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Les architectes de la croissance

Le pouvoir et les architectes

II. Les architectes et la commande

II.3 De l’entre-deux-guerres aux Trente glorieuses

II.3.2 Les architectes de la croissance

II.3.2.1 La fin d’un monopole

On peut légitimement se poser la question, comme l’a fait François Loyer pour les architectes rennais du XIXe siècle318, de l’attitude des architectes bretons face à leur éviction d’un chantier dont les enjeux dépassent de loin leurs capacités techniques. Le 10 septembre 1957, six artistes-décorateurs déposent une pétition à la mairie de Lorient. Leurs griefs portent sur la décoration de l’hôtel de ville dont une délibération municipale du 7 septembre vient de confier le marché à des artistes parisiens319 : « […]

considérons que cette décision municipale semble nous tenir volontairement à l’écart et qu’ainsi elle met en doute notre compétence. Considérons en outre qu’en faisant appel à la main d’œuvre étrangère à la ville elle nuit considérablement aux intérêts locaux, et qu’il est inadmissible que les représentants de la ville donnent l’exemple à des particuliers qui n’ont que trop tendance déjà à faire appel à l’extérieur pour leurs besoins personnels320. » Les architectes locaux, dès août 1944, sont certes occupés à réparer en priorité les maisons partiellement sinistrées, réquisitionnées par les administrations ; s’ils participent toutefois aux chantiers de reconstruction proprement dit, c’est sous la direction éminente des architectes en chef de la Reconstruction, choisis par le M.R.U.

Cette logique n’implique pas une subordination totale des architectes bretons aux grands notables parisiens. Henry Auffret (1919-2007), qui succède à Yves Hémar en 1945, a ce mot : « […] grâce à l’esprit d’équipe, les architectes, chefs de groupe et

317 Le poste d’architecte de Saint-Malo sera supprimé par décision préfectorale, en 1945. H. Auffret, « La reconstruction de Saint-Malo », Annales de la Société d’histoire et d’archéologie de Saint-Malo, 1996, p. 160.

318 H. Guéné, F. Loyer, op. cit., p. 30-31.

319 En l’occurrence, il s’agit de Nicolas Untersteller (1900-1967) et de René Letourneur (1898-1990).

320 Arch. mun. de Lorient, 1/M/27, Lorient, reconstruction de l’hôtel de ville, ameublement et décoration, bibliothèque et musée. La pétition est signée, entre autres, par Polig Monjarret (1920-2003), musicien et fondateur de la Bodadeg ar Sonerion, la principale association de musique traditionnelle bretonne. D. Le Couédic, J.-Y. Veillard dir., Ar Seiz Breur, 1923-1947. La création bretonne entre tradition et modernité, Rennes, Terre de Brume / Musée de Bretagne, 2000, p. 170-172.

d’opération, nombreux à Saint-Malo, ont été à des titres divers dirigés et conseillés à compter de fin 1947 par un patron d’atelier de l’E.N.S.B.A., lequel sans vouloir s’imposer, a laissé et permis à chacun de s’exprimer, tout en respectant leur personnalité, dans le cadre général de cette reconstruction321. » Georges Tourry (1904-1994) à Lorient, fait de même : de formation polytechnicienne (1924), professeur d’architecture à l’École nationale des Ponts et Chaussées, il coordonne plutôt qu’il ne dirige l’action de la dizaine d’architectes qui composent l’équipe de reconstruction. Il faut d’ailleurs remarquer que, certes sur les conseils de l’architecte-urbaniste, c’est la municipalité qui choisit de confier la réalisation de l’hôtel de ville à un Prix de Rome, de même qu’à Brest. Le pouvoir de décision, c’est le maire qui le détient. A Saint-Malo, Henry Auffret rapporte ainsi son entrevue avec Alphonse Gasnier-Duparc (maire de 1912 à 1941, puis président de la délégation spéciale en 1944) : « Comme architecte de la ville […] lorsqu’une de vos œuvres sera considérée et appréciée par la population comme une réussite, vous devez accepter, comprenez-le bien, que cette réussite soit reconnue comme le fruit de mes actions et interventions en tant que maire de la ville. Dans le cas inverse, ce sera vous qui en assumerez la responsabilité et les critiques322. » Il dit encore, en parlant de Guy La Chambre : « Le vrai Pacha du Vaisseau Corsaire, c’était lui et lui seul. »

Un décret du 7 février 1949 rappelle en outre que les collectivités locales choisissent librement « les hommes de l’art susceptibles de dresser les projets, de surveiller l’exécution et de procéder à la réception des travaux de toute nature entrepris par eux ».

