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Les effets en droit privé de l'obligation d'identifier l'ayant droit économique

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Academic year: 2022

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Les effets en droit privé de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique

Endrit Poda

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www.unige.ch/cdbf

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Genève / Zurich 2019, Schulthess Éditions Romandes

ISBN 978-3-7255-8744-5

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2019 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

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Ce n’est pas pour rien que la langue de Goethe emploi le terme “Doktorvater”

pour désigner le directeur de thèse. Le Professeur Luc Thévenoz de l’Université de Genève m’a accompagné dès le début de cette étude et m’a encouragé dans les moments les plus difficiles. Son soutien, ses conseils et ses critiques m’ont guidé tout au long de ce travail. Je lui exprime ma plus profonde gratitude.

Mes remerciements vont aux membres de mon jury de thèse, la Professeure Ursula Cassani de l’Université de Genève, la Professeure Christine Chappuis de l’Université de Genève et le Professeur Alexandre Richa de l’Université de Lausanne pour leur lecture critique et leurs précieuses observations. Grâce à leurs remarques pertinentes, j’ai pu améliorer mon travail. Les propos, lors de ma soutenance de thèse, du Professeur Bénédict Foëx, Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Genève, m’ont particulièrement touché et je tiens à l’en remercier.

Les Professeurs Christian Bovet, Reinhardt Zimmermann, Benoît Chappuis et Klaus Hopt ont également contribué à enrichir mes réflexions au travers d’échanges de vues ou d’informations. Qu’ils en soient ici remerciés. Mes recherches ont bénéficié d’un séjour auprès du Max Planck Institut für ausländisches und internationales Privatrecht de Hambourg. J’exprime ma reconnaissance sincère au Fonds national suisse pour son soutien.

Plusieurs personnes m’ont donné une aide précieuse dans l’élaboration de cette thèse. M. Christophe Cottet a procédé plusieurs fois à la relecture du manus- crit. Mme Lolita Poda m’a fourni un soutien technique et moral dans toutes les phases de la rédaction. Mme Manuela Canabal a mis en forme le présent ouvrage avec grande efficacité et bienveillance. Je tiens à leur exprimer mes plus vifs remerciements.

Mes remerciements particuliers s’adressent à mes collègues et amis du Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève pour leur amitié, leurs conseils et leur soutien. J’ai une pensée particulière pour Gervais, Anouchka O., Fabianne, Ilias, Fabien, Anouchka Z., Hristina, Célian et Christophe.

Enfin, ce travail n’aurait jamais pu voir le jour sans l’appui et le soutien de mes chers parents Ilda et Riza, de ma sœur Sindi, de ma meilleure moitié Feyza et de mes chers amis Endri, Erjon, Yvan, Skënder, Jonid et Ergys. Je leur adresse à eux aussi ma plus grande reconnaissance. Cet ouvrage est dédié à mes grands-parents.

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Introduction 9

Partie I

Identification de l’ayant droit économique 17

Chapitre 1

Sources 19

Chapitre 2

Notion d’ayant droit économique 47

Partie II

Effets en droit privé 77

Chapitre 3

Droit de l’ayant droit économique

d’obtenir des renseignements bancaires 79

Chapitre 4

Responsabilité de la banque

à l’égard de l’ayant droit économique 119

Chapitre 5

Impact de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique

dans l’appréciation de la bonne foi de la banque 197

Conclusion 249

Table des abréviations 255

Bibliographie 261

Table des matières 289

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I. Problématique

La mondialisation est aujourd’hui un fait incontestable qui se traduit par une interdépendance croissante des économies et des avancées technolo- giques. De ce fait, la mobilité des capitaux est favorisée, faisant naître en même temps des possibilités et des opportunités pour blanchir de l’argent provenant d’origine criminelle 1. De même, les blanchisseurs d’argent restent très créatifs avec les structures juridiques mises en place pour dé- guiser l’origine criminelle des valeurs patrimoniales. Comme le montre un rapport récent du Conseil fédéral sur les risques de blanchiment d’argent, les techniques employées par les blanchisseurs d’argent évoluent continuellement 2.

