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Le droit comparé dans le contexte fédéral suisse

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Le droit comparé dans le contexte fédéral suisse

MALINVERNI, Giorgio

MALINVERNI, Giorgio. Le droit comparé dans le contexte fédéral suisse. Revue internationale de droit comparé, 1988, vol. 40, no. 3, p. 583-607

DOI : 10.3406/ridc.1988.1278

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:73562

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Revue internationale de droit comparé

Le droit comparé dans le contexte fédéral suisse

Giorgo Malinverni

Citer ce document / Cite this document :

Malinverni Giorgo. Le droit comparé dans le contexte fédéral suisse. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 40 N°3, Juillet-septembre 1988. pp. 583-607;

doi : https://doi.org/10.3406/ridc.1988.1278

https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1988_num_40_3_1278

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le droit privé et de tout le droit pénal, ainsi que d'une bonne partie du droit public. C'est dans ce dernier domaine que les cantons ont toutefois conservé une relative autonomie et qu'il y a donc le plus de place pour du droit cantonal comparé. Cette place est relativement importante dans les domaines où la Confédération ne peut édicter que des principes, au moyen de lois-cadre. Elle l'est plus encore dans les secteurs où les cantons ont une compétence exclusive ou parallèle à celle de la Confédération.

Dans les autres domaines, la législation cantonale n'existe que dans la mesure où le législateur fédéral a délégué des compétences aux cantons. Même dans les domaines où les cantons n'ont plus aucune compétence législative, ils sont souvent appelés à exécuter le droit fédéral. L'unité de ce dernier s'y trouve de ce fait limitée. L'unification du droit n'implique en effet pas l'uniformité de son interprétation et de son application par les autorités cantonales. Il y a donc dans ces secteurs également une certaine place, limitée il est vrai, pour du droit cantonal comparé.

Abstract

In Switzerland, some very large sectors of the legislation derive of Federal Law. This applies for practically ail the private law, criminal law and as well as a good part of public law. It is in this last field though that the states (« cantons ») have preserved a relative autonomy and that there is hence the most space for comparative law of the « cantons ». This place is relatively important in the fields in which the Confederation can edict only principles by the means offrame-laws. It is even larger in the sectors where the states hâve an exclusive competence or parallel to that ofthe Confederation. In the other fields state legislation exists only to the extent that the Federal legislator has delegated compétences to the states. Even in the fields where the states have no more legislative competences, they are often called to apply Federal law. Because of this the unity of Federal law is crippled. The unification of law doesn't in fact imply the uniformity of its interpretation and of its application by the state authorities. There is therefore in these fields as well a certain place, although limited, for comparative state law.

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R.I.D.C. 3-1988

LE DROIT COMPARE

DANS LE CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE (*)

par

Giorgio MALINVERNI Professeur à l'Université de Genève

En Suisse, de très larges secteurs de la législation sont du droit fédéral.

C'est vrai de pratiquement tout le droit privé et de tout le droit pénal, ainsi que d'une bonne partie du droit public. C'est dans ce dernier domaine que les cantons ont toutefois conservé une relative autonomie et qu'il y a donc le plus de place pour du droit cantonal comparé. Cette place est relativement importante dans les domaines où la Confédération ne peut édicter que des principes, au moyen de lois-cadre. Elle l'est plus encore dans les secteurs où les cantons ont une compétence exclusive ou parallèle à celle de la Confédération. Dans les autres domaines, la législation cantonale n'existe que dans la mesure où le législateur fédéral a délégué des compétences aux cantons. Même dans les domaines où les cantons n'ont plus aucune compétence législative, ils sont souvent appelés à exécuter le droit fédéral.

L'unité de ce dernier s'y trouve de ce fait limitée. L'unification du droit n'implique en effet pas l'uniformité de son interprétation et de son

application par les autorités cantonales. Il y a donc dans ces secteurs également une certaine place, limitée il est vrai, pour du droit cantonal comparé.

In Switzerland, some very large sectors of the legislation derive of Federal Law. This applies for practically all the private law, criminal law and as well as a good part of public law. It is in this last field though that the states (« cantons ») have preserved a relative autonomy and that there is hence the most space for comparative law of the « cantons ». This place is

(*) Rapport présenté au Colloque organisé par l'Association internationale des sciences juridiques sur « Le droit comparé dans un contexte fédéral » (Munich, 15-17 septembre

1987).

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relatively important in the fields in which the Confederation can edict only principles by the means of frame-laws. It is even larger in the sectors where the states have an exclusive competence or parallel to that of the Confederation. In the other fields state legislation exists only to the extent that the Federal legislator has delegated competences to the states. Even in the fields where the states have no more legislative competences, they are often called to apply Federal law. Because of this the unity of Federal law is crippled. The unification of law doesn't in fact imply the uniformity of its interpretation and of its application by the state authorities. There is therefore in these fields as well a certain place, although limited, for comparative state law.

I. LE SYSTÈME DE PARTAGE DES COMPÉTENCES ENTRE LA CONFÉDÉRATION ET LES CANTONS

A. Le principe

Le système de répartition des compétences entre la Confédération et les cantons est prévu à l'article 3 de la Constitution fédérale (ci-après Cst.

féd.)., aux termes duquel « les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale ». Cet article précise encore que les cantons « exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral ».

L'article 3 Cst. féd. attribue ainsi à la Confédération ou, plus

exactement, au constituant fédéral, « la compétence de la compétence », c'est- à-dire la compétence de déterminer ses propres compétences. En vertu de cette disposition, la Confédération n'a donc que des compétences d'attribution. Les domaines qui n'y figurent pas appartiennent aux cantons, qui ont en conséquence une compétence résiduelle, ou générale.

Pour conférer à la Confédération une compétence qu'elle n'a pas et qui appartient par conséquent aux cantons, il faut chaque fois adopter un nouvel article constitutionnel, c'est-à-dire procéder à une révision de la Cst. féd. La plupart des quelque cent révisions partielles que la Cst. féd.

a subies depuis 1874, date de son entrée en vigueur, ont eu pour objet l'attribution d'une nouvelle compétence à la Confédération.

Le fait que les cantons participent à toute révision de la Constitution (pour laquelle la double majorité, du peuple et des cantons, est requise) ne fait pas apparaître la Confédération comme juge et partie. Toute nouvelle attribution de compétence à la Confédération ne peut en effet s'effectuer qu'avec l'accord de la majorité absolue des cantons.

Le système de répartition des compétences prévu à l'article 3 Cst.

féd. s'explique par des raisons historiques. Avant d'être un État fédéral, la Suisse était en effet, jusqu'en 1848, une Confédération d'États dans laquelle la quasi-totalité des compétences étatiques appartenait aux cantons. Le système de l'article 3 Cst. féd. opère une répartition sans lacunes des compétences étatiques : si un domaine de l'activité de l'État figure dans la Cst. féd., il appartient à la Confédération ; s'il n'y figure pas, il relève de la compétence des cantons. Il résulte du système prévu par

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G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 585 l'article 3 Cst. féd. que les compétences cantonales sont « anonymes », dans ce sens qu'elles ne sont énumérées ni dans la Constitution fédérale ni dans les constitutions cantonales.

On trouve cependant dans la Constitution fédérale des dispositions qui réservent expressément certaines compétences aux cantons (p. ex. les art. 64, al. 3, 64 bis, al. 2, 24 sexies, al. 1er, 74, al. 4, Cst. féd., etc.). Ces dispositions ont été introduites dans la Constitution pour de purs motifs d'opportunité, à savoir pour indiquer les limites des compétences octroyées à la Confédération, et pour favoriser ainsi l'acceptation de la révision par le constituant, en particulier par la majorité des cantons.

