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Vers un dispositif numérique pour l'enseignement-apprentissage du solfège: convergence de la pédagogie et de la didactique de la musique avec la technologie numérique

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Vers un dispositif numérique pour l'enseignement-apprentissage du solfège: convergence de la pédagogie et de la didactique de la

musique avec la technologie numérique

MARTINS ARISTIDES, Marcos André

Abstract

Dans cette recherche, nous proposons une réflexion sur l'introduction d'un objet sémiologique dans le processus d'enseignement-apprentissage du solfège et sur les implications d'une activité de construction de contours mélodiques, médiatisée par ordinateur, dans ce processus. Pour appuyer nos réflexions, un dispositif numérique a été spécialement conçu et développé et nous l'avons appelé LOCREAM pour Logiciel pour la Création de Mélodies tonales. Ce dispositif, permettant la manipulation des fragments de contours mélodiques dans le but de réaliser des mélodies tonales, a été conçu selon des principes venant de la pédagogie et de la didactique de la musique. Enfin, LOCREAM a été testé dans deux classes de solfège dont, à la fin de ce travail, nous présenterons et discuterons les résultats.

MARTINS ARISTIDES, Marcos André. Vers un dispositif numérique pour

l'enseignement-apprentissage du solfège: convergence de la pédagogie et de la didactique de la musique avec la technologie numérique. Thèse de doctorat : Univ.

Genève, 2015, no. FPSE 596

URN : urn:nbn:ch:unige-746320

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:74632

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:74632

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Section de Sciences de l’Education

Sous la direction de Nicolas Szilas

Maître d’Enseignement et de Recherche de l’unité TECFA de la Faculté de Psychologie et Sciences de l’Education

Vers un dispositif numérique pour l’enseignement-apprentissage du solfège : convergence de la pédagogie et de la didactique de la musique avec la technologie numérique.

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de l’Éducation

par

Marcos André MARTINS ARISTIDES

Thèse No 596 J

GENEVE Juin 2015

Numéro d’étudiant : 04-308-482

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Section de Sciences de l’Education

Sous la direction de Nicolas Szilas

Maître d’Enseignement et de Recherche de l’unité TECFA de la Faculté de Psychologie et Sciences de l’Education

Vers un dispositif numérique pour l’enseignement-apprentissage du solfège : convergence de la pédagogie et de la didactique de la musique avec la technologie numérique.

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de l’Éducation

Marcos André MARTINS ARISTIDES

par

Commission de thèse et jury :

Professeur docteur Nicolas Szilas (directeur de thèse)

MER à l’Université de Genève

Professeur docteur Mireille Bétrancourt

Professeur ordinaire à l’Université de Genève

Professeur docteur Isabelle Mili

Professeur ordinaire à l’Université de Genève

Professeur docteur Rodrigo Cicchelli Velloso

Professeur associé à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro

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Remerciements

Cette thèse a vu le jour grâce au concours d’institutions et des personnes que je tiens à remercier.

J’aimerais d’abord remercier l’Université de Genève et la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation d’avoir accueilli ce projet, et moi même, dans leurs communautés d’étudiants, d’enseignants et de collaborateurs, dans les plus divers domaines de

connaissances et de savoir-faire. Les excellentes conditions de travail ont beaucoup compté dans ce qui restera pour moi comme une magnifique expérience de vie universitaire.

Je remercie Nicolas Szilas pour sa direction bienveillante et ouverte et qui a su trouver l’équilibre entre les interventions bénéfiques et les moments où le chercheur doit être seul pour élaborer et affiner ses questions et ses méthodes. Un grand merci également aux membres de la commission de thèse pour leurs conseils et leur disponibilité. Les indications de la professeure Mireille Bétrancourt autour du protocole expérimental ont été précieuses. Les questions et les enseignements autour de la didactique de la

professeure Isabelle Mili ont représenté un apport décisif pour réfléchir sur le rôle de la technologie dans le cadre de l’enseignement-apprentissage du solfège. Le Professeur Rodrigo Cicchelli Velloso et ses solides connaissances sur les notions de construction musicale développées au XXe siècle ont eu une grande influence dans la conception et l’étayage théorique du dispositif présenté dans ce travail.

Je tiens à remercier aussi Daniel Schneider, professeur ordinaire de la FPSE et de TECFA, pendant la période de conception et développement du dispositif a mit à contribution ses connaissances ralliant informatique et sciences de l’éducation avec une générosité sans faille. J’aimerais également remercier Stéphane Morand, ingénieur informatique de TECFA, pour sa disponibilité et bonne humeur pour les ajustements du logiciel et dans divers moments de cette thèse, notamment à l’occasion de l’expérience avec les élèves.

L’unité TECFA et tous les collègues, pour l’ambiance d’encouragement mutuel qui a beaucoup compté pour l’aboutissement de ce travail. J’aimerais remercier

particulièrement ceux qui pour longtemps ont partagé la direction de TECFA Prof. Mireille Bétrancourt et Prof. Daniel Peraya, ce dernier ayant pris sa retraite bien méritée, pour l’appui et les conseils dans le domaine académique, sans jamais laisser de côté les aspects humains des relations professionnelles.

Aux élèves de l’École de Musique de Pers-Jussy, pour leurs joyeuses collaborations lors de nos études expérimentales. Au directeur de l’école M. Luc Rodet pour la gentillesse et l’ouverture avec lesquelles il a accueilli notre proposition et notre présence au sein de l’École. À Mme Laure Pommery, enseignante de solfège, non seulement pour nous avoir ouvert des espaces dans son emploi du temps, mais aussi pour son implication et le sincère intérêt porté à toutes les phases de notre étude.

À toute l’équipe et à la direction d’Enfants du Monde, l’ONG dont je suis collaborateur, pour leur soutien et leur flexibilité notamment pendant la phase finale de ce travail mes sincères remerciements

Pour finir, je tiens à remercier ma sœur, mon frère, ainsi que toutes les personnes qui m’ont apporté leur soutien affectif au long de ce parcours et qui certainement s’y reconnaîtront.

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Résumé

Dans cette recherche, nous proposons une réflexion sur l’introduction d’un objet sémiologique dans le processus d’enseignement-apprentissage du solfège et sur les implications d’une activité de construction de contours mélodiques, médiatisée par ordinateur, dans ce processus. Pour appuyer nos réflexions, un dispositif numérique a été spécialement conçu et développé et nous l’avons appelé LOCREAM pour Logiciel pour la Création de Mélodies tonales. Ce dispositif, permettant la manipulation des fragments de contours mélodiques dans le but de réaliser des mélodies tonales, a été conçu selon des principes venant de la pédagogie et de la didactique de la musique.

Enfin, LOCREAM a été testé dans deux classes de solfège dont, à la fin de ce travail, nous présenterons et discuterons les résultats.

