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ET L’EMPRISE IRRÉGULIÈRE

B- Définition de la voie de fait

II- Conditions d’existence de la voie de fait

Des éléments de la définition ainsi étudiée de la voie de fait, il en résulte des conditions qui déterminent son existence et par conséquent la juridiction compétente pour statuer sur les litiges en cause. Mais il faut noter de prime abord qu’il revient aux deux ordres

juridictionnels administratif et judiciaire d’examiner l’existence des dites conditions107.

Ø Première condition : l’existence d’une exécution matérielle

Pour qu’il y ait voie de fait, il faut qu’une exécution d’une opération matérielle de l’administration ait eu lieu.

La doctrine ainsi que la jurisprudence affirme ce principe depuis toujours108. Le doyen Georges VEDEL déclare d’ailleurs que «… la voie de fait est toujours constituée par une

opération administrative, jamais par une pure décision indépendante de toutes mesures

d’exécution109 ».

Le Conseil d’Etat libanais affirme clairement dans son arrêt rendu le 3 décembre 2012

(précité) qu’il ne serait pas tenu «… de se prévaloir de la compétence judiciaire et par

conséquent du principe du juge judiciaire gardien de la propriété individuelle et des

libertés publiques sauf dans le cas où l’acte administratif s’accompagne d’une exécution

matérielle, comme si l’administration effectue une opération matérielle contenant un vice grave résultant d’une irrégularité grossière à la loi et aux règlements… ».

Cette exécution matérielle doit être effectuée par l’administration ou par l’un de ses représentants et la jurisprudence est claire à ce point : il n’ya pas voie de fait lorsque l’acte juridique de l’administration a comporté une exécution matérielle par des

particuliers110.

107

Cependant par un arrêt récent, la Cour d’Appel judiciaire de Paris décide que «s’il incombe au juge administratif d’apprécier l’irrégularité d’une emprise, cependant il appartient au juge judiciaire de caractériser l’existence d’une

voie de fait », CAJ Paris, 3 juillet 2014, Commune D’ATHIS-MONS, n13/08230

108

TCF, 13 décembre 1947, HILAIRE D, 1948, I-62 (mais il faut signaler que dans cette décision le TCF s’est

contentée d’une menace d’exécution alors que l’exécution ne s’était pas produite) et CEF, 15 mars 1957, DELOFFRE rec. p.75

109

VEDEL G, La juridiction administrative compétente pour prévenir, faire cesser ou réparer la voie de fait administrative, JCP 1950, I-.851

110

83

Il faut clarifier un point fort important en la matière. Certains auteurs comme le doyen Jean-Marie AUBY111 et M. Michel DEBARY112 considèrent qu’il y a voie de fait résultant

de la décision elle-même lorsqu’elle est manifestement insusceptible de se rattacher à un

texte ou un pouvoir de l’administration. Dans ce cas il y a voie de fait indépendamment de toute exécution.

M. Jean-Marie AUBY considère en effet que « …le plus souvent, c’est dans leur exécution que les actes administratifs portent atteinte à la propriété privée. Ce n’est

pourtant pas toujours le cas, ce résultat peut être atteint par une décision exécutoire considérée en elle-même : ainsi une décision administrative opérant un transfert de propriété ou imposant à un fonds une servitude113 ».

Donc, la décision peut emporter en elle-même l’exécution matérielle, et dans ce cas elle peut être regardée comme étant elle-même constitutive de voie de fait car cette décision comporte en elle-même son exécution.

Dans ce cas, si la décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un texte ou

à un pouvoir de l’administration, on serait en présence d’une voie de fait, et dans ce cas l’acte ou la décision est qualifiée d’inexistante, et il appartient aux deux ordres de

juridictions de déclarer nulle et non avenue ladite décision114. Mais le juge administratif se borne à constater la nullité de la décision, et sa compétence s’arrête là, et il revient au

juge judiciaire de décider sur les autres demandes, soit au niveau des dommages-intérêts soit au niveau de faire cesser la voie de fait.

