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L'obligation de paix du travail : étude de droit suisse et comparé

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L'obligation de paix du travail : étude de droit suisse et comparé

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. L'obligation de paix du travail : étude de droit suisse et comparé . Genève : Georg, 1981, 306 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:16788

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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L'OBLIGATION

DE PAIX DU TRAVAIL

ÉTUDE DE DROIT SUISSE ET COMPARÉ

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N' 66

GABRIEL AUBERT

Docteur en droit

Master of Comparative Law (Georgetown) Avocat au barreau de Genève

L'OBLIGATION

DE PAIX DU TRAVAIL

ÉTUDE DE DROIT SUISSE ET COMPARÉ

GENEVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITE GEORG & (fI. S.A.

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En publiant le présent ouvrage dans la collection de ses Mémoiresl la Faculté n'entend prendre aucune position à

l'égard des opinions qui s'y trouvent exprimées.

© 1981 by Ubrairie de l'Université Georg et Cie S.A.

Droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

ISBN 2-8257-0078-9

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REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui m'ont aidé, en particulier:

M. Alexandre Berenstein, professeur honoraire à l'Université de Genève, ancien juge au Tribunal fédéral, qui, comme directeur de thèse, m'a toujours accueilli avec une grande disponibilité et m'a prodigué avec bienveillance ses conseils et ses encouragements;

les associations patronales et syndicales qui m'ont éclairé sur la pratique et ont mis à ma disposition des sentences arbitrales inédites;

le personnel des bibliothèques du Congrès et du National Labor Relations Board, à Washington D.C.; de l'Université de Tübigen;

de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail et de l'Union syndicale suisse, à Berne; du Bureau international du travail, de la Faculté de droit, de la Chambre de Commerce et de la Fédération des syndicats patronaux, à Genève;

le fonds Fulbright, qui m'a permis de conduire mes recherches aux Etats-Unis;

l'Université de Genève et la Faculté de droit, qui ont facilité l'impression de cet ouvrage.

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INTRODUCTION

En établissant des règles destinées à gouverner les contrats indi- viduels entre employeurs et travailleurs ou en instituant des procédures en vue de résoudre les différends, les parties à la convention collective de travail créent entre elles un lien, qui résulte du fait qu'elles ont négocié et conclu ensemble un accord.

Ce lien peut être plus ou moins étroit, plus ou moins durable.

Mais l'accord conclu, bien que temporaire (voire éphémère), renferme l'idée de paix: les parties se sont entendues. Comme l'a marqué un auteur italien, la paix accompagne l'accord dans l'étymologie même:

Pax, pactum, pacta servanda sunt 1. Et, en français, accord et concorde ne jaillissent·ils pas de la même racine?

Nous nous proposons d'étudier cet effet pacificateur des conven·

tions collectives. Lorsque les parties établissent des règles touchant le contenu des relations entre les travailleurs et les employeurs, sont-elles obligées de ne pas recourir au combat pour modifier ou compléter leur accord pendant sa durée de validité? Lorsqu'elles instituent une procédure pour résoudre les différends, sont-elles obligées, en cas de litige, de ne pas recourir au combat?

Notre étude se borne à l'obligation de paix résultant des conven- tions collectives. Il arrive que l'Etat édicte des règles sur la procédure de négociation, de conciliation ou d'arbitrage et qu'il les assortisse d'une obligation de paix: nous ne nous y arrêterons qu'incidemment.

Et nous négligerons tout à fait les problèmes relatifs au droit de grève des fonctionnaires.

Certes, la Suisse se flatte d'être, par excellence, le pays de la paix du travail. Nous aimons à tenir «l'obligation de paix» pour notre apanage. Mais, en réalité, cette obligation existe dans plusieurs sys·

tèmes juridiques. Pour la comprendre (et pour mieux saisir les particularités suisses), il nous faut tenter une enquête comparative.

Comme champ d'investigation, nous avons choisi les Etats-Unis, la France, l'Italie, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume·

1 F. Santoro-Passarelli, Pax, pactum, pacta servanda sunt, Massimario di giurisprudenza deI lavoro, 1971, p. 374. ..

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2 INTRODUCTION

Uni et la Suède. Outre qu'il rassemble la majorité des pays industria- lisés les plus importants, cet échantillon nous a paru suffisamment riche pour éclairer, par contraste ou par ressemblance, les données essentielles de la question.

Par bonheur, la forêt n'est pas vierge. La voie a été ouverte, avec autorité, par deux auteurs d'une science inimitable. En 1972, le pro- fesseur Giugni montrait le chemin. Consacrant un chapitre à l'obli~

gation de paix dans un ouvrage collectif, il abordait l'ensemble des problèmes fondamentaux 2. En 1974, le professeur Kahn-Freund, de son côté, présentait des observations extrêmement stimulantes s.

Dans notre pays, il n'existe pas d'étude détaillée de l'obligation de paix. La pratique des partenaires sociaux y est mal connue. Les auteurs ne commentent pas volontiers les textes des conventions collectives. En outre, l'accès aux décisions des juridictions arbitrales se heurte à de grandes difficultés. Les sentences sont rarement publiées. Les intéressés les considèrent parfois comme secrètes. Nous nous sommes efforcé de collectionner toutes celles dont nous avons repéré la trace.

Ce travail est divisé en deux parties. Dans la première, nous développons, sous l'angle du droit comparé, les problèmes que pose l'obligation de paix. Reprenant les brisées de Giugni et de Kahn- Freund, nous avons essayé d'approfondir ces problèmes et, tout parti- culièrement, de mettre en évidence les solutions qu'y apportent les systèmes juridiques dont les conceptions, en la matière, se rappro- chent le plus des nôtres.

Dans la seconde partie, suivant le plan de la précédente, nous décrivons le droit suisse en nous appuyant largement sur les textes des conventions collectives et sur les sentences des tribunaux arbi~

traux, dont nous n'avo~ pas craint de reproduire de longs extraits pour offrir au lecteur de la documentation de première main.

