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Faut-il adopter le droit de suite des artistes? : quelques réflexions de lege ferenda en droit d'auteur suisse

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Faut-il adopter le droit de suite des artistes? : quelques réflexions de lege ferenda en droit d'auteur suisse

RENOLD, Marc-André Jean

RENOLD, Marc-André Jean. Faut-il adopter le droit de suite des artistes? : quelques réflexions de lege ferenda en droit d'auteur suisse. Pratique juridique actuelle , 2002, no. 12, p.

1410-1414

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45767

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Marc-Andr é R e n ol d

AJP/PJA 12/2002

Faut-il adopter le droit de suite des artistes?

Quelques rétlexion s de lege ferenda en droit d'auteur suisse

Plan:

I. Qu'est-cc que le droit de suite?

MARC-ANDRÉ RENow, Dr. iur., LL.M., Avocat, Directeur du Centre du droit de J'art, Genève

ll. L'applicabilité dès aujourd'hui du droit de suite en Suisse

rn.

Arguments en faveur du droit de suite IV. Arguments en défaveur du droit de suite

V. Quelques propositions sur le contenu d'une éventuelle régle- mentation

"I've been working my ass off for you to make al/ thal profit".

L'artiste Robert Rauschenberg au collectionneur Robert Scull, 1973.

*

Le droit de suite de l'attiste revient régulièrement dans l'agen- da législatif suisse et il le sera à nouveau prochainement.

Refusé par le législateur en 1992, il a depuis lors fait un' grand bon en droit comparé, puisqu'une Directive euro- péenne harmonisant le droit de suite a été adoptée le 27 sep- tembre 2001'. A l'occasion d'une révision partielle de la Loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins, portant surtout sur la mise en œuvre en Suisse des Traités internet de l'OMPF, la question de l'adoption en Suisse du droit de suite sera à nouveau posée et fera certainement l'objet d'un débat vif et animé entre partisans et opposants de ce droit3 ll apparaît utile, avant ce débat et les possibles exagéra- tions auxquelles il va mener, de tenter de faire le point sur ce droit de suite et sur les arguments qui sont aujourd'hui avancés en faveur et à l'encontre de celui-ci. Tel est l'objet du présent article. Mon plan sera le suivant: j'exposerai brièvement ce qu'est le droit de suite dans les Etats qui l'ont adopté (I.), avant d'examiner dans quelle mesure celtù-ci a déjà un impact sur la Suisse par le biais des règles de droit international privé (il.). Nous examinerons ensuite les argu- ments en faveur (ill.) et en défaveur du droit de suite (IV.), avant de conclure par quelques propositions sur le contenu d'une réglementation éventuelle (V.).

1 . Qu'est-ce que le droit de suite?

Le droit de suite est un droit pécuniaire que détient l'auteur d'une œuvre des arts graphiques ou plastiques sur un pour- centage du prix de la revente successive de son œuvre,

généralement limité aux transactions commerciales. Pour reprendre le texte de la récente Directive européenne, le droit de suite peut être défini comme "un droit inaliénable auquel il ne peut être renoncé, même de façon anticipée, à percevoir un pourcentage sur le prix obtenu pour toute revente de cette œuvre" (art. premier al. J« de la Directive).

Le droit de suite existe en France depuis 19204Il a depuis lors été adopté par dix Etats de l'Union européenne, en plus de la France, et 24 autress. TI a fait l'objet d'un récent regain d'intérêt dans l'Union européenne à cause de la déci- sion d'harmoniser les règles en la matière par la Directive précitée. Cela a aussi stimulé un intérêt dans la doctrine récente6. Par ailleurs, la Convention de Berne pour la pro- tection des œuvres littéraires et artistiques, dans sa révision de Bruxelles de 1948, a consacré ce droit inaliénable de l'auteur à son article 14 ... , tout en laissant les Etats libres de l'adopter ou non dans leur droit interne. L'AD PIC (Accord sur les aspects 'des droits de propriété intellectuelle qui tou- chent au commerce) adopté en 1994 dans le cadre des négo- ciations de l'Uruguay Round pour la libéralisation du com- merce mondial, ne fait pas expressément mention du droit de suite, mais il renvoie aux articles 1 à 21 de la Convention de Berne, cc qui inclut aussi l'art 14' .. sur le droit de suite.

