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Critère tiré de l’origine des ressources financières

COMPÉTENCE EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

B- Les critères jurisprudentiels

2- Critère tiré de l’origine des ressources financières

Le second critère pour qu’un service public puisse être qualifié de service public industriel et commercial tient à l’origine des ressources. Un service public industriel et commercial

doit être financé pour l’essentiel par les redevances payées par les usagers en

contrepartie de la prestation qui leur est fournie. La redevance perçue est calculée de manière à correspondre au coût réel du service414. En d’autres termes, le fait que les

ressources du service proviennent des redevances perçues par des usagers et en contrepartie des prestations fournies, ledit service sera qualifié d’industriel et commercial.

Par conséquent, un service public gratuit (une école par exemple) ne peut être considéré comme un service public industriel et commercial415. Aussi, lorsqu’on est en présence de subventions ou de recettes fiscales, le caractère administratif du service public l’emporte sur celui de l’industriel et commercial416.

Reste à signaler que selon son mode de financement, une même activité de service public peut être considérée soit comme un service public administratif soit comme un service public industriel et commercial. Par exemple, le service public d’enlèvement des

ordures ménagères est considérée comme un service public administratif lorsqu’il est financé par une taxe d’enlèvement des ordures ménagères417, il est considéré comme un service public industriel et commercial lorsqu’il est financé par une redevance ayant le

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TCF, 20 janvier 2003, FERNANDES, rec. p.567 et le même pour ISOMIR, rec. p.568 et TCF, 24 juin 2004, Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier « Grand Boucle », rec. p.632

414

CEF, 20 janvier 1988, SCI, La colline rec. p.21 et TCF, 1 décembre 1991, SA du MULTY-les-BAINS, rec. p.480 à propos des redevances à la charge des usagers des services communaux d’assainissement qui sont la rémunération des prestations fournies

415

CEF, 26 juillet 1930, BENOIT, rec. p.480 et CEF, 30 juin 1998, Dame BETHET et DOUAN rec. p.94, il s’agit

d’un service public qui ne compte aucune rémunération en contrepartie des prestations

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CEF, assemblée, 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques, précité, et TCF, 25 avril 1994, Syndicat mixte d’équipement de Marseille, rec. p.856

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TCF, 28 mai 1979, Syndicat d’aménagement de CERGY-PONTOISE, rec. p.658 et TCF, 13 février 1984,

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caractère d’un prix418 d’enlèvement des ordures ménagères. Dans ce cas, la redevance

est proportionnelle au service rendu alors que dans le cas précédent la taxe est

proportionnelle aux capacités du contribuable. Le critère de l’origine des ressources s’est

avéré le plus précis et ne laisse guère de place à la subjectivité. 3- Critère tiré des modalités de fonctionnement

Ce dernier critère dégagé par la jurisprudence tient aux modalités de fonctionnement du

service public. Lorsqu’un service public est assuré directement, ou régi par la puissance publique, il est en principe présumé être un service public administratif alors qu’un service public donné en délégation à une personne privée bénéficiera d’une présomption de

service public industriel et commercial ou encore le cas des sociétés d’économie mixtes

qui exploitent en principe un service public industriel et commercial419.

De façon générale, les conditions de gestion d’un service public industriel et commercial doivent être comparables à celle d’une entreprise commerciale. Par exemple au niveau

de la comptabilité, l’organisation comptable du service public doit être conforme aux

usages du commerce et échapper aux règles de la comptabilité publique. Par ailleurs le

service doit, s’il comporte une comptabilité publique, posséder aussi une comptabilité commerciale. Les procédés de gestion doivent être ceux des entreprises commerciales ou industrielles privées420. En outre, l’existence d’un budget de ce type ou au contraire d’un simple état de prévisions est un élément retenu par le juge421. Il faut signaler enfin

que lorsqu’un service bénéficie d’un monopole légal, on estime que ses modalités de fonctionnement lui « impriment » un caractère administratif422. Les critères utilisés par la

418

CEF, sect., 10 avril 1992, SARL HOFNILLER, rec. p.159

419

CAA Bordeaux, 27 mars 2007, Société nationale des chemins de fer français (SNCF), n06BX01570. La cour décide qu’enl’occurrence la SNFC qui est une société d’économie mixte ne peut être regardée comme ayant, par les

prestations requises assuré l’exécution d’un service public administratif, ni davantage comme ayant disposé de prérogative de puissance publique serait à l’origine des dommages allégués, que dès lors le présent litige qui met en cause la responsabilité d’une personne morale de droit privé, relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

420

CEF, 19 décembre 1955, Epoux MILLIET, rec. p.797. Il s’agit des transports effectués par l’Etat au moyen de navires ou avions réquisitionnées

421

Conclusions LAURENT précités sur l’arrêt du CEF 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques

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jurisprudence forment un faisceau d’indices423 qui éclaire pour le juge la nature du service en cause. Parfois (même rarement) un seul critère peut suffire à déterminer le caractère industriel et commercial. En va-t-il de même au Liban ?