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Table de matières

Résumé ... iii

Table de matières ... I 1. Introduction ... 1

1.1 Vue d’ensemble de cette recherche ... 1

1.2 Les chapitres de la thèse ... 2

2. La notation musicale sur portée ... 5

2.1 La notation musicale sur portée ... 5

2.3 La partition comme objet musical ... 11

3. Le solfège ... 15

3.1 Le statut du solfège ... 15

3.2 Le solfège à l’aune de la nouvelle musicologie ... 16

3.2.1 Le solfège en tant que marqueur social ... 19

3.2.2 Le solfège comme pré requis à l’apprentissage d’un instrument ... 21

3.3 Le solfège face aux musiques du XX siècle ... 24

3.3.1 « La » musique face aux musiques du XX siècle ... 24

3.3.2 Des sons et des silences dans les musiques du XXe siècle ... 25

3.3.3 L’accommodation des tendances en conflit ... 27

3.4 La nécessaire désacralisation du solfège ... 28

4. L'éducation musicale au XXe siècle ... 33

4.1 L’éducation musicale et les sciences de l’éducation ... 34

4.2 Jacques-Dalcroze ... 36

4.3 Carl Orff ... 37

4.4 Zoltán Kodaly ... 38

4.5 Les approches en éducation musicale à la fin du XXe siècle ... 38

4.6 La didactique du solfège et le sens musical ... 44

4.6.1 La didactique du solfège ... 45

4.6.2 La didactique du solfège à l’aune du champ des didactiques ... 49

4.6.3 Champ pédagogique et champ didactique ... 52

4.6.4 Les concepts fondamentaux du champ de la didactique ... 57

4.6.5 La didactique éclairée dans l’enseignement-apprentissage de la musique ... 62

4.6.6 Le sens comme l’un des fondamentaux du cours de solfège ... 64

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5. La problématique et les questions de recherches ... 69

5.1Le cours de solfège et ses manuels ... 73

5.1.1 Comme discipline centrale, le solfège n’endosserait-il pas un rôle trop lourd ? ... 73

5.1.2 Les fondamentaux de l’enseignement-apprentissage du solfège ... 73

5.2Quelle place accorder à la création dans les activités d’enseignement-apprentissage du solfège ? ... 74

5.3 Peut-on concevoir un artefact informatique pour la création en tant qu’instrument de musique qui, contrairement aux instruments traditionnels, opère un changement d’échelle de perception, du niveau des notes au niveau du segment mélodique ? ... 75

6. Le dispositif LOCREAM ... 77

6.1 Le savoir traité par le dispositif ... 77

6.1.1 La segmentation et l’analyse musicale ... 78

6.1.2 La segmentation en Unités Sémiotiques Temporelles ... 82

6.1.3 La segmentation pour LOCREAM ... 84

6.1.4 La création d’un réservoir de fragments chargés de sens tonal ... 87

6.1.5 Concernant les appuis tonals des réalisations dans LOCREAM ... 90

6.2 L’approche pédagogique qui préside à l’activité ... 91

6.3 La didactique et les interactions proposées dans le dispositif ... 92

6.4 LOCREAM dans le contexte des environnements informatisés ... 94

6.4.1 La production informatisée de musiques ... 94

6.4.2 LOCREAM : l’ingénierie logiciel ... 99

6.4.3 La technologie du point de vue de l’élève ... 101

6.4.4 La technologie du point de vue de l’enseignant ... 103

6.5 La programmation du dispositif ...104

6.5.1 L’interface et la machine à produire des sons ... 105

6.5.2 Les cibles ... 106

6.5.3 Les lancées... 108

7. L’expérience de LOCREAM dans une classe de solfège ... 121

7.1Les questions de recherche et hypothèses ...121

7.1.1 Les questions ... 121

7.1.2 Les hypothèses de travail ... 122

7.2 Le plan expérimental ...123

7.3 Les participants ...124

7.4 Le matériel ...125

7.5 Procédure ...127

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7.5.1 Le pré-test ... 129

7.5.2 L’expérience avec LOCREAM ... 130

7.5.3 Le post-test ... 131

7.6 L’encodage et les résultats des tests pour l’ensemble des sujets ...132

7.6.1 La facilité de comprendre les consignes et les réaliser dans LOCREAM ... 134

7.6.2 L’engagement de la perception auditive (audition active) ... 134

7.6.3 L’amélioration de la perception de notes dans une dictée mélodique ... 135

7.6.4 Résultat des dictées de contours mélodique : variables « contour» ... 139

7.7 Les résultats déclinés en termes de groupe fort et groupe faible ...143

7.7.1 Identification de notes, pour les groupes fort/faible ... 143

7.7.2 Identification des contours mélodique, pour les groupes fort/faible ... 145

7.7.3 L’engagement auditif des élèves pendant l’accomplissement de la tâche ... 148

7.8 Discussion ...150

Conclusion ... 154

I. Synthèse de la démarche de recherche ... 154

II. Résultats généraux de la recherche ... 160

III. Apports de la Recherche ... 166

IV. Limitations de la Recherche ... 168

V. Perspectives de la recherche et domaines à explorer ... 171

Références Bibliographiques ... 173

Annexe 1 – Questionnaire d’utilisabilité ... 191

Annexe 2 - Feuilles de dictées ... 198

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1. Introduction

1.1 Vue d’ensemble de cette recherche

Nos réflexions se structurent autour de deux axes : un axe représenté par l’introduction de la notion du sens dans le processus d’enseignement-apprentissage, recevant l’éclairage à la fois de la didactique et de la pédagogie du solfège ; un autre axe lié aux technologies pour l’enseignement et l’apprentissage, autour duquel nous proposons de discuter les implications d’une activité de construction de contours mélodiques, médiatisée par le dispositif numérique LOCREAM (Logiciel pour la Création de Mélodies tonales).

Selon la perspective que nous allons adopter, ce dispositif doit participer au processus d’enseignement-apprentissage du solfège en tant que support didactique. De ce fait, cette recherche traitera d’abord de l’enseignement-apprentissage du solfège en dehors de toute considération technologique. En effet, nos réflexions prennent leurs sources dans l’histoire de la musique (en particulier celle de la notation musicale), mais aussi dans l’éducation et les processus d’enseignement-apprentissage.

Sur le plan des technologies pour l’apprentissage, nous traiterons LOCREAM selon les études sur les Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH), ce qui implique une perspective pluridisciplinaire, caractéristique de l’approche EIAH (Lando, 2006; Tchounikine, 2002, 2009). Le recours à des champs disciplinaires multiples nous permettra également de traiter les influences auxquelles est soumis l’enseignement-apprentissage de la notation musicale occidentale. Notre cadre théorique bénéficiera alors d’un éclairage composé de trois domaines principaux : celui des sciences de l’éducation, celui de l’éducation musicale et celui des technologies dédiées à l’apprentissage.

C’est donc au croisement de ces trois domaines que nous placerons la conception de l’outil numérique de manière à ce que son développement se fasse selon les notions et les besoins qui en sont issus.

Ce dispositif sera doté d’une interface sur laquelle les apprenants pourront manipuler et combiner librement des éléments graphiques afin de produire des contours

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mélodiques. Un algorithme dans le logiciel transformera les manipulations en résultats sonores. Ces éléments graphiques et sonores représentent des fragments (conclusifs et non conclusifs) de longueurs diverses, en alternance avec des notes seules. Les fragments proposés désignent des contours mélodiques récurrents dans les mélodies tonales, de sorte que la production des élèves garde les caractéristiques de la tonalité.

L’utilisation de cet environnement servira à vérifier nos hypothèses, tant sur le plan de l’enseignement-apprentissage du solfège que sur le plan de l’utilisation de l’artefact numérique. Nous comptons ainsi mettre l’informatique, et les avancées de ces dernières années, au service de l’apprentissage de la musique en proposant des activités exclusivement musicales.

1.2 Les chapitres de la thèse

Le chapitre 2 qui suit cette introduction traitera de l’évolution de la notation musicale ainsi que des raisons historiques et musicales qui l’ont poussée à se développer jusqu’à nos jours.

