’en vertu de leur propre consentement. » in SUR (S.), « La coutume internationale : sa vie, son œuvre », Droits, Revue française de théorie juridique 1986, p. 112.

b) Degré de précision

Du fait de l’intensification du recours au droit coutumier et de sa surexposition en tant que source charnière du droit pénal international par le Secrétaire général des Nations Unies, il est de plus en plus difficile d’identifier dans la jurisprudence des TPI, les traits caractéristiques de la coutume.

Les règles coutumières invoquées et appliquées par les TPI sont à la fois très variées et très précises. Si les TPI réaffirment parfois le caractère coutumier de certaines dispositions du

droit international humanitaire448 de la même manière que pourrait le faire la CIJ, la majorité

du travail impliquant du droit coutumier porte sur des questions différentes.

Dans l’affaire Vasiljevic, la Chambre de première instance a déclaré devoir « être convaincue

que l’acte en question est criminel au regard du droit international coutumier »449

ou « qu’un acte donné ou un ensemble d’actes constituent effectivement un crime en droit international

humanitaire »450 pour prononcer une condamnation. Devant les juridictions pénales

internationales, l’enjeu du recours au droit coutumier semble donc souvent être la vérification

du caractère criminel d’un acte, ce qui n’est pas toujours le plus simple à prouver451

.

Parfois, les éléments constitutifs d’une infraction sont au cœur de la recherche coutumière. Dans l’affaire Aleksovski, la Chambre d’appel a considéré que le droit international coutumier n’exigeait pas la preuve d’une intention discriminatoire pour les violations des lois

ou coutumes de la guerre452. Il est également courant pour les TPI de faire entrer dans le

champ du droit coutumier les éléments constitutifs des crimes qu’ils sont chargés de

réprimer453. Dans l’affaire Akayesu, la Chambre de première instance considère que : « En

448

« La IVe Convention de Genève, expression du droit international coutumier, interdit la destruction de biens en son article 53 : (…) », Affaire Blaskic, Chambre d’appel, 29/07/04, §145.

449 Affaire Vasiljevic, Chambre de 1ère instance II, 29/11/02, § 199 450 Ibid., § 201.

451

« Alors que le TPIY n’a eu guère de difficultés à attester l’existence des « interdictions », ce qu’il fait aisément en se référant aux grands instruments conventionnels concernant le droit humanitaire ou les droits de l’homme, il a pu rencontrer des difficultés lorsqu’il s’agissait de défendre, sur la base de la pratique, l’affirmation selon laquelle le droit international coutumier prévoit la responsabilité pénale individuelle de ceux qui ne respectent pas ces interdictions » in GRADONI (L.), « L’attestation du droit international pénal coutumier dans la jurisprudence du Tribunal pour l’Ex-Yougoslavie, « régularités » et « règles » », Les sources du droit international pénal, Société de législation comparée, Paris, 2004, p. 41

452 Affaire Aleksovski, Chambre d’appel, 24/03/00, § 23. 453

« Il convient de faire une remarque préliminaire avant d’examiner les éléments constitutifs du crime contre l’humanité tels qu’ils résultent du droit international coutumier en vigueur au moment où les crimes reprochés à

droit coutumier international, c'est le "meurtre" et non l' "assassinat" qui constitue un crime

contre l'humanité »454.

Les opinions individuelles ou dissidentes exprimées par les juges permettent également de mieux saisir les contours de la coutume pénale internationale. Dans l’affaire Jelisic, le juge Shahabuddeen aborde la question de la connaissance par l’auteur de l’infraction grave aux Conventions de Genève du caractère protégé de ses victimes dans une opinion partiellement

dissidente455. Il constate à cet égard que « même en l’absence d’aveux, il ne devrait pas y

avoir de problèmes de preuve insolubles : selon le droit coutumier, un tribunal pourrait déduire de faits objectifs que la victime avait ce statut et que l’accusé le savait ». Une note de bas de page accompagne ce passage et renvoie au rapport de la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale. Pour ce juge, une coutume peut autoriser un tribunal à déduire de certains faits qu’un accusé savait que ses victimes avaient le statut de personne protégée au sens des Conventions de Genève.