111

AUBY J-M, L’inexistence des actes administratifs, thèse, Paris, 1952

112

DEBARY M, La voie de fait en droit administratif, thèse, Paris, 1958 p.85 et s

113

AUBY J-M, op.cit p.139

114

TCF, 27 juin 1966, GUIGON, rec. p.830 (Dans cet arrêt célèbre le T.C décide que les décisions par lesquelles l’autorité militaire a fait opposer des scellés sur le logement occupé par un officier en dehors de tout bâtiment militaire et lui a refusé l’autorisation de pénétrer dans ce logement pour y rechercher certains objets mobiliers lui appartenant, porte une atteinte grave à l’inviolabilité du domicile, et manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice du pouvoir appartenant à l’administration, ces décisions sont constitutives d’une voie de fait et doiventpar la suite être

regardées comme des actes nuls et non avenus et il appartient tant à la juridiction administrative qu’ à l’autorité

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Ø Deuxième condition : l’exécution matérielle doit être sans aucun fondement

juridique ou contenir une irrégularité grave

En principe, toutes les opérations administratives nécessitent l’intervention d’une décision juridique préalable. Si l’administration omet de prendre cette décision, l’exécution

matérielle est considérée comme voie de fait. On cite comme exemple le plus répandu, le cas où l’administration occupe sans titre un fonds privé. On est alors en présence alors

d’une dépossession qui affecte le propriétaire, et qui n’est autorisée par aucun acte administratif préalable, et par aucune décision juridique115.

La jurisprudence libanaise fournit de nombreux exemples où l’administration exécute une

opération matérielle sans titre juridique.

C’est le cas lorsqu’elle procède à la main mise sur la propriété privée des individus d’une

façon continue ou permanente116. Ainsi que le Conseil d’Etat libanais saisi « d’une

demande de dommages-intérêts résultant d’une main mise sur la propriété n 1878 de la

région HADATH-JEBBE, sans passer par la procédure normale de l’expropriation », a jugé « que les litiges naissant de l’atteinte à la propriété privée relèvent de la compétence du judiciaire en sa qualité de gardien de la propriété privée117 ».

Dans un autre arrêt rendu le 15 janvier 2003118, le Conseil d’Etat libanais décide que l’exécution matérielle sur une propriété privée sans titre juridique est constitutive de voie de fait et il affirme que « considérant qu’il résulte du rapport de l’expertise que le Conseil du développement et de construction (qui est une personne publique)… a pris de la

propriété du requérant une superficie de 320 m2 sans suivre les procédures légales de

l’expropriation,… et que cette atteinte sur la propriété privée sort de la compétence du

Conseil d’Etat et il revient aux juridictions judiciaires de statuer… ».

115

En France, voir en ce sens et parmi une jurisprudence abondante, TCF, 6 mai 1967, DONGY/ Société de

l’autoroute Paris-Lyon, rec. p.656, TCF, 30 juin 1969 SCI des Paillons/Communes de Boirettes et du Mée-sur-Seine, rec. p.684, CEF, 3 mai 1972, AJDA 1973, p.143,p .143 note HOMONT A; Cass, 1ère civ, 3 novembre 1982, Bull. civ, I, n314, TCF, 12 janvier 1987, VERSAILLES, 1988 p.1397 ; Cass 3ème, 25 septembre 2002, Bull.civ. I n1318 (il s’agissait dans cette espèce une action d’office de l’administration pour reprendre une parcelle du domaine public, en l’absence de toute urgence et sans avoir obtenir une décision d’expulsion du juge compétent

116

Cass, 20 février 1963 rec.BAZ, 11, p.12 n3 et 23 janvier 1968 rec.BAZ, 16, p.330 n10

117

CEL, 1 juin 1995, GHOUSSAYNE N.B, RJA n9, II p.588

118

85

Hors les cas de l’expropriation, la jurisprudence libanaise nous fournit aussi d’autres

illustrations d’exécution matérielle de la part de l’administration sans aucun titre juridique. C’est par exemple le cas où l’administration fixe des lignes électriques sur la propriété

privée sans suivre les procédures dictées par les lois119, ou met un grand réservoir et installe des canaux dans une propriété privée sans aucun fondement légal120. Constitue

également une voie de fait, l’occupation par l’armée libanaise d’une propriété privée

lorsqu’elle est dépourvue de toute base légale121 .