B. Les exceptions 1. Les compétences tacites.

Il résulte de ce que nous venons de dire que les compétences de la Confédération sont normalement expressément mentionnées dans la Cst.

féd., surtout au chapitre I (art. 1-70), parfois également au chapitre II (p.

ex. les art. 110 et s. Cst. féd.). A côté des compétences expresses, la Confédération peut cependant également se prévaloir de compétences tacites. Celles-ci se subdivisent en deux catégories :

a) Les pouvoirs implicites.

Les pouvoirs implicites {implied powers) désignent des compétences que la Constitution ne mentionne pas expressément, mais qui sont

étroitement liées à l'exercice d'une compétence expresse. Il existe en d'autres termes un étroit rapport de connexité entre la compétence expresse et la compétence implicite, en ce sens que celle-ci est indispensable à l'exercice de celle-là. On admet donc que la compétence d'accomplir certains actes comprend celle d'en accomplir d'autres. Le droit de déclarer la guerre ou

de conclure des traités internationaux (art. 8, Cst. féd.) inclut par exemple, pour la Confédération, la faculté d'entretenir des rapports

diplomatiques avec les États étrangers. On peut également dire que, dans certains cas, une compétence expresse qui prévoit un moyen pour atteindre un certain but, englobe celle de recourir à d'autres moyens qui, notamment avec l'évolution de la technique, s'avèrent nécessaires pour atteindre ce même but. En établissant la régale fédérale des postes et des télégraphes, l'article 36 Cst. féd. vise à conférer à la Confédération une compétence générale dans le domaine de la transmission des signaux, des images et des sons, de sorte qu'elle peut légiférer aussi en matière de téléphone, de radio et de télévision, du moins en ce qui concerne les aspects

techniques (1).

b) Les pouvoirs inhérents.

Les pouvoirs inhérents {inherent or resulting powers) désignent quant à eux des compétences qui résultent de « la nature des choses », à savoir

(1) Arrêt du Tribunal fédéral (ci-après ATF) 105 Ib 389 ; 109 Ib 308.

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de l'existence même d'un État fédéral. Ainsi la Confédération peut-elle désigner elle-même ses armoiries ou fixer la date de la Fête nationale, etc. Comme exemples récents de compétences tacites de la Confédération, on peut mentionner la politique culturelle (2) et l'aide au

développement (3).

2. Les compétences découlant d'arrêtés fédéraux urgents dérogeant à la Constitution.

Selon le système de l'article 89 bis, alinéa 3, Cst. féd., l'Assemblée fédérale peut déroger à la Constitution en adoptant un arrêté fédéral urgent, limité dans le temps, et soumis au référendum résolutoire

obligatoire du peuple et des cantons. Un tel arrêté peut donc temporairement conférer à la Confédération une compétence que la Constitution réserve aux cantons. Avant l'adoption, en 1978, de l'article 31, quinquies, Cst.

féd., la Confédération n'avait par exemple pas la compétence de limiter les amortissements admissibles pour les impôts sur le revenu cantonaux et communaux. C'est pourquoi, dans le cadre des mesures adoptées en décembre 1972 pour combattre la surchauffe économique, elle a pris un arrêté urgent qui lui conférait cette compétence (4).

3. Les compétences internationales de la Confédération.

La répartition des compétences prévue par la Constitution peut en outre être modifiée par des traités internationaux. La Confédération peut en effet conclure des conventions même dans les domaines où elle n'a aucune compétence en droit interne et ne pourrait donc pas adopter une loi. La compétence de la Confédération de légiférer dans le domaine du droit international privé en concluant des traités internationaux (art. 8 et 64, Cst. féd.) permet par exemple d'empiéter le cas échéant sur les compétences des cantons en matière d'organisation judiciaire et de

procédure (art. 64, al. 3, Cst. féd.) (5). En pratique, il est cependant rare que la Confédération empiète sur les compétences cantonales par le moyen d'un traité international.

4. Les compétences usurpées.

Le partage des compétences prévu par la Constitution peut enfin être modifié par des lois fédérales contraires à la Constitution. En vertu de la règle de l'article 113, alinéa 3, Cst. féd., les lois fédérales lient en effet toutes les autorités chargées de les appliquer, de sorte que l'on peut

(2) V. la loi fédérale concernant la Fondation Pro Helvetia du 17 décembre 1965, qui ne se base sur aucun article constitutionnel précis.

(3) V. la loi fédérale sur la coopération au développement et l'aide humanitaire

internationales, du 19 mars 1976, qui se base sur certaines dispositions constitutionnelles organisa- tionnelles, mais aussi, selon le Conseil fédéral, sur une compétence implicite de la

Confédération (v. Feuille fédérale [ci-après FF] 1973 I 864).

(4) Recueil officiel des lois fédérales (ci-après ROLF) 1972, p. 3049 ; accepté par le peuple et les cantons le 2 décembre 1973, cet arrêté a expiré le 31 décembre 1974.

(5) V. p. ex. le Message du Conseil fédéral accompagnant un projet de loi fédérale sur le droit international privé (FF 1983 I 279 et s.).

(8)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 587 imaginer que le Parlement, en légiférant dans un domaine où la

Confédération n'a pas de compétence, empiète sur les compétences réservées aux cantons. On parle dans ce cas de compétences fédérales usurpées. Celles-ci sont extrêmement rares dans la pratique. L'arrêté fédéral sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger est cependant généralement considéré comme un exemple de compétence fédérale

usurpée, dans la mesure où il se base sur le seul article 64, Cst. féd., qui confère à la Confédération la compétence pour légiférer dans le domaine du droit privé, tout en poursuivant des objectifs et en prévoyant des moyens que l'on ne peut guère rattacher au droit privé.

II. LES CRITÈRES DE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA CONFÉDÉRATION ET LES CANTONS La Constitution fédérale répartit les compétences entre la

Confédération et les cantons selon des critères et des techniques divers, qui sont les suivants.

A. Répartition par domaines

La Cst. féd. attribue très souvent une compétence à la Confédération en mentionnant les domaines dans lesquels celle-ci est habilitée à

intervenir. C'est ainsi qu'elle attribue par exemple à l'État central la compétence dans le domaine de la protection civile (art. 22 bis, Cst. féd.), de l'énergie

atomique (art. 24 quinquies, Cst. féd.), de la protection des

consommateurs (art. 31 sexies, Cst. féd.), de l'assurance-chômage (art. 34 no vies, Cst. féd.), du statut des étrangers (art. 69 ter, Cst. féd.), etc.

B. Répartition par technique de législation

L'État n'intervient cependant pas toujours de la même façon, avec les mêmes techniques, dans les différents domaines de son activité. Les compétences étatiques se répartissent par conséquent non seulement par domaines, ou par matières, mais également par la faculté de recourir à telle ou telle technique de législation.

Ainsi, lorsque la Constitution attribue à la Confédération la

compétence de légiférer dans les domaines du droit civil (art. 64, Cst. féd.) ou du droit pénal (art. 64 bis, Çst. féd.), elle ne vise pas des domaines ou des matières particuliers. L'État peut en effet intervenir dans un même domaine à la fois par des règles de droit privé, de droit public et de droit pénal. Il s'agit donc là non pas de domaines particuliers, mais de

techniques différentes de réglementation d'un même domaine, qui se fondent sur la structure particulière des différentes règles de droit.

