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Animation culturelle et information des citoyens : priorité à l'identité communale ou intercommunale ?

DE LA COMMUNICATION À L'INFORMATION : LES VOIES DE LA GOUVERNANCE LOCALE

4.3 ANNÉES 1980 : UN TOURNANT POLITIQUE, GÉNÉRATIONNEL ET MÉDIATIQUE

4.3.3 Animation culturelle et information des citoyens : priorité à l'identité communale ou intercommunale ?

Comme le souligne Christian Le Bart22, l'idéal de démocratie urbaine ou locale qui s'exprime

d'abord à gauche puis progressivement dans l'ensemble des familles politiques, va de pair avec celui de la professionnalisation de la communication moderne. Dans le cas de Saint-Quentin-en- Yvelines, il est intéressant de voir comment s'articulent les stratégies de communication naissantes du SAN et celles des communes. Quels sont les thèmes fédérateurs permettant de forger une identité non exclusive, pour toute la Ville Nouvelle ?

De 1977 à 1986, la compagnie du Théâtre de l'Unité, en résidence à la « Maison pour tous » organise plusieurs évènements qui marquent fortement le territoire, comme les animations de rue, la création de spectacles et le Carnaval des Ténèbres (1983, 1984, 1985) qui ne survit pas au départ de la troupe en 1986. Comme le note l'Écomusée dans son étude sur les pionniers, cette compagnie qui portait « haut et fort, de façon insolente et provoquante l'esprit de mai 68 », avait visiblement su répondre à une double demande : diffusion artistique et action socio-culturelle associant les habitants de la Ville Nouvelle. La politique définie à partir de 1981 par le Ministère de la Culture amorce cependant une redistribution des rôles avec la transformation des établissements socio-culturels en établissements à vocation purement artistique, le volet social étant géré de façon distincte. Les compétences des municipalités sont élargies dans ces deux domaines. Des politiques culturelles municipales sont mises en place par la nouvelle génération d'élus23 pour la plupart issus du milieu associatif, se voulant proches des habitants et plus

offensifs sur le terrain de la communication.

« La structure associative est jugée dépassée en matière culturelle ». « Le social et le culturel ont été effectivement dissociés. (...) la politique culturelle va désormais être menée au sein d'équipements créés progressivement sur chacune des communes de la Ville Nouvelle »24.

L'APASC, qui s'inquiète du désengagement financier de l'État et des difficultés des associations, envisage dès 1981 de redéployer ses activités vers l'est de la Ville Nouvelle. En 1985, l'association, qui organise le premier festival multimédia puis les rencontres « Créatique » à partir de 198625, devient un Centre d'action culturelle (CAC) ; le directeur de la « Maison pour

tous » (qui prend le nom de Pollen en 1987) est désigné sur la base d'un projet culturel et artistique déterminé par un conseil d'administration composé de représentants de la collectivité locale et du Ministère de la Culture. Au début des années 1990, le Pollen passe du statut de CAC à celui de Scène nationale, quittant Élancourt pour s'installer au Théâtre de Saint-Quentin-en- Yvelines sur la commune de Montigny-le-Bretonneux. Le Prisme, théâtre et centre de

22 Christian Le Bart, Université Rennes 2, CRAPE-CNRS.

23 Aux élections municipales de 1977, où le Parti socialiste remporte une large victoire.

24 Musée de la ville de Saint-Quentin-en-Yvelines, 1998-1999. « L'esprit pionnier » ou l'aventure des premiers habitants de la Ville Nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, Catalogue de l'exposition « L'esprit pionnier », 64 p. 25 La même année, une classe d'un collège des Sept Mares remporte le premier prix de la troisième édition des

développement artistique de Saint-Quentin-en-Yvelines, prend place en 1993, dans les locaux du Pollen aux Sept Mares. L'évènement phare organisé annuellement est le festival du Polar, qui donne lieu à des animations dans chaque commune et tente ainsi aujourd'hui de participer à la fabrication d'une identité saint-quentinoise. L'animation, liée à la fabrication d'une image pour le territoire, nécessite la coopération de plusieurs institutions et leur volonté réelle de faire exister une entité supra-communale. Or « les élus saint-quentinois ont préféré valoriser des politiques culturelles municipales et laissent peu de place aux projets permettant de fédérer quelque peu les différents "morceaux de territoire" », comme le soulignent les auteurs du rapport sur les identités et la gouvernance dans les Villes Nouvelles26. Ce constat est corroboré par le Musée de

la ville qui rencontre des problèmes avec des communes souhaitant gérer leur fonds en dehors de la Ville Nouvelle.

Le SAN se dote d'un nouveau mensuel baptisé Le Petit Quentin à partir de 1986. On y parle de « Saint-quentinois ». « Les différences communales s'aplanissent au profit d'une norme intercommunale, laquelle avive bientôt les oppositions institutionnelles entre le syndicat et les communes » (Theulé, 2004). Les critiques adressées par les élus minoritaires au premier mensuel du SCAAN Saint-Quentin 78 à la fin des années 1970 n'ont guère trouvé à s'apaiser jusqu'à présent, le manque d'objectivité étant le principal reproche adressé à la Rédaction. On observe donc un déplacement des conflits au sein des institutions légitimes de la Ville Nouvelle.

Principal outil d'information et de communication d'une collectivité territoriale, le bulletin municipal ou intercommunal a pour objet de rendre visibles les actions, de faire partager un projet urbain, donner à voir une équipe attentive aux demandes sociales, présente sur le terrain et armée pour résoudre les problèmes. « À la période des années 1960 marquée par l'éclatement d'expérimentations et d'innovations distinctives, succède une période de normalisation et d'uniformisation », souligne Christian Le Bart, pour qui l'expression de « mairie-entreprise » témoigne d'une transformation significative de l'imaginaire municipal. « Culture entrepreneuriale et stratégie électorale convergent pour mettre en avant le territoire, un espace construit, pensé, délimité, approprié. Le rôle des maires est avant tout de faire exister territoire et population communale comme des réalités, des évidences » (Le Bart, 2000). Comment, dans ces conditions passer d'une intercommunalité de gestion ou de redistribution, à une intercommunalité de projet ?

La comparaison des agglomérations de Cergy-Pontoise et de Saint-Quentin-en-Yvelines (Sauvayre, Vanoni, 2004) montre que les communes, lorsqu'elles s'adressent à leurs habitants, « sont rarement dans une démarche de valorisation ou même de pédagogie de l'intercommunalité ». Les maires des petites communes semblent cependant plus enclins que leurs homologues des grandes communes à rappeler régulièrement les acquis et les avantages de l'intercommunalité, en matière de qualité de vie, de niveau de services et d'équipements. Pris en main par le SAN en 1985, le système des transports, qui s'améliore nettement à partir de 198727, 26 Sauvayre, Vanoni, 2004, op. cit., p. 62.

27 Le réseau interne de transports en commun est actuellement composé de vingt lignes de bus desservant environ 500 arrêts et de 19 lignes assurant une liaison avec les communes proches et Paris (Porte d'Orléans).

constitue un « outil pour tisser du lien entre les différentes communes et pour faire vivre l'intercommunalité ». La mise en place, par les élus locaux et le SAN, d'un service de transport des personnes à mobilité réduite, qui perdure aujourd'hui avec le Groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques (GIHP), est un exemple concret de fédération des moyens et de solidarité à l'échelle intercommunale.

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