Celles ne disposant pas de service technique peuvent faire appel au concours, soit d’architectes libéraux, soit d’architectes fonctionnaires d’un corps technique de l’État323. Une telle disposition ranime le débat du fonctionnement des services départementaux et municipaux d’architecture. En effet, ces derniers n’ont de cesse d’être négociés depuis l’entre-deux-guerres. Dans les années vingt, le préfet d’Ille-et-Vilaine avait déjà réformé le service reconnu insuffisant : « Actuellement, des ouvriers sont payés 8 et 10 francs par jour et ne sont pas surveillés ; il en résulte donc que des sommes extrêmement importantes fondent sans qu’un résultat appréciable soit obtenu324. » Après la suppression des postes

321 H. Auffret, op. cit., p. 174.

322 H. Auffret, op. cit., p. 160.

323 V. Miguet dir., op. cit., p. 54.

324 M.-L. Blanchon, op. cit., t. 2, p. 16-17.

d’inspecteur-contrôleur et de surveillant-piqueur en 1911, l’architecte départemental s’est retrouvé seul chargé des travaux départementaux, secondé de son chef d’agence, Jean Gallacier. Le service avait alors été scindé en deux : celui du petit entretien et des travaux de grosses réparations, composé d’un inspecteur des bâtiments, d’un expéditionnaire, d’un employé comptable, d’un surveillant, et celui des travaux neufs, mis à la disposition de l’architecte pour ses services auquel était attaché un inspecteur spécial325. Ce système pouvait durer tant que le cabinet de Laloy était en mesure de répondre aux sollicitations de la préfecture ; les années de l’entre-deux-guerres n’ayant pas été une période de forte commande, on peut penser que le service ait continué à tourner sans difficulté jusqu’en 1945.

La mise à la retraite de Pierre-Jack Laloy en 1947, puis la disparation de Jean Gallacier en 1953 met un terme à ce fonctionnement. Dès lors, le conseil général a recours à un architecte privé, délégué par convention dans ses fonctions d’architecte départemental : Jean Lemercier, de 1950 à 1988, assume cette charge326. Le même cas de figure se présente dans le Morbihan, où Guy Caubert est en poste depuis 1940. A partir de 1957, une convention annuelle par tacite reconduction est mise en place : l’architecte est chargé « de l’ensemble des travaux neufs, des réparations et de l’entretien des immeubles départementaux ainsi que de la gestion du mobilier départemental sous la réserve toutefois que pour les constructions neuves importantes, le département conserve la faculté d’adjoindre un autre architecte à l’architecte départemental »327. Il assume également le rôle de conseiller technique et contrôle les subventions accordées sur le budget départemental pour les opérations relevant du patrimoine du conseil général. En 1955, dans son rapport annuel, Guy Caubert se plaint à juste titre de « n’être pas plus payé qu’un ouvrier qualifié », n’ayant sous ses ordres ni agent technique, ni de véritable service. Finalement, jusqu’à sa mise à la retraite le 21 novembre 1974, il est simplement

325 Ibid.

326 Le fonds Jean Lemercier conservé aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 201/W/1-1155, 1064/W/1-79, 1128/W/1-103, 1257/W/1-80 est d’une telle densité qu’il n’a pas encore révélé l’ampleur des interventions de l’architecte. Il n’existe malheureusement pas à ce jour de monographie exhaustive sur l’architecte.

327 V. Miguet dir., op. cit., p. 55.

associé à titre d’architecte d’opération dans les principaux projets de conceptions remportés par concours par des architectes de renom328.

