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INFRASTRUCTURES DE RÉSEAUX À HAUT DÉBIT La diversité technologique favorise-t-elle ou non un maillage efficace des territoires par les

1.3 CONCEPTION DES RÉSEAUX ET AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES

1.3.1 Les collectivités territoriales, opérateurs de réseaux à haut débit

Les comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) affichent depuis 2001 le « haut débit pour tous » comme une priorité. Lors du CIADT de décembre 2003, un fonds de soutien de 100 millions d'euros a été créé afin notamment d'accélérer le déploiement du haut débit dans les zones rurales et de soutenir, à cet effet, les technologies alternatives. Le fonds vise également le financement du plan de couverture en téléphonie mobile, l'accélération du financement des projets haut débit par la Caisse des dépôts et consignations et l'assouplissement de la législation afin d'autoriser les collectivités locales à exercer une activité d'opérateurs de réseaux.

La position des collectivités territoriales a été renforcée en France lors de la relance de la politique de décentralisation des années 1990. Cette période voit la prise en compte des usages, des acteurs et de leurs besoins, s'ajouter aux simples préoccupations liées à la couverture des territoires. Les collectivités territoriales - communes, groupement de communes, départements ou régions - sont progressivement reconnues comme des acteurs majeurs du processus de réduction de la fracture numérique et sont appelées notamment à stimuler la concurrence sur le segment de la boucle locale. Des moyens spécifiques leur sont attribués à ces fins. La loi d'aménagement du territoire du 25 juin 1999 les autorise à installer des infrastructures passives de télécommunications dont l'exploitation est prévue pour être confiée à des opérateurs (amendement « fibre noire »). Dans le cadre du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, l'article 1425-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) de juin 2003 vise à accélérer le déploiement du haut débit partout en France et autorise les collectivités locales, après avoir établi un constat de carence d'initiatives privées, à devenir opérateurs de réseaux et/ou de services de télécommunications. Ce texte prévoit aussi la possibilité, pour les collectivités, de subventionner des opérateurs, « quand les conditions économiques ne

permettent pas la rentabilité de l'établissement de réseaux (...) »57. Ainsi les collectivités

opératrices sont-elles soumises dans ce cas au droit de la concurrence au même titre que les entreprises privées. Les quatre points clés examinés lors des débats sur ce projet de loi sont : le retour de propriété à la fin d'une concession, les différentes formes d'organisation de l'action publique locale, les risques de distorsion de la concurrence, l'identification des responsabilités et libertés de la collectivité en matière de fixation et de contrôle des tarifs et des prestations.

Dans un texte de 2000 intitulé Pour une géographie des interdépendances58, Jean-Marc Offner

insistait sur la puissance encore intacte des pouvoirs publics, en particulier locaux, pour intervenir et rester les « maîtres des métriques ». Cette action passe notamment par le contrôle de l'espace public, la localisation et la conception des nœuds de réseau et par l'encouragement à la montée en puissance de débats qui associent les usagers. Ces derniers seraient considérés comme propriétaires de l'espace public et comme des acteurs à part entière de la régulation des services. Une condition de cette évolution tient dans la modification de la conception des 57 Trois types de montage juridique sont possibles : la régie municipale (Nancy), la délégation de service public en

concession ou affermage (Toulouse), la société d'économie mixte (SEM) (Castres).

58 Lévy J., Lussault M., (dir.) 2000. Logiques de l'espace, esprit des lieux. Géographies à Cerisy, Belin, pp. 217- 239.

fonctions régulatrices des institutions politiques. Créés par ordonnance dans le cadre de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, les partenariats public-privé (ou PPP) sont de nouveaux contrats permettant de confier à des entreprises privées la conception, la gestion, l'exploitation et le financement d'équipements publics. Inspirés des pratiques de gestion publique mises en œuvre notamment en Grande-Bretagne depuis 1992, les PPP sont destinés à optimiser les performances respectives des secteurs public et privé afin d'accélérer la réalisation d'ouvrages dont la collectivité a un besoin urgent. S'il est encore trop tôt pour interpréter les conséquences de cette évolution du rôle et des compétences des collectivités territoriales en matière de réseaux et de services de télécommunications, nous pouvons rappeler toutefois la particularité du contexte dans lequel le changement intervient. Ce contexte est à la fois celui de la révolution technologique et informationnelle en cours et celui de la mondialisation, concept que Pierre Veltz (2004) définit comme « l'interdépendance croissante, à petite et à grande échelle entre les

acteurs économiques, les États, les territoires ».

Dans ce nouveau contexte de diffusion des services de télécommunications, tous les types d'acteurs - opérateurs de réseaux, collectivités locales, entreprises et ménages - quelle que soit leur échelle et leur mode d'intervention sur l'espace, ont tous à affronter la maîtrise d'un savoir- faire nouveau, technique, mais aussi organisationnel. Cette situation se traduit, paradoxalement dans un contexte de compétition, par de nouvelles formes de contractualisation, de partenariats et de coopération sur les territoires. Le terme de « coopétition » exprime la nécessité renforcée pour les entreprises de se concurrencer et en même temps de collaborer entre elles. Coopetition est le titre de l'ouvrage d'Adam M. Brandenburger et de Barry J. Nalebuff (1996) qui s'appuie sur la théorie des jeux appliquée à la stratégie d'entreprise et qui décrit en particulier quatre leviers pour faire évoluer la situation à son avantage : faire entrer de nouveaux acteurs, changer les règles du jeu, jouer avec les perceptions, tirer parti des liens entre marchés différents. Ce phénomène concerne autant les entreprises que les territoires cherchant à croître et à innover. Dans les années 1980, les technopoles avaient été lancées dans un contexte de concurrence territoriale. Des phénomènes de collaboration apparaissent depuis la fin des années 1990 entre sites technopolitains, agences de développement et collectivités locales dans les agglomérations de taille moyenne, mais aussi parfois à l'échelle régionale, voire interrégionale (Demazière, 2002).

Pour Henri Bakis (1994), il ne s'agit plus de démontrer des effets structurants exclusifs des télécommunications sur l'aménagement du territoire, mais de « s'acheminer vers une

démonstration - plus délicate - des interactions nouvelles permises par l'insertion des télécommunications à tous les niveaux dans le monde actuel ». Sans nier les effets structurants

ou déstructurants des réseaux, nous privilégierons l'approche des réseaux par lesquels les territoires font systèmes (Offner), l'interconnexion entre lieux créant de nouveaux espaces - ou aires de marché - qui se superposent (territoire mille-feuilles), plutôt qu'ils ne se substituent, aux territoires institutionnels. « (...) la nouvelle ambition de l'aménagement du territoire implique

l'invention de connivences originales entre le nomade et le sédentaire, entre les espaces transactionnels et patrimoniaux »59.

1.3.2 Le réseau vecteur d'interdépendances et facteur d'intégration territoriale

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