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Chapitre 3 : Résultats

3.4 Le rôle du TES en soutien à l’enseignante

3.4.2 Collaboration entre intervenantes scolaires: quatre conditions sous-jacentes

De manière générale, il semble que toutes les dyades d’intervenantes scolaires (TES et enseignante) ont exprimé une satisfaction au regard de leur collaboration professionnelle durant l’année scolaire. Rappelons toutefois que dans le cas de la dyade E, seule la perception de la TES a été recueillie; l’enseignante ayant souhaité se retirer du projet. Par exemple, la TES G a qualifié sa collaboration avec l’enseignante J de « Super! Ç’a été un beau travail d'équipe. On a formé une belle équipe ». Dans le même ordre d’idées, la TES F affirme : « Super bien comme l'année passée. Je n’ai rien à dire. Ça a super bien été, on travaillait en collaboration tout le temps. On se complète ». À cet effet, il importe de souligner qu’il s’agissait d’une deuxième année consécutive de collaboration pour les intervenantes associées à l’élève A.

Par ailleurs, l’analyse du discours des dyades d’intervenantes scolaires a permis de cibler quatre conditions susceptibles d’influencer la perception de leur collaboration (Friend et Cook, 2010): l’engagement des acteurs, la poursuite d’objectifs communs, le partage de ressources ainsi que la répartition des tâches. Bien que Friend et Cook (2010) aient initialement identifié six conditions susceptibles d’influer sur la collaboration entre les acteurs du milieu scolaire, seulement quatre d’entre elles sont ressorties des discours des intervenantes. Pour ce qui est de la parité entre les partenaires et le partage de l’imputabilité des résultats, elles n’ont pas été mises de l’avant dans les discours des intervenantes interrogées.

3.4.2.1 L’engagement des acteurs

Pour ce qui est de la première condition, elle se manifeste à l’intérieur des discours de trois dyades sur quatre, à l’exception des discours de l’enseignante J et de la TES G. Toutefois, il est pertinent de nuancer que l’absence de cette condition dans le discours de ces intervenantes ne permet pas de signifier qu’il ne s’agit pas d’une condition susceptible d’avoir influencé la perception de leur activité collaborative durant l’année scolaire. Cette nuance s’applique pour l’ensemble des conditions ici présentées. Par exemple, la TES H souligne « (…) quand on travaillait ensemble, c’était génial aussi. L’ouverture était là, écoute, j’ai rien à dire » en référence à la fois à sa collaboration avec les deux enseignantes

respectives. Il semble favorable à la collaboration que les deux intervenantes possèdent la capacité d’écouter et de tenir compte des perspectives de leur collègue, tel que le mentionne la TES F : « C'est le fun dans ce temps-là parce qu'on a une bonne collaboration. Elle partage ses idées, ses points de vue et je le prends bien parce que je suis ouverte à ça ». Tous ces discours apparaissent ainsi traduire que les divers professionnels se soient volontairement engagés dans leurs activités de collaboration respectives.

3.4.2.2 La poursuite d’objectifs communs

La deuxième condition étant ressortie dans les discours des intervenantes scolaires se rapporte à la poursuite d’objectifs professionnels communs. D’une part, elle réfère à la vision des problématiques rencontrées par l’élève manifestant un TSA, et d’autre part, à la perception du rôle de la TES lorsqu’elle apporte un soutien direct à l’élève en classe. Dans le premier cas, quatre dyades d’intervenantes (à l’exception de la dyade associée à l’élève E) ont exprimé que leur collaboration avait été facilitée par la poursuite d’objectifs professionnels communs, tel que l’exprime la TES H : « Sincèrement, je n'aurais pas pu demander mieux. C'est sûr que ce qui a été aidant, c'est qu'en tant qu'êtres humains, on avait quand même une vision semblable de ce qu'était la problématique. Tout ce qu'on voyait et qu'on amenait comme solutions, c'était toujours pas mal dans le même sens ». Ainsi, il apparaît que la perception de la collaboration entre les intervenantes scolaires ait été influencée positivement par le partage d’une vision commune à l’endroit des obstacles rencontrés par l’élève et des interventions conséquentes à mettre en place de sorte à les atténuer. Dans le deuxième cas, les dyades d’intervenantes associées aux élèves A et D ont également exprimé une perception positive de leur collaboration au regard de leur vision analogue du travail d’un TES : « Je l'aime beaucoup. C'est une éducatrice très stable dans ses interventions. C'est quelqu'un qui a compris son rôle de TES » (Enseignante I). À cet effet, l’enseignante précise I :

« C'est quelqu'un qui est capable de s'effacer et qui ne se questionne pas sur ‘je mérite-tu quand même ma paie’. C'est souvent ça qui arrive avec les TES. Quand elles se reculent, elles ont peur puis elles fatiguent puis elles font des interventions quand même, même si je leur ai dit en début d’année, parce que moi je mets toujours ça dans mes ententes ».