Les opinions ici exprimées sont celles de l'auteur et n'enga- gent que lui.

*

Cité par JOJ IN MERRY MAN et ALBERT ELSEN, Law, Ethics and lhe Visual Arts, 1998, 397.

Directive 2001184/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une œuvre d'a1t originale, JOCE 2001 L 272/32.

2 Traités sur le droit d'auteur et sur les interprétations et exécu- tions ct les phonogrammes du 20 décembre 1996. Les textes de ces traités et l'état de leurs ratifications sont disponibles via internet sur le site de l'OMPI, www.wipo.org

3 Voir déjà la motion AEPPLI-WARTMANN déposée le 22juin 2001 devant le Conseil national (01.3401) et transformée en postulat par le Conseil national le 5 octobre 2001.

4 ANoR(: LUCAS et HE.NRJ-JACQUES LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique. 2• édition Paris, 2001, 249.

5 Voir à cc sujet la liste des Etats ayant adopté le droit de suite ct les références aux principales législations nationales in LoRENZ E~IRLER, Das Fo1gerecbt/Le droit de suite, Etudes en droit de l'art, vol. 13, Züricb 2001, 15 ss.; voir également LlLtANE DE PŒRREDON-FAWCETI, The Droit de Suite in Literary and Artistic Property, Center for Law and lhe Arts of Colum- bia University Scbool of Law, New York, 1991, 284 ss.

6 Outre l'ouvrage de L. EHRLER précité note 5, l'on se référera utilement à l'ouvrage de CARINE DOUTRELEPONT, Le droit ct l'objet d'art: le droit de suite des artistes plasticiens dans J'Union européenne, Bruxelles et Paris, 1996 ainsi qu'à celui de JôRG SCHNErDER-BRODTMANN, Das Folgerecbt des bildenden Künst- lers im europaischen und intemationalen Urheberrecht, Hei- delberg, 1996. Voir également FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit d'auteur, CEDIDAC, Lausanne, 1999, 731 ss et RALPH LERNER et JUDITH BRESLER, Art Law, 2• éd. New York 1998,

1001 ss.

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Faut-il adopter le droit de suite de s artistes?

AJP/PJA 12/2002

Les deux principaux motifs résidant derrière J'adoption du droit de suite sont la justice et l'égalité de traitement. Tl est en effet apparu injuste qu'un artiste vende ses œuvres souvent à bas prix et ne puisse pas profiter, en cas de suc- cès, de leur augmentation de valeur lors de reventes succes- sives. De plus, il a depuis longtemps été constaté que les artistes qui créent des exemplaires uniques de leurs œuvres sont financièrement désavantagés par rapport à ceux qui créent des œuvres musicales ou littéraires, en ce sens que les prenùers ne sont rémunérés qu'une fois lors de la vente de leur œuvre, alors que les derniers perçoivent des droits chaque fois que leur œuvre est reproduite. C'est principale- ment pour pallier cette inégalité que l'on a imaginé le droit de suite'.

A litre d'exemple, la loi française prévoit que l'artiste concerné a droit à une·participation de 3% sur le produit de ventes ultérieures de son œuvre. Elle s'applique à toute vente publique aux enchères et devrait également viser les ventes faites par l'intermédiaire d'un commerçant, mais aucun décret du Conseil d'Etat n'est jamais venu mettre cette dernière exigence en applicationK. Cc système contraste par sa simplicité avec celui de la Directive européenne, résultat d'un compromis politique avec le Royaume-Uni qui a rou- jours été en forte opposition au droit de Sl!ite. En effet, la Directive prévoit un seuil minimal, qui ne peut être supé- rieur à 3 000 euros, au-dessous duquel l'on ne prélèvera pas de droit de suite9; par ailleurs, les droits dus sont calculés par tranche, le pourcentage passant de 4% pour la première tranche de 50 000 euros du prix de vente à 0.25% pour la dernière tranche dépassant 500000 euros, des pourcentages intermédiaires étant prévus pour les montants entre 50000 et 500000 euros10Enfin, les droits dus par le vendeur ne pourront dépasser le seuil maximal de 12500 euros11