Le chapitre 3 sera consacré à l’enseignement-apprentissage de la notation musicale à travers le solfège. Partant de l’apprentissage d’une technique permettant la lecture et l’écriture d’une codification, le solfège est devenu la matière centrale de l’éducation musicale en Occident. Cette place dans les curricula d’éducation musicale a suscité d’autres glissements sur le plan sociétal. Nous proposerons également une discussion sur les causes probables pour lesquelles la partition a accumulé un double rôle : celui de support permettant d’établir la mémoire des œuvres et celui d’objet musical, presque au même titre qu’un instrument de musique.

Le chapitre 4 passera en revue les influences des sciences de l’éducation sur l’évolution de l’éducation musicale. Nous discuterons les rôles de la pédagogie et de la didactique dans la conception d’un dispositif numérique consacré à l’enseignement et à l’apprentissage en général et sur la conception de LOCREAM en particulier. Ces réflexions et discussions devraient nous permettre d’identifier un certain nombre de problèmes autour de l’enseignement de la notation musicale sur portée et du solfège en tant que discipline.

Dans le chapitre 5, nous développerons donc ces questions, ainsi que celles qui concernent l’élaboration et l’intégration d’un dispositif numérique pour l’apprentissage

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de la notation. Enfin, cette problématique amènera d’autres questions auxquelles nous tenterons de répondre dans les deux chapitres qui suivront.

Le chapitre 6 sera consacré à la conception et au développement du dispositif LOCREAM. Nous commencerons par expliciter les aspects liés à la didactique : objectifs de l’activité et moyens mis en œuvre. Puis, nous traiterons de sa conception technique en établissant le plus possible de liens entre le choix technique et le besoin en termes pédagogique et/ou didactique.

Nous testerons ce dispositif avec un public cible choisi selon les principes de LOCREAM. L’objectif est de vérifier l’existence des indices susceptibles de confirmer ou d’infirmer les principes de conception et d’élaboration du dispositif. Le chapitre 7 traitera de cette expérience ainsi que de l’analyse de ses résultats.

Enfin, nous conclurons ce travail par l’articulation des questions traitées et de leurs influences sur la conception d’un dispositif numérique comme appui à l’enseignement- apprentissage de la notation musicale sur portée.

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2. La notation musicale sur portée

Nous proposons tout d’abord un rappel de faits marquants de l’évolution de la notation de musique et du rôle joué par la lecture/écriture de la musique tonale. La mise en perspective historique des techniques d’écriture de la notation sur portée doit nous permettre d’identifier les transformations qui ont abouti à la discipline solfège.

Parallèlement, nous allons rendre compte des phénomènes sociaux contribuant à transformer le solfège en un des symboles forts de la musique occidentale savante et, par conséquent, en un symbole d’appartenance aux couches sociales plus élevées, auxquelles l’on associe cette musique. Nous essayerons ainsi de donner des pistes pouvant expliquer l’imperméabilité du solfège aux nouvelles théories pédagogiques et didactiques.

2.1 La notation musicale sur portée

Parmi les civilisations qui ont développé l’écriture comme moyen de communication et support pour garder la mémoire du passé, souvent nous retrouvons également des codes pour écrire la musique (Bosseur, 2005). Les anciens Grecs1 par exemple codifiaient la musique avec des symboles de leur alphabet. Bélis suppose qu’il s’agit de notes comme celles que l’on connaît actuellement (Bélis, 1984, 1999), cependant nous ne partageons pas cet avis, car il n’existe pas d’évidences indiquant que cette écriture était censée codifier soit les pathos présente dans cette musique, les notes ou les mouvements mélodiques.

Dans les manuels d’histoire la musique grecque est souvent associée à Pythagore.

Cela s’explique par ses expériences avec le monocorde et la série des harmoniques qui en ont résulté. La série harmonique est alors présentée par une succession de fractions, autrement dit, par des symboles purement mathématiques et non pas par des lettres de l’alphabet. Il n’en reste pas moins que les partitions grecques existent, la figure 1 reproduit un exemple, mais on ne sait pas exactement quels éléments musicaux y sont représentés.

1 Nous pouvons citer également d’autres civilisations comme par exemple la civilisation chinoise. Toutefois, dans le cadre de ce travail nous nous concentrons sur la culture de l’Occident.

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Figure 1 Notation musicale de la Grèce antique2

En Europe du Moyen Âge, nous trouvons les modes3 grecques transformées en modes ecclésiastiques (Lattard, 2003) mais l’écriture musicale de la Grèce antique4 est tombée dans l’oubli.

À partir de la conversion de l’empereur Constantin au christianisme, au IVe siècle, l’Église catholique avait l’intention d’étendre sa zone d’influence et, pour ce faire, l’unification des chants ecclésiastiques (Bosseur, 2005; Duchez, 1983) était un outil de choix. La notation musicale joua alors un rôle essentiel, car la partition était le véhicule permettant aux chants de voyager et d’être interprétés de la même manière en Saxe ou à Grenade. C’est dans ce contexte que naît la notation de la musique tonale.

L’apprentissage de la notation est devenu alors un passage obligatoire dans l’apprentissage formel de la musique, au point de devenir un marqueur social (Bourdieu, 2012 [1979]) qui distingue le musicien « érudit » du musicien intuitif ou populaire.

2.2 Guido Arezzo et la solmisation

L’actuel système d’écriture de notes sur portée a été proposé autour de l’an mille par le moine Guido d’Arezzo. Il a conçu son système, en réunissant divers éléments d’écriture déjà existants (Duchez, 1983), sans lui attacher une appellation particulière.

2 Image tiré du site : http://jpchorier.perso.sfr.fr/introductionalamusique/lagrece2.html. 13/08/2013.

3 A partir de chaque note d’une gamme il est possible de construire une gamme dérivée. On appelle mode à chacune de ces dérivations. Il est possible de faire de la musique en observant les relations entre les notes d’un mode.

4 La notation de la musique de la Grèce antique est restée méconnue, voire inconnue du début de l’ère moderne jusqu’au XIXe siècle. (Bélis, 1999).

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Ce n’est que plus tard, avec Engelbert d'Admont (XIVe siècle), que le terme solmisation a fini par désigner le système de notes sur portée (Meyer, 1997, 2010).

Auparavant et pendant longtemps après la systématisation d’Arezzo, l’écriture musicale se faisait au moyen de neumes qui servaient exclusivement à la musique vocale. On trouve les premières traces de l’écriture neumatique au VIIIe siècle (Bosseur, 2005; Tardif, 1853). Les neumes indiquent les mélismes5 que l’interprète doit réaliser autour (ou à partir) d’une note pour chanter chaque syllabe d’un chant religieux. Dans l’écriture neumatique la hauteur des notes est relative, elle est établie en fonction de la tessiture de la voix de l’interprète. Les rapports entre les durées et la manière de les exécuter étaient façonnés par la tradition orale (op.cit.).

Figure 2 Neumes

Il s’avère qu’au Xe siècle l’Eglise voulait étendre son champ d’influence à tout l’Occident ; la standardisation des chants sacrés était alors l’un des aspects majeurs de cette stratégie. Or, cette forme neumatique laisse une trop grande marge aux subjectivités personnelles et/ou culturelles et cela n’était pas en adéquation avec les projets de l’Église d’unifier la liturgie. Pour unifier les chants religieux, il a fallu évoluer vers une notation plus précise, capable de « déterminer par écrit des points de repère susceptibles d’éviter de trop grands écarts vis-à-vis des normes de la liturgie»

(Bosseur, 2005). Pour cette raison la notation neumatique a dû évoluer en intégrant progressivement des nouveaux symboles censés représenter plus précisément les de sonorités. Ces symboles constitueront des listes « appelées tabula notarum ou tabula neumarum » (op.cit.). Ces tabule témoignent de la recherche de précision de la part des moines/musiciens.

