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7. L’expérience de LOCREAM dans une classe de solfège

7.8 Discussion

Le nombre réduit de sujets ne permettant pas une étude statistique approfondie, nous considérons ces résultats comme des indications de pistes à suivre plutôt que comme des informations probantes.

Notre première question de recherche traite de l’adaptation du dispositif et de ses fonctionnalités aux capacités et à l’âge des sujets observés. Les résultats concernant cet aspect des activités avec LOCREAM montrent que l’ensemble a compris le fonctionnement et a pu réaliser les tâches consignées par l’équipe de recherche.

Cependant, ces résultats appellent des questions et discussions. Par exemple, du côté de l’enseignant la consigne proposant la réalisation d’un contour mélodique, sans aucune contrainte à part la limitation du temps, peut être considérée comme simple.

Dans un cadre réel d’enseignement-apprentissage, l’enseignant peut avoir des objectifs précis, exigeant pour être atteints « la dévolution du bon problème » (Brousseau, 1984, p. 2). Dans ce genre de situation, il faudra que l’enseignant dispose d’un milieu capable de fournir, en tout cas en partie, les éléments nécessaires à la formulation du bon problème.

Cette remarque vaut également du côté de l’élève. La réalisation d’un contour dans un temps t sollicite l’audition engagée et par ce biais la mobilisation des expériences musicales acquises auparavant. Dans ce cas, la marche à suivre est linéaire, car les étapes sont identifiées par les instructions préalablement fournies par l’équipe de recherche et par le logiciel. Cependant, l’expérience actuelle ne permet pas de savoir quelle serait l’efficacité de LOCREAM si la dévolution du problème impliquait une contrainte, comme l’adoption d’une stratégie précise (Brousseau, 1984, 1988). Par exemple, pour réaliser un type de contour proposé dans la consigne, l’élève doit disposer les cibles d’une certaine manière, sans quoi il ne pourra pas réaliser le contour demandé. Dans ce cas quelle serait la stratégie à adopter ? A noter qu’une des règles du dispositif est que l’élève ne peut pas changer la position des cibles une fois validé l’étalonnage. L’expérience actuelle ne traite pas des questions visant le contrat didactique (Brousseau, 1982, 1988), notamment quelle devra être l’intervention de l’enseignant voyant que son élève rencontre des difficultés majeures liées à une consigne.

A la question de recherche qui traite de l’engagement auditif la réponse est oui, la dynamique proposée par LOCREAM favorise l’engagement auditif. La reconnaissance de sa production lorsqu’on la joue tout de suite avant ou après une autre, était l’indicateur de cet engagement. Il faut noter que dans l’exercice de distinction, entre deux productions, celle de l’élève peut s’avérer relativement simple, car un seul segment mélodique dans une position clé, comme au début de la production ou à la fin, peut être suffisant pour reconnaître sa production. Toutefois, nous estimons que des résultats plus significatifs pourront être obtenus en complexifiant les situations en nombre de productions (3 ou 4 productions plus celle de l’élève) ; ou en similitude, l’élève devant reconnaître son contour parmi deux autres contours similaires au sien.

En procédant ainsi, l’engagement auditif pourra être déterminé de manière plus précise.

L’hypothèse d’amélioration de la capacité à identifier et représenter les notes d’une mélodie après l’activité avec LOCREAM nous a été inspirée par des études qui montrent que l’exposition au matériau musical constitue un facteur d’apprentissage implicite de la musique (Bigand, 2008; Tillmann et al., 2005). Les résultats révèlent des scores bas, 5.8/28 pour la meilleure moyenne, ce qui du au degré de difficulté des tests. Ils se sont avérés dans la limite de capacités des élèves nous y reviendrons