Il apparaît que pour les deux dyades, la perception commune du rôle de la TES implique la capacité de celle-ci à s’effacer graduellement pour habiliter l’élève à éventuellement réaliser l’ensemble des tâches scolaires sans soutien.

Dans un autre ordre d’idées, deux intervenantes scolaires ont exprimé une appréhension concernant la possibilité que les membres de la dyade poursuivent des enjeux professionnels différents, pouvant alors influencer la qualité de la collaboration : « (…) les TES qui travaillent en intégration dans des classes, par expérience et aussi pour en avoir parlé avec d'autres TES, des fois c'est notre petite peur. Comment on va être accueillies? Comment ça va se passer la collaboration avec l'enseignante? Et encore cette année, avant que l'école recommence, c'était ma petite peur » (TES G). Dans le même sens, l’enseignante K souligne « Est-ce que la TES qui va t'accompagner là-dedans va être quelqu'un avec qui tu t'entends? Parce que ça aussi ça arrive où tu ne t’entends vraiment pas ou que t'as des visions complètement contraires ». Cette réserve quant à l’éventuelle collaboration entre les intervenantes scolaires s’imbrique directement avec l’une des conditions identifiées par Friend et Cook (2010) susceptibles d’influer sur la perception de la collaboration professionnelle : le partage d’objectifs communs.

3.4.2.3 Le partage de ressources

En ce qui concerne la troisième condition influant sur la collaboration, elle repose sur le partage de ressources entre les professionnels, c’est-à-dire entre l’enseignante et la TES. Rappelons ici que la connaissance de techniques spécialisées s’inscrit comme étant une ressource précieuse pouvant être exploitée dans le cadre d’une activité collaborative. Dans la présente étude, les trois enseignantes interrogées ont exprimé une perception positive des compétences manifestées par les TES. Or, si chacune des enseignantes a été questionnée relativement à leur perception des compétences se profilant chez la TES intervenant dans leur classe, il importe de préciser qu’à l’inverse, les TES n’ont pas été questionnées sur leur perception des compétences des enseignantes en question. Considérant que cette recherche s’intéresse à l’intervention des TES et, par le fait même, aux compétences qu’elles manifestent dans le cadre de leur travail d’accompagnement auprès d’un élève manifestant un TSA, il n’apparaissait pas pertinent de demander aux TES d’émettre un jugement au regard du niveau de compétence des enseignantes.

Ainsi, si le discours de chacune des enseignantes traduit sans équivoque une perception positive des compétences déployées par la TES qui intervient auprès de l’élève de leur classe, l’enseignante J souligne spécifiquement : « Je l'ai trouvé vraiment bonne, vraiment talentueuse ». Dans le même ordre d’idées, l’enseignante K soulève la portée du niveau de compétence de la TES H en ce qui a trait à l’évolution de l’élève « (…) parce que moi j'étais rendu là et qu’elle était hyper compétente dans son domaine, bien on a avancé deux fois plus vite. Et D est rendu là à cause de ça, je pense (…) ». À cela, elle fait part de sa satisfaction à l’endroit de la proactivité manifestée par la TES à travers leur collaboration « (TES H) que tu as rencontrée, elle est merveilleuse. Elle est très, très, très proactive (…) » (Enseignante K). Ainsi, de manière générale, les compétences spécifiques des trois TES apparaissent avoir été considérées comme une ressource précieuse par les différentes enseignantes. Cette expertise se dégageant des propos de ces dernières est susceptible d’avoir contribué à influencer positivement l’activité de collaboration entre les professionnels.

S’il s’agit d’une condition influant sur la perception de la collaboration entre les intervenantes scolaires, deux enseignantes ont par ailleurs exprimé des appréhensions lorsqu’elles ces conditions ne sont pas satisfaites. Par exemple, l’enseignante I mentionne: « En fait, moi je suis très satisfaite parce que je suis tombée sur une TES qui a une formation de TES premièrement, mais que c'est une vraie TES qui a compris son rôle. Et moi, à chaque fois qu'on m'annonce qu'il va y avoir une TES dans ma classe je leur dis vous ne m'envoyez pas une 21e élève sinon vous venez la chercher ». Pour cette enseignante, le fait de ne pas pouvoir partager de ressources avec une TES telles que des compétences spécialisées spécifiques apparaît être un frein à l’émergence d’une collaborative fructueuse. Quant à elle, l’enseignante K souligne « Nous, notre anxiété d'enseignante quand on nous dit qu'on va avoir un enfant avec de grandes difficultés et un enfant avec un service, tout l'été on pense qui va arriver, quel service, qui va être la personne. Puis, ce n’est pas une critique des gens, c'est que leur champ de compétence... ils vont se prendre un champ d'expertise et ils vont le creuser (…) ». Il semble ainsi que les appréhensions entretenues par cette enseignante ne traduisent pas de facto le manque de formation des TES, mais font plutôt ressortir le caractère habituellement limité de leur