5 Ce sont des brefs contours mélodiques à partir d’une note.

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Figure 3 Tabula notarum (ou neumarum)

D’Arezzo s’est vraisemblablement beaucoup inspiré de l’évolution de l’écriture neumatique, toutefois sa contribution décisive a été d’intégrer les différentes solutions de codage dans un seul système. La notation appelée Dasiane, proposée au IXe siècle par le moine Hucbald de Saint-Amand, est la plus proche du système d’Arezzo.

Hucbald de Saint-Amand est l’auteur de la Musica Enchiriadis dans lequel il formalise ce système où les notes y sont représentées à l'aide de symboles formés par l’ancienne lettre grecque, la daseïa. Dans cette notation, la daseïa apparaît retournée, inversée ou un peu modifiée (Figure 4).

Figure 4 Notation Dasiane6 (Dennery, 1982, 1983, p. 42)

6 Dom Sunyol, Introduction à la palatographie musicale, p. 252, cité par (Dennery, 1982)

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Il place ces lettres entre des lignes équidistantes formant une portée, et dont le nombre variable pouvait aller jusqu'à seize lignes.

Les syllabes du texte sacré étaient placées entre les lignes et pouvaient ainsi être chantées sans difficulté. Des lettres complémentaires, placées à côté des signes dasians précisaient les intervalles: t pour tonus ou ton; et S: semitonus, demi-ton (Figure 5).

Figure 5 Notation Dasiane (Polyphonie à quatre voix ~XI siècle) (Dennery, 1983, p. 44)

« Au début du Xe siècle, les notations sont encore hésitantes et diverses : la plus avancée et la plus précise est celle de l’Enchiriadis musicae - vocable conventionnel attribué à l'école de Hucbald de Saint-Amand, peut-être à Otger ; elle répartit les syllabes entre les lignes horizontales d'un diagramme qui a l'avantage de déterminer la hauteur exacte des sons à l'exclusion de leur durée. […] Les rythmes sont en général indéterminables ; après le dépouillement de tous les textes connus, après d'innombrables études musicologiques et philologiques, nous ne pouvons ni attribuer une valeur relative certaine aux signes neumatiques simples ou composés, ni tirer de la prosodie, en l'espèce de l'accentuation (lat. accentus, gr. prosodia) des règles qui permettent de définir ce que nous appelons aujourd'hui la mesure d'une pièce lyrique. » (Machabey, 1959, p. 206).

D’Arezzo propose au lieu des lettres de la notation Dasiane, l’utilisation d’un des symboles de la tabula notarum : le punctum, qui devient alors le symbole de la note, élément clef de son système. En effet, alors que les points7 de neumes indiquaient de manière peu précise la direction du mouvement mélodique, la note chez d’Arezzo est assignée à un son de hauteur déterminée.

7 Les « points » sont les petits carrés représentés sur la figure ci-dessus. Nous reviendrons à cette notion de contour au chapitre consacré au dispositif numérique LOCREAM.

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Le nom des notes

D’Arezzo établit le système de notation ; mais l’initiative de nommer les degrés de la gamme est attribué à un autre moine, Paul Diacre (Beaugé, 2004; Duchez, 1983) qui a utilisé les premières syllabes de chaque vers de l'hymne à Saint Jean-Baptiste pour nommer la séquence de six notes séparées au milieu par un demi-ton. Cette séquence s’appelle hexacorde.

En effet, on ne parle pas encore de gamme8 : les notes débutant chaque vers sont séparées de la suivante par un intervalle de ton, à l’exception de l’intervalle d’un demi- ton entre la troisième et la quatrième note. Dans le système des hexacordes, le son attribué à ut - le premier degré de la séquence - peut être celui des notes sol, fa et do.

On nomme alors l’hexacorde selon la note attribuée à l’ut. Par exemple, si l’ut correspond à la note sol, l’hexacorde est dit par bécarre ; en commençant par la note do, l’hexacorde est dit par nature ; et celui qui débute par la note fa sera appelé hexacorde par bémol, car pour obtenir le demi-ton au milieu de la séquence il est nécessaire de baisser d’un demi-ton la fréquence de la quatrième note qui devient une note bémol. En l’occurrence, le si naturel devient si bémol.

La portée

L’autre modification importante par rapport à la notation Dasiane est que la portée dite guidonienne était réduite à trois et quatre (Duchez, 1983 ; Beaugé, 2004). La réduction est due au fait qu’Arezzo prend en compte les hauteurs déterminées (Beaugé, 2002, 2004), et l’étendue de chants sacrés peut se contenter des quatre

8 Plus tard, lors de la consolidation des gammes à sept notes, le nom Sancte Iohannes est réduit à ses initiales SI nommant ainsi la septième note.

UT queant laxis REsonare fibris MI/ra gestorum FAmuli tuorum SOL/ve polluti

LAbii reatum Sancte Iohannes (SI) Demi-ton

Figure 6 Hymne à Saint Jean

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lignes. Quoiqu’il en soit, cette représentation des notes dans un espace bidimensionnel représente une amélioration notable de la précision par rapport aux neumes qui indiquaient la forme des mélismes sans préciser les notes qui en faisait partie. La pose des notes sur différentes hauteurs de la portée permet de faire l’analogie entre la visualisation de ces hauteurs et leurs représentations mentales en tant que sons, facilitant ainsi l’exécution vocale.

Figure 7 Extrait du traité de Guido d'Arezzo9.

Figure 8 la clé d’Ut est délimitée par les deux points

2.3 La partition comme objet musical

D’Arezzo a obtenu du pape Jean XIX, que son système de notes sur portée soit diffusé partout où l’Eglise était présente. Cependant, le répertoire ecclésiastique était constitué exclusivement de monodies, c’est à dire une ligne mélodique unique chantée par une ou plusieurs voix à l’unisson. Les contours de ces lignes mélodiques pouvaient très bien être indiqués par les neumes, car l’on savait comment les interpréter (Duchez, 1983; Tardif, 1853). Par ailleurs, la durée des notes dans les monodies ecclésiastiques est donnée par le débit des mots et les mélismes sont dictés par la tradition orale. Pour ces raisons, la notation neumatique et celle proposée par d’Arezzo ont cohabité pendant quelques siècles.

9 Extrait du « Traités musicaux de Guy d’Arezzo » mit en ligne par la Bibliothèque Nationale de France.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8422969b/f8.image

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C’est l’avènement de la polyphonie au XIVe siècle qui remet en question la notation neumatique et sa pratique généralisée rend la notation neumatique obsolète, car avec les neumes il n’est pas possible de représenter le temps, ni les notes de manière précise. La polyphonie exige qu’on puisse représenter graphiquement plusieurs mélodies (deux ou plus) qui, pour former une texture sonore, s’imbriquent à travers des mécanismes très rigoureux. L’imbrication des mélodies qui caractérise la polyphonie s’appuie fortement sur l’alternance entre dissonance et consonance (Ceulemans, 1996) et pour représenter cette technique les musiciens avaient besoin d’une notation plus précise (Beaugé, 2004; Duchez, 1983). Dans le système d’Arezzo la notation des notes sur portée, permettant d’établir point par point le mouvement mélodique, est une réponse tout à fait satisfaisante.

