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6. Le dispositif LOCREAM

6.4 LOCREAM dans le contexte des environnements informatisés

Nous partons du point de vue qu’un environnement informatique pour la réalisation musicale doit être comparable à un instrument musical ou au papier à musique sur lequel le compositeur pose ses idées avant de les développer. L’apport de l’ordinateur est de fournir une interface multimédia, à savoir des sons et des affichages visuels (figures et textes) ainsi que des mécanismes de médiation permettant l’interaction entre l’utilisateur/compositeur et les éléments de la musique.

A ses débuts, la musique par ordinateur utilisait des langages de bas niveau38 ce qui exigeait une étroite collaboration entre le musicien et un programmeur (Hiller, 1981).

38 En informatique la référence bas/haut niveau désigne la proximité du langage de programmation avec le langage mathématique (le niveau le plus bas est le système mathématique binaire 0 ou 1). On dira donc qu’un langage est de bas niveau lorsque l’utilisation des symboles mathématiques est importante. Au contraire, plus un langage de programmation utilise de symboles proches des langues naturelles, plus il s’éloigne du langage mathématique et on parlera alors d’un langage de haut niveau.

Le coût élevé de ces soutiens informatiques est l'une des raisons pour lesquelles jusqu'à l’avènement de la composition algorithmique des années 1990 les activités de création musicale par ordinateur étaient prises en charge par les laboratoires de recherche comme EMS à l'Université de l'Illinois, l'IRCAM à Paris, le MIT à Boston et le CCRMA à Stanford, et la plupart du temps consacrées à la musique savante et expériences. Dans la production automatique on retrouve des chercheurs comme Cope (2000) qui à travers l’approche algorithmique, cherchent à établir une logique pour la construction des séquences de notes, la mélodie serait alors considérée comme un agencement des notes selon un ensemble de règles.

Une autre approche dans la production automatique de mélodies est liée à la linguistique et cherche à générer de la musique à partir d’une grammaire des structures musicales (Bamberger & Hernandez, 2000; Jackendoff & Lerdahl, 1983;

Lartillot & Saint-James, 2005). Lerdahl et Jackendoff proposent une grammaire générative de la musique tonale. La générativité découlant d’un ensemble fini de règles susceptibles de générer un nombre infini de séquences. Dans cette approche les auteurs cherchent à dégager un modèle en appliquant l’analyse de la grammaire générative aux structures musicales tonales. Leurs travaux sont inspirés de la grammaire générative de Chomsky (Chomsky, 1955, 1965) pour qui, et il est intéressant de le noter, la question de la nature langagière ou non de la musique demeure ouverte (Chomsky, 1979 cité par Roads & Wieneke, 1979).

Chomsky propose une formalisation de la description traditionnelle de la structure syntaxique. Pour la phrase Sincerity may frighten the boy il décompose ainsi la structure :

« La phrase entière est un syntagme (S) où frighten the boy est une phrase verbal (PV) composé du verbe (V) frighten et de la phrase nominal the boy (NP) ; cette phrase se compose du déterminant the (Det), suivis par le nom boy (N); sincerity est aussi un NP et se compose de seulement un Ν; may est un auxiliaire verbale (Aux) et, en outre, un modal (M). » (Chomsky, 1965, p.

63)

La Figure 33 représente cette structuration :

Figure 33 Structure en arborescence de la syntaxe de la phrase « Sincerity may frighten the boy. » (Chomsky, 1965, p. 65)

Dans le but d’établir une grammaire de la musique tonale, les auteurs Lerdahl &

Jackendoff regroupent de notes et ces regroupements (en anglais grouping) reprennent la place dévolue aux mots dans la linguistique (Figure 34). Ainsi, ils proposent une structure qui se présente de la forme suivante :

Figure 34 Structure en arborescence de l'hiérarchie des hauteurs dans la première phrase de Norwegian Wood (Jackendoff & Lerdahl, 2006, p. 58)

En comparant les deux représentations, on voit que la structure de Chomsky attribue des fonctions syntaxiques aux éléments terminaux, c’est-à-dire aux mots. Dans la structure de regroupement, proposée par Lerdahl & Jackendoff, si l’on assimile les groupes de notes à des éléments terminaux (comme des « mots »), on voit qu’ils ne sont pas définis par rapport à une syntaxe (verbe, un déterminant etc.). Bronckart observe que :

