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De l’individualisme à l’individualisation…

CADRAGE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE L’OBJET

1. Etre jeune aujourd’hui : Sociologie de la jeunesse contemporaine contemporaine

1.2. De l’autonomie à l’indépendance : les débuts et la fin de la jeunesse jeunesse

1.2.1. De l’individualisme à l’individualisation…

Prenons le temps de nous arrêter un instant sur cette notion d’« individualisme ». On vivrait dans une société de plus en plus « individualiste » suggère-t-on ici et là, ce qui aurait des conséquences déterminantes en termes de socialisation et de lien social. Nous l’avons vu plus haut à travers l’épreuve identitaire que traversent les jeunes. Celle-ci est largement basée sur l’idée d’une « auto-construction » de l’individu comme modèle valorisé par la société, avec toutes les nuances que je lui apporterai plus loin. Il paraît ainsi difficile d’échapper à cette notion d’« individualisme » en sociologie de la jeunesse. Les jeunes d’aujourd’hui seraient-ils plus « individualistes » qu’autrefois ? Qu’entend-on par « individualisme » ? Peut-on réellement dire que les valeurs et les modes de vie des jeunes d’aujourd’hui sont individualistes ?

Afin de bien clarifier le terme et d’analyser en quoi l’« individualisme » impacte ou non la jeunesse aujourd’hui, je propose dans un premier temps de définir ce que l’on entend par ce terme, afin de pouvoir, dans un second temps, m’arrêter sur les valeurs des jeunes aujourd’hui en mobilisant des études réalisées en France et en Europe.

La montée de l’« individualisme contemporain » dont les analyses s’étalent à longueur de journées dans les articles de presse, la littérature ou dans les sciences sociales, à un niveau bien sûr différent de la doxa, s’accordent à avancer qu’elle s’inscrit dans le processus de modernisation d’une société devenue libérale.

Si le débat est interminable sur l’amorce de ce processus de modernisation de la société : antiquité ? Siècle des Lumières ?, etc., je vais pour ma part me contenter du XVIè siècle, celui de la Renaissance. En effet, un nouveau courant de pensée incarné par Montaigne voit le jour.

Il est révolutionnaire pour l’époque en ce sens qu’il met en avant le primat de l’individu sur le dogme religieux. L’être déterminé par les normes transcendantes des siècles passés (« c’est comme ça et ce n’est pas autrement ») cède petit à petit sa place à un être doué de raison (« c’est comme ça mais ça doit se démontrer »)56. Il sera progressivement admis que l’homme est doté d’un esprit critique. Les siècles suivants exprimeront ce primat de l’individu sur la force de l’institution cléricale de façon plus déterminée. Ce sera le cas au XVIIè siècle, entre autres, avec René Descartes et son fameux cogito, « je pense donc je suis ». Pascal, de son côté, réinvestira les champs de la théologie chrétienne à travers son « pari » qui n’est autre

56 Dans cette perspective, Montaigne apparaît déjà comme le défenseur d’une éducation moderne dont l’objectif est de veiller à l’éveil et à l’épanouissement de l’enfant en lui développant toutes ses facultés.

40 que l’expression d’une raison qui vise à plier les ordres jusque là inébranlables de la foi à l’exercice d’une logique : celle des probabilités.

Dès lors, toutes les constructions philosophiques commenceront par le « je » : « je suis, je pense et j’analyse ». Du point de vue institutionnel, le modèle pénètrera jusque dans l’éducation qui va progressivement inciter l’enfant à s’exprimer par le « je » et investir ainsi son esprit critique. Ainsi, les hommes prennent peu à peu conscience que ce sont eux qui fabriquent leur histoire et que celle-ci n’est pas dictée par une puissance transcendante.

L’émergence de l’Etat a dans le même temps permis à l’homme de se réapproprier ce qui était jusque là dévolu au religieux. La division religieuse entre l’humain et son fondement passe désormais par l’homme lui-même. Il s’agit là d’une promotion de l’intériorité. L’humanité s’auto-constitue et prend conscience d’elle-même.

Cela ne signifie pas pour autant que le Christianisme n’était pas individualiste, puisque, comme l’explique Emile Durkheim, l’individualisme participait dès le départ de son essence.