2 G. Giugni, The Peace Obligation, in Industrial Conniet, A Comparative Legal Survey (B. Aaron et K.W. Wedderburn, éd.), Londres et New-York 1972, p. 127.

3 O. Kahn·Freund, Pacta sunt servanda, A Principle and Its Limits: Sorne Thoughts Prompted by Comparative Labour Law, Tulane Law Review, vol. 48 (1974), p. 894. Pour une introduction générale à notre matière, voir les Actes du deuxième Congrès international de droit du travail, P" partie, Contenu, effets juridiques ... application et exécution de la convention collective de travail, Genève 1961; G. ::,pyropoulos. Le droit des conventions collectives de travail dans les pays de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, Paris 1959; Grève et Lock·out, in Communauté européenne du charbon et de l'acier, Haute Auto- rité, Collection de droit du travail, 2. Le droit du travail dans la Communauté, Luxembourg 1961; Labor Courts and Grievance Settlement in Western Europe (B. Aaron, éd.), Los Angeles 1971; Industrial Confliet, note 2 supra; J. de Givry, Les méthodes de règlement des conflits d'intérêts en matière de travail, Un aperçu international, in Etudes de droit du travail offertes à André Brun, Paris 1974, p. 223.

'i

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Chacune des deux parties se subdivise en cinq chapitres. Dans le premier, nouS examinons la source de l'obligation de paix. Dans le second, nous définissons son contenu, à savoir les actes proscrits ou prescrits. Dans le troisième, nous nous demandons à quelles matières s'étend cette obligation. Dans le quatrième, nous délimitons le cercIe des personnes qw s'y trouvent assujetties. Dans le cinqwème, nous en considérons les sanctions.

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'.

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L'OBLIGATION DE PAIX DU TRAVAIL DANS QUELQUES SYSTÈMES JURIDIQUES

ÉTRANGERS

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LA SOURCE

Analysant l'obligation de paix en droit comparé, Giugni reprend la division traditionnelle entre les pays de droit civil et ceux de common law'. Kahn·Freund, quant à lui, établit trois catégories. La première rassemble les systèmes qui connaissent une obligation de paix sur le plan juridique (la République fédérale d'Allemagne, la Suède, les Etats-Unis); la deuxième, ceux qui ignorent cette obli·

gation de paix, mais admettent des restrictions à l'usage du combat, en liaison avec des clauses de conciliation et d'arbitrage (la France et, peut-être, l'Italie) ; la troisième ne comprend que le Royaume-Uni, où l'obligation de paix, demeurant en principe hors de la sphère du droit, ne revêt une valeur juridique que dans des cas exceptionnels 2.

Dans la présentation qui suit, nous croyons plus judicieux de distinguer entre l'obligation de paix qui accompagne les règles tou·

chant le contenu des relations entre les travailleurs et les employeurs, s'agissant en particulier des relations fondées sur le contrat individuel de travail, dites règles de fond (section 1) ; et celle qui escorte les règles instituant une procédure en vue de résoudre les litiges entre les partenaires ou même, quelquefois, entre les parties au contrat de travail, dites règles de procédure (section II) ".

1 Giugni, The Peace .... p. 131.

2 Kahn.Freund, Paeta sunt servanda .... p. 398.

a Giugni suggère d'ailleurs cette distij.ction. op. dt., p. 129.

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8 DROIT COMPARÉ

Section 1

L'OBLIGATION DE PAIX

LIÉE A DES DISPOSITIONS DE FOND

En République fédérale d'Allemagne, en Suède et aux Etats-Unis, les accords de fond engendrent une obligation de paix, soit qu'on tienne cette dernière pour immanente à la convention, soit qu'on l'ancre dans une clause expresse. En France, en Italie et au Royaume- Uni, l'obligation de paix n'accompagne guère les accords de fond, soit que ces derniers ne créent pas de véritable lien juridique entre les parties, soit que prévaille le droit de grève.

A. L'OBLIGATION DE PAIX IMMANENTE À LA CONVENTION

ou ANCR.m DANS UNE CLAUSE EXPRESSE

1. République fédérale d'Allemagne

a) La doctrine et la,jurisprudence

Très tôt, les convenrlons collectives furent soumises, dans l'Empire allemand, aux règles du code civil: on les regardait comme de véri- tables contrats liant les parties dans la sphère du droit 4. Cependant, les principes du droit commun ne suffisaient pas à expliquer toutes les conséquences que l'on voulait tirer des conventions collectives.

Des dispositions spéciales durent donc être édictées pour fonder leur effet direct et impératif et pour permettre de déclarer, le cas échéant, leur force obligatoire générale. C'est l'objet de l'ordonnance sur les conventions collectives, du 23 décembre 1918'. Matière particulière- ment délicate du point de vue politique, l'obligation de paix du travail

.. H.C. Nipperdey, KoJ1ektives Arbeitsrecht, in A. Hueck et H,C. Nipperdey.

l..ehrbuch des Arbeitsrechts, vol. II, 1re partîe, Berlin et Francfort 1967, p. 214 sq.

Voir par exemple S. Rundstein, Die Tarifvertrage und die moderne Rechts- wissenschaft, Leipzig 1906, p. 40 sqq.

15 Nipperdey. p. 216.

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n'était pas visée par ce texte, si bien qu'elle demeura l'affaire de la doctrine et de la jurisprudence o.

Les conventions collectives furent d'emblée perçues comme des instruments de paix. Une importante analyse des contrats en vigueur au début du siècle ne s'intitulait-elle pas : «Gewerbliche Friedens·

dokumente » 7? La doctrine s'est dès lors demandé si, du point de vue juridique, la paix créée par de tels textes résultait d'un accord spécifique à cet égard (accord le plus souvent tacite) ou si, au contraire, elle était inhérente à la convention, de telle sorte que la conclusion de cette dernière donnait naissance, ipso facto, à une obli·

gation de paix du travail, sans que les parties puissent l'exclure.