« La musique constitue un système sémiotique qui ne présente pas de ‘double articulation’ : s’il existe manifestement une syntaxe et une sémantique équivalent à la première articulation du langage verbal (les structures

musicales et leurs signifié global), les unités sonores élémentaires ne se combinent pas pour former des entités équivalentes aux lexèmes (seconde articulation), entités qui seraient porteuses d’une valeur dénotative (ou d’un sens) plus ou moins stables. » (Bronckart, 2002, pp. 121–122)

En comparant les deux arborescences, celle de Chomsky et celle de Lerdahl &

Jackendoff, on identifie l’absence de la « double articulation » dans le système sémiotique musical dont Bronckart fait état. Cependant, « en tant que système autoréférentiel » (Arom, 1999, p. 173), les regroupements proposés par Lerdahl &

Jackendoff pourraient se voir attribuer des significations internes aux système sémiologique. Dans ce sens, on est alors en mesure de considérer avec Bamberger, que la proposition de Lerdahl et Jackendoff concernant la structure de regroupement, est une manière de représenter un processus qui n’a pas encore été éclairé, et qui mérite d’être examiné de manière plus approfondie (Bamberger & Brody, 1984). Par ailleurs, les auteurs affirment que leur but n’est pas tant de créer une théorie de la musique tonale que de expliquer comment fonctionnent les intuitions lors de l’écoute de la musique tonale.

« [...] our theory is conceived [...] to give an account of one aspect of (largely inconscious) human knowledge, explicating th character of a certain class of intuitions, and to divide this knowledge into innate and learned parts. » (Jackendoff & Lerdahl, 1983, p. 302)

La musique générative est une extension de la composition algorithmique définie comme «un moteur pour la création musicale » (Curtis Roads, 1996, p. 821) impliquant la formalisation des processus de composition musicale au moyen d’algorithmes ou de règles conçues pour accomplir cette tâche. Il existe différentes façons d'écrire des algorithmes utilisant de modèles formels ou mathématiques et les langages de programmation dans l'ordinateur ou à l'aide d’environnements graphiques ou textuels destinés à la programmation. Les compositions du type algorithmique existent depuis le XIe siècle comme l’atteste David Cope (Cope, 2000), mais les débuts de l'informatique, étroitement liés à ce genre de composition à travers des œuvres telles que «Illiac Suite », composée en 1957 par Lejaren Hiller (1981), l’ont fait ressurgir en tant que concept. Cependant, l'évolution de la composition algorithmique est restée limitée en raison du coût et de l'accès à la puissance de calcul. Dans les années 1990, on a assisté à un regain d’intérêt pour ces compositions dû à l’importante augmentation de la puissance de calculs des ordinateurs. Ainsi une large communauté s’est mise à collaborer autour de la composition algorithmique. La

puissance alliée à la vitesse des calculs a permis l’avènement du son en temps réel rendant possible la réalisation d’environnements de traitement de la musique. Par exemple, Max / MSP, développé par David Zicarrelli et Miller Puckette, offre aux utilisateurs la possibilité de programmer des interactions entre diverses fonctionnalités musicales (notes, rythmes, etc.) et sonores (mélange de timbres, nuances, etc.) en reliant des objets géométriques au moyen de lignes imitant des câbles. Un autre exemple est le SuperCollider développé par James McCartney (Wilson & Cottle, 2011) qui a offert des moyens pratiques pour que les musiciens puissent programmer leurs propres algorithmes ou processus génératifs. Au Royaume-Uni le logiciel commercial Koan occupe une place importante dans la production de musique générative. Inspiré par ce logiciel, le compositeur Brian Eno a affirmé qu’ «à partir de maintenant, il y a trois possibilités : la musique live, la musique enregistrée et la musique générative » (Eno, 1996).

Les expériences de Cope, par exemple, font appel à l’approche grammaticale dans le but de créer des algorithmes de composition (C. Roads & Wieneke, 1979). Pour Cope, l’analyse des œuvres à partir d’un modèle mathématique (la chaine de Markov) permet d’extraire des procédés récurrents de composition qui seront traités comme des contraintes dans un programme informatique de composition musicale (Cope, 2000, 2004). Et enfin, en poursuivant dans la voie algorithmique, le logiciel Continuator (Addessi & Pachet, 2005) a été conçu pour interagir avec un interprète humain en temps réel. Le logiciel reçoit la phrase musicale jouée par l’interprète humain et joue une autre phrase avec les mêmes caractéristiques que celles de l’interprète (Addessi & Pachet, 2005; Pachet, 2003). Dans ces expériences, les décisions de l’utilisateur sont prises en compte par le logiciel dans le but de déclencher une construction musicale totalement dévolue à ce dernier.