A la Libération, on assiste donc à un renouvellement des modes d’attribution de la commande publique, déjà en gestation pendant l’entre-deux-guerres : la disparition progressive des architectes départementaux est consécutive de la généralisation du concours. Ce que fait remarquer Daniel Le Couédic pour le début des années vingt vaut tout autant pour les années cinquante : « Les hommes se succédaient, le métier évoluait sous la double influence des idéologies et des techniques, le rôle social de l’architecte s’en trouvait transformé […]. L’érudition propre à cette profession l’avait autrefois nimbée, or elle s’estompait ou ne faisait plus florès329. » La reconstruction des villes sinistrées est une affaire de « spécialistes », recrutés nationalement par un M.R.U autocratique ; les appels d’offres et les concours des nouveaux palais privilégient certes l’académisme, mais les pouvoirs publics veulent des prix de Rome, non plus de simples D.P.L.G. L’architecture publique édilitaire s’en trouve vivifiée, d’autant plus que la forte demande des Trente Glorieuses stimule la concurrence entre les agences.

II.3.2.2 Le nouveau visage de la commande

Jusqu’au début des années soixante-dix, la commande publique régionale reste encore dominée par quelques figures emblématiques. Mais elle relève surtout d’une culture d’agence fort éloignée des capacités départementales et de l’image du cabinet d’architecte du début du siècle, le plus souvent limité à l’architecte lui-même et à deux ou quatre employés tout au plus330. Dans le Morbihan, Yves Guillou (1915-2004) qui travaille d’abord comme ingénieur du Génie rural avant d'installer son agence à Vannes en 1947, dirige au plus fort de sa carrière un cabinet de trente collaborateurs331. Dans une moindre mesure, Michel Morin (1928-inc.) également installé à Vannes depuis 1962,

328 En 1977, à l’issue du concours du nouvel hôtel du département qui voit le projet du nancéen Claude Goclowski sélectionné, Yves Guillou sera choisi par le conseil général comme architecte d’opération. Ibid., p. 44.

329 D. Le Couédic, op. cit., 1999, p. 317.

330 J.-Y. Veillard, op. cit., p. 126-127.

331 D. Le Couédic, « Yves Guillou, architecte d’une nouvelle Bretagne », Bulletin de liaison des Archives modernes d’architecture de Bretagne, n° 12, juin 2004, p. 3-12.

oriente son activité dans la construction de bâtiments administratifs et de services, même si celle-ci est largement dominée par les établissements hospitaliers. Certains de ses projets sont menés en collaboration avec d’autres architectes, dont Robert Lamourec et Pierre Devinoy, de Paris332. En Ille-et-Vilaine, Louis Arretche (1905-1991), qui intervient à plusieurs reprises à Rennes au titre d’architecte-urbaniste conseil, dirige une agence de 25 personnes, tandis que celle de Georges Maillols (1913-1998), figure éminente de l’immeuble de grande hauteur (I.G.H.), en compte une dizaine. Si, aux dires de ses collaborateurs, le personnage est attachant, il n’en est pas moins redouté : « Il menait son monde à la baguette […]. Exigeant, il imposait des rendus de concours lisibles par des profanes, avec une typographie claire, une simplification des traits et des ombres portés sur les plans333. »

C’est pourtant dans un profond esprit de doute et de questionnement que s’ouvre la décennie soixante-dix en France : en mai 1968, les élèves de l’École des Beaux-Arts attirent l’attention du public en devenant un foyer actif de contestation. L’adoption de la motion du 15 mai arrête trois motifs d’opposition : la domination de la profession par le Conseil de l’Ordre et d’autres organismes corporatifs, l’immixtion dans la production architecturale des intérêts publics et privés, l’absence de pédagogie objective des contenus d’enseignement. Le décret du 6 décembre 1968 prend finalement acte de la disparition de la section Architecture de l’École des Beaux-Arts, et la création de cinq unités pédagogiques d’architecture à Paris, et de quatorze autres en province, en lieu et place des anciennes écoles régionales. Outre le renouvellement de l’enseignement, la réforme poursuit, à cause d’elle ou malgré elle, la réflexion engagée par l’École sur les rapports entre l’institution et l’architecte : « Ce bouleversement ébranle définitivement un édifice académique qui avait connu son apogée au milieu du XIXe siècle et était parvenu à survivre et même à prospérer, écrit Jacques Lucan. Il entre en résonance avec des inquiétudes quand au rôle et à la position sociale de l’architecture334. » Ces inquiétudes sur le rôle, la place, la figure de l’architecture, qui ne sont plus assurés par « la tenue et la