Avec la notation d’Arezzo, il est possible de visualiser l’évolution de la ligne mélodique, l’arrivée à une dissonance et ensuite sa résolution. En revanche, pour mieux visualiser la trame polyphonique, il a fallu que les notes des mélodies aient des durées proportionnelles les unes par rapport aux autres, ce qui exige une écriture indiquant de manière précise la durée de chaque note (Duchez, 1983 Beaugé, 2004).

C’est alors qu’interviennent les figures rythmiques, chacune représentant une proportionnalité binaire par rapport aux autres. Chaque figure longue vaut le double de la figure immédiatement moins longue et ainsi de suite. Dans son traité de 1320, Ars Nova, Philippe de Vitry consolide de manière définitive ce qu’on appelle la musica misurata (Gagnepain, 1996; Newes, 1990) et au XVIe siècle la solmisation enrichie de la notation proportionnelle des valeurs rythmiques devient le seul système d’écriture de la musique en usage en Occident.

Figure 9 Garrit gallus—In nova fert cité par Vitry comme exemple de musica mesurata (Newes, 1996)

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Enfin, l’élément qui au XVIe siècle consolide la généralisation du système de notes sur portée, connu alors sous le terme de solmisation, est l’avènement de l’imprimerie. Les partitions désormais imprimées en plusieurs exemplaires peuvent être diffusées à grande échelle (Bosseur, 2005). Elles ont permis aux œuvres de traverser le temps.

D’autres facteurs d’ordre ontologique auront également un poids dans les représentations sociales de la partition. Cependant, cette capacité à franchir le temps et l’espace est sans doute le facteur décisif pour l’internationalisation de la musique occidentale et les représentations sociales qui l’accompagnent. Plus loin dans ce travail, on verra que les représentations sociales autour du solfège ont fini par avoir une influence aussi bien sur la place de cette discipline dans les curricula d’éducation musicale que sur évolution de son enseignement et apprentissage.

En effet, la musique, une fois exécutée, ne laisse pas de traces. Une fois jouée, une pièce musicale ne laisse que le souvenir chez ceux qui l’ont écoutée car son existence physique est tributaire des vibrations de l’air et de l’écoulement du temps, deux éléments intangibles. Il manque à la musique une certaine consistance matérielle.

C’est ce « vide » conceptuel que la partition parvient à combler (Leclair, 2009), car elle a permis à la musique de trouver sa représentation tangible. Selon Guirard, l’adoption de la solmisation ainsi que l’impression généralisée de partitions ont permis à la musique de trouver « la consistance matérielle qui [lui] manquait foncièrement […] » (Guirard, 1997, p. 10). Dès lors, la musique, qui est par nature immatérielle et éphémère, se matérialise en partitions notées de manière précise et facilement transportable, redevenant musique grâce aux musiciens sachant déchiffrer ces partitions. Le papier imprimé finit par se confondre avec la musique même et la partition devient alors objet musical.

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3. Le solfège

3.1 Le statut du solfège

L’enseignement et l’apprentissage de la musique - et en particulier du solfège - reçoivent l’influence de connotations attribuées à la partition. Celle-ci a dépassé sa fonction de support écrit de la musique et, au même titre que les instruments musicaux, sa simple vue nous renvoie à l’idée de musique.

Ce glissement de la fonction technique de la partition vers la représentation d’un objet musical que la société lui attribue peut être appréhendé par la théorie des représentations sociales, entendue comme le rapport dialectique « entre l’individuel et le collective dans le fonctionnement de la pensée » (Jodelet, 2002, p. 112) et dans la construction de la réalité et les liens communicationnels qui s’y développent.

Ainsi, le solfège - ou une autre désignation qui se réfère à l’enseignement- apprentissage de la lecture et de l’écriture de la musique tonale – est devenu la discipline centrale dans la formation musicale traditionnelle. Savoir lire et écrire dans le système de notes sur portée devient alors indispensable dans la formation des musiciens (Fulminet & Sprogis, 1987 cité par (Guichard, 2009, p. 6). Il y a deux raisons à cela : d’une part le déchiffrage des partitions est une condition indispensable pour apprendre à jouer des pièces complexes, longues et jalonnées de nuances sonores et, d’autre part, l’écriture sur portée étend aux compositeurs le champ des possibilités pour la création des pièces de ce type. Comme la partition permet la représentation des événements musicaux, elle fournit aux compositeurx un support visuel aidant à la création d’expériences sonoro-musicales diverses.

Cependant, ce rôle purement fonctionnel de la partition semble avoir été dépassé par la représentation construite par la société et qui attribue à la partition une connotation de représentation même de la musique, ce qui a conduit à un surdimensionnement du rôle du solfège.

« Cette écriture devait certes servir à combler les insuffisances de la tradition orale et éviter le risque de l’oubli puisqu’on pourrait désormais rechanter ou rejouer, à l’aide de la lecture, une musique qui avait été pensée en d’autres temps et places. Mais, du point de vue anthropologique, ce ne fut pas son seul mérite. En fait, cette invention fit entrer la musique de façon décisive dans le domaine de l’abstraction et, par le biais de la portée musicale, l’ouvrit à

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diverses possibilités de transposition. Se vit ainsi créé un nouveau champ conceptuel, passant par l’exercice du solfège, et, grâce à ce nouveau système, la musique devint autre chose qu’une simple pratique […].» (Lorta- Jacob & Rovsing Olsen, 2004, p. 9)

Agosti-Gherban relève que l’on se réfère souvent au solfège comme étant la discipline musicale par excellence qui concentre en elle toute « La » musique, ou du moins, sa

« partie sérieuse » (Agosti-Gherban, 2000, p. 112). Le titre de la méthode de solfège de B. Wilhem au début du XIXe siècle, « Manuel de Musique », constitue un exemple de la situation décrite par Agosti-Gherban.

En somme, l’importance de la partition en tant que document de mémoire servant à la diffusion des pièces musicales - à travers l’espace et le temps - a fini par mettre l’enseignement-apprentissage de la lecture musicale dans une position centrale pour la formation traditionnelle. Par la suite, nous proposons d’examiner les influences extra-musicales qui ont contribué à une sorte de sacralisation du savoir lire et écrire la musique et, par conséquent, de la discipline du solfège.

3.2 Le solfège à l’aune de la nouvelle musicologie

Certaines observations d’ordre sociologique et des réflexions sur la musique (Bourdieu, 2012 [1979]; Hennion, 2007) indiquent que des facteurs extra-musicaux contribuent fortement aux connotations sociales endossées par le solfège.

L’enseignement d’un savoir, en effet, est toujours la réalisation d’un projet social [...], porté par [...] certains groupes sociaux. Or, un tel projet [...] se formule essentiellement hors de l’Ecole, et toujours à l’adresse de la Société, afin de gagner son consentement. (Chevallard, 1991, p. 146)

Ainsi, la formulation des contenus que l’école prendra en charge passe par tout un processus de concertation dans un « [...]espace mitoyen entre Société et Ecole » que Chevallard appelle noosphère (Chevallard, 1981, p. 9), notion qui sera traitée plus en détail ci-après dans ce chapitre. Notre question est de savoir si le symbolisme engendré par la noosphère ne serait pas alimenté par la réputation du solfège comme matière « difficile », représentant ainsi un risque pour l’évolution didactique du solfège.

En outre, nous considérons qu’il y a indice de surcharge symbolique par le fait que le solfège soit devenu, avec la partition, l’un des symboles sociaux de « LA » musique, car il est la «matière emblématique traditionnelle de l’évaluation des capacités musicales» (Guirard, 1997).

