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COMPÉTENCE EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

I- Définition générale du service public

La notion de service public a été longtemps considérée comme le critère d’application du

droit administratif classique avec la jurisprudence dite « BLANCO », l’activité d’intérêt

général directement gérée par l’administration, impliquait l’application du droit

administratif et la compétence du juge administratif. Mais après la première guerre

mondiale et avec l’apparition des services publics industriels et commerciaux, le service public ne signifie plus alors nécessairement la soumission au droit administratif. Selon

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l’arrêt NARCY de 1963376, l’existence d’un service public se trouve en effet conditionnée

par la réunion de trois indices : un élément fonctionnel, distingué par l’activité générale de

l’organisme concerné, un élément organique relatif à la présence d’une personne

publique, un élément subjectif, tiré de la soumission à un régime juridique spécifique,

exprimant la volonté de prise en charge de l’activité par la collectivité publique. La notion de service public se trouve liée directement à l’intérêt général.

Comme le note le professeur René CHAPUS377, la condition d’intérêt général est la plus

« significative : elle fait apparaître ce qu’est la notion fonctionnelle de service public, une

notion de but, alors que celle de puissance publique est de l’ordre des moyens ». C’est à travers l’intérêt général que les prérogatives de puissance publique se justifient d’être octroyées aux services publics. Si l’existence de l’intérêt général se présente comme une

condition nécessaire, elle n’est guère une condition suffisante. Il existe des activités

d’intérêt général qui ne constituent pas des activités de service public comme

l’exploitation de salles de cinéma378, ou encore une société privée organisant un festival de musique pour le compte d’une commune379. Certes l’intérêt général en l’occurrence ne faisait pas question, et pourtant il n’y avait pas de service public.

Il est nécessaire en outre que l’activité soit directement ou indirectement rattachable à

une personne publique. Le service peut en effet être géré directement par une personne

publique qui en assure la direction, ou indirectement par le biais d’une personne privée,

avec un rattachement indirect à une personne publique. La notion de service public exige un dernier élément subjectif, relatif à la soumission à un régime juridique spécifique

justifié par la mission d’intérêt général assignée à tout service public. Cette troisième condition a été considérablement atténuée, avec l’apparition en 1922, des services

publics industriels et commerciaux soumis pour l’essentiel au droit privé.

Cette atténuation s’observe en France, à compter de la fin des années 1970, où les notions de service public et de prérogatives de puissance publique commencent à se

376

CEF, 28 juin 1963, NARCY, rec. p.401

377

CHAPUS R, Droit administratif général, op.cit p.572

378

CEF, 5 octobre 2007, Société UGC-CINECITÉ, rec. p.418

379

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dissocier380. Il existe désormais des services publics dépourvus de toute prérogative de puissance publique. C’est ainsi que l’arrêt « Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés 381» de 2007 décide « qu’indépendamment des cas dans

lesquels le législateur à lui-même entendu reconnaître ou à l’inverse exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est doté à cette fin de prérogative de puissance

publique qui est chargée de l’exécution d’un service public, que même en l’absence de

telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée dans le silence de

la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général

de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son

fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour

vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration

a entendu lui confier une telle mission ».

En outre, le Conseil d’Etat français considère que le lien entre une personne publique et une personne privée gestionnaire d’un service public peut résulter de l’objet du service public de son mode d’organisation, de son mode de financement. L’apport principal de l’arrêt « Association du personnel », relevant des établissements pour inadaptés, réside dans le rôle du juge qui vérifie l’existence de ces conditions (intérêt général, personne publique, régime exorbitant) de manière formelle. En effet, la Haute Assemblée confirme

que l’exercice de prérogatives de puissance publique ne constitue pas un critère du

service public, le conseil utilise un faisceau d’indices, parmi lesquels se trouve l’intention

du législateur pour identifier une telle activité. Parmi ces indices, on trouve bien « l’intérêt général de l’activité, les conditions de création, les conditions d’organisation et le

fonctionnement, les obligations imposées, les mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints ».

380

TCF, 6 mars 1978, BERNARDI, rec. p.652, il s’agissait en l’espèce d’une clinique privée spécialisée dans le

traitement des maladies psychiatriques. La loi lui délègue une mission de service public qui ne lui confie aucune

prérogative de puissance publique et CEF, 20 juillet 1990, Ville de MELUN, rec. p.220, il s’agissait d’un service

public municipal dépourvu de prérogatives de puissance publique.

381

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La doctrine libanaise définit le service public comme « toute activité régie ou contrôlée

par l’Etat ou par une personne publique et qui a pour objet de combler des nécessités

collectives382 » ou encore « toute activité régie par l’Etat et qui a pour but la réalisation de l’intérêt général pour tous les citoyens383 ». Ces deux définitions se situent dans la perspective de la conception traditionnelle du service public qui voyait dans ce dernier une activité régie strictement par la puissance publique. Le développement de la notion du service public au début du XXème siècle, a changé cette conception puisque le service public peut être aussi dirigé par des personnes privées dotées de prérogatives de puissance publique, sous le contrôle de la personne publique.

La définition la plus complète est donnée par M. Edward EID qui écrit que le service public « est toute activité gérée par l’administration elle-même ou par une autre personne

sous son contrôle et dont l’objet sera la réalisation de l’intérêt général ».

L’on doit ajouter que les principes et conditions des services publics utilisés en France

sont appliqués au Liban (activité d’intérêt général, contrôle de l’administration,

prérogatives de puissance publique)384.

Les services publics peuvent revêtir plusieurs formes, la première de ces formes est le service public administratif qui est à l’origine de tous les services publics et pour lequel la

compétence du juge administratif n’a jamais fait de doute.