Le droit coutumier et donc le droit international public régenterait donc selon ce passage les modalités de preuve de l’intention criminelle. Pourtant, force est de constater que le droit

coutumier a toujours été perçu comme imprécis456 notamment en comparaison avec le droit

conventionnel457.

L’imprécision traditionnelle de la coutume s’explique en grande partie par la rareté des décisions judiciaires internationales. Cette insuffisance a conduit les juristes à considérer le droit coutumier comme un réservoir de règles générales et par conséquent abstraites. Le caractère non écrit de la coutume ne lui permet pas de se doter d’un ensemble de règles détaillées. Même si certaines règles coutumières notamment en matière de droit de la mer sont

l’accusé auraient été perpétrés, et plus spécifiquement des textes et de la jurisprudence internationale et interne. » Affaire Blaskic, Chambre de première instance I, 3/03/00, § 198.

454 Affaire Akayesu, Chambre de première instance I, 2/09/1998, § 588. 455 Affaire Jelisic, Chambre d’appel, 5/07/01, § 41.

456 « Il est clair que l’imprécision du contenu du droit coutumier, sans porter atteinte au principe de son autorité, complique son application et multiplie les contestations à son sujet, tant à l’égard de son existence que de sa consistance » in SUR (S.), La coutume internationale, Litec, Paris, 1990, p. 15. C’est d’ailleurs cette imprécision qui expliquerait le caractère dépassé de la source coutumière (voir VERHOEVEN (J.), Droit international public, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 346).

457 « C’est une matière (le droit des traités) irriguée de normativité jusque dans le moindre détail, de l’élaboration du traité jusqu’à sa terminaison en passant par les stades intermédiaires de sa validité, de son exécution et de sa violation. A la voie conventionnelle hypernormativisée, avec ses certitudes mais aussi ses rigidités, s’opposait traditionnellement la voie coutumière avec ses flexibilités mais aussi ses incertitudes » in WEIL (P.), « Le droit international en quête de son identité, Cours général de droit international public », RCADI 1992 (VI), tome 237, p.160.

précises et chiffrées car elles ont pour objet de délimiter l’étendue des compétences de l’Etat, cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des règles coutumières identifiées le soit. Parfois, la CIJ déclare qu’une disposition conventionnelle détient le statut de règle coutumière:

« La première de ces deux questions renvoie à la règle bien établie, et qui constitue l’une des pierres angulaires du droit de la responsabilité internationale, selon laquelle le comportement de tout organe de l’Etat est considéré comme un fait de l’Etat selon le droit international, et engage par suite la responsabilité dudit Etat s’il constitue une violation d’une obligation internationale qui s’impose à ce dernier. Cette règle, qui relève du droit international coutumier, est énoncée à l’article 4 de la CDI sur la responsabilité de l’Etat dans les termes

suivants : (…)»458

.

La CIJ a également rappelé que selon le droit international coutumier tel que reflété à l’article 42 du règlement de La Haye de 1907, un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie, et que l’occupation ne s’étend qu’au

territoire où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer459

.

Les exemples de ce type sont nombreux et les règles coutumières utilisées par la CIJ pour régler un différend ou répondre à une demande d’avis sont relatives à des questions aussi

diverses que le droit de la responsabilité460, le droit international humanitaire461, le droit de la

paix et de la sécurité internationales462, etc.

458Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), 27/02/2007, Rec. p. 138, § 385.

459 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 167, par. 78, et p. 172, § 89.

460 « Conformément à une règle de droit international bien établie, qui revêt un caractère coutumier, «le comportement de tout organe d’un Etat doit être regardé comme un fait de cet Etat» (Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 87, par. 62) » Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Rec. p. 69, § 213.

461 « D’après une règle bien établie, de caractère coutumier, énoncée à l’article 3 de la quatrième convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 ainsi qu’à l’article 91 du protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949, une partie à un conflit armé est responsable de tous les actes des personnes qui font partie de ses forces armées. » Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Rec. p.69, § 214.