Les questions concernant la prise de décision dans le processus de composition sont plutôt traitées par Bamberger (Bamberger, 1991, 2003) qui, en partenariat avec Hernandez, a développé le logiciel Impromptus (Bamberger & Hernandez, 2000). Ce logiciel permet la reconstruction d’une mélodie à partir du matériel mélodique segmenté. Dans Impromptus la perception doit guider les actions de l’utilisateur pour retrouver l’ordre correct de l’agencement des segments. L’activité vise à favoriser la construction mélodique comme une activité interactive, faisant appelle aux capacités décisionnelles de l’utilisateur en fonction des feedbacks auditifs.

LOCREAM s’inscrit dans cette perspective, à la différence près que, dans notre activité, l’utilisateur prend des décisions guidées par ses propres critères esthétiques, et dans un cadre également défini par lui, visant la construction mélodique. L’objectif poursuivi par LOCREAM est de faciliter la construction de connaissances liées aux contours mélodiques à partir de l’identification de ces éléments. Dans Impromptus ce sont les éléments mis à disposition dans le logiciel qu’il s’agit d’apprendre. Le pari de Bamberger est que cet apprentissage doit se transférer à d’autres savoirs musicaux (Bamberger & Hernandez, 2000, p. 3).

La démarche implicite dans LOCREAM est qu’à partir d’un nombre restreint de fragments mélodiques il est possible de construire un nombre très important de contours mélodiques et cela rapproche notre proposition de l’idée d’une grammaire, plutôt que de la notion d’algorithme. Comme pour les environnements informatisés fondés sur des grammaires, nous proposons d’enseigner la musique en partant de la construction de contours mélodiques et pour cela, nous cherchons à rassembler de règles structurelles, comme celles indiquées par Lerdahl et Jackendoff (1983).

Cependant nos propos s’éloignent des tentatives de génération automatique des mélodies dans la mesure où pour LOCREAM nous ne proposons pas de règles de grammaire à partir desquelles les mélodies sont générées. Dans LOCREAM, à la place de règles et algorithmes, les combinatoires sont choisies et agencées par l’action humaine. Nous partons du principe qu’un affinage de la capacité à percevoir et à identifier des contours mélodiques sera un effet de la présence de trois facteurs qui se conjugueront dans l’activité avec LOCREAM : (1) la mobilisation des savoirs implicites (McAdams & Bigand, 1994; Tillmann et al., 2005) concernant les contours mélodiques, (2) l’engagement de l’écoute (Swanwick, 1979) pour réaliser les tâches dans le cadre d’un (3) contrat didactique.

6.4.2 LOCREAM : l’ingénierie logiciel

Du point de vue de l’ingénierie logiciel, LOCREAM s’inscrit dans le domaine des EIAH - Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain – et suit les principes qui en découlent, notamment le fait que la «conception d’un EIAH est un processus complexe, profondément pluridisciplinaire. » (Tchounikine, 2002, p. 61). L’approche EIAH consiste à ouvrir la conception du dispositif aux questions formulées par les divers champs disciplinaires impliqués dans le savoir à traiter. Dans ce contexte, les

recherches pluridisciplinaires constituent des intrants contribuant à l’élaboration de l’objet technologique. On cherche ainsi à éviter de « réduire ce processus à un ensemble de ‘recettes’ » (idem, p. 61), éventuellement en phase avec la perspective technologique, mais qui ne répondrait peut-être pas à des besoins exprimés par la pratique d’enseignement-apprentissage. Cependant, Tchounikine invite à ne pas perdre de vue

« [...] la nécessaire inventivité des auteurs [...] la possibilité de proposer [...]

des méthodes, des techniques et/ou des outils permettant d’encadrer le processus de conception des EIAH. » (Ibidem)

L’introduction des technologies numériques dans le contexte de l’enseignement-apprentissage a conduit Richard Faerber à revisiter le modèle traditionnel du triangle (Chapitre 3) et à proposer, au lieu de la figure bidimensionnelle du triangle, un autre modèle en trois dimensions : un tétraèdre pédagogique (Faerber, 2003; Lombard, 2009), l’aspect tridimensionnel étant selon Faerber plus adéquat pour rendre compte des interactions dans un dispositif numérique car en plus des pôles du triangle représentant l’apprenant, l’enseignant et le savoir, Faerber propose un quatrième pôle : le groupe, lorsqu’il s’agit d’une formation dans un dispositif informatique permettant des interactions lorsque les acteurs du processus se situent à distance :