dans la conclusion. Cependant, cela nous a permis d’éviter l’effet de saturation qui arrive en cas de scores trop élevés. Ceci étant, l’ensemble du groupe ne présente pas des variations significatives entre avant et après l’activité. Toutefois, on note tout de même des variations non significatives, ce qui nous mène à penser que cette non-significativité peut être due à une différence de niveaux à l’intérieur du groupe d’élèves. Pour vérifier cette hypothèse nous avons procédé à la dichotomisation (Giroux & Tremblay, 2002) de la variable indépendante « groupe de sujets ». Ainsi, nous avons départagé les 15 élèves en groupe fort et groupe faible, prenant comme points de césure la moyenne générale observée dans chaque variable. Le groupe faible a été alors formé par de sujets ayant obtenu des résultats égal ou inférieur à la moyenne générale, et le groupe fort, formé par ceux qui avaient obtenu des résultats supérieur à la moyenne.

Les résultats nous ont permis d’observer que les moyennes du groupe faible ont présenté une amélioration significative dans presque tous les indicateurs. Du côté du groupe fort, les performances n’ont pas varié de manière significative, à part pour l’identification des contours ainsi que pour l’identification des notes où nous avons constaté une contre-performance significative par rapport au pré-test.

Pour l’amélioration de la performance des plus faibles, nous pensons qu’il pourrait s’agir de l’effet d’apprentissage provoqué par l’exposition au matériel musical (Tillmann et al., 2005). En outre, nous pensons pouvoir approcher cette amélioration de la performance du groupe faible du concept de zone proximale de développement (Chaiklin, 2003; Vygotsky, 1934). En effet, certains élèves peuvent présenter une difficulté à comprendre que les mouvements mélodiques forment une espèce de trajectoire évoluant en inflexions vers le haut et vers le bas de l’échelle de notes. Du moment que les élèves sont exposés à des exercices traitant directement de cette notion du contour, ils comprennent ces inflexions et arrivent plus facilement à identifier les notes.

Concernant la contreperformance du groupe fort, il est possible que cela soit un déséquilibre du schéma de connaissance préalablement consolidé (Mounoud, 1992;

Piaget, 1936) causé par la notion relativement nouvelle de fragment mélodique. Dans ses études sur le développement musical, Bamberger (2013) observe que le passage d’un certain stade l’intelligence musicale à un stade plus complexe, peut provoquer

une baisse de la performance dans une tâche bien maîtrisée auparavant. La psychologie anglo-saxonne parlera alors de U shape developement (Carlucci & Case, 2013). Quoi qu’il en soit, de nouvelles expérimentations seront nécessaires pour confirmer la question de la zone proximale de développement ainsi que celles liées à une baisse chez les sujets présentant d’abord une bonne performance.

Sur les 15 élèves, seulement deux n’ont pas pu aller jusqu’au bout de l’activité sans aide des responsables pour conduire l’expérience. Tous les deux ont eu des doutes pour la sauvegarde. Un seul élève n’a pas du tout fini son activité dans les 10 minutes imparties en fonction des arrêts dont il n’a pas exprimé les motifs, nous n’avons pas noté de difficultés particulières, dès que le chercheur lui demandait si tout allait bien il reprenait la tâche. Cela peut être dû à plusieurs causes entre elles un manque de motivation ou de concentration. Les autres 12 élèves ont pu finir l’exercice sans poser de questions.

Nous n’avons pas élaboré une grille d’observation concernant la production des élèves, cependant l’écoute de ces productions laisse entrevoir un riche terrain d’observation.

Les moyennes des réponses au questionnaire se situent entre 3,38/5 et 4,62/5. Cela nous permet de confirmer les hypothèses 1 et 2 et de conclure que les actuels éléments de l’interface et leurs fonctionnalités sont adaptés à ce public. Les résultats indiquent que LOCREAM a laissé chez les élèves le sentiment d’avoir réalisé sans beaucoup de difficultés les tâches demandées. En dépit d’une perception générale positive de l’efficacité du logiciel LOCREAM, les élèves pensent avoir besoin de recevoir des explications pour l’utiliser (facilité à apprendre=3,38). Concernant leur satisfaction générale, les résultats sont très élevés. Les élèves ayant fait l’expérience perçoivent LOCREAM comme un très bon support pour la réalisation de mélodies.

Conclusion