Un régime supranational a été mis en place afin de combattre le phé- nomène de blanchiment d’argent. Ce régime se compose de règles dont la force contraignante est variable. Parmi ces règles, les recommandations du Groupe d’action financière (ci-après GAFI) occupent un rôle prépondé- rant. Elles constituent le standard international en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

La Suisse, quant à elle, s’est dotée d’un dispositif législatif et réglemen- taire dense visant à lutter efficacement contre le blanchiment d’argent.

Dans le contexte d’une criminalité en évolution constante, et afin de se conformer aux standards internationaux, le dispositif suisse anti-blanchi- ment d’argent doit être adapté régulièrement. Modifié à plusieurs reprises déjà, ce dispositif a fait l’objet de révisions entrées en vigueur en 2016. Les dernières révisions n’étant pas encore pleinement digérées par les acteurs du marché, le Conseil fédéral a mis en consultation le 1er juin 2018 un avant- projet de modification de la LBA (ci-après AP-LBA) 3 qui prend en compte

1 Rapport (Risques de blanchiment en Suisse), p. 10. Le rapport est accessible sur le lien suivant : www.fedpol.admin.ch/dam/data/fedpol/kriminalitaet/geldwaescherei/

ber-f.pdf (consulté le 30 septembre 2018).

2 Ibidem.

3 Rapport (Modification LBA). Accessible sur le lien suivant : www.admin.ch/gov/fr/accueil/

documentation/communiques.msg-id-70973.html (consulté le 30 septembre 2018).

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les critiques faites par le GAFI dans son rapport d’évaluation mutuelle de la Suisse.

L’obligation des intermédiaires financiers d’identifier l’ayant droit économique est la clé de voûte du dispositif anti-blanchiment d’argent. Le législateur impose en effet aux intermédiaires financiers, acteurs du mar- ché particulièrement exposés au blanchiment d’argent, d’identifier l’ayant droit économique de leurs relations d’affaires. En identifiant l’ayant droit économique, l’intermédiaire financier peut en effet empêcher l’auteur d’une infraction de se cacher derrière le titulaire formel de la relation d’af- faires et de dissimuler ainsi l’origine criminelle des valeurs patrimoniales.

Les révisions du dispositif anti-blanchiment d’argent ont également touché l’obligation d’identifier l’ayant droit économique. Les intermédiaires financiers doivent désormais identifier les ayants droit économiques des personnes morales exerçant une activité opérationnelle (les détenteurs de contrôle). Une transparence accrue des trusts et des fondations a été égale- ment assurée par l’obligation d’identifier tous les acteurs de ces construc- tions juridiques. De plus, à teneur de l’art. 4 al. 1 AP-LBA, l’intermédiaire financier devra identifier l’ayant droit économique et vérifier les informa- tions correspondantes avec la diligence requise par les circonstances. La vérification des informations concernant l’ayant droit économique n’est pas à proprement parler une nouvelle obligation pour les intermédiaires financiers. Ceux-ci doivent de lege lata procéder, en vertu de l’art. 305ter al. 1 CP, à une vérification matérielle des informations concernant l’ayant droit économique, en ce sens qu’ils ne peuvent pas simplement se conten- ter de déclarations du cocontractant. En instituant expressément dans la LBA une obligation générale de vérifier les informations concernant l’ayant droit économique, la Suisse répond aux critiques du GAFI et se conforme ainsi à ses recommandations.

L’Union européenne a également procédé à des révisions successives de son dispositif anti-blanchiment d’argent. A peine un an après le délai de transposition de la 4e directive anti-blanchiment 4, la 5e directive anti- blanchiment a été publiée le 19 juin 2018 dans le Journal officiel de l’Union européenne 5. Même si la notion de bénéficiaire effectif n’a pas été changée

4 Directive 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JO UE L 141 du 05.06.2015, pp. 73-117.

5 Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modi- fiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système

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– alors que la Commission proposait de diminuer le seuil des bénéficiaires effectifs des sociétés à 10% – des mesures de transparence accrues touchant les bénéficiaires effectifs sont prévues. Plus précisément, les États membres de l’Union européenne doivent veiller à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public 6. Le grand public est autorisé à avoir accès, au moins, au nom, au mois et à l’année de naissance, au pays de résidence et à la nationalité du bénéficiaire effectif, ainsi qu’à la nature et à l’étendue des intérêts effectifs détenus 7. S’agissant des bénéficiaires effectifs des trusts/

fiducies, l’accès doit être donné à toute personne capable de démontrer un intérêt légitime 8.