La propriété privée est par exemple garantie en tant que droit

constitutionnel par la Cst. féd. (art. 22 ter), réglementée dans un chapitre particulier du Code civil (celui relatif aux droits réels) et protégée par des règles de droit pénal (infractions contre le patrimoine). De même, le logement fait l'objet de règles de droit public (art. 34 septies, Cst. féd. ;

(9)

lois cantonales luttant contre la pénurie de logements), de droit privé (contrat de bail) et de droit pénal (violation de domicile). La famille apparaît également en droit privé (livre II du Code civil) , en droit pénal (titre VI du Code pénal) et en droit public (art. 34 quinquies et 54 Cst.

féd.).

Ce critère de distinction, fondé sur les techniques de législation, est très important en Suisse parce que la Constitution fédérale attribue à la Confédération la compétence générale de légiférer dans les domaines du droit privé (art. 64 Cst. féd.) et du droit pénal (art. 64 bis Cst. féd.). Ceci signifie que, sous réserve de ce que nous dirons plus loin, les cantons ne sont en principe pas compétents pour adopter des règles de droit privé et de droit pénal. Ils sont en revanche compétents pour édicter des règles de droit public. Le problème qui se pose souvent en pratique est dès lors celui de savoir si une règle adoptée par un canton dans un domaine particulier ressortit au droit privé ou au droit public. Dans le premier cas, elle risque de se heurter au principe du partage des compétences entre Confédération et cantons, et d'être par conséquent nulle, tandis que dans le second elle a plus de chances de pouvoir subsister.

C. Répartition par activités étatiques

En se fondant sur le principe de la séparation des pouvoirs, on peut aussi répartir les compétences selon qu'elles touchent la législation, l'exécution ou la juridiction.

En Suisse, le principe de la répartition des compétences entre État central et cantons ne s'applique pleinement (sous réserve de ce que nous dirons ci-dessous à propos de la délégation aux cantons) qu'à propos de l'activité législative. Il subit plus d'entorses dans le domaine de l'activité judiciaire et executive. Nous allons examiner ces deux points.

1. Les compétences judiciaires.

Dans les matières où la législation incombe à la Confédération, la compétence judiciaire est partagée entre celle-ci et les cantons. C'est en particulier le cas dans les domaines du droit privé et du droit pénal. Bien que le Code civil et le Code pénal aient été édictés par la Confédération, les litiges de droit privé et de droit pénal sont au premier chef tranchés par les tribunaux cantonaux. Ceux-ci instituent les premiers degrés de juridiction. Un dernier recours auprès d'une instance fédérale, le Tribunal fédéral, est prévu contre les décisions des autorités judiciaires cantonales de dernière instance (6). Le Tribunal fédéral n'intervient donc

normalement qu'après les tribunaux cantonaux. Il n'est compétent en tant qu'instance unique que dans certains domaines relativement rares (7).

(6) V. les art. 114 Cst. féd. , 43 et s. et 68 et s. de la loi fédérale d'organisation judiciaire et l'art. 268 de la loi fédérale de procédure pénale.

(7) V., p. ex., les art. 112 Cst. féd., 340 à 342 du Code pénal, 41 et 116 et s. de la loi fédérale d'organisation judiciaire.

(10)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 589 L'application du droit fédéral par les tribunaux cantonaux peut se traduire par des interprétations différentes d'une même norme et se répercuter sur les solutions, parfois variées, que ceux-ci donnent aux litiges qui leur sont soumis. Un exemple que l'on cite souvent est celui de l'avortement. L'article 118 du Code pénal suisse le punit de

l'emprisonnement. Mais alors que cette disposition est appliquée strictement par certains tribunaux cantonaux, elle est devenue presque désuète dans

d'autres cantons, au point que l'on s'est demandé s'il ne conviendrait pas de trouver une solution fédérale, c'est-à-dire une réglementation variant d'un canton à l'autre, au problème de l'interruption de grossesse. Les mêmes réflexions pourraient probablement être faites à propos de l'application, par les différents tribunaux cantonaux, des articles du Code civil relatifs au divorce.

Il est donc permis d'affirmer que même dans les branches du droit qui ont été unifiées, comme le droit privé et le droit pénal, il y a une certaine place, très limitée il est vrai, pour du droit cantonal comparé, dans la mesure où ce sont les tribunaux cantonaux qui appliquent le droit fédéral et que cette application peut varier d'un canton à l'autre.

2. Les compétences executives (le fédéralisme d'exécution).

Dans certains domaines, la Confédération non seulement légifère, mais prend aussi des décisions, et les fait exécuter par des agents fédéraux.

Tel est par exemple le cas dans le domaine des chemins de fer, des postes ou des douanes. Dans d'autres matières, la législation adoptée par la Confédération est exécutée par les cantons. C'est ce qu'on appelle en Suisse le fédéralisme d'exécution (8). L'exécution du droit fédéral par les cantons est parfois prévue expressément par la Cst. féd. Il en va ainsi par exemple dans les domaines de la protection civile (art. 22 bis, al. 2 Cst.

féd.), de la protection de la nature (art. 24 septies, al. 2 Cst. féd.), de la protection des animaux (art. 25 bis, al. 3 Cst. féd.), du cinéma (art.

27 ter, al. 4 Cst. féd.), des routes nationales (art. 36 bis, al. 2 Cst. féd.), des poids et mesures (art. 40, al. 2 Cst. féd.), etc.

La pratique et la doctrine sont cependant unanimes à admettre que le législateur fédéral peut déléguer aux cantons la compétence d'exécuter des lois fédérales même lorsque la Constitution ne l'y habilite pas

expressément. Le fédéralisme d'exécution est même devenu un principe essentiel du fédéralisme suisse. Il ne manque d'ailleurs pas de poser des problèmes, car il a tendance à transformer les cantons en de simples collectivités décentralisées qui ne jouissent plus que d'une autonomie très réduite.

Le fédéralisme d'exécution permet aux cantons de conserver une certaine autonomie même dans les domaines qui sont l'objet de la

législation fédérale. L'unification du droit n'implique en effet pas l'uniformité de son interprétation et de son application et une réglementation unifiée n'est pas synonyme de pratique uniforme. Le fédéralisme d'exécution ménage donc une certaine latitude aux cantons et, partant, une certaine

(8) V. Biaise KNAPP, « Le fédéralisme », Revue de droit suisse, 1984, vol. II, p. 346 et s.

(11)

place pour du droit cantonal comparé, même dans les secteurs où la législation a été unifiée au plan fédéral. Cette place sera plus ou moins ample en fonction de la densité de la législation fédérale et de la précision des règles qu'elle contient. Elle dépendra naturellement aussi du pouvoir qu'a l'autorité fédérale d'édicter des circulaires et des instructions plus ou moins détaillées et précises à l'intention des autorités cantonales

d'exécution, voire de leur imposer, dans certains cas, des solutions toutes faites (9). Les cantons et, même, les communes ont par exemple une très grande responsabilité en matière de protection civile, quand bien même celle-ci est régie par une loi fédérale. Aux termes de cette loi, ce sont en effet les cantons et les communes qui sont chargés de former le personnel de la protection civile et de construire les abris (10).