L'avantage du système européen pour la Suisse est qu'il indique précisément ce qu'il ne faut pas faire, puisque celui- ci est compliqué et peu transparent, qu'il exclut les œuvres de faible valeur sans réelle justification et qu'il adopte un seuil maximal sans motifs sérieux non plus. Enfm, la Direc- tive est assortie de toute une série de règles spécifiques visant à satisfaire les exigences anglaises, ce qui fait que l'on ne verra pas vraiment de droit de suite complet appli- cable aux artistes et à leurs ayants droits au Royaume-Uni avant2010, voire 201212.

ll. L'applicabilité dès aujourd'hui du droit de suite en Suisse

La Suisse va devoir se reposer la question du droit de suite prochainement Si le Conseil fédéral avait renoncé à le pro- poser dans ses projets de loi de J 98413 et de 19891•, Je Con- seil des Etats l'avait introduit en l99l1s mais il avait été, suite aux résistances du Conseil national et des représen- tants du marché de l'art16, finalement refusé par ce même Conseil des Etats en 1992 à trois voix près17C'est pourquoi la loi fédérale actuelle sur le droit d'auteur et les droits voi- sins du 9 octobre J 992 ne co orient aucune disposition à ce sujet13Or le fait que J'Union européenne ait adopté une

Directive soulève la question de notre spécificité en la ma- tière. Si certains voient dans cette situation un avantage pour le marché suisse, d'autres penchent pour la recherche de l'euro-compatibilité en la matière.

Indépendamment de cette question, il peut être utile de se demander dans quelle mesure la Suisse n'est pas déjà affectée par l'existence du droit de suite dans l'ensemble de nos pays voisins. Cela résulte de l'indiscutable internatio- nalisation du marché de l'art qui soulève d'intéressantes questions de droit applicable dont certaines·se sont posées devant les tribunaux allemands récemment.

L'affaire Beuys

En été 1989 la maison de ventes Christie's mit en vente à Londres de nombreuses œuvres de Joseph Beuys. Parmi les lots vendus figuraient trois œuvres de l'artiste allemand mis en vente par un peintre et professeur à l'Académie des Beaux Arts de Düsseldorf, Gotthard Graubner. Celui-ci, un collègue ct ami de Beuys qui avait partagé son atelier, avait acheté à l'artiste les trois objets pour quelques centaines de marks allemands. La mise en vente de ces trois œuvres, orga- Iùsée par l'intermédiaire de la filiale allemande de Christie's,

avait rapporté

1.4 rrùllions de

marks

à

Monsieur

Graubner.

En novembre 1989 la société aJiemande de perception des droits d'auteur Bild-Kunst, au nom de l'héritière de Beuys, sa veuve Eva Beuys, réclama à Monsieur Graub- ner les 5% de droit de suite prévus par la législation alle- mande sur le droit d'auteur, soit environ 75 000 marks alle- mands.

Trois instances allemandes durent se pencher sur l'affaire, le Landesgericht de Düsseldorfl9 (jugement du 31 octobre 1990), I'Oberlandesgeticht de Düsseldorf-0 (arrêt du 21 jan- vier 1992) cl enfin le Bundesgerichtshof21 (arrêt du 16 juin 1994). Ils parvinrent à des résultats différents.

7 L. EHRLER (n. 5), 69 ss.

8 A. LUCAS et H.-J. LUCAS (n. 4), 299.

9 Art. 3 de la Directive européenne relative au droit de suite.

lO Art. 4 al. 1, lit a à e de la Directive européenne relative au droit de suite.

11 Art. 4 al. 1 in fine de la Directive européenne relative au droit de suite. Pour un commentaire détaillé du dernier projet de Directive, voir L. EHRLER (n. 5), 111 ss; sur les différences avec le texte définitif, 221 ss.

12 Art. 8 al. 2 et 3 de la Directive européenne relative au droil de suite.

13 Voir FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit de suite in: Die Berner Übereinkunft und die Schweiz, Bern, 1986,343 ss, 344.

14 Message du Conseil fédéral concernant une loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins du 19 juin 1989, 38 ss.

15 Bulletin officiel du ConseiJ des Etats, 1991, 104 ss.

16 Bulletin officiel du Conseil national, 1992, 23 ss. DE!'•ns BAR-

RELETIWtLLI EGLOFF, Le nouveau droit d'auteur, 2• édilion, Berne, 2000, 75.

