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Le droit à l'intégrité de l'oeuvre : étude du droit d'auteur suisse dans une perspective de droit comparé

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Le droit à l'intégrité de l'oeuvre : étude du droit d'auteur suisse dans une perspective de droit comparé

DE WERRA, Jacques

DE WERRA, Jacques. Le droit à l'intégrité de l'oeuvre : étude du droit d'auteur suisse dans une perspective de droit comparé. Berne : Stämpfli, 1997, XXI, 303 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:11820

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Editées par D' Heinz Hausheer Professeur à l'Université de Berne

Jacques de Werra Docteur en droit

Le droit à l'intégrité de l'œuvre

Etude du droit d'auteur suisse dans une perspective de droit comparé

Strempfli Editions SA Berne ·1997

(3)
(4)

Jacques de Werra Le droit à l'intégrité de l'œuvre

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(5)

Nouvelle série

Fondée par t professeur IY Max Gmür continuées par t professeur D' Theo Guhl et t professeur D' Hans Merz

Editées par

Dr Heinz Hausheer

Professeur à l'Université de Berne

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ST A>MPFLI ÉDITIONS SA BERNE · 1997

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Docteur en droit

Le droit à l'intégrité de l'œuvre

Etude du droit d'auteur suisse

dans une perspective de droit comparé

STJEMPFLI ÉDITIONS SA BERNE· 1997

(7)

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SlœmpfJi Editions SA Berne· 1997 Impression offset et reliure par Stremptli SA, enlreprise d'arts graphiques, Berne

Printed in Switzerland ISBN 3-7272-0245-9

(8)

de ma très profonde reconnaissance pour les judicieux conseils qu'il m'a prodigués et pour l'extrême diligence avec laquelle il a dirigé la présente thèse. Je souhaite également remercier Monsieur le Professeur François Dessemontet, dont l'intérêt pour le droit d'auteur m'a permis de travailler dans ce domaine en qualité d'assistant au CEDIDAC, Centre du droit de l'entreprise de l'Université de Lausanne.

J'adresse ensuite mes très vifs remerciements à la Delltsche Vereinigung für gewerblichen Rechtsschutz und Urheberrecht, grâce au soutien financier de laquelle j'ai été en mesure de séjourner six mois à Munich, auprès du Max-Planck-Institut far allsliindisches und internationales Patent-, Urheber- und Wettbewerbsrecht. A cet égard, je ne saurais oublier toutes les personnes qui ont rendu mon séjour munichois aussi fructueux sur le plan scientifique et humain. Je suis également très reconnaissant envers la SUISA (Société suisse peur les droits des auteurs d'oeuvres musicales) qui a accepté de soutenir financièrement la publication de la thèse.

Enfin, j'exprime naturellement mon immense gratitude à ma famille et à mes proches qui ont contribué (consciemment ou non) à l'aboutissement de ce travail, soit qu'ils m'aient encouragé à la tâche, soit au contraire qu'ils aient su m'en distraire en temps opportun.

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(12)

sale of the rights ta a literary production in the same way that we would consider Ihe sale of a barrel of pork. { ... ] The man who sells a barrel of park to another may pocket the purchase priee and relain no further interest in what becomes of the pork".

Juge Seabury, Clemens v. Press Publishing Co., 67 Mise. 183, 122 N.Y. Supp. 206, 207 (N. Y. Sup. Ct. 1910).

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TABLE DES ABRÉVIATIONS ......... XIIl INTRODUCTION ..................... XIX

PREMIÈRE PARTIE: LE DROIT MORAL DE L'AUTEUR ......... 1

, CHAPITRE 1: LA NOTION DE DROIT MORAL ............ 3

CHAPITRE II: LE FONDEMENT DU DROIT MORAL ......... 7

DEUXIÈME PARTIE: LE DROIT À L'INTÉGRITÉ DE L'OEUVRE .... 61

, CHAPITRE 1: DÉFINITION ......... 63

,CHAPITRE II: LES ATTEINTES A L'INTÉGRITÉ DE L'OEUVRE ... 66

CHAPITRE ID: LES LlMITES DU DROIT A L'lNTÉGRlTÉ ......... 85

• CHAPITRE IV: LA PONDÉRATION DES INTÉRÉTS ...... 87

CHAPITRE V: LA RÉSERVE DE L'ART. 11 AL. 2 LDA ......... 146

CHAPITRE VI: LTNAUÉNABILITÉ DU DROIT À L'INTÉGRITÉ ...... 174

CHAPITRE VII: LA PROTECTION DE L'INTÉGRITÉ DE L'OEUVRE APRÈs LE DÉCÈS DE L'AUTEUR ...... 248

SYNTHÈSE ......................... 255

BffiUOGRAPHIE ......... 261

DOCUMENTS OFFICIELS ...................... 289

INDEX DES MATIÈRES ............ 291

TABLE DES MATIÈRES ...... 299

(15)
(16)

AcP ADPIC

Afp

al.

ALAI aLDA

Ann. dr. Louvain API

APn

APIII

art.