III. LES COMPÉTENCES RESPECTIVES DE LA CONFÉDÉRATION ET DES CANTONS

A. Les différents types de compétences fédérales On peut grouper les compétences fédérales en différentes

catégories (11), dont chacune se caractérise par un effet particulier sur le droit cantonal. A chacune de ces catégories de compétences fédérales

correspond une catégorie de compétences ou d'« incompétences » cantonales, selon le principe de l'article 3, Cst. féd. La question de savoir dans laquelle de ces catégories il faut ranger une compétence fédérale donnée se résoud selon les méthodes d'interprétation traditionnelles.

1. Les compétences exclusives.

Une première catégorie est celle des compétences fédérales

exclusives. Celles-ci privent les cantons de tout pouvoir de législation à partir du moment où la disposition constitutionnelle qui les consacre entre en vigueur. On peut donner comme exemples la défense nationale (art. 18 à 22 Cst. féd.), la régale des poudres (art. 41 Cst. féd.), les douanes (art. 28 et 29 Cst. féd.), les communications ferroviaires (art. 26 Cst.

féd.), les PTT (art. 36 Cst. féd.), la monnaie et les billets de banque (art. 38 et 39 Cst. féd.), lés affaires étrangères, etc.

Dans les domaines où la Confédération jouit d'une compétence

exclusive, les cantons n'ont pas de compétences. Cette catégorie n'a plus d'intérêt pratique. Il est en effet inconcevable que par une révision de la Constitution, la Confédération se voie attribuer de nos jours une

compétence exclusive. En attendant que la Confédération fasse usage de sa compétence, il y aurait en effet un vide juridique que les cantons ne seraient pas habilités à combler (sauf à admettre que la Confédération ait

(9) Id. p. 352.

(10) V. les art. 9 et 10 de la loi fédérale sur la protection civile.

(11) V. Jean-François AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. I, Neuchâ- tel, 1967, p. 266 et s.

(12)

G. MALIN VERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 591 pu préparer d'avance la législation d'application ou qu'une règle de droit fédéral transitoire maintienne le droit cantonal en vigueur) (12). Ce n'est donc pas un hasard si la plupart, sinon la totalité des compétences

exclusives, datent de l'époque de la création de l'État fédéral.

2. Les compétences concurrentes non limitées aux principes.

Une deuxième catégorie de compétences fédérales est celle des

compétences concurrentes non limitées aux principes. Celles-ci n'empêchent pas les cantons de légiférer aussi longtemps que la Confédération n'a pas réglementé la matière de façon exhaustive. En d'autres termes, au moment où la disposition constitutionnelle qui les consacre entre en vigueur, les compétences fédérales ne sont que virtuelles, c'est-à-dire qu'elles n'ont aucune influence sur la législation cantonale en vigueur dans ce domaine. Elles ne deviennent actuelles qu'à partir du moment où la Confédération en a fait usage. La validité du droit cantonal dépend alors de la question de savoir si cet usage fédéral est exhaustif ou

seulement partiel. La réponse à cette question ne se trouve pas dans la

Constitution fédérale, mais dans la législation fédérale, qu'il faut interpréter. C'est la raison pour laquelle cette catégorie de compétences fédérales pose le plus de problèmes pratiques.

On peut citer comme exemples le droit privé, la propriété

intellectuelle, la poursuite pour dettes et faillite (art. 64 Cst. féd.), le droit pénal (art. 64 bis Cst. féd.), le droit public du travail (art. 34 ter Cst. féd.), la navigation maritime et fluviale (art. 24 ter Cst. féd.) et aérienne (art. 37 ter Cst. féd.), l'énergie atomique (art. 24 quinquies Cst. féd.), la

protection des eaux (art. 24 bis, al. 2 Cst. féd.), la protection des animaux (art. 25 bis, al. 2 Cst. féd.), la police du commerce et la sauvegarde de certaines branches économiques, la lutte contre les cartels (art. 31 bis, al. 2 et 3 Cst. féd.), etc.

Dans les domaines — nombreux — où la Confédération jouit d'une compétence concurrente non limitée aux principes, les cantons conservent donc des compétences provisoires qui ne deviennent caduques qu'au moment où la Confédération a épuisé la matière. C'est par exemple en 1898 que la Confédération a reçu la compétence de légiférer en droit civil (art. 64 Cst. féd.). Mais les Codes civils cantonaux ne sont devenus caducs qu'au 1er janvier 1912, date de l'entrée en vigueur du Code civil suisse.

Depuis, les cantons ne peuvent légiférer en la matière que sur la base d'une délégation du législateur fédéral.

La question de savoir si la Confédération a épuisé sa compétence dans une matière déterminée n'est évidemment pas facile à résoudre. Elle est souvent tranchée par le Tribunal fédéral. On admet aujourd'hui que la Confédération a épuisé sa compétence en droit privé, en droit pénal pour les crimes et les délits, en droit des poursuites, en droit du travail,

(12) B. KNAPP, op. cit. (note 8), p. 316.

(13)

en matière d'énergie atomique (13) et dans le domaine de la planification des routes nationales (14).

3. Les compétences concurrentes limitées aux principes.

Une troisième catégorie de compétences fédérales est celle des

compétences concurrentes limitées aux principes. Celles-ci permettent à la Confédération d'édicter dans un domaine donné des lignes directrices, des principes généraux qui s'imposent aux cantons. Mais la compétence de régler le détail appartient à ceux-ci, qui conservent donc des compétences durables. Pour savoir si l'on est en présence d'une telle compétence, il suffit de lire la Constitution, qui emploie des formules telles que « la Confédération a la haute surveillance sur... » ; « a le droit de statuer des dispositions législatives pour... » ; « édicté des principes » ; « fixe des limites », etc. Ce type de compétence habilite donc la Confédération à adopter ce que l'on appelle des lois-cadres.

On peut donner comme exemples la police des forêts et des endigue- ments (art. 24 Cst. féd.), la chasse et la pêche (art. 25 Cst. féd.), la naturalisation ordinaire des étrangers (art. 44, al. 2 Cst. féd.), l'économie des eaux (art. 24 bis Cst. féd.), l'aménagement du territoire (art. 22 quater Cst féd.), etc.

4. Les compétences parallèles.

Une quatrième catégorie est celle des compétences parallèles de la Confédération et des cantons. Celles-ci se caractérisent par le fait qu'elles appartiennent simultanément aux deux collectivités et que leur exercice par l'une de celles-ci n'empêche nullement leur exercice par l'autre.

Compétences fédérales et compétences cantonales se superposent donc les unes aux autres, se complètent sans s'exclure mutuellement. En d'autres termes, le même objet peut être réglementé par la Confédération et par les cantons. On peut donner comme exemples l'organisation des autorités (sous réserve de l'art. 6 Cst. féd.), les règles du droit de procédure (qui sont fédérales pour les voies de recours prévues par le droit fédéral, et cantonales en ce qui concerne la juridiction civile, pénale et administrative cantonale), les impôts et les subventions.

B. Les compétences cantonales 1. Les compétences propres.

a) Les principes.

En vertu de l'article 3, Cst. féd. , les cantons jouissent de compétences propres dans tous les domaines dans lesquels la Confédération n'a pas de compétences. Ces compétences ne sont donc pas énumérées dans la Constitution, mais résultent de celle-ci a contrario. Elles ne sont pas

(13) ATF 103 la 329.

(14) ATF 106 Ib 26 ; pour des exemples de domaines où la Confédération a légiféré sans avoir épuisé la matière, v. ATF 103 la 586 et 109 la 61.