Il serait ainsi naïf de penser que l’individualisme serait l’exclusivité radicale des sociétés modernes : « Le centre même de la vie morale a été transporté du dehors au-dedans et l’individu érigé en juge souverain de sa propre conduite, sans avoir d’autre compte à rendre qu’à lui-même et à son Dieu. »57

Avant lui, Tocqueville58, impressionné par le développement de l’individualisme en Amérique, insistait sur le développement de l’espace privé en le définissant comme disposition permettant à chaque citoyen de s’isoler de la masse de ses semblables, de se tenir à l’écart avec sa famille et ses amis de sorte à abandonner la grande société à elle-même au profit de la petite qu’il s’est constituée. Chez Tocqueville, l’individualisme peut être compris comme indifférence à la société globale qui se traduit par une faiblesse des sentiments d’appartenance collective visant à dépasser les choix individuels.

Emile Durkheim, de son côté, insiste sur le développement de l’autonomie chez l’individu sur le plan normatif et éthique. Alors que dans les sociétés traditionnelles, l’individu est intégré au groupe par la médiation de normes et de valeurs rigoureusement définies, qui s’imposent à lui avec une évidence interdisant le doute, dans les sociétés modernes, en revanche, une autonomie lui est laissée dans le but de déterminer ses buts et ses croyances. Cette autonomie est toutefois différente selon les contextes sociaux et culturels dans lequel elle s’inscrit. Je vais y revenir beaucoup plus en détail plus bas.

Ainsi, au XXè siècle, il n’y aurait définitivement plus de garants « transcendant » donc plus de repères établis par une extériorité. C’est ce qui fait dire au philosophe Marcel Gauchet que

« l’ordre qui tient les hommes ensemble est leur produit » et que « l’humanité n’est que son œuvre »59. C’est en cela que l’on a évolué inéluctablement vers l’individualisme contemporain.

Selon Raymond Boudon et François Bourricaud60, la notion d’individualisme désigne une propriété des sociétés industrielles modernes, dans lesquels l’individu est considéré comme une référence fondamentale, à la fois pour lui-même et pour la société. De l’individualisme naît l’individualisation, cette idée qu’il appartient aux individus de choisir ce qui est bon ou

57 Emile Durkheim, « Représentations individuelles et représentations collectives », in Revue de Métaphysique et de Morale, tome VI, numéro de mai 1898. Référence citée par Olivier Galland, « Les jeunes Européens sont-ils individualistes ? », in Olivier Galland et Bernard Roudet, Les jeunes européens et leurs valeurs, Paris, La découverte, 2010, p. 39.

58 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Poche, 2010.

59 Marcel Gauchet, Un monde désenchanté ?, Paris, Éditions de l'Atelier, 2004.

60 Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, Collection Quadrige, 2000.

41 mauvais pour eux. L’individu devient alors le fondement des valeurs61 qui ne sont plus définies de l’extérieur.

Cela n’est pas sans conséquence car, comme l’explique Ehrenberg62, cette idée qu’il faut chercher le garant en nous-mêmes devient de plus en plus difficile et génère de plus en plus de dépression. Celle-ci n’existe selon lui que socialement et non cliniquement dans le sens ou l’on parvient de moins en moins à s’accomplir.

Pour autant, l’individualisation est-elle synonyme de rejet de toute valeur altruiste et triomphe d’une permissivité généralisée chez les jeunes ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

Pour cela, je vais mobiliser les travaux d’Olivier Galland sur les valeurs des jeunes en Europe63.

1.2.1.1. Les valeurs des jeunes en Europe

L’individualisation, qui a pour corollaire la crise du lien social, frappe évidemment la jeunesse de plein fouet dans le sens où les règles communes s’affirment de manière moins claire. Comme nous l’avons vu plus haut, il devient de plus en plus difficile pour les jeunes de construire des limites avec des contraintes acceptées par tous. Pour autant, la jeunesse s’inscrit-elle dans une opposition frontale à la tradition et en mettant au centre de ses modes de vie uniquement des valeurs individualistes ?