17 Bulletin officiel du Conseil des Etats, 1992, 373 ss.

18 RS 231.1.

19 Neue Juristische Wochenschrift 1991, 1193

=

fPRax 1992,46.

20 Neue Juristische Wochenschrift 1992, 1334 = IPRax 1992,245.

21 BGHZ 126,252

=

Nel' Jurislische Wochenschrift 1994,2888.

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Marc - André Renold

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En effet, la première instance admit la demande sur la base du droit allemand, déclaré applicable au motif princi- pal que la mise en vente avait été organisée par la filiale allemande de Christie's et que J'envoi à Londres n'avait eu lieu que dans le but d'y mettre les œuvres en question aux enchères. De plus, une campagne publicitaire avait été orga- nisée dans les journaux allemands. Le simple fait que la vente aux enchères elle-même n'ait pas eu lieu en Allemagne n'empl3ehait pas l'applicabilité de l'article 26 de la loi alle- mande sur le droit d'auteur.

Sur appel, le Tribunal supérieur de Düsseldorf rejeta la demande. Appliquant le principe de La territorialité du droit d'auteur, il estima que celui-ci exigeait que la revente devait au moins en partie avoir lieu sur Je territoire allemand pour que le droit allemand puisse s'appliquer. Or, en l'espèce, tous les éléments pertinents de la revente (offre, adjudica- tion, transfert de possession et de propriété) avaient eu lieu au Royaume-Uni.

Le Tribunal fédéral allemand a confirmé cette interpré- tation. Il a tiré du principe de la territorialité le rattache- ment à l'Etat dont la protection est demandée. Pour le droit de suite, cela signifie qu'une partie au moins de la trans- action doit avoir lieu dans cet Etat pour que son droit soit applicable. Or, dans cette affaire, la transaction n'avait pas eu lieu en Allemagne, raison pour laquelle le droit de sui- te aJlemand était inapplicablen.

Quels enseignements peut-on tirer de cette affaire pour l'applicabilité du droit de suite en Suisse? Tout d'abord il est clair que les artistes suisses ne bénéficieront pas des avantages que leur conférerait le droit de suite tant que la Suisse n'aura pas légiféré en la matière. En effet, l'art. 14' ..

al. 2 de la Convention de Berne le dit clairement, la protec- tion du droit de suite n'est donnée que si la loi nationale de l'auteur l'admet (la Directive européenne relative au droit de suite contient elle aussi, à son art. 7, une telle exigence).

Donc sans droit de suite en Suisse, un artiste suisse ne pour- ra réclamer le droit de suite à l'étranger, même si la loi du lieu où se déroule la transaction le permet.

Qu'en est-il en revanche d'un artiste étranger? Un artiste étranger, ifar hypothèse résidant en Suisse, pourra obtenir la protection du droit de suite dans plusieurs hypothèses:

dans l'hypothèse d'une vente en Suisse, il pourra réclamer la protection du droit de suite d'un Etat étranger, par exem- ple celui de son droit nationaP3Dans l'hypothèse d'une vente à l'étranger il pourra exiger-à condition que son droit national connaisse le droit de suite - de participer au pro- duit d'une revente ayant lieu dans un Etat qui connaît le droit de suite, donc l'ensemble des Etats européens dès que la Directive européenne sera mise en œuvre.

Donc, le fait que la Suisse soit le seul Etat européen à ne pas avoir légiféré en la matière se retournera principa- lement contre les artistes suisses et pas contre les artistes étrangers, ce qui n'est à priori pas souhaitable.

III. Arguments en faveur du droit de suite

Quels sont, outre un désir de créer un système uniforme en Europe dans le but de ne pas défavoriser les artistes suis-

ses, et par là la créativité en Suisse, les arguments que l'on peut faire valoir en faveur du droit de suite24?