(14)

G. MALIN VERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 593 non plus mentionnées dans les constitutions cantonales. L'ampleur des compétences propres des cantons varie en fonction de la nature de la compétence fédérale.

ad) Dans les domaines où la Confédération dispose d'une

compétence fédérale exclusive, les cantons n'ont aucune compétence propre ; ab) Dans les matières où la Confédération s'est vu attribuer une compétence concurrente non limitée aux principes, les cantons n'ont plus de compétences propres si l'État central, en légiférant de manière exhaustive, a épuisé la matière ; ils disposent en revanche d'une

compétence propre mais provisoire tant que la Confédération n'a pas légiféré de manière exhaustive et n'a donc pas épuisé la matière ;

ac) Dans les domaines où la Confédération est dotée de compétences concurrentes limitées aux principes (= compétence pour édicter des lois- cadres), les cantons disposent de compétences propres et durables, mais limitées à la réglementation des détails ;

ad) En ce qui concerne les compétences parallèles, Confédération et cantons peuvent, comme nous l'avons dit, légiférer simultanément ;

ae) Dans les matières enfin où la Confédération n'a aucune compétence, les cantons disposent de compétences exclusives.

b) Les domaines.

ba) Les principaux domaines dans lesquels les cantons disposent de compétences exclusives sont les suivants : instruction publique, travaux publics, santé publique (notamment les hôpitaux), relations Église-État et cultes, maintien de l'ordre public, police du feu, police des constructions, sépultures ;

bb) Les domaines dans lesquels les cantons sont compétents parallèlement à la Confédération sont notamment celui de leur propre organisation politique, des droits politiques des citoyens, de l'organisation judiciaire, du droit de procédure et du droit fiscal ;

bc) Dans les domaines où la Confédération dispose de compétences concurrentes limitées aux principes, les cantons disposent d'un certain nombre de compétences, qu'ils peuvent exercer dans le respect des

principes contenus dans la législation fédérale. Tel est par exemple le cas dans le domaine de l'aménagement du territoire, ou de la naturalisation ordinaire des étrangers ;

bd) Dans les domaines où la Confédération dispose de compétences concurrentes non limitées aux principes ou de compétences exclusives, les cantons ne disposent normalement plus de compétences, car dans ces matières la Confédération a en principe épuisé sa compétence en légiférant de manière exhaustive. Les seules compétences dont peuvent encore disposer les cantons dans ces secteurs sont celles que leur a déléguées le législateur fédéral. Ce sont ces compétences que nous allons examiner maintenant.

(15)

2. Les compétences déléguées.

Le partage des compétences opéré par la Constitution fédérale peut être modifié par le mécanisme de la délégation verticale de compétences.

On peut donner les exemples suivants de compétences déléguées aux cantons :

— Aux termes de l'article 55, alinéa 1 du Titre final du Code civil suisse (ci-après CCS), les cantons déterminent les modalités de l'acte authentique, qui est la forme spéciale que requiert le Code civil pour certains actes juridiques tels que la constitution d'une fondation de droit privé (art. 81 al. 1 CCS), les contrats ayant pour objet le transfert de la propriété immobilière (art. 657 CCS), etc. L'acte authentique est donc une notion du droit fédéral, mais ce sont les cantons qui l'organisent. Ils peuvent en charger soit des notaires (15), soit des fonctionnaires. Il s'agit d'une compétence déléguée obligatoire.

— L'article 686 du Code civil suisse autorise les cantons à déterminer les distances que les propriétaires sont tenus d'observer dans les fouilles ou dans les constructions et « à établir d'autres règles encore pour les constructions » (16). Il s'agit d'une compétence déléguée facultative.

— Aux termes de l'article 52, alinéa 1er du Titre final du Code civil, les cantons sont tenus d'édicter les lois d'application de ce Code,

notamment en ce qui concerne les compétences des autorités et l'organisation des offices de l'état civil, du registre foncier, etc (17).

— Dans son ancienne teneur, l'article 471 du Code civil suisse fixait la réserve héréditaire des frères et sœurs du défunt à un quart de leur droit successoral. L'article 472 (18) autorisait cependant les cantons à supprimer cette réserve ou à l'étendre aux descendants des frères et sœurs.

Il s'agissait là de droit cantonal substitutif qui n'était pas limité dans le temps (19). Il s'agissait d'un cas où l'unification totale du droit privé n'aurait pas été possible et où il avait fallu tenir compte des traditions locales.

— L'article 2 de la loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, du 13 juin 1911 (LAMA) autorise les cantons à déclarer obligatoire l'assurance en cas de maladie, en général ou pour certaines catégories de personnes. Il s'agit d'une compétence cantonale déléguée facultative (20).

— L'article 335, alinéa 1 du Code pénal suisse dispose que « les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale ».

(15) V., dans le canton de Genève, l'art. 1er de la loi sur le notariat, du 6 novembre 1912.

(16) V. aussi les art. 688 et 795 al. 2 CCS.

(17) V., dans le canton de Genève, la loi d'application du Code civil, du 3 mai 1911.

(18) Cette disposition a été abrogée le 1er janvier 1988.

(19) ATF 103 la 208.

(20) V. , dans le canton de Genève, la loi sur Passurance-maladie obligatoire de certains salariés, du 9 octobre 1969.

(16)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 595 C. Les problèmes soulevés par le système actuel

de répartition des compétences

La clarté du système qui vient d'être exposé n'est qu'apparente et ne doit pas faire oublier qu'il est en pratique de plus en plus difficile de tracer une ligne de démarcation précise entre les compétences fédérales et les compétences cantonales. Dans plusieurs domaines, en effet, les compétences cantonales et fédérales se superposent et s'entremêlent. De plus en plus nombreux sont les secteurs où les cantons et la Confédération sont tous deux compétents, mais seulement en partie. Toute tentative tendant à séparer nettement le domaine des compétences fédérales de celui des compétences cantonales est condamnée à procéder à des

simplifications grossières qui s'éloignent de la réalité. Il n'est en effet pas exagéré de dire que toute activité fédérale se répercute d'une manière ou d'une autre sur les activités cantonales et qu'il n'existe plus d'activité cantonale pouvant être exercée indépendamment des activités fédérales.

L'enchevêtrement des compétences fédérales et cantonales revêt plusieurs formes (21) :

II y a d'abord un aspect matériel : pour exercer une activité dans un certain domaine, par exemple pour réaliser un ouvrage, la Confédération et les cantons peuvent être amenés à intervenir, mais en vertu de

compétences différentes. Tel est par exemple le cas pour la construction d'une centrale nucléaire. La compétence dans le domaine de l'énergie nucléaire appartient à la Confédération (art. 24 quinquies Cst. féd.). Mais la centrale devra être construite sur le territoire d'un canton, et le droit des constructions relève de la compétence cantonale.

Il y a ensuite un aspect fonctionnel, que nous avons déjà relevé plus haut : les lois fédérales sont de plus en plus appliquées par les cantons (fédéralisme d'exécution). Ce sont les fonctionnaires, les administrations et les tribunaux cantonaux qui appliquent tous les jours le droit fédéral.

Il y a enfin un aspect financier : la Confédération subventionne les cantons pour que ceux-ci puissent appliquer les lois fédérales. Mais l'argent nécessaire pour les subventions provient en grande partie d'impôts perçus par les cantons et versés à la Confédération. Les assurances sociales (vieillesse, invalidité) sont une tâche de la Confédération, mais leur

financement incombe en grande partie aux cantons (22).

C'est pour renverser cette situation que les autorités fédérales ont entamé une longue procédure qui devrait s'achever par une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Le but de cette vaste opération est de redéfinir les responsabilités respectives de l'État central et des entités fédérées et de simplifier le flux financier entre eux (23).