L'importance de la question justifie que nous retracions la contro- verse avec quelque détail. Nous parcourrons deux étapes. La première s'étend des origines à 1933, année où le national·socialisme abolit les syndicats. La seconde commence en 1949, avec l'adoption d'une nouvelle loi sur les conventions collectives. Elle se poursuit aujour·

d'hui.

Les origines étant souvent insaisissables, nous partirons de cette première borne que constitue l'œuvre de Lotmar, pour qui la fonction pacificatrice du contrat collectif de travail se reflète d'abord dans la présence d'une catégorie particulière de clauses: les clauses tran·

sitoires, par lesquelles il est mis un terme au conflit qui, avant la conclusion de l'accord, opposait travailleurs et employeurs. S'y trouvent réglés notamment la reprise du travail, la levée des mesures de combat, le renvoi de travailleurs ou de contremaîtres à qui les grévistes sont hostiles, etc. On les qualifie de transitoires, parce qu'elles aménagent le passage de l'état de guerre à celui de paix '.

La fonction pacificatrice du contrat collectif ressort également des dispositions expresses au moyen desquelles les parties renoncent.

pour l'avenir, à la lutte·. En outre, selon Lotmar, l'un des buts de la convention est de favoriser une certaine stabilité dans les rapports collectifs: pour un temps, les salaires échappent aux fluctuations de la conjoncture

'0.

6 Voir F. Schmidt, Ein Vergleich zwischen der deutschen und der schwedi- schen Gesetzgebung über Kollektivvertrage.l,. in Festschrift für H.C. Nipperdey, t. II, Munich et Berlin 1965, p. 609 sqq., 61i:.

7 F. Imle, Gewerbliche Friedensdokumente, lena 1904. Voir aussi F. Imle, Die Tarifvertrage zwischen Arbeitgebe:rn und Arbeitnehmern in Deutschland, lena 1907, p. 140 sqq.

8 P. Lotmar, Die Tarifvertriige zwischen Arbeitgebern und Arbeitnehmern, Archiv für soziale Gesetzgebung und Statistik, vol. 15 (l9CMJ), p. 1 sqq., 21 sq.;

P. Lotmar, Der Arbeitsvertrag nach dem Privatrecht des Deutschen Reiches, vol. l, Leipzig 1902, p. 760 sq.

9 Lotmar, Die Tarifvertriige .... p. 20.

10 Lotmar, Der Arbeitsvertrag .... p. 776./1.

2

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JO DROIT COMPARÉ

Ces quelques observations ne placent pas la paix au premier plan.

Ce n'est qu'en 1908 que le professeur de Berne, dont l'œuvre connaîtra un fort rayonnement en Allemagne, examine notre sujet de plus près.

A ses yeux, la convention collective engendre implicitement une obligation de paix lorsqu'elle est conclue pour une durée déterminée.

Dans une telle hypothèse, on doit admettre que les parties entendent que les conditions fixées dans le contrat restent en vigueur jusqu'à son expiration et ne soient pas combattues avant terme. Cela ne résulte pas de la nature de la convention, souligne Letmar, mais bien de la volonté des parties. Et de mettre en garde contre ceux qui croient pouvoir, par le biais de la convention collective, restreindre la liberté des intéressés au·delà de la mesure que ces derniers sont prêts à accepter H.

Si, chez Letmar, l'obligation de paix trouve son fondement dans l'accord (présumé) des parties, elle est, chez Sinzheimer, l'une des fonctions du contrat. Elle représente le but visé par l'employeur lors de la signature de la convention, laquelle doit ordonner les relations collectives de telle sorte que le risque de conflit quant aux points réglés soit aboli 12. Après avoir distingué avec netteté la fonction normative de la convention (par où celle-ci gouverne les contrats indi- viduels de travail) d'avec sa fonction génératrice d'obligations entre les parties à la convention elle-même 13 J Sinzheimer va jusqu'à dire:

«Die sogenannte Friedenspflicht, das ist der obligatorische Teil des Tarifvertrages . • H L'obligation de paix devient donc une composante nécessaire de la figure juridique du contrat collectif ".

Apparaissent ainsi deux écoles. Les uns vont insister sur la volonté des parties. les autres sur ce qu'ils tiennent pour la structure même de ]a convention collective.

Le champion des volontaristes est Hueck: quand bien même l'obligation de paix

~ccorde

profondément avec la nature de la convention, elle n'en est pas indissociable. On en présumera certes l'existence, mais on permettra aux parties de l'écarter expressément 11.

Cette position ne résistera pas longtemps aux assauts des «structu~

ralistes », qui formeront bientôt la doctrine dominante. Parmi eux

11 P. Lotmar. Empfiehlt sich die gesetzliche Regelung des gewerblichen Tarif·

vertrages ? Deutsche Juriste11-Zeitung, vol. 13 (1908), p. 902 sqq., 905 sq.

12 H. Sinzheimer, Der korporative Arbeitsnormenvertrag, t. II. Leipzig 1908 (réimor. Berlin 1977), p. 131 sq.

13 Sinzheimer, Der korporative ... , p. 2.

14 H. Sinzheimer, Grundrechte und -pfLichten aus den Tarifyertra~en, Bochum 1926, p. 10.

15 H. Sinzheimer, Ein Arbeitstarifgese.tz, Munich et Leipzig 1916, p. 39 et 61 ; H. Sinzheimer, Rechtsfragen des Arbeitstarifvertrags, Iena 1913, p. 25.

16 A. Hueck, Das Recht des Tarifvertrages, Berlin 1920, p. 170; A. Hueck.

Handbuch des Arbeitsrechtes, voL HL Das Tarifrecht, Stuttgart 1922, p. 91 sq.

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11 Wolbling lT, Kaskel (. Die ( ... ) Friedenspflicht, die in ;edem Tarifver- trag begriffsnotwendig enthalten ist ( ... ). ", Jacobi l., Molitor 20 et Nipperdey. Pour ce dernier, une convention dénuée d'obligation de paix ne serait pas une convention collective 21. Et, demande Nikisch, comment peut-on établir en commun certaines conditions de travail pour une durée déterminée et se réserver, en même temps, le droit d'anéantir un tel accord par la force ta ?