ATF

BauR BG BGB BGH BGHZ BJM Bull. ASA Bull. DA Bull. Sténo CE

TABLE DES ABRÉVIATIONS

Archiv für die civilistische Praxis (Tübingen) Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, annexé à l'accord instituant l'Organisation Mondiale du Commerce du 15 avril 1994 (RS 0.632.20) Archiv fur Presserecht (Düsseldorf) alinéa(s)

Association littéraire et artistique internationale Loi fédérale concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques du 7 décembre 1922

Annales de droit de Louvain, revue trimestrielle de droit belge (Louvain-la-Neuve)

Avant-projet de loi fédérale sur le droit d'auteur du 21 mai 1971 (première commission d'experts)

Avant-projet II de loi fédérale sur le droit d'auteur du premier mai 1974 (deuxième commission d'experts)

Avant-projet III de loi fédérale sur le droit d'auteur du 18 décembre 1987 (troisième commission d'experts)

article(s)

Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse

Zeitschrift fur das gesamte ôffentliche und zivile Baurecht (Düsseldorf)

Bezirksgericht (Suisse)

Bürgerliches Gesetzbuch (Allemagne) Bundesgerichtshof (Allemagne)

Bundesgerichtshof in Zivilsachen (Allemagne) Basler Juristische Mitteilungen (Bâle)

Bulletin de l'Association Suisse de l'Arbitrage (Zurich)

Bulletin du droit d'auteur (Unesco, Paris) Bulletin sténographique du Conseil des Etats

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CA Cal.

CB

cc

CEOH

cert. denied cf.

ch.

CIA

Ciro CO

Colum. L. Rev.

Colum.-VLA J.L. & Arts

Cour de CasSo CP

CPI

CR Cst. féd.

D. Chrono

O.l

D. som. corn.

DA

O.C.

DClBR

Oir. Autore

Cour d'appel (Belgique, France, Italie) Californie

Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, Acte de Paris du 24 juillet 1971 (RS 0.231.13)

Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210) Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (Convention européenne des droits de l'homme) (RS 0.101)

certiorari denied confer

chiffre

Concordat sur l'arbitrage du 27 mars 1969 (RS 279)

Circuit

Code des obligations des 30 mars 1911/18 décembre 1936 (RS 220)

Columbia Law Review (New York)

Columbia-VLA Journal of Law & the Arts (New York)

Cour de cassation (France)

Code pénal du 21 décembre 1937 (RS 311.0) Code de la propriété intellectuelle du premier juillet 1992 (France)

Computer und Recht (Munich)

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874(RS lOI)

Dalloz Chronique (Paris) Dalloz Jurisprudence (Paris)

Dalloz sommaires commentés (Paris)

Le droit d'auteur (OMPI, Genève), depuis 1996:

La propriété intellectuelle District of Columbia

Droit de la constructionlBaurecht, Communi- cations sur le droit privé et public de la construction, séminaire pour le droit de la constrnction (Fribourg)

Il diriUo di autore (Milan)

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DUrhG

éd.(éds) E.D.N.Y.

Ent. L.R.

EIPR F.2d.

F. Supp.

fasc.

FF Faro il.

fr.

FuR GEMA GRUR GRURlnl.

ibid.

id.

i.f i. i.

nc

Ing.-Cons.

I.P.J.

JAAC JCI.

JCP

J. Copyright Soc'y JdT

JT

Urheberrecht und verwandte vom 9. September 1965 Oesetz über

Schutzrechte (Allemagne) éditionléditeur(s)

Eastern District New York

Entertainment Law Review (Londres)

European Intellectual Property Review (Oxford) Federal Reporter Second Series (St-Paul) Federal Supplement (St-Paul)

fascicule Feuille Fédérale

Il foro italiano (Bologne) (arrêt rédigé en) français

Film und Recht (Munich), depuis 1985: ZUM Gesellschaft fur musikalische Auffiihrungs- und mechanische Vervielfàltigungsrechte

Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht (Weinheim)

Oewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, Internationaler Teil (Weinheim)

ibidem idem infine in initio

International Review of Industrial Property and Copyright Law (Weinheim)

Revue de droit intellectuel - L'Ingénieur-Conseil (Bruxelles)

Intellectual Property Journal (Toronto)

Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (Berne)

J uris-Classeur (Paris)

Juris-Classeur Périodique (Paris)

Journal of the Copyright Society of the USA (Washington D.C.)

Journal des Tribunaux (Lausanne) Journal des Tribunaux (Bruxelles)

(19)

JOCE

KG

LCD LDA LDAB

LDIP

LG

litt.

Loyola EnI. L.J.

LRTV Medialex Message 1918

Message 1930

Message 1984

Message 1989

Journal officiel des Communautés européennes (Bruxelles)

Kammergericht (Allemagne)

Loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (RS 241)

Loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992 (RS 231)

Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins du 30 juin 1994 (Belgique)

Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (RS 291)

Landesgericht (Allemagne) lettre

Loyola Entertainment Law Journal (Los Angeles)

Loi fédérale sur la radio et la télévision du 21 juin 1991 (RS 784.40)

Revue de droit de la communication (Berne) Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif au projet de loi fédérale concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques du 9 juillet 1918 (FF 1918

ru

587 ss)

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 14 août 1930 concernant la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques. révisée à Rome le 2 juin 1928 (FF 1930 TI 113 ss)

Message concernant la loi fédérale sur le droit d'auteur (LDA), la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques révisée à Paris, et la Convention universelle sur le droit d'auteur et ses protocoles additionnels 1 et 2 révisés à Paris du 29 août 1984 (FF 1984

ru

177 ss)

Message concernant une loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins (loi sur le droit d'auteur, LDA), une loi fédérale sur la protection des topographies de circuits intégrés (loi sur les topographies, LTo) ainsi qu'un arrêté fédéral concernant diverses conventions internationales

(20)

Mise.

N1R NJW NJW-CoR N.Y. Supp.