Rappelons encore ici que le projet de révision totale de la

Constitution fédérale préparé par une commission d'experts et publié en 1977

(21) V. Peter SALADIN, « Bund und Kantone », Revue de droit suisse, 1984, vol. II, 519 et s.

(22) Id. , p. 530.

(23) Id. , p. 544.

(17)

proposait un système de répartition des compétences entre la

Confédération et les cantons qui s'écartait totalement du système de l'article 3, Cst.

féd. (24). Jugés trop centralisateurs, ces articles n'ont toutefois pas été repris par le projet du Conseil fédéral de 1985, qui s'en tient pour

l'essentiel au système actuel (25).

IV. LA SUPÉRIORITÉ DU DROIT FÉDÉRAL SUR LE DROIT CANTONAL

La coexistence de vingt-six ordres juridiques cantonaux avec l'qrdre juridique fédéral fait inévitablement naître toutes sortes de conflits entre les différents droits cantonaux d'une part, entre le droit fédéral et le droit cantonal d'autre part. Dans un État fédéral, ces conflits ne peuvent se résoudre que d'après des règles fixées par le droit fédéral, et ces règles doivent nécessairement poser et expliciter le principe de la supériorité du droit fédéral sur le droit cantonal.

Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral est une

conséquence directe et nécessaire de la structure federative de la Suisse. Dans un État fédéral, le droit fédéral doit nécessairement l'emporter sur le droit cantonal. Ce principe s'exprime communément par l'adage « le droit fédéral brise le droit cantonal » (Bundesrecht bricht kantonales Recht).

Ce principe est tellement évident que le constituant suisse n'a même pas jugé nécessaire de le consacrer expressément dans la Constitution, comme l'ont fait par exemple les constituants allemand (26) et

américain (27). Doctrine et jurisprudence considèrent qu'il se déduit de

l'article 2 des Dispositions transitoires (DT) de la Constitution fédérale qui a la teneur suivante : « Les dispositions des lois fédérales, des concordats et des constitutions ou des lois cantonales contraires à la présente

Constitution cessent d'être en vigueur par le fait de l'adoption de celle-ci ou de la promulgation des lois qu'elle prévoit ».

Prise à la lettre, cette disposition ne fait qu'exprimer la règle que la loi postérieure déroge à la loi antérieure. Ce n'est qu'indirectement qu'elle pose le principe selon lequel le droit cantonal doit obéir au droit fédéral.

Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral sanctionne les conflits de compétence et les conflits de règles.

1. Les conflits de compétence.

Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral sanctionne tout d'abord des conflits de compétence, c'est-à-dire des violations de la

répartition des compétences telle qu'elle est instituée par la Constitution

fédérale. Ces violations peuvent être le fait des cantons ou de la Confédéra-

(24) V. les art. 48 à 53 du projet.

(25) Art. 54 et s., reproduits dans FF 1985 III 217.

(26) V. l'art. 31 de la Constitution de la RFA.

(27) V. l'art. VI de la Constitution américaine.

(18)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 597 tion. C'est le droit fédéral, et lui seul, qui permet de trancher de tels conflits, qu'ils soient positifs ou négatifs (28).

a) Lorsqu'un canton légifère dans un domaine où la Confédération a une compétence exclusive, cette législation est nulle, même si la

Confédération n'a pas légiféré en cette matière. Lorsque, juste avant la Deuxième guerre mondiale, le canton de Bâle- Ville voulait interdire le parti national-socialiste, le Tribunal fédéral lui en a par exemple contesté la compétence, parce qu'une telle interdiction aurait affecté la politique étrangère de la Suisse et que celle-ci est du domaine exclusif de la

Confédération (29).

b) De même, lorsqu'un canton légifère dans un domaine où la

Confédération a une compétence concurrente non limitée aux principes et où elle a elle-même légiféré de façon exhaustive, ou lorsqu'il pose des règles de principe dans un domaine où il peut seulement fixer le détail, les mesures cantonales sont nulles. L'article 120 du Code pénal suisse, relatif à l'interruption de la grossesse, contient par exemple une réglementation exhaustive des conditions auxquelles un avortement n'est pas punissable.

Les cantons n'ont donc pas la compétence de renforcer ces conditions en exigeant, comme l'avait fait le canton de Neuchâtel, que les femmes enceintes qui demandent une interruption de grossesse soient domiciliées dans le canton (30).

2. Les conflits de règles.

Le principe de la force dérogatoire sanctionne aussi des conflits de règles, c'est-à-dire des incompatibilités entre une règle fédérale et une règle cantonale. Dans certains cas, tant la Confédération que les cantons sont compétents pour réglementer un objet donné. Il n'y a donc pas de conflit de compétence, mais le litige provient du fait que la règle fédérale et la règle cantonale se contredisent mutuellement.

Dans ces situations, le principe de la force dérogatoire ne signifie pas que la règle cantonale soit toujours nulle. Le Tribunal fédéral s'efforce dans chaque cas de conflit entre une règle fédérale et une règle cantonale d'établir une concordance entre les deux normes, en essayant d'une part d'interpréter la règle cantonale d'une façon conforme à la règle fédérale et en s'efforçant d'autre part d'interpréter la norme fédérale d'une façon conforme à la règle cantonale.

a) Les conflits entre le droit privé fédéral et le droit public cantonal.

Les conflits de règles apparaissent fréquemment dans les domaines où la répartition des compétences se fait selon le critère droit public/droit privé. La Confédération est en effet compétente pour légiférer en droit privé (art. 64 Cst. féd.). En édictant le Code civil, le Code des obligations et la législation complémentaire, elle a épuisé cette compétence. Ceci signifie que, dans quelque domaine que ce soit, la réglementation de droit

(28) ATF 106 la 38.

(29) ATF 65 I 106.

(30) ATF 101 la 575.

(19)

privé appartient à la Confédération, tandis que, selon la règle de

l'article 3, Cst. féd., la réglementation de droit public continue d'appartenir aux cantons (à moins qu'une autre disposition constitutionnelle ne la confie à la Confédération). Rien n'empêche donc une règle cantonale de droit public de réglementer un objet qui est visé par une règle fédérale de droit privé. C'est ce qu'exprime l'article 6 du Code civil suisse, aux termes duquel « Les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public ».

Cette disposition est bien trop vague pour résoudre les conflits qui peuvent naître de la coexistence des deux types de règles. Le Tribunal fédéral a ainsi été amené à préciser le sens du principe de la force dérogatoire du droit fédéral dans cette circonstance. Ce faisant, il a limité la portée de l'article 6 du Code civil. Voici la formule classique employée par la jurisprudence : « Dans les domaines régis par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public, en vertu de l'article 6 CCS ; pour qu'ils puissent le faire dans une matière déterminée, il faut cependant que trois conditions soient remplies, à savoir : que le législateur fédéral n'ait pas entendu réglementer cette matière de façon exhaustive ; que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent ; que ces règles n'éludent pas le droit civil fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit » (31).

Ces trois conditions méritent d'être illustrées par des exemples : Les cantons ne peuvent pas compléter par des règles de droit public les principes fondamentaux de la législation civile (Titre préliminaire du Code civil, protection de la personnalité ; art. 27, 28 CCS), ni les domaines que le législateur civil a entendu régir de façon complète et exhaustive (régimes matrimoniaux, causes de divorce, sociétés commerciales, etc.).