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Nous allons observer cette dimension symbolique en mettant à contribution les perspectives ouvertes par la musicologie et son développement à partir du XXe siècle.

Pour ce faire, les apports de la sociologie seront également mis à contribution.

La principale marque de cette évolution de la musicologie est le changement de paradigme d’une musicologie axée essentiellement sur les éléments structurels des œuvres, comme le style ou les techniques d’exécution entre autres ; à une musicologie qui observe l’ensemble du fait musical et où les aspects purement musicaux sont observés à la lumière de son contexte social et qui, en même temps, exerce et reçoit les influences de ce contexte (D. Bosseur & Bosseur, 1993;

Coeurdevey, 1998; Lorta-Jacob & Rovsing Olsen, 2004; Molino, 1975).

Cette approche sociologique a été initiée par Theodor Adorno, qui compte dans le groupe de sociologues connus comme l’Ecole de Francfort10. Ce groupe propose que le traitement des événements historiques soit effectué sous l’éclairage du marxisme, de la sociologie et de la psychanalyse. Adorno en est la figure de proue en matière de musicologie (Coadou, 2004) 11. Dans sa « Philosophie de la nouvelle musique » (Adorno, 1962 [1948]), il met en évidence la dialectique entre les phénomènes sociaux, comme à l’époque les nouvelles musiques produites par Schoenberg et Stravinsky, face à la montée du fascisme. Adorno analyse l’évolution esthétique et technique des musiciens après l’avènement des œuvres de Schoenberg et Stravinsky.

Par rapport à l’œuvre de ce dernier, Adorno nous fournit un exemple d’analyse interdisciplinaire lorsqu’il établit un lien clair avec la psychanalyse

« Comme l’affirme la psychologie, le « caractère autoritaire » se comporte de manière ambivalente à l’égard de l’autorité. C’est ainsi que la musique de Stravinsky nargue celle de nos pères. » (Adorno, 1962, p. 188)

C’est une approche jusqu’alors inédite. Dans un autre passage, il met en évidence en l’effet de rupture provoqué par la musique du Sacre du printemps « dans le Paris des valses nobles et sentimentales », faisant référence à une pièce de Maurice Ravel et laissant deviner une certaine réserve par rapport à l’esthétique adoptée par Ravel dans cette pièce.

10 Les autres noms liés à l’Ecole de Francfort sont ceux de Herbert Marcuse et Walter Benjamin.

11 Adorno de son côté attribue à Max Horkheimer un certain nombre de concepts utilisés dans sa Philosophie de la nouvelle musique ;

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Parallèlement, Adorno a observé les nouveaux modes de production - l’enregistrement sur disques pouvant être copiés - et la diffusion de la musique à travers le gramophone, la radio et le cinéma. Ces technologies représentent l’entrée de la musique dans le champ d’influence de la révolution industrielle. Adorno développe alors la notion d’industrie culturelle, concept destiné à rendre compte des effets de ces nouvelles technologies dans la relation des gens avec le produit culturel :

« L’aspect aconceptuel et abstrait de la musique […], la rendait rétive à la ratio de la vénalité. C’est seulement à l’époque du film sonore, de la radio et des slogans publicitaires mis en musique, que la musique précisément dans son irrationalité a été accaparée par la ratio commerciale. Mais devenue totalitaire, l’administration industrielle du patrimoine culturel étend son pouvoir même sur l’opposition esthétique. » (Adorno, 1962, p. 15)

L’avènement de ces technologies permet à la musique de retrouver une autre matérialité que la partition et provoque un changement majeur dans la relation entre auditeurs et œuvres. La musique devient alors un objet de consommation de plus parmi les autres qui ont fait leur apparition à cette époque (Hiver, 2010). La reproduction (lecture) des disques dépend des dispositifs portables : le gramophone et les appareils de lecture de disques qui l’ont suivi, ainsi que la radio. Cette caractéristique de la technologie moderne (De Coster, 1975) a contribué à ce que la musique devienne alors un produit de consommation individuelle très répandu que l’on peut écouter sans la présence réelle des musiciens.

« Adorno a obligé la musicologie à se confronter aux problèmes que le développement des temps modernes pose à la musique — à toute la musique

— à l’essence même de la musique. » (Coadou, 2004 section 4)

Toutefois, des critiques sont également adressées à l’encontre d’Adorno. Par exemple, concernant la notion de culture de masse, Edgar Morin considère qu’

« On peut évoquer, tout d’abord, la critique qui s’en prend à une conception des médias en tant qu’instances toutes-puissantes, monolithiques, voire manipulatrices (Morin, 1962) ou encore celle qui s’attaque à son attitude

« élitiste » à l’égard de la « culture de masse », doublée d’un supposé mépris pour la culture populaire » (Voirol, 2011, p. 11)

Sans contester cette remise en question, Goldman souligne que

« Malgré une attitude quelque peu réservée envers ses écrits, les compositeurs et les musicologues ne peuvent désormais plus nier son rôle et son influence au sein des grandes tendances esthétiques du XXe siècle, tant

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en ce qui concerne le domaine de la composition, que celui de la réception des œuvres (…).» (Goldman, 2000, p. 86)

Depuis l’Ecole de Francfort, il n’est pas rare que la musicologie fasse appel à des outils conceptuels venant d’autres domaines des sciences humaines comme la sociologie ou la sémiotique. Coadou (2004), par exemple, analyse la diffusion des pièces de Wagner au cours des journées dans les camps de concentration à l’époque du nazisme12 et conclut que cette pratique joue un double rôle : un premier rôle pragmatique, celui « d’ajouter à l’oppression avec l’écoute répétée des mêmes pièces » et un autre rôle symbolique, représenté par la puissance du produit artistique d’une prétendue « race supérieure ». En outre, la diffusion de la musique a connu une expansion considérable grâce au développement des moyens électro-acoustiques et cet aspect a changé la relation des sociétés occidentales avec la musique (Coadou, 2004, sec. 4).

3.2.1 Le solfège en tant que marqueur social

Le regard sur les questions socioculturelles qui entourent la musique révèle que, dans un contexte social donné, l’activité artistique est en échange constant avec diverses dimensions non-artistiques : pratiques et représentations sociales et intérêts de toutes sortes. De ce point de vue, on peut comprendre comment le solfège devient, d’une part, un passage obligatoire préalable à tout enseignement musicale sérieux et, d’autre part, un signe de distinction (Bourdieu, 2012 [1979]) utilisé par les couches sociales en quête de distinction. Cependant, il est intéressant d’observer que la survalorisation du solfège constitue une particularité des pays de culture latine et que dans beaucoup de pays slaves et anglo-saxons13 la lecture et l’écriture musicales ne jouent pas aussi fortement ce rôle symbolique (Fulminet & Sprogis, 1987 cité par Agosti-Gherban, 2000) .

On voit l’aboutissement de l’approche interdisciplinaire lorsque, du côté de la sociologie, Bourdieu, par exemple, fait appel à des faits musicaux pour étayer ses propos (Bourdieu, 2012) dans une relation dialectique entre musicologie et sociologie.

12 N.B. Concernant l’appréciation de la musique de Wagner, cette pratique a été lourde de conséquences négatives.

13 N.B. : Pour les anglo-saxons l’étudiant doit apprendre la « théorie musicale » et à côté il pratique le « ear- training » (l’entrainement de l’oreille) censé développer sa perception musicale. Il n’y a pas de solfège dans leur système.