OG OGH OLG OLGZ OMPI OblGRUR ORTV OUrhG

p.

p. ex.

Pladoyer PJA PI PIT

RabelsZ ROS

rés.

rév. RGZ

dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins du 19 juin 1989 (FF 1989 HI 465 ss) New York Miscellaneous Reports (New York) Nordiskt Immateriellt Ratlsskydd (Stockholm) Neue Juristische Wochenschrift (Francfort-sur- le-Main)

Compulerreport der Neuen Juristischen Wochenschrift (Francfort-sur-le-Main)

New York Supplement (St. Paul) Obergericht (Suisse)

Oberster Gerichtshof (Autriche) Oberlandesgericht (Allemagne)

Oberlandesgericht in Zivilsachen (Allemagne) Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

Osterreichische Blatter fur den gewerblichen Rechtsschutz und Urheberrecht (Vienne) Ordonnance sur la radio et la télévision du 16 mars 1992 (RS 784.401)

Bundesgesetz über das Urheberrecht an Werken der Literatur und der Kunst und über verwandte Schutzrechte vom 9. April 1936 (Autriche) page

par exemple

Das Magazin für Recht und Politik (St-Gall) Pratique juridique actuelle (St-Gall)

Projet de loi fédérale sur le droit d'auteur du 29 août 1984 (FF 1984 m 269 ss)

Projet de loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 19 juin 1989 (FF 1989 III 596 ss)

Zeitschrift für auslandisches und internationales Privatrecht (Tübingen)

Revue de droit suisse (Bâle) résumé

révisé

Entscheidungen des Reiehsgeriehts in Zivilsachen (Allemagne)

(21)

RIDA R.J.T.

RS RSJ RSm RSPI RSPIDA RTDCiv.

RTDComm.

s.(ss) S.D.N.Y.

SJ spéc.

SUISA Sup. Ct.

TG!

TF TMR U.S.C.

USPQ2d UFITA v.

vol.

Vorbem.

WRP ZR ZUM

Revue internationale du droit d'auteur (Neuilly- sur-Seine)

Reuve juridique Thémis (Montréal) Recueil systématique de droit fédéral Revue suisse de jurisprudence (Zurich) Revue de la société des juristes bernois (Berne) Revue suisse de la propriété intellectuelle (Zurich)

Revue suisse de la propriété industrielle et du droit d'auteur (dès 1986: RSPI)

Revue trimestrielle de droit civil (Paris)

Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique (Paris)

et suivante(s)

Southern District New York Semaine judiciaire (Genève) spécialement

Société suisse pour les droits des auteurs d'oeuvres musicales

Supreme Court (Etats-Unis d'Amérique) Tribunal de grande instance (France) Tribunal fédéral (Suisse)

The Trademark Reporter (New York) United States Code

United States Patent Quarterly Second Series (Washington D. c.)

Archiv fur Urheber- Film- Funk- und Theaterrecht (Munich)

versus volume

V orbemerkungen

Wettbewerb in Recht und Praxis (Francfort-sur- Ie-Main)

Blatter fUr zürcherische Rechtsprechung (Zurich)

Zeitschrift fUr Urheber- und Medienrecht (Munich)

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L'étude du droit à l'intégrité de J'oeuvre nous a parue intéressante pour trois raisons principales:

- Du point de vue symbolique tout d'abord, le droit à J'intégrité de l'oeuvre rappelle J'essence personnaliste du droit d'auteur en soulignant la nature affective des liens existant entre J'auteur et son oeuvre. Dans cette mesure, cette prérogative rattachée au droit moral de J'auteur s'oppose radicalement à la conception d'un droit d'auteur mercantiliste qui semble s'imposer actuellement sur la scène internationale. A cet égard, J'exclusion du droit moral du champ d'application de J'Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) est significative de la dérive réductionniste du droit d'auteur qui tend à se limiter à la protection des seuls intérêts économiques.

Certes, on ne peut nier que ce sont avant tout les aspects économiques du droit d'auteur qui font J'objet d'âpres négociations politiques largement médiatisées (que J'on pense aux conflits internationaux en matière de contrefaçon), de longues procédures judiciaires et d'une littérature juridique toujours plus abondante. On ne saurait cependant sacrifier le droit moral (et en particulier le droit à l'intégrité de l'oeuvre), représentant la dimension personnelle du droit d'auteur, sous prétexte de J'importance des enjeux économiques. Eri effet, le droit à J'intégrité de "l'oeuvre a pour finalité essentielle de préserver intacte l'expression originale de la pensée de J'auteur qui se concrétise dans son oeuvre. Ainsi conçu, il constitue peut-être la prérogative la plus représentative de toutes celles qui découlent du droit d'auteur, car il vise en défmitive à protéger l'individualité de l'oeuvre, sans laquelle la création ne pourrait jouir de la protection du droit d'auteur. Bien entendu, il paraîtrait tout autant exagéré d'insister sur J'essence quasi- divine du droit d'auteur en balayant l'importance des enjeux économiques évidents de ce domaine juridique. TI n'en reste pas moins que le droit à J'intégrité de J'oeuvre remplit une fonction symbolique centrale danS un système de protection du droit d'auteur qui entend continuer à donner aux créateurs une véritable dignité d'auteurs.