Figure 35 Tétraèdre pédagogique (Faerber, 2003, p. 205)

Une catégorisation adoptée par les EIAH distingue deux grandes classes de systèmes destinés à l’apprentissage : les systèmes « orientés pédagogie » et les systèmes « orientés performance » (T.Murray, 1999 cité par Tchounikine, 2002). Les systèmes orientés pédagogie traitent notamment de l’identification et de l’organisation des

contenus. Les Learning Management System tels que Moodle39, fournissent un exemple de système conçu selon cette orientation. Parmi les systèmes orientés performance les plus courants sont les micromondes, systèmes destinés à créer des situations d’apprentissage visant l’acquisition de notions ou de compétences bien précises (Tchounikine, 2002). C’est dans cette catégorie de système que l’on a placé LOCREAM, étant donné notre intention de créer un environnement où les activités seraient proches de celles de résolution des problèmes à solution ouverte40 (Kosyvas, 2010).

Crevier identifie cinq étapes dans le processus de développement d’un système d’apprentissage : l’analyse, le design, la réalisation, l’implantation et l’évaluation (Crevier cité par Fortier, 1998). Les trois premières étapes relèvent, selon Crevier, de l’ingénierie didactique. C’est pendant ces phases que l’on ira définir les objectifs d’apprentissage, la modélisation des connaissances, les instruments didactiques, l’élaboration du scénario d’apprentissage et les stratégies (idem). Du côté duquel s’aligne la démarche adoptée par notre travail.

6.4.3 La technologie du point de vue de l’élève

Du point de vue de l’élève/utilisateur41, LOCREAM est destiné à fournir à l’élève une méthode de travail, en l’amenant d’abord à établir un « plan » pour la réalisation de la mélodie, constituée de ces deux actions principales : la pose d’une séquence de huit notes pour établir une charpente de contour mélodique et ensuite des fragments mélodiques pour remplir l’espace entre les notes de la charpente. Il pourra choisir librement parmi les fragments mis à disposition et procéder à l’agencement qui lui convient le mieux, selon son écoute. Le dispositif ne fournit pas de règles pour construire une mélodie, encore moins de guidage pour qu’une mélodie soit « belle »,

39 Le système de gestion de l’apprentissage (LMS en anglais) se présente sous la forme d’une plateforme web fournissant des fonctionnalités spécifiques pour l’enseignement-apprentissage telles que des espaces pour remettre un devoir, le téléchargement des devoirs par l’enseignant pour qu’il puisse les corriger et mettre de notes.

40 En didactiques de mathématiques Kosyvas (2010, p.45) définie un problème ouvert comme « étant un problème de recherche par les élèves qui ne les engage pas à une méthode spécifique de solution [...]. C’est plutôt un problème inhabituel pour lequel l’élève ne dispose d’aucune procédure de résolution éprouvée».

41 L’alternance entre les termes utilisateur-élève est intentionnelle. Lorsqu’il sera question de traiter le logiciel et ainsi que l’usage de ces fonctionnalités, notre regard est tourné vers la relation homme-machine, le sujet est donc un utilisateur. En revanche s’il s’agit d’observer des phénomènes ou des situations d’enseignement-apprentissage, alors nous adopterons le terme élève.

ce qui rapproche LOCREAM de la conception de micromondes (Tchounikine, 2002), beaucoup plus que des systèmes tuteurs42.

Dans la perspective des EIAH les dispositifs pour l’enseignement-apprentissage sont censés intervenir dans la configuration élève-savoir-enseignant dans le but de rapprocher le plus possible une situation d’enseignement-apprentissage de la situation réelle dans laquelle intervient la connaissance ou le savoir-faire en question. Cela relève de l’apprentissage situé (Basque, Dao, Contamines, & others, 2005; Herrington

& Oliver, 2000) et la situation réelle visée est ce que ces auteurs appellent le

« contexte authentique »43. L’apprentissage situé se définit par la présence de neuf éléments (Herrington & Oliver, 2000) :

1. L’apprentissage en contexte authentique qui reflète la manière dont la connaissance acquise sera utilisée dans la vie réelle

2. Activité authentique

3. Accès aux compétences des experts et une modélisation du processus 4. Rôles et perspectives multiples

5. Fournir un support pour la construction collaborative de connaissances 6. Promouvoir la réflexion menant à l’abstraction

7. Promouvoir l’articulation entre connaissances implicites et explicites

8. L’enseignant doit fournir un support sous la forme de coaching, étayage (scaffolding) et estompage (fading) dans les moments critiques