Les effets de l’identification de l’ayant droit économique dans la lutte contre le blanchiment d’argent ne sont guère contestables. Il est également nécessaire d’adapter régulièrement le dispositif anti-blanchiment. Ce n’est qu’ainsi que la Suisse suit de près l’évolution des techniques de blanchiment et se conforme en même temps aux standards internationaux.

Or, qui est l’ayant droit économique ? Peut-on le définir ? Qu’en est-il en droit privé ? Est-ce que l’obligation d’identifier l’ayant droit économique y déploie des effets ? En cas de réponse affirmative, quelle est la portée de ces effets ? Quelles sont les limites ? Par ailleurs, s’agit-il toujours de la même notion d’ayant droit économique en droit public et en droit privé ? Telles sont les interrogations qui animent et justifient la présente étude.

Le Tribunal fédéral, quant à lui, a fermement nié des effets en droit privé de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique dans un arrêt de 2006 9. Selon notre Haute cour, “[l]’identification de l’ayant droit écono- mique intervenant dans la lutte contre la criminalité économique, elle ne déploie aucun effet de droit privé […]. C’est d’ailleurs uniquement dans le cadre de cette mission d’intérêt public que la banque doit se préoccuper de l’existence d’un éventuel ayant droit économique distinct du client” 10.

financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE, JO UE L 156 du 19.06.2018, pp. 43-74.

6 Art. 30 par. 5 lit. c de la 5e directive anti-blanchiment.

7 Ibidem.

8 Art. 31 par. 4 lit. c de la 5e directive anti-blanchiment.

9 ATF 132 III 609.

10 Idem, consid. 5.3.1.

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Malgré cette affirmation explicite, il est avéré que le Tribunal fédéral reconnaît, dans certains cas précis, des effets en droit privé de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique.

Tout d’abord, il en est ainsi dans le domaine des poursuites et des faillites. La banque doit, en vertu de l’art. 91 al. 4 LP 11, également informer l’Office des poursuites et des faillites, sur les comptes dont le débiteur est l’ayant droit économique 12. Le créancier ne peut en revanche pas obtenir sans autre le séquestre des valeurs patrimoniales dont son débiteur est l’ayant droit économique. Il doit : soit prouver que les valeurs patrimo- niales ne sont que formellement au nom d’un tiers (homme de paille), mais appartiennent en réalité au débiteur (par exemple suite à une acquisition de propriété) ; soit établir que le débiteur a transféré de manière abusive ses valeurs patrimoniales à une société qu’il contrôle et avec laquelle il forme une identité économique (le principe de la transparence) 13. Et le Tribunal fédéral de préciser que, “[l]’application du principe de la transparence sup- pose, donc, premièrement, qu’il y ait identité des personnes conformément à la réalité économique, ou en tout cas la domination économique d’un sujet de droit sur l’autre ; il faut deuxièmement que la dualité soit invoquée de manière abusive, c’est-à-dire pour en tirer un avantage injustifié” 14.

Ensuite, l’art. 170 al. 1 CC octroie à un époux le droit à obtenir des renseignements de la part de son conjoint sur ses revenus, ses biens et ses dettes (art. 170 al. 1 CC). Conformément à l’art. 170 al. 2 CC, le juge peut astreindre la banque à fournir au conjoint requérant les renseignements utiles et à produire les pièces nécessaires. Et le Tribunal fédéral de préciser que “le droit aux renseignements […] n’est pas limité aux biens dont le conjoint est propriétaire, mais doit s’étendre à toutes les valeurs patrimo- niales dont celui-ci dispose en fait, mais pas nécessairement en droit, c’est- à-dire à celles dont il est l’ayant droit économique” 15.

Enfin, c’est l’héritier qui peut se prévaloir d’un droit aux renseignements à l’encontre de ses cohéritiers en vertu des art. 607 al. 3 et 610 al. 2 CC.

Tout comme c’est le cas pour le conjoint, le juge peut astreindre la banque

11 Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) ; RS 281.1.

12 Arrêt TF 5A_25/2014 du 28 novembre 2014, consid. 4.2.2 ; ATF 129 III 239, consid. 1.

13 Arrêt TF 5A_205/2016 du 7 juin 2016, consid. 7.2.

14 Ibidem.

15 Arrêt TF 5P.423/2006 du 12 février 2007, consid. 5.1 et 5.3.2 ; Arrêt TF 5A_416/2009 du 23 octobre 2009, consid. 4.1.2 ; ATF 142 III 116, consid. 3.1.3.