Pour y répondre, Olivier Galland reprend l’analyse de Durkheim qui dissocie deux type d’individualisme : l’utilitarisme de Spencer et des économistes d’un côté, et l’individualisme humaniste tel qu’il se cristallise dans la Déclaration des droits de l’homme. Ces deux individualismes sont, à bien des égards, opposés. Le second place la « qualité d’homme in abstracto » au-dessus des intérêts particuliers. Il est, à l’inverse du premier, tout sauf égoïste.

Plus qu’une doctrine, cet individualisme est socialement institué. Galland note que nombreux sont les résultats d’enquêtes européennes réalisées sur les valeurs qui vont dans ce sens64 en alimentant l’idée que la liberté et la dignité de l’homme représentent les valeurs suprêmes des Européens aujourd’hui. Par exemple, ce droit inaliénable reconnu à l’individu de vivre comme il l’entend s’exprime dans la reconnaissance de plus en plus forte accordée aux homosexuels de vivre selon leur préférence en matière de sexualité, ce qui n’était pas le cas il y a quarante ans.

Hugues Lagrange, de son côté, a également dû définir la notion d’individualisme dans ses travaux récents sur la jeunesse des quartiers populaires. Un de ses passages m’a particulièrement intéressé car il distingue lui aussi deux facettes de l’individualisme qui se rapprochent de celles de Durkheim : « individualisme introdéterminé » et « individualisme extrodéterminé » :

« On stigmatise les excès de l’individualisme, précisément quand l’individu peine à remplir l’exigence d’autonomie. En réalité, la dénonciation de l’hyper-individualisme contemporain cache mal une régression de la subjectivité. L’individualisme de performance qu’appelle la vie contemporaine s’oppose à l’individualisme autonome et introspectif adossé à une autodéfinition des buts de vie. On confond volontiers l’adoption d’une norme d’internalité – le fait de s’imputer son sort qui prévaut chez les individus contemporains – avec l’intro-détermination, c’est-à-dire la fixation par soi-même de critères de réussite. Le volontarisme des individus extro-déterminés indique certes que l’individu contemporain est acteur, mais il n’entraîne pas autant que chez l’intro-déterminé la mise à distance des

61 Entendons valeur au sens d’« idéaux collectifs » transmis aux individus tel que le définit Durkheim : ils orientent l’activité des individus en leur fournissant un ensemble de références idéales. Nous pouvons aussi nous appuyer sur la définition de Boudon et Bourricaud [ibid.] pour qui « les valeurs ne sont rien de plus que des préférences collectives qui apparaissent dans un contexte institutionnel, et qui par la manière dont elles se forment, contribuent à la régulation de ce contexte. »

62 Alain Ehrenberg, La fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, 1998.

63 Olivier Galland, « Les jeunes Européens sont-ils individualistes ? », op. cité, p. 39-64.

64 Il cite par exemple Futuribles, 2002.

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exigences et des pressions normatives. Cet individualisme contemporain est, pour les plus chanceux, un individualisme d’émulation. Parmi ceux qui sont nés après la fin des années 1960, les difficultés d’accès à une position professionnelle ont émoussé l’insouciance et la liberté que l’on trouvait chez leurs devanciers. Pour les jeunes contemporains, les normes d’internalité sont fortes mais les marges d’action et la capacité d’autonomie trop faibles et ils s’inscrivent, qu’ils le veuillent ou non, dans une logique de la compétition qui les aliène. Cet individualisme extro-déterminé se distingue, de manière radicale, de l’individualisme intro-déterminé, par son immersion dans un interactionnisme généralisé.

Le retour de la normativité, de la présence constante des autres ne repose pas aujourd’hui, pour la majorité des Occidentaux, sur la tradition mais sur la puissance des normes implicites résultant de l’agrégation des comportements. »65

Cependant, Galland s’interroge : « l’optimisme de Durkheim à l’égard des effets sociaux de l’individualisme ne doit-il pas être tempéré ? Le « culte de l’individualité », si présent dans les sociétés contemporaines, est-il si éloigné que le pensait Durkheim de l’égoïsme utilitariste ? »

Pour y répondre, retenons trois éléments fondamentaux de l’étude de Galland.