La jurisprudence de l'époque n'a pas tranché clairement le débat.

En 1915, le Tribunal d'Empire pose qu'il résulte de la convention collective l'interdiction, à la charge des parties, de recourir à la force pour modifier le contrat

'8.

Cet arrêt n'indique pas s'il se fonde sur la volonté (présumée) des intéressés ou sur la structure de la conven- tion. Un second arrêt, de 1925, résonne comme l'écho de Sinzheimer.

La prohibition de la grève et du boycottage aux fins d'obtenir un changement de la convention y est regardée comme résultant de la nature de cette dernière, de son essence. EUe correspond à l'un des buts économiques de la convention, qui est de permettre à l'employeur de calculer ses prix en comptant la main d'œuvre comme un facteur stable".

Toutefois, une année plus tard, le Tribunal d'Empire, sans déclarer palinodie, annonce que l'obligation de paix «doit, au moins dans la règle, être considérée comme voulue et tacitement convenue par les deux parties. "". Et de se référer à Hueck. La victoire des volontaristes serait manifeste si l'arrêt n'insistait pas, également, sur le fait que l'obligation de paix est étroitement liée à la nature du contrat col- lectif 26. Il n'en reste pas moins que l'intention des parties passe au premier plan.

Le Tribunal impérial du travail, à son tour, entretiendra l'incerti·

tude lorsqu'il indiquera, en 1930, sans se référer à la volonté des

17 P. WOlbling, Der Akkordvertrag und der Tarifvertrag, Berlin 1908, p. 308.

18 W. Kaskel. Arbeitsrecht, Berlin 1925, p. 3]8.

19 E. Jacobi, Grundlehren des Arbeitsrechts, Leipzig 1927, p. 204.

20 E. Molitor, Kommentar zur Tarifvertragsverordnung, Berlin 1930, p. 102.

21 H.C. Nipperdey, Das koUekHve Arbeitsrecht,jn A. Hueck et H.C. Nipperdey, Lehrbuch des Arbeitsrechts, vol. II, 1re partie, Mannheim, Berlin, Leipzig 1930, p. 97 sq.

22 A. Nikisch, Friedenspflicht Durchführungspflicht und Realisierungspflicht, Weimar 1932, p. 18 sqq., 33, 35,

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sq. Voir aussi H.-G. Anthes, Die Rechtsnatur der tariflichen Friedenspflicht, Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht, vol. 10 (1930), p. 529 sqq.

2a Entscheidungen des Reichsgerichts in Zivilsachen (abrégé: RGZ), vol. 86, p. 52 sqq., 53.

24 RGZ, vol. 111, p. 105 sqq., 107: «Dies Verbot ist in der Natur und dem innersten Wesen eines Tarifvertrags begründet.»

20 RGZ, vol. 113, p. 197 sqq., 198.

20 Ibid. Il

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12 DROIT COMPARé

parties, que l'obligation de paix découle de la simple existence de la convention 27.

Après la seconde guerre mondiale, la loi sur les conventions col- lectives, du 9 avril 1949, reprend les brisées de la législation antérieure au régime national-socialiste " . Vu l'opposition des syndicats, elle s'abstient également de régler l'obligation de paix du travail, qui demeure l'apanage de la doctrine et de la jurisprudence".

Jusqu'aujourd'hui, la doctrine dominante n'a cessé de défendre le point de vue que la convention collective ne saurait se concevoir dénuée de l'obligation de paix. C'est, bien sûr, ce que maintiennent Nipperdey'· et Nikisch 31. Il sont suivis notamment par Séillner ", Brox et Rüthers

3. "

Bobrowski et Gaul", Hanau et Adomeit "', Schaub '., Wiedemann et Stumpf 37.

Bien qu'en général ces auteurs reprennent à leur compte les argu- ments tirés de la figure juridique du contrat, certains mettent l'accent sur la fonction de la convention collective, qui est de créer un certain ordre dans les relations de travail (Ordnungsfunktion). Si l'Etat reconnaît aux partenaires sociaux la compétence de poser des règles qui, vu leur effet normatif, ont valeur de source du droit, c'est pour favoriser la paix. Les parties seraient-elles autorisées à bouleverser ces règles quand bon leur semble, cette compétence (et l'effet nor- matif de la convention) perdraient leur justification ' •.

Depuis le milieu des années soixante, la doctrine dominante affronte de nouveaux adversaires, qui prennent la relève de Lotmar et de Hueck. En 1965, Strasser ranime la thèse volontariste. Si le législateur avait voulu imposer l'obligation de paix, il l'aurait dit.

Au demeurant, seul compte l'accord des parties, qui peuvent admettre ou rejeter cette obligation. Que celle-ci ne soit pas nécessairement immanente à la COllvetltioD, c'est ce que montrent les systèmes juri-

:.!7 Entscheidungen des Reichsarbeitsgerichts (abrégé: RAG), vol. 5, p. 252 sqq., 256 sqq.

28 Nippcrdcy, p. 220 sqq.

29 W. Herschel, ZUT Entstehung des Tarifvertragsgesetzes, Zeitschrift für Arbeitsrechl, ,;oL 4 (1973), p. 183 sqq., 186 sq.

30 Nipperdey, p. 308 sq. et 321.

31 A. Nikisch, Arbeitsrecht, voL II, Tübingen 1959, p. 329.

32 A. SoUner, Arbeitsrecht, Stuttgart, Berlin, Cologne, Mayence 1976, p. 81.

33 H. Brax et B. Rüthers, Arbeitskampfrecht, Stuttgart 1965, p. 72 sq.

34 P. Bobrowski et D. Gaul, Das Arbeitsrecht irn Betrieb, Heidelberg 1970, p. 717 sa.

35 P. Hanau et K. Adomeit, Arbeitsrechl, Francfort·sur·le-Main 1978, p. 64.

36 G. Schaub, Arheitsrecht-Handbuch, Munich lm, p. 9.30.

37 H. Wiedemann et H. Stumpf, Tarifvertragsgesetz (commentaire fondé par A. Hueck et H.C. Nipperdey), Munich 19TI, p. 271.