L'argument le plus souvent avancé, qui est également la raison d'être du droit de suite, est celui de l'aide à la survie des artistes. Certes, l'image à "La Bohême" de l'artiste-pein- tre miséreux et méconnu survivant avec difficulté dans son atelier mansardé n'est plus nécessairement au goüt du jour, même s'il est indiscutable que bon nombre d'artistes ont encore aujourd'hui beaucoup de peine à vivre uniquement de leur art25Pourtant aider les artistes à survivre par ce prélèvement sur les sommes, parfois importantes, qui peu- vent être en jeu après la première vente du produit de leur effort créateur paraît difficilement contestable. Il s'inscrit dans une idée de continuité, de suivi de l'artiste sur sa pro- pre production, entièrement compatible avec la notion du droit d'auteur qui suit la création de l'artiste, indépendam- ment de la propriété juridique sur l'objet lui-même.

Tl y a, dans cette idée de continuité, un autre argument lié à l'artiste: n'est-il pas juste et encourageant pour lui de pou- voir suivre le statut de sa création et de participer à son succès éventuel? N'y a-t-il pas là tout simplement une juste rémunération de son effort? Un entrepreneur qui réussit verra la valeur de son entreprise augmenter, un investisseur verra celle de son investissement augmenter, pourquoi n'en irait-il pas de même pour un artiste?

Un argument que l'on énonce souvent est celui de l'éga- lité de traitement entre les divers types d'artistes26Pour- quoi le peintre ou le sculpteur ne seraient-ils rémunérés qu'une fois, et souvent mal, lors de la vente de leur œuvre, alors que le musicien ou l'écrivain le seront à chaque fois que leur œuvre est vendue ou exécutée? Cela étant, il n'est pas vraiment moins difficile de vivre comme musicien ou écrivain, et il n'est pas sOr que la possibilité de percevoir des droits d'auteurs sur chaque exemplaire de l'œuvre qu'ils vendent ou qui est exécutée soit une source de différence majeure quant au revenu de ces derniers. TI n'en demeure pas moins que la différence entre ces catégories d'artistes ne se justifie pas sur le plan des principes.

22 Sur cette affaire, voir les remarques critiques de JôRG SCHNET-

DER-BRODTMANN, Das Folgerecht des bildenden Künstlers im internationalen Urbeberrecht -der Pail "Beuys" in: GERTE REICHELT (Ed.), Neues Recht zum Schutz von Kulturgut, Wien 1997, 131 ss. Voir également la thèse du même auteur, Das Folgerecht des bildenden Künstlers im europaischen und internationalen Urheberrechl, Heidelberg 1996.

23 Le droit international privé suisse connaît en effet lui aussi le principe de l'application du droit dont la protection est revendiquée, consacré à l'art. 110 LDIP. A ce sujet voir récemment, KURT SIEHR, Das Internationale Privatrecht der Schweiz, Zürich, 2002, 203 ss, 207 ss.

24 Pour une excellente revue des arguments en faveur et en défa- veur du droit de suite, voir JOHN MERRYMAN et ALBERT ELSEN, Law, Ethics and the Vi suai Arts, 3"' ed., London, the Hague Boston, 1998, 390 ss.

25 L. EHRLER (n. 5), 67 ss.

26 L. EHRLER (n. 5), 69 ss.

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Faut-il adopter le droit de suite des artistes?

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y a enfin un argument de nature économique en faveur du droit de suite: puisque les artistes auront de toute manière besoin d'une aide pour survivre, autant qu'elle ait lieu en relation avec leur production, plutôt que par des contribu- tions de l'Etat sous forme de subside à la création, d'achat d'œuvres ou encore tout simplement d'assistance publique.

IV. Arguments en défaveur du droit de suite

L'argument le plus souvent énoncé pour s'opposer au droit de suite est qu'il ne fonctionne pas en pratique. C'est ainsi qu'au terme d'une étude comparative approfondie, Mme de PœRREDON-FAWCETI écrivait en 1991 que "We must conclude this analysis of droit de suite collection on a pessimistic note. The droit de suite is applied systematically only in Belgium, France, Germany, Hungary and, more recently, Spain. This practical result is alanning ifwe rejlect that the droit de suite, though adopted by twenty-nine jurisdictions, has remained virtually a dead letter in twenty{our of them"2'. C'est évidemment un argument de poids et il s'impose d'examiner pourquoi le droit de suite est si difficile à mettre en œuvre. Une première raison est à trouver dans le fait que certains opposants ont pu mettre un frein à la mise en œuvre efficace des lois adoptées contre leur gré. Tel a été le cas, par exemple, en Allemagne avant l'adoption d'une réforme législative qui rendit la perception du droit de suite plus efficace21Une autre raison est à trouver dans la lourdeur de la procédure de mise en œuvre du droit de sulte29Toute- fois rien n'empêche d'envisager un système qui fonctionne en principe, à l'exemple des premiers cas cités par Mme de PœRREDON-FAWCEIT, tout en évitant les erreurs des systè- mes qui n'ont pas produit de résultats probants.