(23)

- Du point de vue du droit positif ensuite, le droit à l'intégrité de l'oeuvre présente un intérêt particulier car il constitue une innovation de la loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992. En plus de l'attrait de la nouveauté, la consécration du droit à l'intégrité de l'oeuvre (et des autres prérogatives rattachées au droit moral de l'auteur) au sein de la loi sur le droit d'auteur ne manque pas de soulever la délicate question du fondement du droit moral. Avant l'entrée en vigueur de la loi, la protection de l'intégrité de l'oeuvre reposait en effet sur les dispositions du Code civil en matière de droit de la personnalité. Désormais, les relations entre le droit moral d'une part et le droit de la personnalité d'autre part ne sont plus aussi claires.

La délimitation de leur champ d'application respectif présente ainsi un intérêt particulier.

- Du point de vue du droit désirable enfin, la portée du droit à l'intégrité de l'oeuvre (et plus généralement de l'ensemble des prérogatives du droit d'auteur) dans le cadre des technologies numériques d'exploitation des oeuvres, qui offrent à tout individu la liberté de manipuler indéfiniment les oeuvres, est largement discutée.

Sous cet angle également, une recherche consacrée à ce thème semblait souhaitable.

* * *

Apportons encore deux précisions quant à l'objet de la recherche:

Premièrement, la présente thèse se concentre sur le droit à l'intégrité de l'oeuvre. En conséquence, les autres prérogatives rattachées au droit moral (en particulier le droit de divulgation et le droit de paternité) ne feront pas l'objet d'un exposé systématique.

Seules des mentions éparses en seront faites dans la mesure où ces références concernent l'objet de cette étude. Par contre, la limitation au droit à l'intégrité ne s'oppose pas à ce que d'importants développements soient consacrés au droit moral en général, puisque ce dernier constitue l'entité juridique à laquelle on rattache le droit à l'intégrité.

En second lieu, cette étude se limite au droit suisse. Cependant, une recherche consacrée à une prérogative découlant du droit moral en droit suisse ne peut naturellement faire abstraction de la richesse des sources doctrinales, légales et jurisprudentielles de certains ordres

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juridiques étrangers (en particulier des droits allemand et français) en matière de droit moral. Aussi de nombreuses références au droit étranger seront faites tout au long de cette étude afin d'étoffer la réflexion sur le droit suisse.

***

Quant au plan, la présente étude s'articule en deux parties:

La première partie est consacrée au droit moral de l'auteur sur le plan général. Comme on l'a relevé, l'introduction du droit moral dans la législation suisse sur le droit d'auteur soulève la question de la relation qu'entretiennent le droit moral et le droit de la personnalité au sein de l'ordre juridique suisse. Il paraît donc indispensable de délerminer dans un premier temps le fondement du droit moral afin d'être en mesure de délimiter son champ d'application par rapport à celui du droit de la personnalité, pour illustrer enfm cette distinction dans des hypothèses spécifiques.

La seconde partie s'attache plus spécifiquement à définir la portée de la protection du droit à l'intégrité de l'oeuvre fondée sur la loi fédérale sur le droit d'auteur. Une fois déterminées les atteintes à l'oeuvre qui sont prohibées au titre de droit à l'intégrité, il conviendra de préciser dans quelle mesure la protection de l'intégrité de l'oeuvre est susceptible d'être limitée par la considération d'intérêts prépondérants qui s'opposent à sa pleine reconnaissance. A cet effet, l'accent sera mis sur la qualification des critères affectant la portée de la protection dans un cas d'espèce. Il s'agira ensuite d'établir si l'exercice du droit à l'intégrité de l'oeuvre est soumis à la libre disposition de l'auteur. En d'autres termes, il conviendra d'apprécier la portée juridique du principe de l'inaliénabilité du droit à l'intégrité. Enfin, quelques développements seront consacrés à la protection de l'intégrité de l'oeuvre après le décès de l'auteur.

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LE DROIT MORAL DE L'AUTEUR

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LA NOTION DE DROIT MORAL

1. L'histoire du droit d'auteur enseigne que la nécessité d'accorder une protection aux intérêts idéaux de l'auteur a été reconnue assez tôt'. C'est en particulier la jurisprudence française et la doctrine allemande qui ont contribué à définir progressivement les contours du droit moraP. Aujourd'hui, ce dernier est reconnu (à un degré certes variable) par l'ensemble des législations nationales3 Sur le plan international, le droit moral trouve toujours sa source à l'art. 6bis de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques., puisque l'art. 9 al. 1 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) - annexé à l'accord instituant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) - l'exclut spécifiquement de son champ d'application5

1 Sur l'historique, voir Z. RADOJKOVIC, Le développement historique du droit moral, DA 1966, p. 180 ss; VON SEGESSER, p. 54 ss; STROMHOLM, 1, p. 25 S5;

TROLLER, Réflexions, p. 305 ss.

2 LINDON, p. 52 ss; LUCAS/LUCAS, p. 15 s. et p. 308; PETER, p. 260 ss;

RIGAUX, p. 57 ss; SILZ, p. 332; STROMHOLM, l, p. 377; id., International and ComparaliveScene, p. 10; STROWEL, p. 481; ULMER, p. 208.

3 Voir l'étude de droit comparé consacrée au droit moral publiée in Bull. DA 1978/4 (vol. XII), p. 39 ss; même les pays de common law, fidèles à la tradition d'un Copyright à la portée essentiellement patrimoniale, ont en elfet adopté des dispositions spécifiques au sein de leur législation sur le droit d'auteur visant à protéger les intérêts idéaux des créateurs; en dépit de cette consécration légale. la protection reste généralement d'un faible niveau, voir DWORKlN, p. 81 55;

STROWEL, p. 538 ss.