332 Arch. dép. du Morbihan, 111/J, fonds de l’architecte Michel Morin, 1951-1995.

333 C. Barbedet, « Le Rennes de l’architecte Maillols », Ar Men, n° 82, janv. 1997, p. 36.

334 J. Lucan, Architecture en France (1940-2000). Histoire et théories, Paris, Le Moniteur, 2001, p. 199-200.

résistance de l’édifice institutionnel »335 sont pris très au sérieux par le pouvoir. Dès l’année suivante, le rapport Païra préconise une réforme de la profession336.

La loi sur l’architecte du 3 janvier 1977, adoptée en dépit de nombreux obstacles, constitue la clé de voûte du nouveau système de la commande. Parmi les diverses orientations données à la loi, celle-ci réaffirme l’intérêt public de « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine »337. La notion de « garantie architecturale », développée depuis 1969, traduit aussi l’importance accordée par l’État aux « formes architecturales qui marquent le pays pour des siècles »338. Le principe de qualité afférente aux édifices publics construits par l’État et les collectivités locales implique une forme nouvelle de gestion administrative de la commande. La création des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (C.A.U.E., association loi 1977), destinés à assurer des missions de service public pour la promotion et le développement de la qualité architecturale, urbaine et environnementale, celle de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (M.I.Q.C.P.)339, impulsent une réflexion avec les administrations de l'État, les établissements publics et les sociétés nationales, sur la qualité architecturale des constructions publiques, qu’il s’agisse d’ouvrages neufs ou à réhabiliter. Ses travaux aboutissent à la mise en place d’un nouveau régime d’accès à la commande publique, par la voie des concours d’architecture.

Par ailleurs, ce n’est pas un hasard si, dès 1975, le débat sur la place et le rôle que l’architecture est appelée à jouer dans la société se cristallise autour de la question de la commande. Conséquence des chocs de 1973 et de 1979, la stagnation de l’économie pèse lourdement sur le milieu professionnel. La crise a notamment pour effet d’entraîner la fermeture des grandes agences et, comme le fait remarquer Gérard Monnier, d’effacer le rôle du patron, « de ces notables de la profession dont l’entregent suffisait à renouveler le

335 Ibid., p. 200.

336 E. Lengereau, L’État et l’architecture, 1958-1981. Une politique publique ?, Paris, Picard, 2001, p. 167.

337 D’après l’art. 1 de la loi n° 7-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, disponible sur Légifrance [http://www.legifrance.gouv.fr…Texte=20110510] (consulté le 10 mai 2011).

338 R. Paira, Propositions pour une réforme de la fonction d’architecte, 12 juin 1969, cité par E. Lengereau, op. cit., p. 167.

339 Créée par le décret n° 77-1167 du 20 octobre 1977. Ibid., p. 326 et suiv.

volume des affaires340. » Le décret de 1972 introduit encore la notion de « contrat d’ingénierie », en vertu duquel les relations avec les équipes d’architectes chargées de la réalisation des projets sont beaucoup moins directes que par le passé. En 1985, la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique (M.O.P.), en précisant les responsabilités de tous les décideurs de la construction publique, impose désormais au donneur d’ouvrage la production d’un programme, qui fixe les objectifs quantitatifs et qualitatifs du projet.

L’architecte doit en conséquence trouver sa juste place dans cette nouvelle logique de rationalité, où l’impératif d’exemplarité des constructions conditionne les conditions de travail. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter les nombreuses publications et les recommandations émanant des nouveaux organismes créés par la loi de l’architecture, qui témoignent de l’intérêt des pouvoirs publics. Plus encore, elles tentent de donner naissance à de nouvelles pratiques, à l’heure où l’accès des architectes à la commande publique a été radicalement modifié.

