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LE DROIT CANTONAL COMPARE

II résulte de nos développements précédents que l'autonomie

législative des cantons est extrêmement réduite dans tous les domaines dans lesquels la Confédération bénéficie soit d'une compétence exclusive, soit d'une compétence concurrente non limitée aux principes, si la

Confédération a épuisé la matière en légiférant de manière exhaustive. Dans ces domaines, les cantons ne sont habilités à légiférer que s'ils peuvent se prévaloir d'une délégation législative. Nous avons également vu que ces domaines comprennent en particulier tout le droit privé et tout le droit pénal.

A. Le droit privé

En droit privé, la Confédération a adopté en 1907 le Code civil et en 1911 le Code des obligations. Les secteurs du droit privé dans lesquels les cantons peuvent légiférer et pour lesquels il y aurait place pour du droit privé cantonal comparé sont en conséquence extrêmement réduits.

Ce sont ceux que nous avons mentionnés ci-dessus.

Comme nous l'avons vu, la procédure civile est en revanche demeurée dans la compétence des cantons pour les procès se déroulant devant les tribunaux cantonaux, et ses règles varient en conséquence d'un canton à l'autre.

B. Le droit pénal

Le droit pénal a également été unifié par l'adoption, en 1937, du Code pénal suisse. Les cantons ne sont donc plus compétents pour ériger certains comportements en crimes ou en délits. L'article 335, alinéa 1er du Code pénal ne laisse aux cantons que la compétence pour légiférer en matière de contraventions de police, et limite encore ce pouvoir à celles qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.

La procédure pénale est en revanche demeurée dans la compétence des cantons, pour les procès se déroulant devant les tribunaux cantonaux, et ses règles varient donc d'un canton à l'autre.

Les règles de procédure cantonales sont cependant limitées par des principes de droit fédéral, en particulier ceux que le Tribunal fédéral a dégagés de l'article 4, Cst. féd., ainsi que par les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. La jurisprudence du Tribunal fédéral a donc un certain effet unificateur sur les droits de procédure cantonaux.

C. Le droit public.

C'est en droit public que les cantons ont conservé l'autonomie législative la plus ample, mais celle-ci varie d'un domaine à l'autre.

1 . Les domaines régis par le droit fédéral.

a) Certaines matières ont fait l'objet d'une législation fédérale plus ou moins exhaustive et ne laissent en conséquence que peu de place pour

G. MALINVERNI : DROIT COMPARÉ ET CONTEXTE FÉDÉRAL SUISSE 601 le droit cantonal. C'est notamment le cas de la défense nationale, des communications ferroviaires, de la navigation fluviale et aérienne, de la monnaie, du droit du travail, des assurances sociales, de la circulation routière, de l'énergie atomique, de la protection des eaux, etc.

b) Dans d'autres domaines, la Confédération n'a édicté que des principes (lois-cadres), laissant aux cantons le soin de réglementer les détails. C'est le cas de la police des forêts, de la chasse et de la pêche, de l'aménagement du territoire, de la naturalisation ordinaire des

étrangers, etc. Pour nous limiter à ce dernier exemple, nous relèverons qu'aux termes de l'article 12 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse, dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s'acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune. Un étranger devient donc suisse en acquérant la citoyenneté d'un canton. L'article 15 de cette même loi se limite à poser les exigences minimales requises pour obtenir la nationalité suisse, mais la procédure de naturalisation est régie par le droit cantonal et la naturalisation est octroyée par les autorités cantonales.

2. Les domaines de la compétence des cantons.

a) Le droit constitutionnel, aa) L'organisation des cantons.

En tant que collectivités publiques décentralisées, les cantons sont libres de s'organiser comme ils l'entendent et de répartir le pouvoir cantonal entre les organes qu'ils veulent bien instituer. Chaque canton a donc sa propre constitution. L'autonomie organisationnelle des cantons est d'ailleurs reconnue indirectement par les articles 5 et 6, Cst. féd. Il s'agit d'un trait caractéristique de la structure fédérale de la Suisse, qui la distingue notamment, de ce point de vue, de celle de l'Allemagne fédérale ou de l'Autriche, où l'État central fixe des limites relativement strictes à l'organisation propre des Länder. L'autonomie organisationnelle des cantons leur a permis de conserver dans une certaine mesure les institutions politiques que leur histoire leur a léguées : démocratie

d'assemblée (Lands gemeinden) dans les cantons de la Suisse primitive,

démocratie représentative dans les cantons jadis aristocratiques, démocratie directe dans les cantons où les idées démocratiques ont triomphé vers le milieu du siècle dernier.