C'est dire qu'il existe en droit privé des matières qui ne peuvent, par définition, pas faire l'objet d'une réglementation de droit public (32).

Il faut que la règle cantonale soit de droit public, en tout cas selon les deux critères de l'intérêt et de la sanction, qu'elle soit motivée par un intérêt public pertinent et qu'elle soit propre à atteindre ce but. Par exemple, pour lutter contre la pénurie de logements, un canton peut soumettre à autorisation la démolition de maisons d'habitation (33), de même que le courtage professionnel pour les locaux d'habitation (34), mais non pas interdire la démolition de bâtiments industriels,

commerciaux et administratifs (35).

Il faut que la règle cantonale de droit public soit conforme au sens et à l'esprit du droit civil fédéral et qu'elle n'élude pas ce dernier. C'est sans doute la condition qui pose le plus de problèmes dans la pratique.

Une règle cantonale qui fait dépendre l'inscription d'un transfert de propriété du paiement de l'impôt sur les successions ou de l'impôt ordinaire

(31) ATF 109 la 66.

(32) ATF 105 II 321 ; 108 Ib 392 ; 108 II 180.

(33) ATF 101 la 502.

(34) ATF 110 la 111.

(35) ATF 105 la 362.

(20)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARE ET CONTEXTE FEDERAL SUISSE 599 sur le revenu et la fortune élude par exemple le droit fédéral et est par conséquent nulle (36).

b) Les conflits entre le droit pénal fédéral et le droit public cantonal.

Les mêmes principes s'appliquent aux rapports entre le droit public cantonal et le droit pénal fédéral, même si le Code pénal ne contient pas de disposition correspondant à l'article 6 du Code civil. La formule utilisée par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence est la suivante : « Le Code pénal suisse ne porte pas atteinte au droit public cantonal : il laisse aux cantons la compétence de protéger l'intérêt public en édictant des dispositions de droit administratif, même s'il s'agit de rapports juridiques pour lesquels la Confédération a légiféré sur le plan pénal. Cette

compétence n'est cependant pas illimitée. Le droit public cantonal ne doit pas paralyser le droit pénal fédéral ni en contredire l'esprit ; il doit être en harmonie avec lui » (37).

Voici deux exemples :

— Le Code pénal ne punit pas la débauche professionnelle, mais les cantons peuvent édicter des prescriptions qui limitent les endroits dans lesquels peut s'exercer la prostitution, parce que ces prescriptions

poursuivent un autre but (protection de la tranquillité publique) que les dispositions pénales. Elles ne sont dès lors pas contraires au droit pénal fédéral (38).

— Une disposition cantonale qui prescrit que les recours en grâce doivent être formés dans un délai de trente jours dès la condamnation viole en revanche le principe de la force dérogatoire du droit fédéral, car en adoptant les dispositions sur le droit de grâce le législateur fédéral n'a pas voulu poser des conditions de recevabilité strictes (39).

c) Les conflits entre le droit public fédéral et le droit public cantonal.

En ce qui concerne les rapports entre le droit public cantonal et le droit public fédéral, le premier est en principe nul lorsqu'il entend régler un objet que réglemente déjà le second. Nous sommes donc ici en présence d'un conflit de compétence. Mais cette règle n'est pas absolue.

Il peut en effet arriver qu'une règle cantonale poursuive un autre but qu'une règle fédérale se rapportant au même objet, auquel cas le principe de la force dérogatoire ne s'applique pas. Une règle cantonale qui vise à combattre la pénurie de logements peut par exemple coexister avec une règle fédérale qui veut protéger les locataires (40).

Il peut arriver aussi qu'une règle cantonale, tout en poursuivant le même but qu'une règle fédérale, renforce celle-ci en en accroissant l'efficacité, auquel cas le principe de la force dérogatoire du droit fédéral ne s'applique pas non plus (41).

(36) ATF 106 II 81.

(37) ATF 101 la 580.

(38) ATF 99 la 504.

(39) ATF 106 la 131.

(40) ATF 101 la 508.

(41) ATF 91 I 117.

(21)

V. LE DROIT CANTONAL COMPARE

II résulte de nos développements précédents que l'autonomie

législative des cantons est extrêmement réduite dans tous les domaines dans lesquels la Confédération bénéficie soit d'une compétence exclusive, soit d'une compétence concurrente non limitée aux principes, si la

Confédération a épuisé la matière en légiférant de manière exhaustive. Dans ces domaines, les cantons ne sont habilités à légiférer que s'ils peuvent se prévaloir d'une délégation législative. Nous avons également vu que ces domaines comprennent en particulier tout le droit privé et tout le droit pénal.

A. Le droit privé

En droit privé, la Confédération a adopté en 1907 le Code civil et en 1911 le Code des obligations. Les secteurs du droit privé dans lesquels les cantons peuvent légiférer et pour lesquels il y aurait place pour du droit privé cantonal comparé sont en conséquence extrêmement réduits.

Ce sont ceux que nous avons mentionnés ci-dessus.

Comme nous l'avons vu, la procédure civile est en revanche demeurée dans la compétence des cantons pour les procès se déroulant devant les tribunaux cantonaux, et ses règles varient en conséquence d'un canton à l'autre.

B. Le droit pénal

Le droit pénal a également été unifié par l'adoption, en 1937, du Code pénal suisse. Les cantons ne sont donc plus compétents pour ériger certains comportements en crimes ou en délits. L'article 335, alinéa 1er du Code pénal ne laisse aux cantons que la compétence pour légiférer en matière de contraventions de police, et limite encore ce pouvoir à celles qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.

La procédure pénale est en revanche demeurée dans la compétence des cantons, pour les procès se déroulant devant les tribunaux cantonaux, et ses règles varient donc d'un canton à l'autre.

Les règles de procédure cantonales sont cependant limitées par des principes de droit fédéral, en particulier ceux que le Tribunal fédéral a dégagés de l'article 4, Cst. féd., ainsi que par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. La jurisprudence du Tribunal fédéral a donc un certain effet unificateur sur les droits de procédure cantonaux.

C. Le droit public.

C'est en droit public que les cantons ont conservé l'autonomie législative la plus ample, mais celle-ci varie d'un domaine à l'autre.

1 . Les domaines régis par le droit fédéral.

a) Certaines matières ont fait l'objet d'une législation fédérale plus ou moins exhaustive et ne laissent en conséquence que peu de place pour

(22)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 601 le droit cantonal. C'est notamment le cas de la défense nationale, des communications ferroviaires, de la navigation fluviale et aérienne, de la monnaie, du droit du travail, des assurances sociales, de la circulation routière, de l'énergie atomique, de la protection des eaux, etc.

b) Dans d'autres domaines, la Confédération n'a édicté que des principes (lois-cadres), laissant aux cantons le soin de réglementer les détails. C'est le cas de la police des forêts, de la chasse et de la pêche, de l'aménagement du territoire, de la naturalisation ordinaire des

étrangers, etc. Pour nous limiter à ce dernier exemple, nous relèverons qu'aux termes de l'article 12 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s'acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune. Un étranger devient donc suisse en acquérant la citoyenneté d'un canton. L'article 15 de cette même loi se limite à poser les exigences minimales requises pour obtenir la nationalité suisse, mais la procédure de naturalisation est régie par le droit cantonal et la naturalisation est octroyée par les autorités cantonales.

2. Les domaines de la compétence des cantons.

a) Le droit constitutionnel, aa) L'organisation des cantons.