Le Conseil d’Etat libanais illustre le cas d’une opération matérielle sans base légale, dans les litiges où l’administration a effectué une démolition d’immeubles sans qu’il y ait une

décision préalable à l’exécution122 et, dans un autre arrêt123 semblable, le Conseil d’Etat

libanais décide que « lorsque l’administration sans base légale effectue des travaux dans une propriété privée (individuelle), cela constitue un acte matériel d’atteinte à la propriété

immobilière ».

Dans le domaine de la propriété mobilière, le Conseil d’Etat libanais considère que lorsque l’administration effectue une main mise sur une propriété mobilière individuelle,

sans base légale, et sans décision légale de réquisition, on est en présence de voie de fait124.

L’opération matérielle peut avoir d’autre part un titre juridique, ou un fondement légal, mais néanmoins il y a voie de fait dans ce cas, lorsque dans les modalités d’exécution il

existe une irrégularité.

Deux séries d’observations complémentaires s’imposent sur ce point :

En premier lieu, toute illégalité ou irrégularité commise par l’administration dans l’exécution matérielle ne constitue pas par elle-même une voie de fait. Si on est en

présence d’une simple irrégularité, il n’y a aucune raison de la soustraire au contrôle du

119

Cass lib, 25 juin 1961, rec. CHIDIAC 1962 p.3 et 2/3/1972 rec.BAZ 19 p.260 n22

120

Cass lib, 19 janvier 1971, rec.BAZ p.132 n3

121

CEL, 27 mai 2004, NASER/Etat RJA n20, II, p.1206 et dans le même sens CEL, 27 janvier 2003 AL-DIRANI/Etat, RJA, n 19, II, p.552

122

CEL, 12 mars 1992, HARAKE/ Etat, RJA n6, II, p.302

123

CEL, 4 novembre 1994, ALI/ Etat, RJA n8, I, p.203

124

86

juge administratif. C’est ainsi que les irrégularités légères ne suffisent pas à donner

naissance à une voie de fait125. L’irrégularité doit avoir un certain degré de gravité pour qualifier l’opération matérielle de voie de fait. Ce degré de gravité a été envisagé par le Tribunal des Conflits français qui affirme que « …si la protection de la propriété privée

rentre essentiellement dans les attributions de l’autorité judiciaire, la mission conférée à

celle-ci se trouve limitée par l’interdiction qui lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III de connaître des actes de l’administration, que lorsqu’elle est saisie de conclusion tendant à l’expulsion d’un service public de locaux … la juridiction civile doit donc hormis le cas, où, manifestement insusceptible de se rattacher à l’application d’un texte législatif ou règlementaire, l’acte dont s’agit ne constituerait de toute évidence qu’une simple voie de fait se déclarer incompétente126 ». Le Conseil d’Etat français a défini l’irrégularité de l’acte matériel constitutif de voie de fait comme étant celle « … manifestement insusceptible d’être rattachée à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration127 ».

Certains auteurs ont vu dans cette définition une possibilité d’évasion pour l’administration et une réduction du champ de la voie de fait.

Jacques RIGAUD considère que « … cette formule plus large permet le rattachement d’un acte non seulement à un texte mais encore à un des principes généraux du droit que le Conseil d’Etat a continué d’envisager dans ses décisions128 ».

Cette formule de l’arrêt « CARLIER », même utilisée après par la jurisprudence, a été remplacée au fur et à mesure par les deux ordres de juridictions, administratif et judiciaire. Ainsi la Cour de Cassation française a considéré qu’il suffit que « … l’acte soit

manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir conféré à l’administration dans l’exercice de fonctions données129 ».

125

TCF, 22 novembre 1951, Demoiselle MINEUR, rec. p.647 et cass.civ. , 25 octobre 1954, AJ 1955, II, p.12, cass.civ. , 17 janvier 1978, Bull.civ. III, n42 p.34

126

TCF, 17 mars 1942, Société RIVOLI-SEBASTOPEL, D.1949 p.209 et dans le même sens TCF, 23 mars 1950 Consorts MARTIN-ROUILHES rec. p.656

127

CEF, 18 mai 1949, CARLIER, rec. p.490 (précité)

128

RIGUAUD J, Voie de fait, D.1959, II, 1064

129

87

Le Tribunal des Conflits a, à son tour, adopté cette définition et a, par conséquent, remis

en cause la définition adoptée par l’arrêt « CARLIER », dans son arrêt « EUCAT » rendu le 9 juin 1986130, à propos d’un contentieux relatif au retrait d’un passeport. En effet

l’apport de l’arrêt « EUCAT » est qu’il a mis en cause la définition de la voie de fait. Le

