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L’organisation actuelle du Tribunal des Conflits figure dans la loi 10434 du 14 juin 1975

qui constitue aujourd’hui la loi d’organisation du Conseil d’Etat libanais. Le Tribunal des Conflits est constitué comme tel (articles 134 et 135) :

· Le président : la présidence est partagée entre le président du Conseil d’Etat et le président de la Cour de Cassation chaque année et à tour de rôle.

· Les membres : le vice-président du Conseil d’état, un conseiller au conseil que le président du conseil nomme chaque année et un président de chambre à la Cour de Cassation ou le président de la cour d’appel. Ces deux derniers sont nommés

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par le président du conseil supérieur de la magistrature comme membres du Tribunal des Conflits.

· Deux membres suppléments : un conseiller au Conseil d’Etat nommé par le président du Conseil d’Etat, et un conseiller à la Cour de Cassation nommé par le président du conseil supérieur de la magistrature; ces deux membres seront

nommés pour compléter le quorum en cas d’absence des autres membres originaires.

· Commissaire du gouvernement : cette fonction est occupée soit par un commissaire du gouvernement au Conseil d’Etat lorsque la présidence est confiée au premier président de la Cour de Cassation, soit au procureur général à la Cour de Cassation lorsque la présidence appartient au président du Conseil

d’Etat.

Le Tribunal des Conflits se réunit par invitation de son président et il est toujours constitué d’un président et de quatre membres, comme c’est le cas en France. Il applique

la procédure contentieuse du Conseil d’Etat libanais (article 136), et ses décisions sont définitives et les requérants ne disposent d’aucun recours contre lesdites décisions. Et comme son homologue français, le Tribunal des Conflits libanais statue sur les conflits négatifs ainsi que la contradiction entre deux jugements. Le Tribunal des Conflits libanais est compétent pour trancher la contradiction entre la jurisprudence judiciaire et la jurisprudence administrative. Il statue ici « en faveur de la loi », ce qui veut dire que les parties au litige ne peuvent être bénéficiaires de la décision rendue mais celle-ci a force de jurisprudence obligatoire pour les litiges qui sont encore présents devant les

juridictions et qui n’ont pas été encore tranchés. La partie qui a droit à intenter cette

action devant le Tribunal des Conflits c’est le « service du contentieux » qui existe au ministère de justice (article 122) et qui représente l’Etat devant les juridictions judiciaires et administratives.

Après avoir déterminé l’évolution du critère de compétence entre la juridiction

administrative et judiciaire et la composition ainsi que le fonctionnement du Tribunal des Conflits, on se trouve aujourd’hui dans une « summa divisio » d’attribution de

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« nature » sont reliées à la compétence judiciaire et qui sont en principe relatives aux droits individuels, et en contre partie il existe des matières qui par accessoire relèvent de la compétence administrative et qui ont été attribuées soit exceptionnellement soit par ricochet au juge judiciaire.

Ainsi pour des considérations historiques moins que logiques, le juge judiciaire français est compétent pour connaître des matières qui semblent être liées naturellement à la fonction des juridictions judiciaires.

Accusé d’être trop lié à l’administration, le Conseil d’Etat français n’a pas eu le prestige d’être l’équivalent du juge judiciaire dans la protection des individus contre l’arbitraire de

l’administration. D’ailleurs, le juge judiciaire serait naturellement compétent dans les

litiges liés aux atteintes aux libertés individuelles et à la propriété privée, que ces atteintes

constituent une voie de fait ou une emprise irrégulière. C’est le juge judiciaire gardien naturel des droits et libertés des individus qui est compétent pour connaître les litiges qui en naissent. En outre la nature des litiges relatifs à l’état des personnes, comme par

exemple ceux relatifs aux incapacités des personnes, au nom et domicile, fait de la compétence du juge judiciaire en la matière, une nécessité absolue étant donné que ce type de litige lié à la personne doit appartenir vu sa relation directe avec la vie privée des individus à la fonction judiciaire.

Mais cette réserve naturelle de compétence judiciaire de matière administrative n’exclue pas entièrement la présence du juge administratif. Même en cas d’atteinte grave à la liberté individuelle ou à la propriété privée, le Conseil d’Etat garde une certaine marge de

compétence qui ne cesse de s’accroître surtout avec la création de nouvelles institutions comme par exemple le référé-liberté en France.