4 Sur l'historique de cette disposition, voir infra na Il.

~ Ces accords sont en vigueur en Suisse depuis le premier juillet 1995, VOiT RO 1995 2483 ss (ADPIC); sur les conséquences de cette exclusion, voir M.-C. PIAITI, La non-inclusion de l'article 6bis de la Convention de Berne: une remise en cause du droit moral 7, Le droit d'auteur et la Convention de Marrakech, Les Petites Affiches (numéro spécial) na 5 du 11 janvier 1995, p. 33 ss.

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2. Si l'on admet que le droit d'auteur vise la protection de l'ensemble des intérêts que possède l'auteur sur son oeuvré, on constate que ces intérêts sont de deux types: d'une part, la satisfaction des intérêts patrimoniaux permet au créateur de recueillir les fruits de son activité intellectuelle, d'autre part la protection des intérêts idéaux vise à préserver les liens étroits qui unissent l'auteur à son oeuvre. C'est précisément sous la notion de "droit moral" que l'on regroupe les prérogatives exclusives qui ont pour fonction de préserver ces derniers intérêts7 De manière synthétique, "la fonction même du droit moral - expression juridique abstraite du rapport de l'auteur à son oeuvre - est d'empêcher que l'oeuvre ne devienne un <bien> comme un autre"8 Car l'auteur doit rester en mesure de faire respecter les liens affectifs qu'il entretient avec son oeuvre9

3. En suivant la doctrine allemande, on reconnaît une double portée au droit moral: "au sens large, c'est une force qui imprègne le droit d'auteur dans son ensemble; au sens étroit, le terme s'applique à une catégorie de prérogatives découlant du droit d'auteur" 10.

Le droit moral au sens large marque la nature particulière de la protection conférée par le droit d'auteur en insistant sur son essence personnaliste!l Ainsi, lorsque l'auteur refuse l'octroi d'un droit

6 Comme le fait la loi suisse, voir infra n° 12.

7 FROMMINORDEMANN, n° 1 vor § 12; sur la relativité de la distinction entre les intérêts patrimoniaux et idéaux de l'auteur, voir cependant infra 13 et n° 21 ss.

8 EDELMAN, p. 8; ainsi, le droit moral est prêt "à intervenir partout où la protection des intérêts personnels et spirituels le demandent", ULMER, 2éme éd.,

p. 101, traduit par STRÙMHOLM, I, p. Il; de même RAYNARD, p. 318, définit-il

le droit moral comme "un ensemble de règles légales qui dérogent, dans des hypothèses ponctuelles, aux conséquences normales que le droit attache à la reconnaissance dans l'oeuvre d'un bien, c'est-à-dire d'une valeur économique".

9 ULMER, p. 209.

10 ULMER, 2éme éd., p. 101, traduit par STRÙMHOLM, l, p. 7; voir aussi EGGERSBERGER, p. 81; SCHRICKERIDIETZ, nO 6 ss vor § 12; STROWEL.

p. 531; pour une autre définition du droit moral au sens large, voir HAFNER. p. 28.

11 DE BOOR, Droit moral, p. 89; STRÙMHOLM, lI/l, p. Il et p. 57 ss e,,']lOse que le droit moral au sens large peut être conçu comme des "remparts extérieurs, construits autour d'un donjon que constitue le droit moral au sens étroit"; pour une

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d'utilisation de l'oeuvre dans des circonstances particulières, parce qu'il estime que cette exploitation est susceptible de porter atteinte à ses intérêts idéaux, il exerce son droit moral au sens large12 C'est alors le non-exercice d'un droit d'utilisation exclusif qui permet à l'auteur de préserver ses intérêts idéaux. La reconnaissance du droit moral au sens large consacre la nature spécifique du droit d'auteur qui donne aux créateurs la faculté d'exercer leurs droits exclusifs en accord avec leur conscience artistique ou politiqueB

De manière plus restrictive, le droit moral au sens étroit regroupe un faisceau de prérogatives spécifiques consacrées par la loi14 dont l'exercice même permet directement de garantir le respect des liens affectifs unissant l'auteur à son oeuvre. En droit positif suisse, le droit de paternité (art. 9 al. 1 LDA)IS, le droit de divulgation (art. 9 al. 2 LDA), le droit à l'intégrité de l'oeuvre (art. Il LDA), le droit d'accès (art. 14 al. 1 LDA) et la protection en cas de destruction (art. 15 LDA) constituent les composantes du droit moral au sens étroit16 On

présentation des articles des lois française et allemande qui reflètent l'influence du droit moral au seus large, voir DIETZ, p. 33 s. et p. 38 ss.

12 BARRELETIEGLOFF, n° 2 ad art. 10; HIRSCH, p. 49; UHL, p. 43 s.

13 A ce égard, on mentionnera l'interdiction prononcée par Béla Bart6k de diffuser ses oeuvres dans des pays à régime totalitaire (exemple donné par DESSEMONTET, Droit d'auteur, p. 46 note 65) et le refus opposé par Benoit Brecht à ce qu'une de ses pièces de théâtre (H Die Massnahme") soit mise en scène pour éviter qu'eUe ne soit tendancieusement déformée en une pièce anti- commurtiste, SCHACK, Personlichkeilsrech/, p. 358; sur l'exercice des droits exclusifs par les héritiers, voir infra n° 225.