L'on dit également que le droit de suite ne bénéficie qu'à une très petite minorité d'artistes, à savoir ceux qui ont du succès, qui sont précisément ceux qui n'ont pas besoin de moyens financiers supplémentaires30

n

est indiscutable que pour bénéficier d'une rémunération élevée provenant du seul droit de suite, il est nécessaire que les ventes atteignent des montants conséquents.

n

est également vrai que l'exem- ple de la France est souvent cité où les revenus globalement tirés du droit de suite bénéficient principalement à quel- ques artistes ou successions d'artistes ayant du succès. Mais à cela l'on opposera que les valeurs absolues ne sont pas le critère déterminant et que même un revenu modeste pro- venant du droit de suite peut être considéré comme un succès pour le système. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous considérons qu'il est illogique de prévoir, à l'image de la Directive européenne, un seuil en dessous duquel le droit de suite ne sera pas perçu.

Une autre critique faite au droit de suite est le frein qu'il représente à l'effort des marchands, galeries et maisons de vente, qui investissent beaucoup pour l'artiste et qui peuvent resscntù·le droit de suite comme une "taxe" qui est un handi- cap dans leur travaiP1Il est en effet souvent nécessaire à un marchand qui veut promouvoir le travail d'un jeune artiste relativement méconnu (marché primaire) de se repo-

ser sur le résultats de ventes d'artistes plus connus dont les tableaux sont revendus plusieurs fois (marché secondaire).

Freiner le marché secondaire en prélevant un droit de suite peut non seulement affecter les revenus du marchand, mais aussi le retenir de se lancer dans la promotion d'artistes dont les œuvres sont pour la première fois sur le marché32Cet argument a un poids certain parmi les opposants au droit de suite et l'on ne peut le contrer qu'en proposant des taux qui ne seront pas dissuasifs.

Enfin, certains défenseurs du marché suisse de J'art affir- ment gue la Suisse a tout à gagner à être un cas à part, sans droit de suite, ce qui la rend plus attractive sur le plan euro- péen, dans la mesure où tous nos voisins connaissent ou connattront bientôt le droit de suiten. Cet argument, faisant de notre pays un profiteur, est choquant sur un plan intellec- tuel. Ce n'est qu'en examinant si les arguments en défaveur du droit de suite l'emportent sur les arguments en faveur de celui-ci que l'on pourra trancher ct si, au terme de ce raisonnement, l'on arrive à la conclusion que le droit de suite n'est pas souhaitable, c'est alors, et alors seulement, que l'on pourra dire que l'effet réflexe est bénéfique pour la Suisse qui sera le seul Etat européen à ne pas connaître le droit de suite. Utiliser ce fait comme un argument en défaveur du droit de suite revient à le détourner d'une manière qui n'est pas acceptable34

Quoi qu'il en soit, nous avons vu plus haut (II.) que l'ab- sence de droit de suite ne concerne pas vraiment les artistes étrangers en Suisse et qu'en fin de compte les seuls à être affectés sont les artisres suisses. Veut-on vraiment rendre ce mauvais service à la culture suisse?

V. Quelques propositions sur le contenu d'une éventuelle réglementation

JI semble, tous arguments confondus, que ceux qui sont favorables au droit de suite doivent l'emporter, à la condi- tion importante que le système proposé fonctionne réelle- ment. L'essentiel est donc de travailler au contenu de la législation. Nous avons émis plus haut quelques critiques à l'encontre de la Directive européenne. C'est évidemment ne pas tenir compte du fait que l'adoption de ce texte fut le résultat d'un difficile compromis entre les Etats connais- sant le droit de suite et les Etats en principe opposés, tels le Royaume-Uni. En droit interne suisse, nous ne devrons pas faire ce genre de compromis, même s'il est à prévoir que

27 LILIANE DE P1ERREDON-FAWCE1T (n. 5), 133.

28 LILIANE DE PŒRREDON-FAWCE1T (n. 5), 130 et 131.

29 J. MERRYMAN et A. ELSEN (n. 24), 400 ss.

30 L. EHRLER (n. 5), 67 et 68.

3l J. MERRYMAN et A. ELSEN (n. 24), 400 ct 401.