En tant que collectivités publiques décentralisées, les cantons sont libres de s'organiser comme ils l'entendent et de répartir le pouvoir cantonal entre les organes qu'ils veulent bien instituer. Chaque canton a donc sa propre constitution. L'autonomie organisationnelle des cantons est d'ailleurs reconnue indirectement par les articles 5 et 6, Cst. féd. Il s'agit d'un trait caractéristique de la structure fédérale de la Suisse, qui la distingue notamment, de ce point de vue, de celle de l'Allemagne fédérale ou de l'Autriche, où l'État central fixe des limites relativement strictes à l'organisation propre des Länder. L'autonomie organisationnelle des cantons leur a permis de conserver dans une certaine mesure les institutions politiques que leur histoire leur a léguées : démocratie

d'assemblée (Lands gemeinden) dans les cantons de la Suisse primitive,

démocratie représentative dans les cantons jadis aristocratiques, démocratie directe dans les cantons où les idées démocratiques ont triomphé vers le milieu du siècle dernier.

L'article 6, Cst. féd. exige simplement que les cantons aient un régime républicain et démocratique. Si tous ont adopté le système collégial de l'État central, rien ne pourrait les empêcher de se doter d'un autre système politique, par exemple d'un régime parlementaire ou présidentiel.

Dans tous les cantons, il y a quatre organes principaux : le corps électoral, le Parlement, le Gouvernement et le pouvoir judiciaire.

— Le corps électoral cantonal.

A l'intérieur des limites que lui fixe le droit fédéral, chaque canton définit lui-même le cercle des personnes auxquelles il accorde les droits politiques, c'est-à-dire le droit de voter, d'élirer et de signer des initiatives

(23)

ou des demandes de référendum dans les affaires cantonales (42). Des différences relativement importantes existent donc d'un canton à l'autre.

Celles-ci tiennent d'abord à l'âge : dix cantons ont fixé la majorité civique en matière cantonale à dix-huit ans, les autres à vingt ans.

Elles tiennent ensuite au sexe : si la majorité des cantons ont introduit le suffrage féminin, deux d'entre eux (Appenzell Rhodes intérieures et Appenzell Rhodes extérieures) continuent d'exclure les femmes du corps électoral cantonal.

Les différences sont également en rapport avec la nationalité. Alors que tous les cantons refusent d'accorder le droit de vote aux étrangers, le canton du Jura le reconnaît à ceux d'entre eux qui sont domiciliés depuis dix ans dans le canton.

Deux cantons (Genève et le Tessin) permettent à leurs ressortissants qui sont domiciliés à l'étranger de faire partie du corps électoral cantonal, alors que le domicile dans le canton est une exigence requise par les autres cantons pour l'exercice des droits politiques.

Si certains cantons, comme Genève ou Zurich, s'en tiennent, comme la Confédération, à la règle que seuls ceux qui sont interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit sont privés de leurs droits politiques cantonaux, d'autres vont plus loin, et prévoient d'autres motifs de privation de ces droits, comme par exemple l'ivrognerie, le gaspillage ou le fait de tomber à la charge de l'assistance publique, etc.

Dans la grande majorité des cantons, le corps électoral exerce ses droits au moyen de scrutins secrets, où chaque électeur dépose son bulletin de vote ou sa liste électorale dans l'urne. Cinq cantons ont en revanche conservé jusqu'à nos jours une institution caractéristique de la Suisse primitive, la Landsgemeinde. Celle-ci est une assemblée publique de tous les citoyens actifs, qui se réunissent une fois par an, ordinairement un dimanche de printemps, sur une place publique du chef-lieu du canton.

La Landsgemeinde procède à toutes les élections cantonales, sauf celle du Parlement, qui a lieu à l'urne. Elle est compétente aussi pour réviser la Constitution cantonale et voter les lois. Ce qui caractérise en outre la procédure de la Landsgemeinde, c'est que les votes ont lieu à main levée.

Le secret de vote n'y est donc pas garanti et le résultat du scrutin fait l'objet non pas d'un calcul rigoureux, mais d'une simple estimation.

— Le Parlement cantonal.

Tous les cantons ont un parlement, mais son appellation officielle varie de l'un à l'autre (Grand Conseil, Kantonsrat, Landrat). Le nombre des membres varie également entre 60 et 200, selon les cantons.

Le mode d'élection est, dans presque tous les cantons, celui de la représentation proportionnelle, le territoire cantonal étant en général (sauf à Genève et au Tessin) divisé en plusieurs circonscriptions

électorales, formées par les communes, les cercles ou les districts. Certains cantons connaissent cependant le système majoritaire (Grisons, Uri, Appenzell Rhodes Intérieures et Rhodes Extérieures).

(42) V. l'art. 74, al. 4, Cst. féd.

(24)

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 603 La durée de la législature des Parlements cantonaux est aussi variable.

Elle est en général de 4 ans, mais peut être inférieure (Grisons : 2 ans) ou supérieure (Fribourg : 5 ans). Les cas d'incompatibilités varient aussi énormément d'un canton à l'autre.

Il y a en outre des différences fondamentales entre les parlements des cantons à Lands gemeinde, qui ont forcément des compétences réduites, et

ceux des cantons-villes, comme Genève et Zurich, qui sont des Parlements modernes à l'image des Parlements nationaux. Cette diversité s'explique par l'histoire propre de chaque canton, mais également par l'étendue des droits populaires et par le système de partis, qui va du parti unique (un canton) au multipartisme (une quinzaine de cantons), en passant par le bipartisme à parti ultra-dominant, etc.

— Le gouvernement cantonal.

Tous les cantons ont un gouvernement, mais son appellation officielle varie de l'un à l'autre. Si, comme le Gouvernement fédéral, les

gouvernements cantonaux sont tous des organes collégiaux, leur composition varie de cinq à neuf membres selon les cantons. En règle générale, l'élection des Gouvernements cantonaux se fait à la majoritaire, mais deux cantons (Zoug et le Tessin) connaissant le système de la représentation

proportionnelle.

L'âge pour être élu varie également d'un canton à l'autre.

Si la professionnalité des membres des Gouvernements cantonaux est la règle, certains petits cantons connaissent des gouvernements de milice dont les membres continuent d'exercer une autre profession.

— Les tribunaux cantonaux.

Comme nous l'avons déjà relevé, les cantons disposent d'une grande autonomie en matière d'organisation judiciaire. A l'exception du Tribunal fédéral et de quelques commissions de recours spéciales, toutes les

autorités judiciaires suisses sont cantonales.

Ce qui caractérise cette organisation judiciaire, c'est son extrême diversité. Il faut en outre distinguer, dans chaque canton, entre la

juridiction civile, la juridiction pénale, la juridiction administrative et les juridictions spécialisées ou extraordinaires. A côté des juridictions civiles

ordinaires, il existe par exemple dans certains cantons, mais pas dans tous, une juridiction civile spéciale qui connaît des contestations entre employeurs et salariés (tribunaux de prud'hommes).

Comme en matière civile, l'organisation judiciaire pénale est du domaine des cantons (art. 64 bis, al. 2 Cst. féd.). Certains d'entre eux connaissent par exemple l'institution du jury pour les infractions graves,

alors que d'autres l'ignorent.

La juridiction administrative cantonale varie elle aussi d'un canton à l'autre. Depuis peu, une vingtaine de cantons ont institué un tribunal administratif qui statue sur la légalité de la plupart des décisions

administratives. Dans ceux qui ne connaissent pas encore cette institution, les recours sont portés devant le Gouvernement cantonal ou devant des commissions de recours spécialisées.

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