14 SCHRICKERIDIETZ, n° 7 VOl' § 12; LUCASILUCAS, p. 43, qui notent que l'urtité du droit moral et sa primauté apparaît clairement daus la structure de la législation française sur le droit d'auteur (CPI) qui consacre Je chapitre premier de son titre Il ("Droits des auteurs") aux "droits moraux"; voir les §§ 11 ss de la loi aUemande de 1965 (DUrhG).

IS Complété par l'art. 25 al. 2 LDA en matière de citations.

16 Pour une présentation de ces prérogatives, voir DESSEMONTET, Droit d'auteur, p. 59 ss; voir également BARRELETIEGLOFF, nO 3 ss ad an. 9; le droit à l'intégrité fait l'objet de la deuxième partie de cette étude, voir infra nO 43 ss.

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remarquera à cet égard que le législateur a renoncé à grouper ces diverses prérogatives dans un chapitre commun 17

4. D'autres divisions ont été proposées par la doctrine. Ainsi a-t-on distingué des prérogatives positives et négatives du droit moraF8. Une telle distinction reste toutefois obscurel9. On rencontre enfin la notion de "noyau dur" du droit moral supposé représenter les éléments esssentieis auxquels l'auteur resterait indissolublement lié20

17 Contrairement aux législations française et allemande notamment, voir la note 14 supra.

18 MICHAELIDES-NOUAROS, p. 76 55.

19 MELLlGER, p. 10 1; STROMHOLM, lI/l, p. 62.

20. BARRELETIEGLOFF, n° 7 ad art. 9; FROMMINORDEMANN, nO 3 l'or § 12;

ULMER, p. 379; cette notion sera étudiée ultérieurement lors du chapitre sur l'inaliénabilité du droit à l'intégrité, voir infra

,,0

161.

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LE FONDEMENT DU DROIT MORAL

5. Diverses solutions doctrinales ont été proposées pour définir le fondement de la protection du droit moraPI. Ainsi, l'oeuvre prise comme telle a parfois été considérée comme le fondement de la protection du droit moral (Titre 1ER). Pour d'autres, c'est la personnalité de l'auteur qui a été conçue comme l'assise de la protection des intérêts moraux de l'auteur (Titre II).

TITRE PREMIER

LA PROTECTION DE L'OEUVRE

6. Il est clair que tout le système du droit d'auteur repose sur la notion d'oeuvre protégée. Car, sans oeuvre, il n'y a naturellement pas de droit d'auteur. Cependant, l'oeuvre prise comme telle ne peut justifier l'existence du droit moral.

En effet, une protection de l'oeuvre octroyée indépendamment des intérêts spécifiques que l'auteur attache à celle-ci dépasse le cadre du droit d'auteur. Ce type de protection sort de la sphère du droit d'auteur puisqu'il ne s'agit plus de préserver les rapports spirituels existant entre un auteur et son oeuvre, mais de garantir les intérêts généraux de la civilisation22 Une telle mesure protectrice constitue ainsi un instrument du droit public destiné à la préservation d'un patrimoine culture]23

21 GA VIN, p. 280; RADOJKOVIC, Droit moral, p. 210.

22 STROMHOLM, lI/l, p. 40.

23 Pour un exemple législatif, on peut se référer au National Film Preservation Act des Etats·Unis d'Amérique (2 U.S.C. §§ 178·1781) de 1988 (abrogé en 1992) qui instituait un registre national des films ("National Film Registry") dont les oeuvres étaient choisies par une commission de sélection en fonction de leur importance culturelle, historique et esthétique, voir HUSBAND, p. 344 ss.

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Assurément, l'ordre juridique est libre d'octroyer une protection en faveur d'oeuvres d'une certaine importance culturelle24 Cependant, cette protection ne peut être accordée sous le couvert du droit moral de l'auteur dont la reconnaissance juridique ne se justifie qu'en considération de la personne du créateur des oeuvres2 ).

7. La confusion entre l'intérêt privé de l'auteur (et de ses descendants) au respect de son oeuvre et de son nom et l'intérêt public à la conservation du patrimoine culturel est particulièrement sensible dans les pays où la protection du droit moral est déclarée perpétuelle26 Une fois tombées dans le domaine public, les oeuvres continuent ainsi à être protégées au titre d'un hypothétique droit moral, posant alors la délicate question de la qualité pour agir pour la défense des intérêts idéaux des auteurs défunts27 La doctrine a critiqué à bon droit le risque d'instauration d'un certain dirigisme culturel lié à une intervention étatique accrue dans les mécanismes de défense du droit d'auteur28. Enfin, le principe même de la protection d'un patrimoine culturel suppose précisément une sélection parmi l'ensemble des

24 CHRISTEN, p. 57 5S et p. 121 ss.

25 STROMHOLM, II11, p. 38: "Les intérêts n'existent pas indépendamment de la personne qu'ils concernent: parler d'une protection accordée aux oeuvres comme telles n'a pas de sens"; RECHT, p. 293.

26 Comme c'est le.cas en France selon l'art. L. 121-1 al. 3 CP!.

27 Voir A. FRANÇON, La protection du droit moral de l'auteur relatif à une oeuvre tombée dans le domaine public, in Etudes de droit commercial à la mémoire de Henry Cabrillac, Paris 1968, p. 167 55 propos de l'oeuvre Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos' qui avait fait l'objet d'une adaptation cinématographique, soulevant ainsi une polémique au sein de la communauté des auteurs); pour la chronologie et les références jurisprudentielles de cene véritable saga judiciaire, voir DlETZ, p. 182 ss; voir aussi S. DURRANDE, Les "héritiers"

du droit au respect, D. 1989 Chron., p. 189 S5; G. MlCHAELIDES-NOUAROS, La protection des intérêts moraux de l'auteur comme postulat de la culture, DA 1979, p. 37 55; B. D'ORMESSON-KERSAINT, La protection des oeuvres du domaine public, RIDA 1983 (116), p. 73 5S; pour le droit allemand, voir P. RUZICKA, Die Problematik eines "ewigen Urheberpers6nlichkeitsrec~~s" unter besonderer Berücksichtigllng des Schutzes musikalischer Werke, thèse Berlin 1979 et SCffiLCHER, p. 16 S5.