32 L. EHRLER, 86.

33 Tel était l'argument émis par plusieurs conseillers nationaux en 1992 pour s'opposer au droit de suite. Voir notamment les interventions de P. CouCHEPIN et T. FISCHER, Bulletin offi- ciel du Conseil narional, 1992, 27.

34 Dans ce sens, F. DESSEMONTET (n. 13), 355.

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Marc-André Renold

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le texte qui serait, le cas échéant, adopté résulterait d'une soigneuse balance des intérêts en présence.

Quelles devraient donc être les grandes lignes d'une réglementation suisse du droit de suite? A notre sens, la solution réside dans une législation claire et facile à mettre en œuvre, dont les éléments principaux pourraient être les suivants:

L'ensemble des ventes commerciales d'objets d'art plas- tique et graphique devraient être sujettes au droit de suite;

Il ne devrait pas y avoir de seuil minimum pour laper- ception du droit de suite, ou alors un seuil très bas (par exemple CHF 100).' D ne devrait pas non plus y avoir de seuil maximal.

Le droit de suite devrait consister en un taux unique, par exemple 3 ou 5% de la plus-value réalisée par le mar- chand.

La perception devrait se faire de manière simple et effi- cace. On pourrait par exemple imaginer de la jumeler avec la perception de la TVA, les marchands d'art devant simplement indiquer quelles œuvres vendlles sont sotlmi- ses au droit de suite, ou l'administration se chargeant de cela en collaboration avec les sociétés suisses de percep- tion de droit d'auteur.

· AnHisslich der Teilrevision des Urheberrechtsgesetzes stellt sich u.a. die Frage, ob in der Schweiz ebenfalls das Folgerecht der bil- denden Künstler eingeführt werden soli, nachdem die Richtlinie vom 27. September 2001 dieses nunmehr europaweit vereinheit- licht und damit eine jabrzehntelange Kontroverse zwischen folge- rechtfreundlichen und folgerechtsfeindlichen nationalen Rege- lungen beendet.

Bildende Künstlerlnnen erhalten einen finanziellen Ertrag ledig- lich aus dem Verkauf ihrer Werke an den ersten Erwerber. Das Fol- gerecht, dessen Einführung der Autor beflirwortet, hingegen lasst bildende Künstlerlnnen bzw. deren Erblnnen am Mehrwert, den ihre Werke nach dem ersten Verkauf bei weiteren Verkaufen erzie- len, zu einem bestim.mten Prozentsatz partizipieren.

Der Verfasser weist dru·auf hin, dass aufgtund des Art. 11 0 IPR G (Schutzlandprinzip) sowie aufgrund des Art. 14ter Abs. 2 der Berner Urheberrechtskonvention schweizerische Gerichte bereits heute zugunstea.auslandischer Künstlerlnnen das Folgerecht anzuwen- den haben. Schweizerische Künstledtmen konnen sich hingegen weder im In- noch im Ausland darauf beru fen, weil das schwei- zerische Recht das Folgerecht nicht eingeführt hat.

Doch nicht nur dies spricht für eine Einführung des Folgerechts, sondem auch die elementare Gerechtigkeit zugunsten der bildenden Künstlerlnnen, welche zumeist im Zeitpunkt, in dem sie ihre Werke verkaufen bzw. verkaufen mi.issen, um ihren Lebensunterhalt zu fristen, wenig bekannt sind und geringe Marktpreise erzielen, wahrend die Erwerber von den gestiegenen Preisen profitieren, wenn si ch der Künstler bzw. die Künstlerin einen Namen geschaf- fen hat.

Mit dem Folgerecht soli für bildende Künstlerlnnen eine ver- gleichbare Chance geschaffen werden wie für Schriftstellerlnnen und Komponistlnnen, welche liber die Tantiemen ja am Erfolg ihrer Werke beteiligt sind. Schliesslich stellt das Folgerecht eine Fonn der Kunstforderung dar, welche nicht von staatlichen Sub- ventionen alimentiert werden muss.

