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Niveau herméneutique

57 SOBRINO, Jesucristo liberador, p 342-343.

4.2.6 Conséquences de l’idolâtrie

Sur le plan social, Romero démontre que le fait de vouloir substituer l’amour étemel du Christ par les biens transitoires que représentent les idoles, a des conséquences bien concrètes dans la vie quotidienne de tous les citoyens. Il reconnaît en cela le lien intime qui unit la foi et le développement social, de même que l’importance des valeurs morales solides sur lesquelles puissent s’édifier une société saine, des racines jusqu’aux branches afin de porter des fruits de vertu et de justice.

Une des premières conséquences de cette rupture avec Dieu que constitue l’idolâtrie, c'est l’érosion du lien social entre les hommes et les femmes. Ceux-ci ne forment plus alors une communauté de frères et de sœurs réunis autour d’un même Dieu et donc d’un même projet, mais ils sont, au contraire, divisés par l’attraction de leurs intérêts idolâtriques. C’est pourquoi, la foi en Dieu, selon Romero, représente bien davantage que la foi en Jésus-Christ Seigneur et Sauveur. C’est également la connaissance et la poursuite du projet de Dieu qui nous propose une hiérarchie de valeurs correspondantes à la fin poursuivie. D’après lui, les idoles mettent en péril notre Salut personnel et collectif, transcendant et historique.

À cause de toutes ces idolâtries du pouvoir et de l'argent, plusieurs n'entreront pas au Royaume des deux, parce qu'ils ne tenteront pas de s'identifier au plan de Dieu qui consiste en cela : Il m'a prédestiné pour me rendre semblable au Christ et par Lui être justifié et être glorifié pour former une communauté de frères et de

84 sœurs .

L’idole de la richesse est sans aucun doute celle qui pose actuellement le plus grand préjudice à Γhumanité puisqu’elle provoque l’avarice des uns, le gaspillage ostentatoire de plusieurs et la misère croissante chez l’immense majorité qui, dans de nombreux cas, se voit contrainte d’exercer des métiers illicites afin d’élever leur famille. Le veau d’or symbolise le refus de Dieu, il est en fait, l’option pour l’exclusion et la mort puisque l’accaparement ne laisse aucune place au partage nécessaire à cette vie. Il stérilise nos rapports humains en abolissant

30/07/78, p.99-101, V.

toute forme de gratuité, il abolit les rapports de réciprocité. Cette privatisation de l’avoir et de l’être, ce rétrécissement de notre conscience sociale, finit par nous isoler progressivement des autres.

L’idolâtrie a comme autre conséquence : la dislocation et la destruction de la patrie. Puisqu’en elle chacun recherche son intérêt personnel, la contrainte ou l’hédonisme ne peuvent en aucun cas devenir le ciment qui unit toutes les parties dans un effort commun et transcendant pour l’avancement de la nation. Aucun d’eux ne possède la transcendance susceptible de permettre l’union des cœurs et des âmes. L’individualisme prôné par la société de consommation s’oppose à tout projet de société viable. La somme des intérêts particuliers ou corporatifs ne saurait correspondre en aucune manière au bien commun. « Nos idolâtries sont aussi la destruction de notre patrie. Et c’est au ministère des prêtres qu’il appartient de dire aux hommes et aux femmes qu’ils adorent de fausses idoles, de prendre garde parce qu’ils détruisent la patrie et qu’ils offensent Dieu85 ». Ignacio Ellacuria apporte ces précisions au sujet des idolâtries dénoncées par Oscar Romero dans sa lettre pastorale : « Mission de l’Église au milieu de la crise du pays ».

Il est facile de voir comment dans la richesse et dans le pouvoir, se retrouvent des aspects qui ont à voir avec la présence de Dieu, mais il est clair que leur « absolutisation » historique les convertis en idoles auxquelles on sacrifie toutes les autres possibilités humaines. Dans le «je» individuel et dans sa liberté, se retrouve également une présence de quelque chose qui a à voir très directement avec le Dieu qui se fait présent, qui agit dans l’histoire, mais « l’absolutisation » du «je » et de sa liberté jusqu’à les convertir en idoles, est ce qui fait que la grâce se présente comme péché. Au sein des appareils institutionnels et dans les réalisations objectives, est également présente la puissance de Dieu qui recherche une histoire plus humaine et ouverte au moyen des structures, des institutions et des corps sociaux qui s’ouvrent toujours davantage à l’être humain 86.

L’idolâtrie est intrinsèquement pernicieuse puisqu’elle cache sous des apparences trompeuses !’asservissement au péché, l’aliénation des cœurs et la domination des âmes. La conquête des hommes est bien plus subtile qu’on ose souvent l’imaginer. Une autre conséquence manifeste de l’idolâtrie, c’est la négation de Dieu lui-même puisqu’autre chose s’intronise alors dans le

04/11/79, p. 402-404, VU.

cœur des hommes. Que ce soit pour satisfaire l’égoïsme ou l’ambition, le résultat est le même, l’idolâtrie divise les cœurs et la société, elle rend infidèle et détrône jusqu’aux valeurs les plus inaliénables qui constituent notre option fondamentale pour ou contre la vie. Toutes ces conséquences de l’esprit idolâtre finissent par corrompre et tuer en quelque sorte, l’esprit noble qui est en nous. C’est pourquoi le Christ et Romero nous mettent en garde sur ce qui

gouverne véritablement notre cœur.