Tribunal des Conflits avait été saisi par le biais de la procédure du conflit positif, de la question de savoir si le recours exercé contre le retrait du passeport de M. EUCAT exécuté à la demande du trésorier payeur général du Bas-Rhin au motif qu’il était redevable d’un arriéré d’impôt s’élevant à plus de trois millions de franc relevait de la compétence du juge administratif ou de celle du juge judiciaire. Le conflit avait été élevé alors que la Cour d’Appel de Colmar, avait vu dans cette décision la manifestation d’une voie de fait commise par l’administration. Le Tribunal des Conflits a considéré qu’une telle mesure était « manifestement susceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir conféré par la loi à l’administration pour assurer le recouvrement d’impôts directs » et

désormais il n’est plus nécessaire pour qu’il y ait voie de fait de se trouver en présence d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un quelconque pouvoir de l’administration, quels que soient ce pouvoir et le domaine concerné. Il suffit que l’acte qui

a porté atteinte à une liberté fondamentale soit « manifestement insusceptible de se

rattacher à un pouvoir conféré à l’administration dans l’exercice de fonction données ». Le Tribunal des Conflits, s’il avait suivi sa jurisprudence traditionnelle, c’est-à-dire s’il s’était prononcé sur le caractère « manifestement insusceptible de se rattacher à un

pouvoir appartenant à l’administration » d’un passeport, avait en effet été amenée à rejeter la voie de fait en raison de l’existence du décret de 1792 qui permet un tel retrait

en cas d’atteinte à la sûreté publique. En revanche, en se fondant non pas sur les pouvoirs généraux de l’administration mais sur ceux qu’elle détenait en matière de prélèvement des impôts indirects, le tribunal parvenait à conclure l’existence de voie de

fait dans la mesure où le retrait d’un passeport par des motifs fiscaux n’était prévu par aucun texte. Le Tribunal des Conflits a voulu ainsi dans cet arrêt préciser la définition de la voie de fait pour lutter contre son utilisation abusive par les juges judiciaires. Cette position a été reprise par le Conseil d’Etat131.

130

CC, 9 juin 1986, EUCAT rec. p.301

131

88

Dans son arrêt « BOUSSADAR » (précité) rendu le 13 octobre 2000, le Tribunal des Conflits à nouveau revient à sa définition ancienne du degré de l’irrégularité mais en même temps distingue lorsque cette dernière résulte d’une opération matérielle ou d’un acte administratif, en affirmant qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration que « dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière soit a pris une décision … manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité

administrative ».

Cette même définition du degré de l’irrégularité a été reprise par l’arrêt déjà précité du

Tribunal des Conflits du 17 juin 2013, M.B. qui a réduit le champ d’application de la voie

de fait et on voit clairement que le Tribunal des Conflits dans l’arrêt « BOUSSADAR » et

les arrêts postérieurs n’emploie plus l’expression « dans l’exercice de fonctions

données » adoptée par l’arrêt EUCAT, et se borne à définir le degré de l’irrégularité de l’acte comme « … manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir

appartenant à l’autorité administrative », expression semblable à celle employée à

l’origine par l’arrêt « CARLIER » précité. Le Conseil d’Etat libanais à son tour, définit l’irrégularité comme étant celle qui affecte « l’acte qu’on ne peut lier d’une façon claire à l’application d’un texte législatif ou règlementaire132 ».

Le Conseil d’Etat libanais exige en outre que le degré de gravité de l’irrégularité soit permanent, et qu’il n’y a aucun fait ôtant à cette irrégularité son caractère grave. Il juge ainsi que la jurisprudence est stable en ce qui concerne les litiges relatifs à la voie de fait

et qui relèvent de la compétence judiciaire … et … que la disparition du caractère grave

de l’irrégularité de l’acte administratif entraine la disparition de la qualification de la voie

de fait de l’acte (en cours)133 ».