Gegen die Einführung eines Folgerechts wurde eingewendet, dass es nicht in allen Staaten, in denen es eingeführt worden ist, effizient sei, ferner, es würden davon insbesondere Künstlerl.tmen

Il nous reste encore une ultime proposition à faire dans ce contexte. Indiscutablement le droit de suite, s'il était adopté, aurait l'effet d'une charge fiscale et il pourrait constituer un frein au marché de l'art. Pourquoi ne potmait-on pas, à l'ins- tar de certains de nos voisins, notamment la France, envi- sager de soumettre l'ensemble du marché de l'art à un taux de TVA réduit? En effet, le marché de l'art est directement lié à la diffusion de la culture et il est juste que celle-ci puisse se faire sans une charge fiscale trop lourde. Cette réduction du taux de TVA pourrait se faire en proportion des montants qui seraient perçus au titre du droit de suite.

Ainsi la charge totale du marché de l'art, TVA et droit de suite, ne serait pas supérieure à celle des autres branches économiques. Une telle proposition, originale en droit com- paré, aurait au moins l'avantage de faciliter l'acceptation du droit de suite par le marché de l'art.

En guise de conclusion, il ne semble pas que le droit de suite doive se heUJter en Suisse à des critiques ou des obstac- les insurmontables. Au contraire, faisons preuve d'inventivité et analysons avec lucidité les expériences faites autour de nous; ce n'est que par ce moyen que nous arriverons à conser- ver la place privilégiée que détient la Suisse dans le marché

de l'art. ·

bzw. deren Erbl.tmen profitieren, die diesen Profitanteil schon nicht mehr notig hatten. Gegen das erste Argument wendet der Autor ein, dass das System effizient auszugestalten sei (wofür er konkrete VorschHige macht); gegen das zweite Argument, dass in keinem anderen Bereich der Wirtschaft so argumentiert wird und dass es in jedem Fall richtig ist, dass der SchOpfer des Kunstwerkes am Mehrwett beteiligt werden soli, unabhangig seiner wirtschaftlichen Situation. Ernster zu nehmen ist das Argument, dass ein Kunst- handler, der junge Künstlerlnnen- im Rahmen des Erstmarktes - fordert, dies nur tun kann, wenn er ausreichend bei Weiterverkaufen von Werken bekannter Künstlerlnnen - dem Zweitmarkt- verdient.

Ein zu weitgehendes Folgerecht komlte hier kontraproduktiv wir- ken. Der Verfasser weist in diesem Zusammenhang auf die Not- wendigkeit des vemünftigen Masses hin. Ganzlich lehnt der Autor hingegen das Argument ab, die Schweiz solle ais Insel inmitten der europaischen Lander mit Folgerechtsprinzip vom Kunsthandel profitieren.

Dementsprechend schlagt der Verfasser die Ein:fiihrung des Fol- gerechts in der Schweiz vor. Da er das europaische System ais kompliziert und wenig effizient betrachtet, schlagt er u.a. vor: Alle Werke der bildenden Künste sollen unterschiedslos vom Folge- recht erfasst werden; es soli - im Gegensatz zur europaischen Richtlinie, welche insofem Komprornisscharakter aufweist- keine Minimal-oder Maximalschwelle geben; es sollte ein Einheitssatz von 3-5% des bei jedem Weiterverkauf erzielten Mehrwerts festge- legt werden. Auch sollte die Erhebung moglichst einfach erfolgen, z.B. konnte daran gedacht werden, dass die Kunsthandler bei der Abrechnung der Mehrwertsteuer angibt, welche Werke dem Folge- recht unterstehen und dass die Steuerverwaltung mit den Verwer- tungsgesellschaften zusammenarbeiten. Schliesslich regt der Ver- fasser an, im Interesse der KunstfOrderung- ahnlich wie dies Frankreich tut-den gesamten Kunsthandel einem reduzierten Mehrwertsteuersatz zu unterstellen. Zusatzlich stellt er- da fur gibt es kein ausliindisches Vorbild - zur Diskussion, allenfalls den Mehrwertsteuersatz soweit herabzusetzen, dass der reduzierte Steuer- satz zusammen mit dem Folgerecht dem Total des ordentlichen Mehrwertsteuersatzes entspriiche.

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