38 Par ex. Nipperdey, p. 310; SOllner, p. 81; Brox et Rüthers, p. 72; Hanau et Adomeit, p. 64.

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<tiques étrangers. Dans les pays où elle ne résulte pas de la loi, l'obligation de paix doit être expressément convenue. Et plusieurs législateurs, comme le suédois et le français, ont pris soin de l'ancrer dans un texte 3 •• L'opinion de Strasser rencontre, en 1970, l'appro- bation de Buchner ' •.

Mais l'attaque la plus vive viendra de Daubler, pour qui l'obli·

gation de paix est néfaste, parce que, floue, elle introduit une exces·

sive insécurité juridique dans les conflits collectifs; qu'elle empêche les travailleurs de bénéficier des améliorations de la conjoncture et qu'elle force les syndicats à réprimer les aspirations de la base.

L'obligation de paix ne saurait découler de la nature de la convention, car, si tel était vraiment le cas~ on ne s'expliquerait pas comment il se fait que le droit français semble la bannir des contrats collectifs.

D'autre part, 1'« ordre» qu'est censée instituer la convention n'est assuré que si les intéressés y consentent. D'où l'importance de leur volonté. Enfin, rien ne permet de décréter que l'obligation de paix soit la contrepartie des dispositions normatives de la convention. Les termes du marché sont à fixer par la négociation, non par la loi ".

Quelques tenants de la doctrine dominante, pour faire face, ajus- tent légèrement leur position. L'obligation de paix s'imposerait moins en raison de son caractère naturellement immanent à la convention qu'en vertu du droit coutumier". Mais Daubler nie que les éléments constitutifs de la coutume soient réunis 48.

La jurisprudence laisse encore planer quelque incertitude, comme avant le régime national·socialiste. Dans un arrêt de 1957, le Tribunal fédéral du travail regarde l'obligation de paix comme un corollaire du contrat collectif". En 1971, il déclare que, pour se soustraire à l'obligation de paix, il faut mettre fin à la convention. Le seul moyen de sauvegarder tant soit peu sa liberté est donc de prévoir de courts délais de résiliation ". Mais, deux ans après, cette juridiction laissera

39 R. Strasser, Die Rechtsgrundlage der tariflichen Friedenspflicht, Recht der Arbeit, voL 18 (1965), p. 401 sqq. On s'apercevra Que l'invocation de l'exempte français est malheureuse. Voir encore R. Strasser, Der Arbeitskampf, Vienne 1972. p. 75 sqq.

40 H. Buchner, Moglichkeiten und Grenzen betriebsnaher _ Tarifpolitik (II), Der Betrieb, vol. 23 II (1970), p. 2074.

41 W. Daubler, Das Arbeitsrecht, Reinbek bei Hamburg 1976, p. 70 sqq.;

W. Daubler et H. Hege, Tarifvertragsrecht, Ein Kommentar. Baden·Baden 1978, p. 76 sqq.

42" H. Wiedemann, Anmerkung in Nachschlagewerk des Bundesarbeitsgerichts, ArbeitsrechUiche Praxis, Munich et Berlin (depuis 1954), ad AP 6 ru § 4 TVG, Nachwirkung (cité: AP). Voir aussi Wiedemann et Stumpf, p. 272 et Nipperdey, p. 310 (note 14a).

43 Da.ubler, p. 73; Daubler et Hege, p. 81.

... AP 1 zu § 1 TVG, Friedenspflicht (BAG. 8.2.1957). Cf. aussi note 50, infra .

•• AP 6 zu § 4 TVG, Nachwirkung (BAli. 14.2.1973).

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14 DROIT COMPAru!

ouverte la question de savoir s'il est impossible de conclure une convention collective sans souscrire à une obligation de paix 48.

Ainsi, la doctrine et la jurisprudence allemandes se sont concen- trées sur la question de savoir si l'obligation de paix, tenue pour implicite à la convention, en découle nécessairement (théorie struc- turaliste dominante) ou si, au contraire, les parties peuvent s'entendre pour l'écarter (théorie volontariste minoritaire). Quoiqu'elles se soient peu attardées sur la relation entre le droit de grève et la limitation conventionnelle de ce dernier, il sied d'en dire quelques mots à des fins comparatives.

b) L'obligation de paix et le droit de grève

L'article 9 de la loi fondamentale de Bonn garantit expressément la liberté d'association et de coalition, s'agissant en particulier de )a sauvegarde et de l'amélioration des conditions de travail 47. Il n'y est pas fait mention du droit de grève. Toutefois, les luttes de travail (grève et lock-out) sont autorisées, dans certaines limites, par l'ordre juridique libéral et social de la République fédérale d'Allemagne 48.

Le Tribunal fédéral du travail a relevé en 1955 que, voulût-on recon- naître le droit de grève comme un droit constitutionnel, il ne prime- rait pas les dispositions y relatives renfermées dans les contrats col- lectifs 4.9. Les juges se sont exprimés plus longuement à ce sujet dans un arrêt de 1958, dont nous traduisons ce passage:

«Même les partisans les plus résolus d'un droit de grève consti- tutionnel, qui serait ancré dans {'article 159 de la Constitution de l'Empire de Weimar, aujourd'hui dans l'article 9 de la loi fondamen- tale ou dans les Corr,stitutions des Liinder, n'ont jamais douté le moins du monde que ce drczit de grève puisse être délimité et restreint par des dispositions contractuelles. Une opinion différente équivaudrait à la condamnation du droit des contrats collectifs lui-même et de l'obligation de paix qui en découle nécessairement. Le contrat collec- tif perdrait toute sa valeur et toute son importance pratique. Cela conduirait à l'abolition de l'autonomie des partenaires sociaux. C'est pourquoi, à juste titre, une telle opinion n'a jamais été soutenue. La licéité d'obligations librement contractées d l'effet de limiter les combats collectifs résulte de la liberté des contrats, garantie par la

46 Betriebs-Berater, vol. 30 (1975), p. 699 sq., ïOO (BAG, 29.1.1975).

47 Article 9 de la loi fondamentale de Bonn: (1) «Alle Deurschen haben das Recht, Vereine und Gese11sclzaften zu bilden .• (3) • Das Recht, zur Wahrung und Forderung der Arbeits- und Wirtschaftsbedingungen Vereinigungen zu bilden, ist für jedermann und tür alle Berufe gewiihrleistet ... ».

