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2. Les faits présents dans les autres sources et absents chez Thucydide

2.2. Après 411 : l’exposé des faits par Xénophon

Dans l’avant dernier chapitre du livre  VIII, Alcibiade commande une flotte qu’il conduit de Samos à Halicarnasse pour prélever de l’argent, puis à Côs, avant de retourner à son point de départ. Le récit de Thucydide s’interrompt là en ce qui le concerne. Pour les événements postérieurs à 411, Xénophon prend la place de Thucydide et devient la source principale, mais toujours incomplète. À compter de cette époque, les déplacements sont nombreux, rapprochés et sur des distances importantes.

Dans un souci de clarté, nous résumons ici les événements postérieurs à Thucydide que l’on trouve chez Xénophon. Ce dernier ne suit pas exactement le même système chronologique que Thucydide, hors les exceptions du livre  VIII. Nous intégrons à notre résumé de Xénophon les mêmes repères par année de guerre que nous avons utilisés jusqu’à présent.

Le premier chapitre du livre I des Helléniques commence à l’automne 411, là où s’arrête

le récit de Thucydide, dans la vingt-et-unième année de la guerre. Alcibiade, toujours établi à Samos, secourt les Athéniens dans la région d’Abydos152. Les événements

qui suivent ne semblent pas appartenir à la même année, mais Xénophon n’indique pas ce changement, contrairement à son habitude par la suite153. C’est donc en 410,

dans la vingt-deuxième année de la guerre, que Tissapherne s’empare d’Alcibiade dans l’Hellespont154. Après une captivité de trente jours à Sardes, Alcibiade rejoint

Clazomènes, et de là Cardia où il retrouve la flotte athénienne partie de Sestos. En route pour cette ville, il forme, avec les forces de Théramène et de Thrasybule, une flotte de 152 Xénophon, Helléniques, I, 1, 5-8.

153 Xénophon, Helléniques Livres I-III, (CUF) p. 159 n. de la page 30 ligne 25. Voir également

l’appendice p. 153-158.

96 navires qu’il conduit jusqu’à Proconnèse en face de Cyzique. Il prend Cyzique aux Péloponnésiens et à Pharnabaze et stationne pendant vingt jours dans la région, où il prélève des contributions. On voit là se reproduire un fait que Thucydide mentionnait : la taxation de tous les territoires qui repassent sous l’autorité athénienne155.

Dans une première phase, Alcibiade continue de commander aux forces athéniennes présentes en Ionie, avant d’être rappelé par les Athéniens. C’est la partie la plus documentée du récit de Xénophon. Elle est traitée du premier chapitre au paragraphe 8 du quatrième chapitre du livre I des Helléniques. Dans une deuxième phase, il exerce

toujours un commandement, mais cette fois en étant élu stratège par les Athéniens de la ville, et non plus seulement par les marins de Samos. Cette période est très courte. L’élection se produit au paragraphe 10 du quatrième chapitre et la dernière action rapportée a lieu au paragraphe 23. La dernière phase de sa vie qui conduit à un second exil commence la même année. Malgré un ultime rebondissement, Alcibiade ne jouera plus aucun rôle dans la guerre, et Xénophon ne mentionnera même pas sa mort. En 409 (soit la vingt-troisième année de la guerre), rejoint par Thrasylle à Lampsaque, Alcibiade remporte une victoire face à Pharnabaze, avant de faire un raid contre Abydos où le satrape est une nouvelle fois mis en fuite par l’Athénien156. Ces opérations se

produisent en hiver.

En 408 (soit la vingt-quatrième année de la guerre), les opérations se poursuivent en Chalcédoine157. Alcibiade s’empare des biens mobiliers des Chalcédoniens avant

d’investir leur ville. Pendant le combat, Pharnabaze soutient toujours le camp péloponnésien. Après le combat, et le départ d’Alcibiade pour aller collecter des fonds en Chersonèse et dans l’Hellespont, le satrape passe dans le camp des Athéniens. Il intervient en faveur des gens de Chalcédoine qui envoient des ambassadeurs au Roi et il fournit 20 talents aux Athéniens en leur nom. Cette négociation se produit en l’absence d’Alcibiade et aboutit à la restauration du tribut habituel de la cité. De son côté, Alcibiade assiège Sélymbria. L’épisode est troublant, car Pharnabaze exige que les serments soient prononcés une seconde fois en présence d’Alcibiade qui, selon le texte de Xénophon, jure, avec Pharnabaze, « au nom de leurs États ». Or, Alcibiade est un stratège proclamé par l’armée de Samos, et officiellement il est toujours un exilé. L’année se poursuit avec la prise de Byzance.

155 Sur l’importance de cette pratique, voir infra p. 418-422 chap. 9.

156 Xénophon, Helléniques, I, 2, 15-17.

L’année 407 (soit la vingt-cinquième année de la guerre) est charnière pour les Péloponnésiens et les Athéniens. Du côté péloponnésien, les Perses renversent la situation générale en prenant définitivement leur parti. Le Roi envoie Cyrus comme commandant en chef de toutes les forces d’Asie Mineure avec pour mission de faire la guerre à leurs côtés. Si la décision est prise, sa mise en œuvre ne semble pas immédiate158.

Du côté athénien, la cité rappelle officiellement Alcibiade159. Après son rappel officiel,

le commandement d’Alcibiade est de courte durée. Il se résume à une rapide opération à Andros160, il mène une dernière action à Phocée. Immédiatement après la défaite de

Notion, Xénophon témoigne du mécontentement des Athéniens qui pousse Alcibiade à choisir encore une fois l’exil161. Mis à part qu’il se retire en Chersonèse, dans une

place forte personnelle, Xénophon ne précise rien à ce propos.

Sources alternatives

Pour l’année 407, nous avons cinq inscriptions mentionnant Alcibiade, et le témoignage d’une sixième.

Dans le domaine militaire :

- IG I3 117 : une commande de bateau et un hommage au roi macédonien. Toutefois, la

restitution du nom n’est pas toujours admise. En faveur, voir par exemple Meritt 1936 ; Brun 2005, p. 71-72 (inscr. n° 29). Contre, voir Fornara, n° 161.

- IG I3 118 : ratification par les Athéniens d’un traité d’alliance avec Sélymbria.

- IG I3 119 : traité d’alliance avec Clazomènes.

- IG I3 120 : une proposition venant d’Alcibiade et votée à l’assemblée. L’inscription est

très lacunaire. Dans le domaine civique :

- IG I3 386 : don de bois de construction au sanctuaire d’Éleusis. Sur l’interprétation de

cette inscription, voir infra p. 295-298.

- Une inscription relevée par le polygraphe Polémon et mentionnée par Athénée de Naucratis (VI, 234e), à propos de la réglementation du culte d’Héraclès.

De 406 à 404 (soit de la vingt-sixième à la vingt-huitième année de la guerre), Alcibiade n’est plus mentionné par Xénophon jusqu’à la bataille d’Aïgos-Potamos. Il est loin des affaires à l’époque des Arginuses. Il ne réapparaît qu’à Aïgos-Potamos dans un rôle qui renforce la dimension tragique – dans le sens d’un événement catastrophique qui n’est pas évité malgré les avertissements – de la défaite athénienne et du personnage d’Alcibiade.

158 Xénophon, Helléniques, I, 4, 1-7.

159 Xénophon, Helléniques, I, 4, 8-20.

160 Xénophon, Helléniques, I, 4, 21-23. Le rôle d’homme providentiel que Xénophon donnerait

à Alcibiade à ce moment est à relativiser selon nous. Voir infra p. 104 chap. 1.