132

CEL, 29 novembre 2007, Commune ASSIA, rec. ADEL, 2009, p.575

133

89

En deuxième lieu, il faut souligner que l’irrégularité grave peut résulter de la décision elle

-même, alors qualifiée d’acte inexistant. En pareil cas, c’est la décision administrative elle -même qui est considérée constitutive de voie de fait. Ainsi, l’irrégularité peut prendre

plusieurs formes134 soit lorsque l’administration exécute une décision qui n’a pas été

encore élaborée135, soit lorsqu’elle exécute une décision déjà annulée par le juge

administratif136, soit que l’exécution se base sur une décision inexistante, ou bien lorsque l’administration emploie une procédure d’exécution qui lui était interdite, et l’exemple classique sera celui où l’administration emploie l’exécution d’office dans les hypothèses où elle ne dispose pas de ce droit pour exécuter ses décisions. D’ailleurs, l’exécution

d’office n’est permise à l’administration que moyennant l’accomplissement d’un certain

nombre de conditions qui ont été dégagées par la jurisprudence « Société immobilière de SAINT-JUST137 ». Hors ces conditions, l’exécution d’office de l’administration peut être constitutive de voie de fait138.

Le Conseil d’Etat libanais confirme que « hormis le cas d’urgence et des circonstances exceptionnelles ou un texte spécial, l’administration ne peut employer l’exécution d’office sans se référer au juge sauf en cas d’inexistence d’une sanction envers le particulier en cause. Dans ce cas l’exécution forcée serait l’unique moyen d’application de la loi139.

134

TCF, 23 mars 1950, Consorts MARTIN-ROUILHE, précité, rec. p.656

135

Pour une jurisprudence abondante, française et libanaise, cf. infra sur l’exécution matérielle sans titre juridique

136

Cass.civ, 22 décembre 1953, ville d’AVRANCHES et Etat français, JCP 1954- IV-17 et TC 21 juillet 1949, TRANCHANT et DOYER, rec. p.609 a contrario ; TCF, 24 janvier 1952, syndicat CGT des mineurs de MOLIÈRES

rec. p.615 (le Tribunal des Conflits refuse, dans cet arrêt, de déclarer l’existence de la voie de fait pour des réquisitions

d’objets mobiliers annulées par le CE)

137

TCF, 2 décembre 1902, rec. p.713

138

CEF, 10 octobre 1969, AJDA, 1969 n699

139

90

Ø Troisième condition : Atteinte à la propriété privée ou à une liberté individuelle

L’acte juridique ou l’opération matérielle de l’administration comportant une irrégularité

grave ne constitue pas ipso facto une voie de fait. La jurisprudence n’applique la théorie de la voie de fait qu’à propos des atteintes par l’administration au droit de propriété et aux

libertés publiques.

Pour les atteintes à la propriété privée, elle concerne à la fois la propriété mobilière et immobilière140. D’autre part, il y a voie de fait lorsqu’on est en présence d’une atteinte à

« une liberté fondamentale141 ou une liberté essentielle142 ».

Pour M. Jean-Marie AUBY et M. Roland DRAGO, on doit entendre par liberté publique les libertés « privées et spécialement organisées par la loi ». Mais la lecture jurisprudentielle montre qu’il n’existe pas une définition mais une simple énumération des libertés auxquelles le Conseil d’Etat a reconnu le statut de « liberté fondamentale et celle

qu’il a écarté de cette catégorie143 ».

Au nombre de ces différentes libertés avec leur application jurisprudentielle, on relève :

ü L’atteinte à la liberté individuelle144, la liberté d’aller et de venir145, la liberté de la presse146, la liberté du culte147

140

TCF, 1 décembre 1950, BAILLY, rec. p.672, pour une jurisprudence abondante en la matière française et libanaise, cf. la jurisprudence citée concernant l’atteinte sans titre à la propriété privée. On peut ajouter un arrêt récent du Conseil

d’Etat libanais le 11 janvier 2007, revue ADEL, 2008 p.1093, où il a décidé que « les lois et les règlements relatifs au

ministère de travaux publics et du transport ne contiennent pas ce qui permet à l’administration de décider la

réquisition d’un bateau ou l’interdiction de voyager et qu’ en le faisant ainsi, son comportement ne peut être accompli

conformément à la loi sauf si elle dispose d’une décision judiciaire ; les décisions en cause affectent lapropriété privée

du requérant en lui interdisant d’utiliser le bateau qu’ilpossède depuis l’an 2004 ce qui constitue une atteinte au droit