1.2.1.2. Le retournement de la culture postmatérialiste

Galland cite Ronald Inglehart66 comme promoteur de la thèse du postmatérialisme. Celle-ci affirme qu’après avoir mis l’accent sur la sécurité économique et physique, les sociétés attacheraient plus d’importance au sentiment d’appartenance, à l’expérience individuelle et à la qualité de vie67, autrement dit à l’altruisme. Inglehart, repris par Galland, explique que les générations nées après la Seconde Guerre Mondiale ont été socialisées dans un environnement économique plus favorable que les générations précédentes. De ce fait, elles auraient été plus postmatérialistes – altruistes – et auraient davantage contribué à l’évolution générale de la société dans ce sens puisque dégagées de la lutte pour la survie et des préoccupations matérielles les plus immédiates, donc plus enclines à se soucier du sort des catégories moins favorisées.

Cette thèse trouve écho dans le résultat de l’enquête de Galland qui montre que les Européens les moins solidaires sont également les moins éduqués et les moins riches. Déjà, en 2001, dans une enquête sur les valeurs des jeunes, Galland et Roudet montraient que les « avantages matériels » se distinguaient des aspects qui étaient plus en rapport avec la réalisation de soi.

Ils analysaient les premiers à partir des indicateurs suivants : sécurité de l’emploi, être bien payé, ne pas être bousculé dans son travail, avoir de bons horaires et de bonnes vacances, avoir des chances de promotion. Quant aux seconds, ils leur attribuaient les indicateurs suivants : prendre des initiatives, avoir des responsabilités, employer ses capacités, réussir quelque chose, avoir un travail intéressant, etc. Ils en concluaient, même s’il est encore trop tôt pour véritablement l’affirmer, que nous assistons à une réorientation manifeste des attentes des jeunes vers des aspects matériels du travail. En ce sens, l’écart avec les adultes s’est creusé.

Ce constat revêt pour moi une importance capitale car, comme nous le verrons dans la partie consacrée aux rapports des jeunes des quartiers populaires à la citoyenneté, le manque d’engagement de ces derniers s’explique en partie par ce revirement matérialiste que décrit Olivier Galland.

1.2.1.3. La montée du processus d’individualisation

Comme j’ai essayé de le montrer précédemment, l’individualisation n’est pas synonyme d’individualisme. Galland, de son côté, nous explique que c’est le processus

65 Hugues Lagrange, Le déni des cultures, Paris, Seuil, 2010.

66 Ronald Inglehart, La transition culturelle dans les sociétés industrielles avancées, Paris, Economica, 1993.

67 Olivier Galland, « Les jeunes Européens sont-ils individualistes ? », op. cité, p. 58.

43 d’individualisation qui fait que chacun veut, de plus en plus, décider par lui-même de ce qui est bon ou mauvais dans tous les domaines de sa vie et de ses valeurs. C’est en cela que l’individualisation ne signifie pas renoncement à toute valeur morale et altruiste ou au sentiment d’appartenance collective.

La nuance pour Galland, que j’avais mise en évidence avec Dubet plus haut, vient bien du fait que les choix relèvent d’un processus de décision individuelle et non plus de normes abstraites et universelles. Pour Galland, les jeunes sont à la pointe de ce mouvement d’évolution des mœurs. Il cite François De Singly qui s’appuie sur ce mouvement d’autonomisation :

« Aujourd’hui, l’éducation familiale s’est transformée en valorisant moins l’obéissance et davantage l’initiative, l’autonomie et l’épanouissement. Contrairement à une représentation de l’éducation qui insiste sur la transmission, l’enfant d’aujourd’hui apprend à devenir un être individualisé au sein même de sa famille ».68

Les résultats de l’enquête de Galland illustrent bien cette évolution vers les valeurs éducatives et les transformations qui en résultent dans le processus de socialisation familiale avec une mise en avant de la « réalisation de soi ».

1.2.1.4. L’autonomisation du groupe de pairs

Comme souligné plus haut avec Dubet, l’importance accordée par les jeunes à leurs amis semble s’être fortement accentuée ces dernières années. Cela amène Galland à se poser la question de savoir si la socialisation par le groupe de pairs n’en vient pas à supplanter la socialisation familiale et à créer un univers de valeurs en partie hermétique à celui des générations précédentes.