28 DlETZ, p. 182 ss.

(34)

oeuvres créées, marquant ainsi une différenciation entre ces dernières;

or une telle distinction est prohibée en droit d'auteur29

En définitive, la protection de l'oeuvre conçue comme telle ne peut constituer le fondement du droit moral de l'auteur.

TITRE Il

LA PROTECTION DE LA PERSONNALITE DE L'AUTEUR

SECTION 1: INTRODUCTION

8. Le droit de la personnalité a également été considéré comme la source des prérogatives morales de l'auteur30

On peut expliquer les rapports étroits entre le droit de la personnalité et le droit moral en considération de leur évolution historique respective. S'il existe actuellement une telle connexité entre le droit de la personnalité et le droit moral, c'est que le droit d'auteur a joué un rôle de précurseur dans le processus de cristallisation du droit de la personnalité. C'est en effet dans le domaine du droit d'auteur que s'est fait sentir en premier le besoin de consacrer un droit subjectif protégeant les intérêts personnels d'un individu face aux atteintes des tiers31. Cette évolution historique explique la confusion qui règne

29 DIETZ, p. 191; voir l'an. 2 al. 1 LDA.

JO Pour un exposé, voir RUNGE. Personlichkeilsrecht, p. 26 ss.

JI MELLIGER, p. 90: "Das Gebier des Urheberschutzes gehOrt sogar Zll den Rechtsgebieten, au[ denen das Bediir[nis nach einem lndividualrecht ais subjektivem Privatrecht am [rühesten und sUJrksten empfunden wurde, so das~ ... · die Beschtiftigung mit de", Urheberindividualrecht in engster Beziehung stehl tur A usbildung der modernell Lehre von den Pers6nlichkeilsrechten ilberhaupt. Dieser historisch-sachliche Zusommenhang zwischen Urheberschutzpolitik /lnd Aufstellung der modemrechllichen Katego!'ie der Personlichkeilsrechre machl seinerseits die Mufig er[olglen begrifflichen Grenzverwischungen zwisehen Urheberrecht und Persan/ichkeilsrechl erk/arlich"; FROMM, p. 8; HUNZlKER.

p. 159; KRÜGER-NlELAND, Urheberpersiinlichkeilsrechl, p. 219: POLLAUD-

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encore entre le droit moral et le droit de la personnalité32 L'évolution de la protection du droit moral en Suisse illustre parfaitement ce phénomène.

SECTION II: L'INFLUENCE DU DROIT DE LA PERSONNALITE SUR L'EVOLUTION DU DROIT MORAL EN DROIT SUISSE

§ 1: L'ANCIEN DROIT

9. La connexité entre le droit moral et le droit de la personnalité est particulièrement sensible en droit suisse, puisque l'ancienne loi (loi fédérale concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques du 7 décembre 1922) fondait précisément la protection des intérêts idéaux de l'auteur sur les dispositions du code civil relatives à la protection de la personnalité. Par le renvoi de l'art. 44 aLDA (réservant l'application des dispositions de droit civil sur la personnalité), le législateur a estimé que le droit de la personnalité (tel qu'il avait été récemment introduit dans la législation suisse)33 constituait un fondement suffisant pour la protection des intérêts idéaux des auteurs34

DULIAN, Droits de la personnalité, p. 348 et p. 352; RUBELLlN-DEVlCHl, p.557.

32 C'est surtout l'expression des juristes germanophones désignant le droit moral comme" UrheberperS6nlichkeitsrecht" qui souligne avec le plus d'insistance le lien entre le droit moral et le droit de la personnalité; par réaction, une partie de la doctrine a rejeté cetle terminologie en raison de la confusion que celle-ci faisait naître entre le droit moral et le droit de la personnalité, voir RlKLIN, Urheberrecht, p. 54 (et les références citées en note 2); HAFNER, p. 20 note 9;

STRQ:MHOLM, J, p. 377; TÂCHE, p. 72 ss; TROLLER, flexions, p. 319.

33 TERCIER, nO 19 ss p. 4 s.

34 Voir le Message 1918, FF 1918 III 667: "[ ... ] il ne peut pas rentrer dans le cadre de la présente loi de sauvegarder en principe la personnalité de l'auteur. A l'auteur qui se croit lésé dans ses intérêts personnels par une utilisation de son oeuvre - que cetle utilisation soit d'ailleurs licite ou illicite du point de vue du droit d'auteur -, les

(36)

10. Une telle option conduisait naturellement à la consécration d'un système de protection dualiste fondé pour part sur une législation spécifique destinée à préserver les intérèts patrimoniaux de l'auteur, pour part sur les dispositions de droit civil sur le droit de la personnalité35 La jurisprudence rendue en matière de droit moral n'a pas remis en doute cette "stricte séparation des racines"36 de la protection des intérêts de l'auteur en confirmant que le droit moral est fondé sur les dispositions du Code civil sur le droit de la personnalité (en particulier le droit à l'honneur)37, en dépit des critiques formulées par une partie de la doctrine38 La dichotomie entre les deux sources légales se marquait en particulier en relation avec la question du transfert juridique et de la durée des droits. D'une part, la loi sur le droit d'auteur exprimait le principe de la libre cessibilité et de la transmissibilité du droit d'auteur aux héritiers39, d'autre part le droit de

dispositions du droit commun (art. 28 du CC et art. 49 du CO rév.) accordent une protection suffisante"; HUNZIKER, Monismus, p. 129; JEANNOT, p. 80 s.:

WAGNER, p. 32 ss.

