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Un paysage de banlieue industrielle : l'arrivée des grands ensembles à Trappes Les bombardements de mars et de juin 1944 détruisent entièrement les installations

PORTRAIT DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES : LE TERRITOIRE ENTRE RÉALITÉ ET IMAGE

DE LA VOIE FERRÉE À TRAPPES

3.2.1 Un paysage de banlieue industrielle : l'arrivée des grands ensembles à Trappes Les bombardements de mars et de juin 1944 détruisent entièrement les installations

ferroviaires et une partie du tissu urbain de Trappes. La période d'après guerre rompt avec le modèle précédent par l'intervention massive de l'État dans la politique du logement et par le rythme sans précédent de croissance démographique et économique (les Trente glorieuses). La priorité est donnée dès 1945 et pendant cinq ans à la remise sur pied des infratructures et de l'appareil de production du pays. L'état antérieur du parc de logements, les destructions dues au conflit, une reprise de la fécondité dès 1943 et un afflux de populations française ou étrangère vers la capitale entraînent une seconde grave crise du logement qui s'étend jusqu'à la fin des années 1960.

La production de grands ensembles d'habitat collectif, inspirée des principes de la Charte d'Athènes de Le Corbusier, contribue à la création d'une « troisième banlieue » occupant avec une densité élevée les espaces libres du tissu urbain de la banlieue industrielle et de la banlieue pavillonnaire. Le paysage de tours et de barres en béton érigées sur des terrains acquis par

dérogation9 témoigne des nouveaux moyens massifs d'un secteur de la construction qui

s'industrialise. Bien accueillies au départ pour leur confort moderne, ces habitations sont rapidement la source et la cible de différents maux comme l'isolement, la monotonie, le sous- emploi. En 1958, la création par décret des zones à urbaniser en priorité (ZUP) dote les grands ensembles d'un statut officiel. L'outil vise à limiter la dispersion des efforts d'équipements des constructeurs en concentrant l'urbanisation dans des secteurs d'une certaine densité (500 logements). Cet objectif s'est traduit par la création d'ensembles encore plus vastes, alors que le second objectif qui consistait à prévoir la création d'équipements et d'emplois en même temps que celle de logements, a été un échec. De 1950 à 1965 à Trappes, de nouvelles constructions (Cité nouvelle Barbusse, Gérard Philippe, Paul Langevin...) amorcent la liaison entre La Boissière et le village au sud de l'actuel secteur des Merisiers10. L'agriculture s'éteint à partir de

1953. La déviation de la RN10 (1952-1953) introduit une lourde séparation, porteuse de nuisances, entre le village et le quartier de la gare.

« Formes et fonctions rattachent les banlieues à la vie urbaine et surtout à la ville-centre, moteur de leur expansion »11. Différents aménagements de l'espace caractérisent la banlieue

d'une société à l'autre, laissant apparaître, selon les vagues d'occupation, une mosaïque de paysages d'industries, d'habitats diversifiés, de transports et d'espaces vides, intersticiels dans le tissu urbain. Espace de rejet pour le métabolisme urbain (champs d'épandage des eaux usées, décharges, cimetières, lieux d'assistance) ou ville-campagne aux résidences suburbaines, la banlieue rend des services à la ville-centre.

Si la population de la ville de Paris quintuple entre 1801 (547 000 habitants) et 1901 (2 714 000 habitants), pour se stabiliser et n'atteindre que 2 753 000 en 1962, on observe en revanche, pour l'ensemble de la région parisienne, une croissance démographique forte et continue pendant toute la même période, avec une population de 1 352 000 habitants en 1801, 4 736 000 en 1901 et 8 403 000 en 1962 (d'après le RGP de l'INSEE). Aucun plan d'ensemble n'avait accompagné l'extension de l'agglomération et la naissance de la banlieue industrielle jusqu'à la Première Guerre mondiale, avec comme conséquence une grave12 et longue crise du

logement. L'évolution de la croissance parisienne montre comment s'est façonnée une vision de la banlieue par les pouvoirs publics et la plus ou moins grande efficacité des outils mis en place pour organiser l'extension. L'ordre, la salubrité, la circulation, le logement et les espaces verts constituent des thèmes récurrents. De Georges Haussmann à Paul Delouvrier chaque période renvoie à des priorités selon les pouvoirs en place pour moderniser, embellir et renforcer l'image de la capitale de la France.

9 En attendant l'élaboration de la seconde génération de plans projetée par la loi de 1943, le PARP (projet d'aménagement de la région Parisienne), toujours en vigueur, constitue un obstacle pour lancer le programme de construction de logements neufs. L'État autorise donc de nombreuses dérogations et l'on parle d'un urbanisme de dérogation.

10 Sur une carte de la commune de Trappes datant de 1946 (Ministère de la reconstruction et de l'urbanisme), ce secteur correspond à un espace agricole dénommé « Le champ aux pauvres ».

11 Roncayolo M., Paquot T., (dir.), 1992. Villes et civilisation urbaine, XVIIIème - XXème siècle, Larousse, p. 437.

12 Dans le cas du logement, la gravité se traduit par l'insuffisance quantitative et souvent par des défauts lourds de conséquences sociales et médicales comme l'insalubrité, l'exiguïté, l'insécurité.

Dans son article sur la préhistoire des Villes Nouvelles, Ève Jouannais met en parallèle la décolonisation et la conquête du territoire à laquelle s'apparente la réorganisation de la région, confiée à de jeunes ingénieurs, tels Jean Millier ou Guy Lagneau, qui avaient eu l'occasion de participer à des plans d'urbanisation alors qu'ils étaient en poste dans les colonies en Afrique. Dans les années 1960 régnait chez les décideurs l'idée que Paris devait intégrer son siècle et que les urbanistes devaient intégrer dans leurs conceptions la communication, la consommation et les technologies les plus avancées, dont l'automobile constituait le symbole. Pour une synthèse de la mise en œuvre du schéma directeur de la région parisienne et sur le rôle de Paul Delouvrier, nous renvoyons aux annexes 3.2 [Le schéma directeur de la région parisienne : vision de l'État] et 3.3 [Paul Delouvrier : rompre avec les pratiques d'aménagement antérieures].

3.2.2 Du plan à l'action : prévisions, découpages et organisation des élus locaux

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