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Les points de vues de Bourdieu et de Adorno sont mis en confrontation par Lange dans ces termes :

« Comme la théorie esthétique et la sociologie de la musique d’Adorno, la pensée de Bourdieu s’élabore à partir d’une réflexion, inspirée de Max Weber, sur l’autonomisation de la création artistique par rapport aux grandes instances, religieuses, économiques, politiques de la société. Mais alors que pour Adorno, c’est la structure propre de l’œuvre qui lui permet de conquérir son autonomie sociale, pour Bourdieu, c’est l’autonomisation d’un champ intellectuel qui justifie un mode d’explication spécifique des pratiques intellectuelles, distinct de l’explication économique ou politique. »(Lange, 1986, p. 23)

Prenons comme exemple une étude sur l’orientation des élèves vers des filières d’apprentissage professionnelle ou académique (Channouf, Mangard, Baudry, &

Perney, 2005) dont l’un des critères déterminants serait la situation sociale de l’élève.

Une étape de l’étude devait identifier les critères par lesquels les enseignants faisaient la différence entre un élève socialement favorisé et un autre socialement défavorisé.

« Des professeurs de collège devaient décider de l’orientation scolaire d’un élève de 3e dont l’appartenance sociale (favorisée vs défavorisée) était induite expérimentalement. Les informations stéréotypiques liées à l’origine sociale de l’élève étaient délivrées soit directement soit indirectement. Les résultats montrent qu’un élève de milieu social favorisé est davantage orienté en seconde générale qu’un élève de milieu social défavorisé et, symétriquement, qu’un élève d’origine sociale défavorisée est davantage orienté en seconde professionnelle qu’un élève d’origine sociale favorisée. Toutefois, ces différences de décisions d’orientation sont principalement observées lorsque les informations stéréotypiques liées à l’appartenance sociale sont délivrées indirectement, c’est-à-dire sans que le sujet ait vraiment conscience de leur influence. » (Channouf et al., 2005, p. 217)

Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une échelle allant de 1 (très défavorisé) à 7 (très favorisé). Voici le résultat :

« Concernant les informations relatives aux activités extrascolaires, 57 % des sujets ont situé « football » entre 2–3, 60 % des sujets ont situé « tennis » entre 5–6, 54 % des sujets ont situé « temps libre avec les copains » entre 2–

3 et 79 % des enseignants ont situé « solfège–piano » entre 5–6. » (Channouf et al., 2005, p. 219)

Le solfège apparaît comme l’un de critères utilisés par les enseignants pour déterminer indirectement l’appartenance aux classes favorisées.

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Ces résultats indiquent le bien fondé des propos de Bourdieu dans La distinction (Bourdieu, 2012). En effet, il observe que les objets de consommation d’une classe en distinguent les membres et que la musique est l’un de ces symboles. Bourdieu analyse le rôle de la musique en tant qu’élément distinctif entre les classes sociales dominantes, la classe bourgeoise, et les classes dominées, les ouvriers. Toutefois, il attire l’attention sur le fait que cette première distinction en cache une autre plus subtile : la distinction à l’intérieur d’une bourgeoise où au goût du luxe des uns s’oppose le goût des autres pour l’art, le spectacle et l’éducation (Bourdieu, 2012).

Quant au solfège, son rôle selon Bourdieu est d’établir une distinction entre musiciens car c’est le fait de connaître le solfège qui distingue le musicien « intuitif » - donc

« populaire » - du musicien « érudit » - donc « raffiné » (Green, 2000 ; Bourdieu, 1979). Concernant les questions plus générales reliant école et distinction sociale, Bourdieu et Passeron considèrent comme « violence symbolique » (Bourdieu &

Passeron, 1970) la transmission des valeurs justifiant les distinctions. Cependant, Gallo interpose à cette perspective l’hypothèse que le processus de distinction est matériel :

« [...] il se développe non pas au niveau symbolique comme préconise Bourdieu et Passeron, mais au niveau des structures préconscientes de chaque individu, menant à une mécanisation, à une chosification de ses actions qui pourront ainsi être prévues et programmées » (Gallo, 1999, p. 196) La perspective proposée par Gallo rejoint, à notre avis, la question de la noosphère (Chevallard, 1981, p. 9) dans le sens où le projet éducatif est une construction sociale qui génère obligatoirement l’exclusion de ceux qui ne s’y conforment pas ou qui ne sont pas à la « hauteur ». Cependant, les exclus restent quand même des acteurs du projet éducatif. Dans le cas du solfège, ceux qui justifient l’abandon de leurs formations musicales avec des phrases du type « le solfège est trop difficile » ou encore « ce n’est pas pour moi » légitiment le caractère exclusif du solfège. En effet, en tenant ce genre de justificative les exclus légitiment implicitement la fausse idée que seulement les « doués » peuvent maitriser cette technique.

3.2.2 Le solfège comme pré requis à l’apprentissage d’un instrument

En France, pendant la réforme de 1978 visant à intégrer des activités artistiques dans l’enseignement public, on proposait que l’apprentissage d’un instrument passe d’abord par l’apprentissage du solfège. Certaines institutions, contraintes à limiter le nombre

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inscriptions pour les cours d’instruments, adoptèrent comme méthode le tri par la réussite en solfège, renforçant ainsi la connotation faisant du solfège est la discipline emblématique de la musique (Guirard, 1997). Selon cette logique adoptée depuis longtemps par les conservatoires, l’élève doit commencer par le solfège et, si cette étape est réussie, il peut passer à la pratique d’un instrument. Plus tard, s’il le désire, il pourra alors passer à l’harmonie et, plus rarement, à la composition. Or, ces exigences ne sont pas étayées par des raisons scientifiques : l’institution d’enseignement musical procède de la sorte soit par inertie (« ça a toujours été comme ça »), soit par nécessité de faire un tri des apprenants. Au terme d’un certain nombre d’années de solfège, l’institution gardera seulement celles et ceux qui ont été capables de développer leurs capacités à lire et à écrire la musique à partir de la didactique pratiquée par ses enseignants/es. En somme, le discours sous-jacent est que l’élève doué/e est celle ou celui qui réussit le solfège. Ainsi, pour cette qualité

« innée », elle ou il mérite la poursuite de sa formation musicale en jouant d’un instrument. Certes, les institutions doivent trouver des moyens pour n’accepter que le nombre d’apprenants instrumentistes qu’elles ont la capacité de former correctement.

Le problème du tri par le solfège est que ce critère finit par alimenter le mythe d’une discipline qui, comme nous avons vu avec Agosti-Gherban (2000), concentrerait en elle toute la musique. Nous considérons que tant l’usage connoté du solfège (pour désigner les « bons » et les « mauvais » musiciens) que l’usage administratif (pour désigner les élèves qui méritent d’apprendre un instrument) couvrent la discipline de motivations non proprement éducationnelles. Ces usages contribuent à la non remise en question des fondements de l’enseignement-apprentissage de la notation musicale.

En d’autres termes, la question est de savoir si les usages administratif et connoté du solfège ne seraient-ils pas des encouragement à maintenir une prétendue « difficulté inhérente » du solfège, en faisant obstacle aux réflexions didactiques au niveau des intitutions. Par ailleurs, l’usage du solfège comme instrument de mesure de la musicalité révèle selon Guirard « un dualisme manichéen opposant une sensibilité immédiate à la musique à sa connaissance savante » (Guirard, 1998) :

« Dès le Moyen Âge, le besoin d’initier les élèves à l’écriture divise la formation musicale en trois registres distincts : le solfège, la voix chantée et l’instrument. Comme le note Gerbod (1988), tous les problèmes d’enseignement musical furent alors circonscrits et expliqués au sein du cours de solfège. Trouvant enfin un support concret pour représenter son activité et fonder ses jugements de valeur, le milieu musical sérieux fit de la maîtrise de

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la partition et des théories musicales qui l’accompagnent un outil des plus efficaces pour distinguer une bonne fois pour toutes l’oreille du vrai musicien de l’ouïe de l’animal. Le solfège acquit ainsi une fonction d’évaluation et de distinction sociale qui supplantait largement sa fonction initiale d’apprentissage du code musical écrit » (Guirard, 1998).