Parallèlement, il existe des cas et pour des raisons de bonne administration de la justice, où le juge judiciaire est compétent dans des matières où le juge administratif est

principalement compétent. En d’autres termes, dans les matières administratives outre

que celles réservées par nature au judiciaire, la compétence normale revient au juge administratif. Mais même dans ces matières, le juge judiciaire a une compétence non négligeable. La compétence en la matière serait accessoire par rapport au principal qui

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rentre exclusivement dans la compétence des juridictions administratives. C’est le cas par

excellence des services publics industriels et commerciaux où le mode de gestion et

d’aménagement qui est semblable aux entreprises privées exige l’interférence du juge judiciaire et encore la gestion du domaine privé de l’administration, où cette dernière

exerce presque les mêmes activités que les individus utilisent dans la gestion de leurs

biens au domaine. En outre, le judiciaire a parfois l’autorité d’interpréter les actes

administratifs voire même apprécier leur légalité. Ainsi et en l’occurrence et pour

reprendre une formule de l’illustre Edouard LAFERRIÈRE, l’idée selon laquelle le juge de l’action est le juge de l’exception «s’efface en principe, devant la règle constitutionnelle

de la séparation des pouvoirs 57», et le juge judiciaire interprète et apprécie la légalité des actes administratifs sans avoir à surseoir à statuer et recourir par conséquent à la procédure dite la question préjudicielle.

A côté de la compétence par nature et par exception du juge judiciaire en matière administrative, le législateur attribue souvent expressément une compétence au juge judiciaire dans des matières qui doivent normalement rentrer dans la compétence du juge administratif. De même les sources constitutionnelles jouent un rôle en permettant expressément des dérogations législatives au principe de séparation des pouvoirs dans le but souvent de créer des blocs de compétence. Cette summa divisio : compétence par nature et compétence par accessoire figure dans le système juridique libanais. Sa

justification n’est pas toujours cohérente particulièrement dans le cas de la compétence du juge judiciaire.

Cette summa divisio, compétence par nature et compétence par accessoire, pose en

elle-même la problématique globale du présent sujet. Certes, d’après le titre de la thèse « la compétence judiciaire en matière administrative », le sujet à étudier touche en principe la quasi totalité des notions du droit administratif (voie de fait, emprise irrégulière, état des

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LAFERRIÈRE E, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris, BERGER-LEVRAULT, 1887, Tome I, Préface p. XIII

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personnes, service public, domaine privé de l’Etat, acte administratif, responsabilité…).

Mais chacune de ces notions comporte une problématique particulière qui sera explicitée dans chacune des parties.

Mais la problématique essentielle, voire primordiale existe sans aucun doute dans la dite « summa divisio ».

D’ailleurs avec la création de l’institution du référé-liberté et à la lumière de la

jurisprudence récente en la matière, peut on toujours parler d’une compétence par nature

du juge judiciaire en matière administrative ? Le rôle protecteur du juge administratif français dans la protection des libertés fondamentales ne fait-il de lui un co-gardien desdites libertés équivalent au juge judiciaire, surtout qu’il a prouvé une efficacité

considérable en la matière ?

Concernant le droit libanais où aucune obligation légale et jurisprudentielle empêche le

juge administratif libanais de déclarer sa compétence en cas d’une atteinte grave à une liberté publique ou à un droit de propriété, la compétence par nature du juge judiciaire en matière administrative semble être faiblement argumentée au point de déduire

l’inexistence d’une telle compétence par nature. Pourquoi alors le Conseil d’Etat libanais

persiste à octroyer le privilège de la protection de ces droits au juge judiciaire ?

Au niveau de la compétence du juge judiciaire par accessoire en matière administrative

regroupant des matières qui n’ont rien de commun, et qui n’ont aucun lien cohérent, la compétence judiciaire en la matière semble s’agrandir avec l’aide permanente du législateur sous prétexte d’une bonne administration de la justice. Cet élargissement

considérable du rôle du juge judiciaire, ne va-t-il pas transformer l’accessoire en

principal ? Le principe du « bloc de compétence » que la jurisprudence française a construit à travers presque deux siècles ne saurait-il pas être altéré par l’élargissement

souvent non justifié de la compétence du juge judiciaire dans des matières qui relèvent naturellement et normalement de la compétence du juge administratif ?

En outre, quel serait l’avantage voire l’intérêt d’une jurisprudence libanaise qui applique

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En d’autres termes, le service à domicile qu’adopte le juge administratif libanais ne réduit -t-il pas à néant l’apport et la créativité de la jurisprudence libanaise ?

Ainsi le plan de la thèse est le suivant :

· Première partie: l’attribution par nature de la compétence du juge judiciaire en

matière administrative

· Deuxième partie: l’attribution par accessoire de la compétence du juge judiciaire

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PREMIERE PARTIE : L’ATTRIBUTION PAR NATURE

DE LA COMPETENCE JUDICIAIRE EN MATIERE