340 G. Monnier dir., L’architecture moderne en France, t. 3. De la croissance à la compétition, 1967-1999, Paris, Picard, 2000, p. 78.

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De la monarchie de Juillet à la Reconstruction, le paysage de la commande n’a de cesse de se renouveler, et de la sorte, de réglementer et de stimuler une profession dont le rôle et la place n’ont pas fini d’évoluer. Nonobstant, l’image que renvoie la corporation, se présentant tantôt sous l’aspect d’un groupe cohérent culturellement, socialement et professionnellement, tantôt sous le coup d’une « déprofessionnalisation » ou d’une « mutation d’identité », prouve d’autant une faculté d’adaptation liée au capital symbolique attaché au titre. A mesure que s’opère la division des tâches propres à l’acte de construire, la mobilisation du groupe professionnel pour maintenir et faire valoir sa place est décrite sous le terme de « travail professionnel » entendu comme un regard sur les pratiques et renvoie à deux dimensions : à la fois travail de production du bâti architectural et travail de production d’une identité professionnelle. Cette construction sociale du travail permet, comme le fait remarquer Olivier Chadouin, d’ « éviter le piège nominaliste qui consiste à vouloir caractériser et définir de manière stable la compétence ou l’identité de cette profession »341. Le croisement des parcours professionnels des architectes bretons vient appuyer, dans le cadre strict de la commande publique, cette acception. L’héritage d’une formation articulée autant sur la théorie que la pratique, offre ainsi de maintenir et de faire perdurer un principe : celui de l’architecture comme art libéral, au sens de connaissance du vrai et non de seule contemplation du beau342.

Il convient encore de considérer la rupture de 1968, cette remise en cause du système traditionnel de l’enseignement, des pratiques du métier et de la commande.

Jean-Louis Violeau parle même d’une « nouvelle division du travail », l’ancienne séparant les questions fonctionnelles des questions formelles, et par conséquent, ne produisant pas d’œuvres343. Avec la voie du concours qui fait s’éteindre la spécialisation des formations dans des domaines tels que les équipements hospitaliers, le changement

341 O. Chadouin, Être architecte : Les Vertus de l’Indétermination. De la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel, Limoges, Presses Universitaires de Limoges et du Limousin, 2006, p. 29.

342 En l’occurrence, l’architecture est une science « qui doit être accompagnée d’une grande diversité d’études et de connaissances par le moyen desquelles elle juge de tous les ouvrages des autres arts qui lui appartiennent. Cette science s’acquiert par la Pratique et par la Théorie. » Vitruve, De l’architecture. Les dix livres d’architecture, cor. et trad. par C. Perrault, Paris, J.-B. Coignard, 1684, réimp. Liège, P. Mardaga, 1996, introd. du chap. 1, liv. 1, p. 2.

343 J.-L. Violeau, Les architectes et mai 68, Paris, Éditions Recherche, 2005, p. 413 et suiv.

est tangible : « Au fil de l’avancement du projet, en même temps qu’il conçoit, l’architecte expérimente et éprouve les vertus de cette nouvelle procédure344. » D’autre part, pour Gérard Monnier, la suppression du Prix de Rome et des fonctions d’architecte des Bâtiments civils et des Palais nationaux a pour effet d’anéantir « la base de filière traditionnelle qui avait si longtemps permis la reproduction d’une élite qui monopolisait la commande publique »345. L’abandon du système du conseil des Bâtiments civils a aussi pour résultat de renouveler et de diffuser, par l’intermédiaire de l’architecte-conseil dans les institutions publiques, l’innovation et les nouveaux critères dans la pratique de l’architecture publique. La mission traditionnelle de l’architecte perd ainsi de sa portée et de sa signification. Associant à la fois le principe républicain du mérite et le principe académique de la cooptation, la voie du concours se généralise et poursuit l’émergence d’une nouvelle élite professionnelle.

344 Ibid., p. 414.

345 G. Monnier, op. cit., p. 59.