48 AP 1 zu Art. 9 GG, Arbeitsk.ampf (BAG, 28.1.1955). Sur la reconnaissance constitutionnelle du droit de grève, voir, par exemple, F. Gamillscheg, Arbeits- recht, Munich 1976, p. 295 sqq.

49 Arrêt cite à la note précédente.

(22)

Constitution (article 2). De telles obligations sont-elles contractées, alors s'impose le principe que les contrats doivent être respectés.

La liberté des contrats et le respect de ceux-ci ne se trouvent pas en contradiction avec la liberté de faire grève. Ces libertés appar-

tiennent au fondement de l'Etat de droit libéral et social (articles 20 et 28 de la Constitution). Règles fondamentales, elles s'appliquent à cous les citoyens et, par suite, également aux partenaires sociaux qui, dans le cadre des tâeltes qui leur sont reconnues, doivent s'en tenir aUX accords qu'ils ont eux-mêmes librement conclus. Les partenaires sociaux ne peuvent pas prétendre au droit de se délier unilatéra- lement, à leur gré, des engagements qu'ils ont pris. »50

2. Suède

a) La loi de 1928

Le statut juridique des conventions collectives est demeuré incer- tain, en Suède, jusqu'en 1915. Cette année-là, la Cour suprême dut se prononcer sur trois affaires dont l'origine remonte à la grève générale de 1909. L'une d'elles touche précisément notre sujet.

Le syndicat des typographes avait signé une convention prévoyant que, durant la validité de celle-ci, les arrêts de travail étaient prohibés (qu'ils fussent dus à une grève, à un lock-out ou à un boycottage) et que tous les litiges survenant dans le cadre de la convention devaient être réglés selon les procédures établies d'un commun accord. Le 7 août 1909, le comité central du syndicat décida de se joindre à la grève générale. Invoquant la clause de paix, J'employeur agit en répa- ration. Le syndicat se défendit en alléguant que la convention ne le liait pas sur le plan juridique, mais formait seulement un traité de paix sans valeur contraignante. Le tribunal de première instance lui donna raison: la convention ne créait pas de lien juridique entre les parties, si bien que celles-ci ne pouvaient en tirer des droits. La Cour suprême confirma cette décision quant à son résultat, mais motiva son arrêt différemment. D'accord avec le demandeur, elle posa que la convention déployait ses effets dans la sphère juridique. Les parties se trouvaient liées. Cependant, la grève querellée, qui était de sym- pathie, ne lui sembla pas couverte par la clause de paix. Elle libéra donc J'intimé 01.

Dans l'espèce relatée ci~dessus, la convention renfermait une clause expresse. II a été jugé plus tard qu'une telle clause n'était pas néces-

00 AP 2 zu § 1 TVG, Friedenspflicht (BAG, 31.10.1958).

51 JJ. Robbins, The Government of Labor Relations in Sweden, New~York

1942, p. 89 sqq.; F. Schmidt, Law and lndustrial Relations in Sweden, Stock·

holm 1977, p. 37 sq., 162. JI

(23)

16 DROIT COMPAIŒ

saire. Dès lors qu'elles concluent une convention collective, les parties s'interdisent de recourir à la lutte économique pour obtenir que celle",i soit modifiée. L'obligation de paix est donc immanente à la conven tion 62.

En 1928, malgré l'opposition très vive des syndicats, le parlement édicta la loi sur les conventions collectives, où il inscrivit l'obligation de paix:

« Les employeurs et les travailleurs qui sont liés par une conven- tion collective ne peuvent, pendant la période de validité de celle·ci, prendre part à un arrêt de travail (lock-out ou grève), à un boycott ou à une autre lutte de même nature:

1) dans un litige concernant la validité, l'existence ou ['inlerpre- tation de la convention ou la question de savoir si telle actio~

particulière représente une violation de la convention ou de la présente loi;

2) dans le dessein d'obtenir une modification de la convention;

3) dans le dessein d'obtenir par la force une disposition contrac- tuelle devant s'appliquer à l'expiration de la convention; ou 4) dans le dessein d'aider des tiers lorsque ces derniers n'ont eux-mêmes pas le droit de prendre des mesures de combat. ») {i3 La loi rend impérative cette obligation, de sorte qu'il n'est pas loisible aux parties de s'y soustraire d'un commun accord M.

bl

La loi de 1976

Les principes pOsés en 1928 furent repris en 1976 dans la nouvelle loi sur la réglemenfation conjointe de la vie du travail. Le libellé n'a guère changé:

« Employeurs et travailleurs liés par une convention collective ne peuvent déclencher un arrêt de travail (lock-out ou grève), un boycott ou une autre mesure de combat semblable, ou y participer ( ... ), si le combat viole une disposition relative à l'obligation de paix dans une convention collective ou si le combat a pOUT but:

42 Rabbins, p. 251 sq.

53 Article 4, alinéa t, de la loi sur les conventions collectives de 1928, in F. Schmidt, The Law of Labour Relations in Sweden Stockholm 1%2, p. 243 sq.

La loi est reproduite in Série Ugislative, t92s..Suè.

2.

Voir aussi Schmidt, The

Law ...• p. 173 sq .. 180, 219; S. Edluna, Settlement through Negociation of

Disputes on the Application of CoUective Agreements, Scandinavian Studies in Law, vol. 12 (1968), p. 11 sqq., 12; Robbins, p. 2SO sqq.