462 « Dans le cas de la légitime défense individuelle, ce droit ne peut être exercé que si 1'Etat intéressé a été victime d'une agression armée. L'invocation de la légitime défense collective ne change évidemment rien à cette situation. L'accord paraît aujourd'hui général sur la nature des actes pouvant être considérés comme constitutifs d'une agression armée. En particulier, on peut considérer comme admis que, par agression armée, il faut entendre non seulement l'action des forces armées régulières à travers une frontière internationale mais encore « l'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent » (entre autres) à une véritable agression armée accomplie par des forces régulières, « ou [au] fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action ». Cette description, qui figure à l'article 3, alinéa g), de la définition de l'agression annexée à la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale, peut être considérée comme l'expression du droit international

Il convient maintenant de s’intéresser au degré de précision de la norme révélée par le juge international. L’interdiction du recours à la force dont la CIJ a reconnu en 1986 qu’elle avait

une valeur coutumière463 est très générale. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles

elle est si souvent interprétée de manière équivoque par les Etats. Il en va de même de l’exercice de la légitime défense en cas d’agression armée récemment invoquée par les

Etats-Unis pour intervenir en Irak en 2003464. La majorité des règles coutumières seraient donc

relativement abstraites. Dans son avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, la CIJ reconnaît ne pas avoir « trouvé de règle conventionnelle de portée générale, ni de règle coutumière interdisant spécifiquement la menace ou l’emploi des armes

nucléaires en tant que telles »465.

Dans l’ordre juridique international, le droit international coutumier a donc vocation à produire des règles générales tandis que les traités internationaux fournissent des règles particulières ou spéciales. La CIJ admet elle-même qu’ « (i)l ne faut pas chercher dans le droit international coutumier un corps de règles détaillées. Ce droit comprend en réalité un ensemble restreint de normes propres à assurer la coexistence et la coopération vitale des

membres de la communauté internationale »466.

Les règles appelées « coutumières » par le juge pénal international ne correspondent donc pas aux caractéristiques traditionnelles du droit coutumier : elles sont trop détaillées et portent sur

des objets très particuliers qui n’ont jamais fait l’objet d’un consensus international467

.

Les règles qualifiées de « coutumières » ainsi découvertes, dans la mesure où elles concernent le comportement des individus doivent être prévisibles pour être opposable à un individu. En effet, dans certains cas, le fait qu’un comportement constitue une violation grave de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, n’est pas suffisant pour permettre la condamnation de l’accusé puisque les TPI s’assurent du caractère prévisible de la prohibition coutumier. » Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis), Rec. 1986 p. 103, § 195.

463Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Rec. 1986, p. 99, § 188.

464 Ils ont à cette occasion soutenu l’existence d’une règle coutumière autorisant la légitime défense de manière préventive.

465Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Rec. 1996, p. 256, § 74.

466 CIJ, Délimitation de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine arrêt 12/10/1984, p. 299, § 111. 467

Sur les limites du droit international public à l’égard des relations interindividuelles, voir Seconde partie, titre I, Chapitre I, Section I.

en découlant avant de prononcer une quelconque condamnation468. Une telle exigence n’a pas d’intérêt en ce qui concerne le droit international public « classique » dès lors qu’« au niveau international, les règles n’ont pas vraiment besoin d’être écrites car les destinataires des règles

de droit sont en même temps leurs créateurs »469.

Ce passage de l’affaire Vasiljevic manifeste très clairement la confusion du juge pénal international à l’égard de la nature profonde du droit international coutumier : « (l)a Chambre de première instance doit s’assurer que l’infraction reprochée à l’accusé était définie de façon

suffisamment précise en droit international coutumier, pour que sa nature générale, son

caractère criminel et sa gravité soient suffisamment prévisibles et puissent être reconnus »470.

La coutume internationale telle qu’elle ressort de la jurisprudence des TPI est donc bien différente de celle identifiée par la CIJ ; elle ne correspond en rien à ses traits caractéristiques et semble en désaccord avec la théorie des sources connue du droit international public. Ces doutes se trouvent renforcés par l’étude des modalités de preuve utilisées par les tribunaux pénaux internationaux car elles aboutissent à une confusion sans précédent de la théorie des sources.

468 « On peut également considérer que, d’une manière générale, les « atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle » constituent des violations « graves » de l’article 3 commun. Cependant, la Chambre doit en outre être convaincue que le comportement criminel en question était suffisamment bien défini et pouvait être suffisamment reconnu comme tel au moment des faits pour justifier une déclaration de culpabilité et une