Un des indicateurs mis en exergue pour l’avancer réside dans l’inter-fréquentation des générations. Ainsi, en France, les lycéens et les étudiants sortent beaucoup moins avec leurs parents en 1998 qu’ils ne le faisaient en 1986 : moins de 10% de leur temps global en 1998 contre un cinquième en 1986.

Certains comme Sébastien Roché69 affirment que cette autonomie de la jeunesse est probablement à mettre en connexion avec le rajeunissement de la délinquance ces dernières années. Il montre que l’absence de surveillance et de contrôle sur le temps libre conduit à une montée de la délinquance. Dans son étude, Roché explique aussi que certains jeunes rejettent par ailleurs l’école qu’ils refusent de fréquenter avant la fin de la scolarité obligatoire et les phénomènes d’absentéisme semblent se multiplier.

Aussi, Galland souligne que cette autonomie a permis, entre autres, de développer de nouvelles formes d’amitié : l’identité de l’adolescent est aujourd’hui définie par son cercle d’amis alors qu’autrefois elle l’était par des activités, des passions ou des loisirs de nature collective étroitement contrôlés par les parents. C’est ce qui faisait, entre autres, le succès des mouvements de jeunesse. Désormais, le choix des relations précède celui des activités et l’« être-ensemble » devient plus important que le « faire-ensemble ». Le second n’est plus toujours justifié par le premier.

Galland note que cette sociabilité amicale se transforme aussi qualitativement. En effet, la rencontre elle-même devient plus importante que les activités pratiquées qui ne sont souvent que le prétexte ou l’occasion du rassemblement. Ainsi, selon Galland, la sociabilité devient une valeur en elle-même avec des jeunes qui sont adeptes d’une « morale relationnelle » :

68 François De Singly et Elsa Ramos, Libres ensemble. L’individualisme dans la vie commune, Paris, Nathan, 2000.

Référence citée par Olivier Galland, « Les jeunes Européens sont-ils individualistes ? », op. cité, p. 60.

69 Sébastien Roché, La délinquance des jeunes. Les 13-19 ans racontent leurs délits, Paris, le Seuil, 2001

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« C’est-à-dire que les conséquences des actions sont moins envisagées en fonction de leur résultat intrinsèque ou en fonction de principes abstraits (il faut faire ceci, ne pas faire cela) qu’en fonction de l’effet concret et direct qu’elles peuvent avoir sur les autres et surtout ceux que l’on fréquente le plus intimement. Ce principe a évidemment des conséquences importantes dans le domaine moral : dans une telle conception, les normes interpersonnelles n’ont plus cours et les principes altruistes abstraits ont relativement peu de résonance. »70

Pour Galland, nous assistons à une dissociation entre l’univers des jeunes et celui des adultes en tant que coupure culturelle. Selon lui, les formes traditionnelles de la transmission culturelle d’une génération à l’autre fonctionne moins bien et la culture « jeune » s’autonomise sous un double effet : d’une part, la dépréciation de la culture « héritée » que les jeunes assimilent à une culture scolaire qu’ils subissent sans y adhérer. D’autre part, comme le souligne également Dubet, la sphère marchande invente des produits spécifiquement destinés aux jeunes (musique, vêtements, télévision, etc.) qui se construisent un univers de référence et de valeurs propre à leur génération. La sphère marchande confère ainsi une forte identité au groupe des jeunes lui permettant de se distinguer des autres classes d’âge encore plus que ne le faisaient les générations précédentes.

En somme, nous explique Galland, à la différence des jeunes des années 1960-70, ceux d’aujourd’hui ne s’opposent pas forcément à leurs aînés et ne contestent pas les fondements sociaux et idéologiques de leur société pour la majorité d’entre eux. Simplement, ils en restent en partie étrangers ou indifférents à leurs valeurs et à leurs orientations culturelles.

L’autre enseignement de l’étude de Galland que je retiens est que les jeunes Européens sont moins nombreux que leurs aînés à être animés de sentiments altruistes. Cela ne s’explique ni

L’autre enseignement de l’étude de Galland que je retiens est que les jeunes Européens sont moins nombreux que leurs aînés à être animés de sentiments altruistes. Cela ne s’explique ni

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