54 Article 4, alinéa 3, de la loi: «Les dispositions du présent article s'appli- quent même aux conventions renfermant des clauses contraires.»

(24)

1) d'exercer une pression dans un litige relatif à la validité d'une convention collective, à son existence ou à son interprétation, ou dans un litige relatif à la question de savoir si une manière d'agir particulière est contraire à la convention Ou à la présente loi;

2) d'obtenir une modification de la convention;

3) d'obtenir une disposition contractuelle destinée à entrer en vigueur lorsque la convention aura cessé de s'appliquer; ou

4) de soutenir une autre partie qui elle~même n'a pas le droit de prendre des mesures de combat.» 55

Demeurée impérative, l'obligation de paix n'est aujourd'hw plus contestée par les syndicats ".

Ainsi, en Suède, bien que les tribunaux aient déclaré l'obligation de paix immanente à la convention collective, le parlement l'a expres- sément ancrée dans la loi dès 1928. C'est que l'obligation de paix y est moins regardée comme un corollaire logique des dispositions nor- matives de l'accord que comme une nécessité pratique. Dans la mesure où les partenaires se lient sur le plan juridique, le droit remplace la force. Il importe donc de préciser légalement la portée de l'obli- gation de paix et de mettre à disposition des intéressés une instance judiciaire adaptée à leurs besoins. Voilà pourquoi, en même temps qu'elle édictait une loi sur les conventions collectives, en 1928, la Suède instituait une cour du travail pour résoudre les litiges dans ce domaine Cl7.

3. Etats-Unis d'Amérique

a) Les lois de 1935 et de 1947

Aux Etats-Unis, le droit du travail ressortit à la compétence des Etats et, dans la mesure où le commerce interétatique est affecté, à celle du gouvernement central. Les problèmes posés aux deux niveaux ne diffèrent guère les uns des autres. Nous nous limiterons donc à l'examen du droit fédéral.

615 Article 41, alinéa 1, de la loi sur la réglementation conjointe de la vie du. travail, de 1976, in F. Schmidt, Law and ... , p. 234 SQQ., 241. La loi est repro- dUite in Série législative, 1976-Suè. 1. Voir aussi Schmidt, Law and .... p. 38, 160 sqq.

66 Article 4. alinéa 3, de la loi. Voir F. Schmidt. Law and Industrial Peace,..

The Scandinavian Approach, Scandinavian Studies in Law, vol. 17 (1973), p. 255 sqq., 258, 269.

67 Schmidt, Ein Vergleich ... , p. 613. ..

(25)

18 DROIT COMPARÉ

Le cadre de l'obligation de paix s'est construit en deux étapes:

l'adoption de la loi Wagner, en 1935 '., et celle de la loi Taft-Hartley, en 1947

'9.

Nous nous bornerons à l'étude de ces deux textes, en négligeant le cas particulier de la loi sur le travail dans les chemins de fer "'.

La loi Wagner (telle qu'amendée, d'ailleurs, par la loi Taft·Hartley) vise essentiellement à développer le rôle des syndicats dans la négo- ciation collective. Etablissant le système de l'unité de négociation, au sein de laquelle le syndicat majoritaire bénéficie d'une reconnais·

sance exclusive qui l'habilite à conclure une convention couvrant tous les travailleurs de l'unité, elle impose aux parties le devoir de négocier.

La violation de ce devoir constitue une pratique déloyale de travail.

Le Conseil national des relations du travail, qui délimite les unités de négociation et certifie le syndicat désigné comme majoritaire par voie d'élection, a pour tâche également de réprimer les pratiques déloyales de travail .'.

Voici comment la section 8 (d) de la loi Wàgner définit le devoir de négocier: «Aux fins de cette section, négocier collectivement est le respect d'une obligation réciproque de l'employeur et du repré·

sentant des travailleurs de se rencontrer à une fréquence raisonnable, de discuter de bonne foi les salaires, les heures et autres termes et conditions de travail, ou la négociation d'un accord, ou toute question à propos d'un tel accord, et de rédiger un contrat incorporant tout accord atteint, si l'une des parties le demande, mais une telle obli·

gation. n'impose à aucune partie le devoir d'accepter une proposition ou de faire une concession.» 62 Cependant, une partie ne viole pas son devoir de négocier et, partant, ne commet pas une pratique déloyale lorsqu'elle refuse «de discuter ou d'accepter une moditi·

-cation des termes et conditions contenus dans une convention de durée déterminée s~ne telle modification doît entrer en vigueur avant que les termes et conditions puissent être négociés à nouveau selon la convention. » ~

De cette règle se rapproche le devoir de paix, énoncé plus loin:

toute partie qui entend modifier la convention ou y mettre un terme

58 National Labor Relations Act, 1935. tel qu'amendé notamment en 1947 (cité: loi Wagner). Série législative, 1935-E.tJ.A. 1.

~9 Labor Management Relations Act, 1947 (cité: loi Taft·Hartley). Série légis·

lattve, 1947·E.U.A. 2.

GO Voir: Administration of the Railway Labor Act by the National Mediation Board 1934-1970, V~,rashington 1970; Tbe Railway Labor Act at Fifty, Washington 1977.

01 29 V.S.C. 159(a), 158(a) (5), 153(a), 16O(c) et (e). Référence sera désonnais faite au Code des Etats-Unis, abrégé V.S.C. (United States Code). Le nombre

·précédant les initiales indique le volwne; celui suivant les initiales, la section.

62 29 U.S.C. 158(d). incipia.

Ga Ibid.

(26)

19 est requise de le notifier à l'autre partie soixante jours à l'avance;

d'offrir de négocier un nouveau texte; d'informer, dans les trente jours suivant la notification, les services de conciliation et de média- tion compétents 64 ; enfin, de c respecter les termes et conditions du contrat en vigueur, sans recourir à la grève ou au lock-out, jusqu'à la fin du délai de soixante jours suivant la notification ou jusqu'à l'expi- ration du contrat, la plus tardive de ces deux dates étant détermi-

nante:fl 61.