3.4.2.4 La répartition des tâches

Pour ce qui est de la dernière condition influant sur la collaboration, il s’agit, pour l’enseignante et la TES, d’une part d’effectuer une répartition des tâches à réaliser et d’autre part, d’être en mesure de respecter cette distribution. Cette condition est ressortie dans le discours des trois enseignantes. Par exemple, au sein de la dyade d’intervenantes de l’élève A, la perception de l’enseignante par rapport à sa collaboration avec la TES apparaît avoir été influencée positivement, car cette dernière respectait ses interventions éducatives « Ça prend une TES premièrement qui laisse faire le professeur (…) et (TES F), elle a toute compris ça très rapidement (…)» (Enseignante I). À l’inverse, une autre enseignante a, quant à elle, exprimé une réserve associée au fait que la TES présente dans sa classe puisse émettre des jugements à l’endroit des pratiques éducatives qui découlent de ses tâches : « Au début de l'année, j'avais l'impression qu'elle pouvait juger, qu'elle pouvait constater certaines choses. Moi je suis une fille, je me sens organisée, mais ça se peut qu'à un moment donné je fasse « ah non ça sera pas ça » et que je change tout de suite. Mais moi c'est ma manière d'enseigner, c'est ma manière d'être prof » (Enseignante J). Pour cette enseignante, il apparaît que la perception de sa collaboration avec la TES ait été susceptible d’être influencée négativement par l’impression que cette dernière puisse se prononcer sur certaines décisions éducatives qui relevaient exclusivement de ses tâches. Il apparaît pertinent de rappeler que les propos de cette enseignante renvoient uniquement à des appréhensions qui, toutefois, à la fin de l’année scolaire, n’apparaissent pas avoir été fondées.

Par ailleurs, dans le cas de la dyade d’intervenantes associée à l’élève D, l’enseignante K souligne « (…) ce n’est pas (TES H) le boss nécessairement, mais elle est une aide et elle a une certaine autorité, mais l'autorité, celle qui décide des couleurs dans la classe, c'est moi ». Cet extrait soulève à la fois une division des tâches, mais également une certaine hiérarchie qui apparaît caractériser la collaboration entre les TES et les enseignantes. En effet, il ressort dans les discours des trois dyades que l’enseignante représente la figure d’autorité au sein de la classe. Or, en considérant les trois dyades, cette hiérarchie apparente est mise en évidence, soit uniquement à travers le discours de l’enseignante (Enseignante I), soit uniquement à travers le discours de la TES (TES G), ou encore, à travers le discours des deux membres de la dyade (Enseignante K et TES H). Par exemple, alors que

l’enseignante J ne s’exprime pas au regard de son éventuelle position d’autorité au sein de la classe, la TES G énonce : « (…) même si je suis là, la titulaire, c'est (Enseignante J). Donc moi oui auprès des enfants, je veux qu'ils comprennent que c'est (Enseignante J) la prof, l'enseignante ». Dans le même sens, la TES H souligne « Moi, je suis une TES, j'ai des outils, j'ai des connaissances, tout ça, mais je ne peux pas aller contre la vision du prof. Moi ça reste le capitaine à bord ». Les propos de l’enseignante K dégagent effectivement une vision analogue de la hiérarchie exercée dans la classe.

Si la TES G considère l’enseignante comme étant la figure d’autorité à l’intérieur même de la classe, cette dernière apparaît néanmoins s’en remettre à sa collègue pour déterminer la direction que vont prendre la majorité des interventions réalisées dans le cadre du soutien individuel donné aux deux élèves. À cet effet, elle souligne « (…) souvent je vais la questionner parce qu’elle connaît ça plus que moi » (Enseignante J). Précisons d’ailleurs qu’il s’agissait de la première expérience d’intégration d’un élève manifestant un TSA pour cette enseignante de même que sa première expérience de collaboration avec une TES, tel que l’illustre cet extrait : « Parce que moi je l'ai dit au début, je n’en avais jamais eu. Je devais apprendre avec quelqu'un. Elle, elle avait déjà côtoyé ces enfants-là. Elle savait » (Enseignante J). Ainsi, le modèle de collaboration privilégié entre les intervenantes scolaires semble également considérer l’expérience professionnelle préalable des deux membres de la dyade au regard de leurs connaissances respectives des troubles du spectre autistique. Notons que ce modèle de collaboration basé sur l’expérience est moins apparent au sein des autres dyades de l’étude; les membres constituant ces dernières ayant antérieurement déjà fait l’expérience d’intégration d’élèves manifestant un TSA.