L'article 6, Cst. féd. exige simplement que les cantons aient un régime républicain et démocratique. Si tous ont adopté le système collégial de l'État central, rien ne pourrait les empêcher de se doter d'un autre système politique, par exemple d'un régime parlementaire ou présidentiel.

Dans tous les cantons, il y a quatre organes principaux : le corps électoral, le Parlement, le Gouvernement et le pouvoir judiciaire.

— Le corps électoral cantonal.

A l'intérieur des limites que lui fixe le droit fédéral, chaque canton définit lui-même le cercle des personnes auxquelles il accorde les droits politiques, c'est-à-dire le droit de voter, d'élirer et de signer des initiatives

ou des demandes de référendum dans les affaires cantonales (42). Des différences relativement importantes existent donc d'un canton à l'autre.

Celles-ci tiennent d'abord à l'âge : dix cantons ont fixé la majorité civique en matière cantonale à dix-huit ans, les autres à vingt ans.

Elles tiennent ensuite au sexe : si la majorité des cantons ont introduit le suffrage féminin, deux d'entre eux (Appenzell Rhodes intérieures et Appenzell Rhodes extérieures) continuent d'exclure les femmes du corps électoral cantonal.

Les différences sont également en rapport avec la nationalité. Alors que tous les cantons refusent d'accorder le droit de vote aux étrangers, le canton du Jura le reconnaît à ceux d'entre eux qui sont domiciliés depuis dix ans dans le canton.

Deux cantons (Genève et le Tessin) permettent à leurs ressortissants qui sont domiciliés à l'étranger de faire partie du corps électoral cantonal, alors que le domicile dans le canton est une exigence requise par les autres cantons pour l'exercice des droits politiques.

Si certains cantons, comme Genève ou Zurich, s'en tiennent, comme la Confédération, à la règle que seuls ceux qui sont interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit sont privés de leurs droits politiques cantonaux, d'autres vont plus loin, et prévoient d'autres motifs de privation de ces droits, comme par exemple l'ivrognerie, le gaspillage ou le fait de tomber à la charge de l'assistance publique, etc.

Dans la grande majorité des cantons, le corps électoral exerce ses droits au moyen de scrutins secrets, où chaque électeur dépose son bulletin de vote ou sa liste électorale dans l'urne. Cinq cantons ont en revanche conservé jusqu'à nos jours une institution caractéristique de la Suisse primitive, la Landsgemeinde. Celle-ci est une assemblée publique de tous les citoyens actifs, qui se réunissent une fois par an, ordinairement un dimanche de printemps, sur une place publique du chef-lieu du canton.

La Landsgemeinde procède à toutes les élections cantonales, sauf celle du Parlement, qui a lieu à l'urne. Elle est compétente aussi pour réviser la Constitution cantonale et voter les lois. Ce qui caractérise en outre la procédure de la Landsgemeinde, c'est que les votes ont lieu à main levée.

Le secret de vote n'y est donc pas garanti et le résultat du scrutin fait l'objet non pas d'un calcul rigoureux, mais d'une simple estimation.

— Le Parlement cantonal.

Tous les cantons ont un parlement, mais son appellation officielle varie de l'un à l'autre (Grand Conseil, Kantonsrat, Landrat). Le nombre des membres varie également entre 60 et 200, selon les cantons.

Le mode d'élection est, dans presque tous les cantons, celui de la représentation proportionnelle, le territoire cantonal étant en général (sauf à Genève et au Tessin) divisé en plusieurs circonscriptions

électorales, formées par les communes, les cercles ou les districts. Certains cantons connaissent cependant le système majoritaire (Grisons, Uri, Appenzell Rhodes Intérieures et Rhodes Extérieures).

(42) V. l'art. 74, al. 4, Cst. féd.

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