Pris à la lettre, ce texte pose que, dans le cas d'une convention eollective de durée indéterminée, le syndicat ou J'employeur désireux de la modifier ou de la résilier sont tenus de donner un préavis de négociation d'une durée de soixante jours avant de pouvoir recourir licitement à la grève ou au lock-out. Dans le cas d'une convention de durée déterminée, le préavis reste sans effet lorsque la période de soixante jours expire avant la convention_ Mais si la période de soixante jours expire après la convention, c'est le délai de préavis -qu'on respectera_ En fait, cette règle a suscité des interprétations .divergentes qui, compte tenu de son apparente clarté, nous semblent

résuiter d'une cause intéressante_

Le premier litige tranché par le Conseil national des relations du

·travail présentait le problème dans toute sa simplicité. Avant l'expi- ration de la convention collective (mais après l'écoulement du délai de préavis de soixante jours). un syndicat déclenche une grève pour obtenir une modification de l'accord. Commet-il une pratique déloyale -de travail en violation de la section 8 (d) ? Le juge instructeur, s'arrê-

tant au sens obvie de la loi, recommanda de répondre par J'affirma- tive. Le Conseil en décida autrement. A ses yeux, l'interprétation du juge aboutissait à un résultat manifestement déraisonnable et con-

traire à la politique du législateur. Ce dernier n'avait en vue que les grèves suscitées à l'improviste pendant la durée de validité de la convention ou juste après son expiration, au moment où le climat .favorable à la négociation doit être sauvegardé. En conséquence, l'unique obligation du syndicat est de respecter un délai de préavis -de soixante jours_ Il faut interpréter les mots: «la plus tardive de ces deux dates étant déterminante. (la date d'expiration du délai et œlle d'expiration de la convention) comme signifiant seulement que si le délai de notification n'est pas encore écoulé lors de l'expiration

·du contrat, c'est le délai de notification qui prévaut. Deux des cinq membres du Conseil du travail adoptèrent une position encore plus

·restrictive. Pour eux, le délai de préavis ne s'appliquerait que lorsque :la convention touche à sa fin_ C'est à ce moment-là seulement que

.. 29 u.s.e. 158(d) (l), (2), (3) . .. 29 u.s.e. lS8(d) (4). "

(27)

20 DROIT COMPAR~

les négociations doivent être favorisées ". L'interprétation du Conseil du travail fut rejetée par la Cour d'appel pour le huitième circuit, qui s'en tint au texte de la loi. Selon elle, c'était le but même du législateur que de stabiliser les relations industrielles en assurant le respect des conventions collectives 67.

L'année suivante, la même Cour d'appel eut l'occasion de confirmer son point de vue à propos d'un cas plus complexe. L'employeur et le syndicat étaient liés par une convention collective renfermant une clause de renégociation. La durée initiale était d'une année au mini- mum (23 octobre 1950 au 23 octobre 1951). Cependant, les parties convinrent que, dès le 24 aoüt 1951, chacune d'entre elles pouvait, si elle désirait changer le contrat, en infonner l'autre par écrit. Dès réception de la lettre devaient s'engager des négocations d'une durée maximum de soixante jours. Faute d'accord à l'échéance de ceUe période, il leur était loisible de dénoncer la convention en donnant un préavis de soixante jours. Le 24 aoüt 1951, le syndicat fit savoir dans les formes son désir de modifier la convention. Les négociations.

ayant échoué, il décida, le 14 février 1952, de se mettre en grève, mais n'exécuta son dessein que le 30 avril 1952. Toutefois, il n'avait pas dénoncé la convention.

Le Conseil du travail, quoique déclarant se conformer à l'arrêt de la Cow' d'appel dans l'affaire précédente, interpréta les mots «expi·

ration du contrat» comme la date à laquelle une modification du contrat initial pouvait entrer en vigueur, soit un an après sa conclu- sion, le 23 octobre 1951

'S.

La Cour d'appel n'admit pas ce point de vue. Selon elle, une modification du contrat pouvait entrer en vigueur le 23 octobre 1951 dans la mesure où les parties s'entendaient à cet égard. Sinon, à teneur du texte, une résiliation était nécessaire. Faute de résiliation au cas particulier. la grève. intervenant avant l'expira- tion du contrat, viol~ la section 8 (d)

'9.

Cependant, la Cour suprême cassa. Elle considéra que l'interprétation de la Cour d'appel restrei-

66 United Packinghouse Workers of America and Wilson & Co, 89 N.L.R.B.

310 sqq., 318, 319 sqq., 323 sqq. (1950). L'abréviation N.L.R.B. renvoie au recueil des décisions du NatioHal Labor Relations Board, le premier nombre visant le volume, le second les pages.

67 United Packinghouse Workers of America v. NLRB, Wilson & Co v.

N.L.R.B., 210 F. 2d 325 sqq., 331 (Be Cir., 1954). L'abréviation F. 2d renvoie au Federal Reporter, 2e série, le premier nombre visant le volume. le second les pages. Cf. aussi un dictum dans un autre jugement intéressant les mêmes par·

ties, sinon le même litige, United Packinghouse Workers v. Wilson & Co. 80 F.

SuPP. 563, 569 (N.D. Ill., E.D., 1948). L'abréviation F. Supp. renvoie au Federal Supplement. La première partie de la parenthèse désigne la Cour ,de distrkt qui a rendu la décision.

68 Lion Oil Company and Oil Workers International Union, 109 N.L.R.B.

680 sqq., 685 sq. (1954). M. Murdock, dans une opinion dissidente, réitéra le point de vue (exprimé dans l'affaire Wilson, 89 N.L.R.B. 319, supra note 66) que la section B(d) (4) ne se rapportait qu'aux grèves déclenchées lorsque la convention collective touche à sa fin.

" Lion Dil Company v. NLRB, 221 F. 2d 231 sqq., 235 sq. (8' Cir., 1955).

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