35 Voir l'ouvrage de A. MELLIGER, Das Verhiillnis des Urheberrechts zu den PersonlichJœilsrechlen, thèse Berne 1929; CHRISTEN, p. 68; UHL, p. 56:

TROLLER, Réflexions, p. 311 et les références citées en note 52; ainsi, le droit suisse se rapprochait·il de la théorie dualiste du droit d'auteur conçue par J. KOHLER (Das Autorrecht, Jena 1880; Urheberrecht an Schriftwerken und Verlagsrecht, Stuttgan 1907) selon laquelle le droit d'auteur est formé de dell~

types de prérogatives clairement distinctes selon que celles-ci défendent les intérêts patrimoniaux ou idéaux de l'auteur, voir CHRISTEN, p. 68 s.; HÛSLY, p. 65:

TÂCHE, p. 57 et p. 66.

36 BRÜGGER, p. 237, traduisant PEDRAZZINI, Droit moral, p. 246 ("scharfe Wurzeltrennung").

37 ATF 57 1 62; ATF 58 II 290 ~ JdT 1932 1 546; ATF 69 II 53 ~ JdT 1943 1337:

ATF 84 II 570 ~ JdT 19591584; ATF 96 II 409 ~ JdT 1971 1597; ATF 110 II 411

= JdT 1985 1 203; A TF 113 II 306 = JdT 19881304; ATF 117 II 466 = JdT 1992 1 387: TF, RSPI 1994, p. 64; voir l'analyse de jurisprudence conduite par PEDRAZZINI, Droi/moral, p. 243.

38 DEL BIANCO, Droit moral, p. 152 ss, spéc. 'p. 154; TROLLER, Réflexions.

p. 315 ss; contra: PEDRAZZINI, Droit moral, p. 253; UHL, p. 34, qui estiment que la protection effective du droit moral n'a pas été affaiblie pour cette seule raison.

39 Art. 9 al. 1 aLDA: "Le droit d'auteur est susceptible de transfert et passe aux héritierstl

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la personnalité restait traditionnellement qualifié d'inaliénable40 et s'éteignait au décès de son titulaire41 Ainsi, la différence de nature entre les deux sources de protection des intérêts de l'auteur apparaissait clairement42

11. Lors de la ratification de la Convention de Berne dans le texte de l'Acte de Rome qui consacrait le droit moral sur le plan international43, le Conseil fédéral a une nouvelle fois estimé que la protection fondée sur le Code civil tenait suffisamment compte des

40 Voir les propos du rapporteur Wettstein, Bull. Sténo CE 1920. p. 347: "Die Personlichkeitsrechte sind unverdusserlich: Niemand kann zugunsten eines anderen rechtsgültig auf seine Ehre oder seine Freiheit oder das Recht zur Ehre verzichten"; la question de la validité ct de la portée d'une cession du droit moral reste incertaine si l'on en croit j'ATF 58 Il 290, 310 selon lequel "la cessibilité du droit personnalissime en question est pour le moins très douteuse [sic l".

41 EGGERSBERGER, p. 181; PERRET, Droit d'auteur, p. 24 s.; URL, p. 76 et les références citées en note 27.

42 Cette double origine de la protection des intérêts de l'auteur ne restait pas sans incidence sur le plan procédural dans la mesure où les conflits relevant du droit d'auteur était confiés à une instance cantonale unique (selon l'art. 45 aLDA) alors que ceux affectant le droit de la personnalité relevaient de la compétence des tribunaux ordinaires, voir DEL BIANCO, Droit moral, p. 157; TÂCHE, p. 68; en pratique cependant, l'instance cantonale unique instituée par la loi sur le droit d'auteur a été reconnue compétente pour connaître tout litige concernant la protection des oeuvres, que l'atteinte alléguée concerne des dispositions de la loi sur le droit d'auteur ou du droit commun (art. 28 CC). Cour de Justice Genève, SJ 1977, p. 433; sur l'attraction de compétence en matière de propriété intellectuelle, voir DAVID, p. 18 SS.

43 Par l'Arrêté fédéral du 18 décembre 1930 approuvant la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, passée à Rome le 2 juin 1928, RO 1931 465, entré en vigueur le premier août 1931; l'art. 6bis al. 1 dans le texte de l'Acte de Rome du 2 juin 1928 avait la teneur suivante: "Indépendamment des droits patrimoniaux de l'auteur, et même après la cession desdits droits. l'auteur conserve le droit de revendiquer la paternité de l'oeuvre, ainsi que le droit de s'opposer à toute défonnation. mutilation ou autre modification de ladite oeuvre.

qui serait préjudiciable à son honneur ou à sa réputation"; pour un commentaire de ceUe disposition, voir CHRISTEN, p. 67; CURCHOD, p. 28; SCHRICKERJDIETZ.

na 23 ss vor § 12; STROMHOLM, l, p. 382 sS.

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