9. Fournir les moyens d’intégrer l’évaluation de l’apprentissage dans l’activité elle-même

Cette tentative de modélisation du contexte d’enseignement-apprentissage et la théorie qui l’accompagne sont la cible de quelques controverses relevées par les auteurs mêmes de la théorie. Cependant, ces derniers se défendent d’avoir proposé une théorie achevée. Selon eux il s’agit d’une théorie innovatrice, qui devra à terme

« fournir les bases théoriques pour la conception et le développement multimédia » (Herrington & Oliver, 2000, p. 25). En dépit de la discussion, le modèle fournit des pistes que nous considérons comme intéressantes pour un travail vers la

42 Une autre modalité de « système performance », les systèmes tuteur sont des logiciels qui proposent une situation et guident l’élève vers la solution. Les didacticiels sont des classes de logiciels opérants dans ce même registre.

43 Cela se recoupe ce que les didacticiens appellent situations non-didactiques. (Brousseau, 1998).

conceptualisation de technologies intervenant dans un contexte triangulaire d’enseignement- apprentissage.

Parmi les neuf éléments de l’apprentissage situé, nous retenons pour cette partie concernant le point de vue de l’élève l’intégration d’un moyen d’évaluation dans le fonctionnement même de LOCREAM. Les retours sonores fournis par LOCREAM à chaque action permettent à l’élève d’évaluer sa réalisation à partir de son propre goût musical, dans le cas d’exploration libre du logiciel, où de sa compréhension concernant les consignes données par l’enseignant. En outre, un effet de rétro alimentation peut être escompté d’un tel processus d’aller-retour, en temps réel, entre l’agencement des segments, l’écoute du résultat et le réagencement, au cas où l’élève ne se sent pas satisfait de sa réalisation. Notons que, dans ce dernier cas de figure, nous traitons le retour sonore comme pour un instrument de musique (une action = un son). Cependant, le processus de rétro-alimentation, entrainé par cette interaction entre utilisateur et dispositif, renvoie également à la notion de feed-back proposée par Skinner lorsqu’il présente sa notion de « technologie éducative » (Skinner, 1970, p.

303), une proposition initiée des décennies auparavant avec la machine à apprendre.

De cette proposition, la cybernétique a intégré la notion de feed-back aujourd’hui largement utilisée dans le développement de dispositifs numériques destinés à l’enseignement et à l’apprentissage. Cela explique que dans les objectifs visés par LOCREAM, la notion de feedback joue le rôle de réponse à une action de l’élève dans l’apprentissage d’un savoir (l’explicitation des contours mélodiques) ; et n’ont pas le rôle d’une réponse, positive ou négative, à une question posée. Le feed-back sonore est une donnée instrumentale du processus, un complément de la notion d’écoute engagée de Swanwick (1979). Dans ce sens, l’action de l’élève sur l’environnement donne un résultat qui lui permet de le valider, modifier ou le rejeter complétement son action. Ce qui rejoint également Dewey :

L’organisme agit en accord avec sa propre structure, quelle qu’elle soit, simple ou complexe, sur son environnement. En retour les changements produits par l’environnement réagissent sur l’organisme et ses activités [...] Ce rapport étroit entre faire, souffrir et subir forme ce que l’on appelle expérience.

(Dewey, 2003, p. 92)

6.4.4 La technologie du point de vue de l’enseignant

Les fondements de l’apprentissage situé ont été examinés par Choi et Hannafin sous l’éclairage d’un cadre théorique composé par quatre dimensions de

l’enseignement-apprentissage : le rôle du contexte, le rôle du contenu, le rôle de la facilitation et le rôle de l’évaluation (Choi & Hannafin, 1995). Nous identifions les dimensions de la facilitation (coaching) et de l’évaluation comme étant de celles directement dévolues à l’enseignant. Jean-Dubias identifie trois rôles possibles de l’enseignant par rapport aux EIAH (idem) : concepteur, prescripteur et utilisateur. Riot et ses collègues du LIRIS relèvent le fait que les EIAH devraient davantage envisager l’enseignant comme un utilisateur du dispositif (Riot, Duclosson & Jean-Daubias, 2004), sauf que son usage est différent de celui des élèves, car son rapport au savoir en est différent.

Dans le cas de LOCREAM, étant donné qu’il s’agit de fournir un cadre pour la

Dans le cas de LOCREAM, étant donné qu’il s’agit de fournir un cadre pour la