En principe, la jurisprudence libanaise fidèle « au service à domicile », applique presque

les mêmes critères dégagés par la jurisprudence du Conseil d’Etat français de l’arrêt

« Union syndicale des industries aéronautiques » (précité).

D’abord, le Conseil d’Etat libanais affirme que « le juge administratif pour déterminer la

nature de l’établissement public en cause, se réfère à un groupe de critères qui servent à

déduire « la nature prépondérante de l’établissement » et par ailleurs, il fait allusion aux

trois critères dégagés déjà par son homologue français, à savoir l’objet de l’activité, ses ressources ainsi que ses modalités de fonctionnement « considérant que pour être considéré comme un établissement public industriel et commercial il faut que les actes

qu’il accomplit ressemblent à ceux effectués par les entreprises privées, qu’il soit rémunéré en contrepartie des services rendus que soit appliquée la pratique commerciale dans sa gestion et que des profits soient obtenus… » et le conseil conclut que

l’établissement en cause est industriel et commercial puisque son activité est semblable à

n’importe quel établissement commercial surtout dans l’investissement de ses ressources, en exigeant des intérêts sur les crédits qu’elle octroie, ainsi que l’application

de la pratique commerciale dans sa comptabilité.

Dans un autre arrêt, s’agissant de l’établissement public pour le logement, le Conseil d’Etat libanais clone le principe posé par la jurisprudence française en la matière. En décidant que « la jurisprudence a posé des critères principaux pour qualifier un établissement public d’industriel et commercial et ce sont des critères relatifs à l’objet du

service, à l’origine de ses ressources et aux modalités de son fonctionnement et de son organisation ou bien si le texte qui l’a créé comporte des termes ou un cadre général tels

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CAA Lyon, 18 juillet 2013, Mme. B.A/Centre des congrès d’Aix-les-Bains, n13LY00102, inédit au recueil LEBON. La cour décide que « compte tenu de son objet, essentiellement commercial, de son financement,

principalement assuré par le perception de redevances et de son mode de fonctionnement comparable à celui d’une

entreprise privée, l’exploitation du centre des congrès d’Aix-les-Bains a le caractère d’un service public industriel et

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qu’on peut en déduire, que l’établissement est industriel commercial ou non424. Il arrive

que le Conseil d’Etat libanais décide que seul un critère peut être déterminant pour qualifier un service public d’industriel et commercial.

C’est ainsi qu’il a considéré que les services pétroliers de Tripoli sont des services publics industriels et commerciaux puisque « leur gestion est faite suivant les procédures utilisées dans le commerce et l’industrie, ce qui les rend soumis au régime juridique des services publics industriels et commerciaux, que la gestion de ce service est faite par un

établissement public …ou par des institutions liées directement à l’administration publique

de l’Etat425 ». Le Conseil d’Etat libanais, dans cet arrêt, s’appuie sur le critère relatif aux modalités de fonctionnement du service, qui était, à son sens, suffisant pour en

déterminer la nature industrielle et commerciale. Le Conseil d’Etat libanais se fonde parfois uniquement sur les règlements ou les lois appliquées au service en cause. Ainsi, le conseil, pour déterminer la nature de la caisse mutuelle des notaires, décide que « la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les litiges résultants de la gestion des services publics à l’exception des services publics industriels et commerciaux qui sont régis suivant les règlements du droit commun, octroyant sauf texte spécial, compétence à la juridiction judiciaire 426».

Le Conseil d’Etat libanais considère que le critère relatif aux modalités d’organisation et de fonctionnement est déterminant, lorsque, surtout la nature du service en cause n’a fait l’objet d’aucune mention par le législateur ou par l’administration qui n’a pas édicté de dispositions organisant la gestion dudit service. Il décide ainsi que l’Etat n’a pas fixé,

jusqu’à présent la nature juridique de ce service [service de gérance et d’investissement

du port de BEYROUTH] et n’a pas élaboré les textes législatifs nécessaires pour le mode de sa gestion dans le sens qu’il soit une administration publique ou établissement public

ou de n’importe quel mode de gestion de service public, … considérant que les litiges des

fonctionnaires et des agents du port de BEYROUTH sont soumis au droit privé, les litiges

424

CEL, 22 avril 2003, Farah/Etablissement public de logement, RJA n19 p.847

425

CEL, 5 mars 2002, RAAD/l’Etat, RJA n17 p.539

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relatifs à ces derniers relèvent par ailleurs du conseil de prud’hommes [qui est une juridiction judiciaire]427».

Après avoir déterminé les critères d’identification du service public industriel et commercial, il serait nécessaire d’en tirer les conséquences de son existence.