Dans ce passage, hormis les facteurs socio-historiques, on retenir la notion de

« l’oreille », encore un mythe dont le rôle est de permettre d’établir une distinction, ou du moins, d’établir des étapes d’apprentissage, car « pour apprendre un instrument il faut d’abord faire l’oreille ». Cette affirmation est assise sur une croyance socialement construite. Comme nous l’explique Hennion :

« (…) Existe-il un meilleur (et même seulement un autre) dénominateur commun pour fédérer un tel groupe que le fruit – adulé ou dénié – laissé en son sein par la longue tradition de formation de l’oreille ? Elevée à la fonction de totem, d’emblème corporel du musicien occidental sérieux, l’oreille se fera vite envahissante (…) » (Hennion, 2007).

À l’instar de Hennion, nous considérons que cette « oreille musicale » est devenue en quelque sorte un indicateur informel (et arbitraire) du degré de « musicalité » atteint par l’élève. C’est l’instrument ultime de légitimation sociale du solfège et aussi de la profession d’éducateur musical, et selon les didacticiens (Chevallard, 1991;

Perrenoud, 1988a) cette légitimation est nécessaire à tous les savoirs aspirant à une place dans l’éducation officielle.

« …à la périphérie du système d’enseignement [...]. Là se trouvent tous ceux qui, aux avant-postes du fonctionnement didactique, s’affrontent aux problèmes qui naissent de la rencontre avec la société et ses exigences ; là se développent les conflits, là se mènent les négociations, là mûrissent les solutions. Toute une activité ordinaire s’y déploie [...] sur ce qui pourrait être changé et sur ce qu’il convient de faire. Bref, on est ici dans la sphère où l’on pense - selon des modalités parfois fort différentes - le fonctionnement didactique. Pour cela, j’ai avancé pour elle le nom parodique de noosphère. » (Chevallard, 1991).

Cette notion de noosphère, en termes de sciences de l’éducation, appartient à la didactique et pour cette raison nous devrons y revenir, mais cet extrait du texte de Chevallard semble avoir sa place dans cette discussion autour de l’oreille musicale, érigée en signe fort de la musicalité et partagée par tous les acteurs sociaux : le corps professoral, l’institution, les familles et finalement les élèves eux-mêmes, qui assumeront ce discours. Néanmoins, cette oreille musicale considérée comme signe de musicalité s’assimile à un mythe car dans le discours courants sur l’oreille musicale

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il plane toujours un doute concernant l’inné et l’acquis. Quels seraient donc ces aspects observables nous permettant de reconnaître un « oreille musicale » ? Comment se construit-on une oreille musicale ? Des études récentes ont démontré que l’oreille musicale ne serait pas l’apanage des auditeurs ayant suivi une formation musicale et que la construction de l’oreille est due entre autres à une exposition à la musique (Bigand, 2004; McAdams, 1994; McAdams & Bigand, 1994). Dans l’étude menée par Bigand autour de la performance d’experts et non experts en musique dans la résolution de certains problèmes, comme reconstituer un puzzle musical, il ressort que les différences entre les performances des un et des autres sont significatives en termes du temps de résolution, mais ne le sont pas en termes de difficultés qu’ils ont dû surmonter pour parvenir à la solution (Bigand, 2004). Des études continuent à être réalisés dans ce domaine (idem) et semblent confirmer les résultats obtenus jusqu’à présent. Par conséquent, la discussion autour de l’oreille musicale gagnera en objectivité et permettra de démystifier cet aspect de la formation musicale.

3.3 Le solfège face aux musiques du XX siècle

Poursuivant la mise en perspective historique de nos propositions, nous aimerions observer les influences que les mouvements musicaux du XXe siècle ont exercées sur l’éducation musicale. Pour ce faire, nous proposons de tracer les grandes lignes des mouvements musicaux du XXe siècle et essayer d’en détecter les questions indirectement liées au solfège, ainsi que les conséquences pour l’enseignement- apprentissage de cette discipline.

Le point de départ de notre observation sera la première moitié du XXe siècle, les tendances musicales de l’Occident et les questions autour de la notion de musique qui en découleront.

3.3.1 « La » musique face aux musiques du XX siècle

Le début du XXe siècle consolide et pousse plus loin les ruptures des paradigmes musicaux initiés à la fin du XIXe siècle notamment avec Wagner et Debussy, suivis d’une série de ruptures assez rapprochées (Von Der Weid, 2010).

Après l’éclatement des limites traditionnelles de la tonalité qui caractérise les œuvres de Richard Wagner, quelques compositeurs se sont intéressés à d’autres structures

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en dehors de la tradition tonale. Claude Debussy, par exemple, structure ses compositions sur les gammes balinaises ou pentatoniques en supprimant la note sensible pour produire une atmosphère particulière. La nouvelle École de Vienne représentée par Arnold Schoenberg, Alban Berg et Anton Webern, propose le

« Sérialisme », une méthode de composition dont le matériau de base est une série de hauteurs organisées sans prendre en compte quelconque progression ou

« attraction » entre les notes, abolissant complètement les rapports hiérarchiques qui caractérisent le système tonal (Leibowitz, 1974 ; Von Der Weid, 2010).

La Seconde Guerre Mondiale a interrompu cette vague de changements. Dès l’après- guerre, des compositeurs comme Karlheinz Stockhausen, Pierre Boulez ou encore Henry Pousseur reprennent le Sérialisme en proposant d’étendre la même logique de séries à d’autres paramètres de la musique comme le timbre ou les durées, c’est le

« Sérialisme total » (Von Der Weid, 2010).

Ces mouvements ont été suivis par des réflexions autour de la musique, questionnant les formes et les techniques de compositions, jusqu’à questionner des notions considérées jusqu’alors comme des fondamentaux de la musique, telles que le statut des notes, des gammes et l’introduction des critères personnels pour la formation des gammes proposés par Schoenberg (Bosseur & Bosseur, 1993). Il y a eu également bouleversement du côté des sonorités à travers le traitement inhabituel du matériau sonore de l’orchestre introduit par Stravinsky (Dufour, 2003). En somme, les mouvements musico-artistiques de l’après-guerre marquent le dépassement de la notion de musique comme étant la combinaison entre notes et valeurs rythmiques (Schafer, 2010) selon un certain canon. La musique devient l’art de structurer des sonorités pour leurs donner un sens (Salgado, 2007 ; Giannattasio, 2012)14. Ces ruptures ont fini par influencer l’éducation musicale au cours du XXe siècle.

3.3.2 Des sons et des silences dans les musiques du XXe siècle

Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le spectre de la musique possible s’est élargi hors du champ des tonalités et on expérimente des formes bien au-delà des formes équilibrées du classicisme. Les compositeurs comme Boulez, Stockhausen, ou encore Berio réalisaient des expériences diverses au niveau du son et des formes

14 Dans cet ouvrage Salgado décrit la pensée musicale de John Cage, notamment l’élargissement du champ des sonorités musicales possibles.

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