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à fournir à l’héritier requérant des renseignements sur les valeurs patrimo- niales dont l’héritier requis est l’ayant droit économique 16.

Jusqu’ici, il n’y a rien de très surprenant. Or la jurisprudence du Tribunal fédéral a donné à l’identification de l’ayant droit économique des conséquences dans plusieurs autres domaines de droit privé, à savoir au niveau du droit aux renseignements de l’ayant droit économique, quand il est question de l’impact de l’obligation d’identifier l’ayant droit écono- mique dans l’appréciation de la bonne foi de la banque, ainsi qu’en matière de la responsabilité de la banque envers l’ayant droit économique. Notre étude se concentrera sur l’analyse de ces domaines.

Force est de constater que les révisions continuelles de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique sont malcommodes pour le droit privé.

En droit privé, la sécurité de droit est primordiale. Or comment garantir une telle sécurité alors que les modalités de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique changent chaque fois que de nouveaux risques de blan- chiment sont perçus ? Qui plus est, les intermédiaires financiers sont obli- gés de traiter un nombre toujours croissant des données concernant l’ayant droit économique et de connaître en détail les rapports internes entre le cocontractant et l’ayant droit économique.

A travers cette étude, nous nous efforcerons d’analyser plusieurs domaines de droit privé dans lesquels l’obligation d’identifier l’ayant droit économique peut déployer des effets. Tout en tenant compte des buts poursuivis par les dispositions analysées, nous proposerons ensuite une approche permettant de mettre le droit privé à l’abri d’un dispositif anti-blanchiment d’argent en évolution permanente. Nous laisserons toutefois de côté les questions liées aux droits des conjoints, des héritiers et des créanciers de l’ayant droit économique. Ces questions sont traitées abondamment en doctrine 17.

II. Intérêt du sujet

Notre étude présente un intérêt tant académique que pratique. Tout d’abord, il est opportun d’analyser la notion d’ayant droit économique.

16 Arrêt TF 5A_284/2013 du 20 août 2013, consid. 4.2 ; ATF 142 III 116, consid. 3.1.3.

17 Voir notamment Jaques, pp. 307 ss ; Zellweger-Gutknecht (Zivile Rechtsfolgen), pp. 23 ss ; Stanislas, pp. 413 ss ; Bretton-Chevallier, pp. 121 ss ; Leu, pp. 270 ss.

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Cette notion a certes fait couler beaucoup d’encre en doctrine. Toutefois, la récente révision du dispositif anti-blanchiment d’argent a apporté des nou- veautés non négligeables au sujet de cette notion d’ayant droit économique.

En outre, la doctrine suisse a traité certains effets en droit privé de l’identification de l’ayant droit économique 18. Elle laisse toutefois nombre de questions ouvertes et ne parvient toujours pas, à notre avis, à des conclu- sions pleinement satisfaisantes. Cela étant, il n’y a pas à notre connaissance une seule étude en Suisse qui se concentre de façon prépondérante sur la problématique des effets en droit privé de l’identification de l’ayant droit économique.

Une étude sur les effets en droit privé de l’identification de l’ayant droit économique sera enfin utile aux praticiens au sein de la place financière suisse. Compte tenu des informations que les banques auront collectées en vertu du dispositif anti-blanchiment d’argent, celles-ci feront certainement l’objet de demandes de renseignements et d’actions en responsabilité de la part de l’ayant droit économique. Une étude approfondie de ces questions apportera en conséquence davantage d’éclaircissements en la matière.

III. Plan

Notre travail est composé de deux parties. La première est consacrée à l’obligation d’identifier l’ayant droit économique. Elle comprend deux cha- pitres. Dans le premier, nous mettons l’accent sur les sources de la notion d’ayant droit économique. Il est descriptif et mentionne tant les normes nationales que celles, internationales, dans lesquelles la notion d’ayant droit économique apparaît. Le deuxième chapitre, quant à lui, se concentre sur la notion d’ayant droit économique.

La seconde partie est consacrée aux effets en droit privé de l’identifi- cation de l’ayant droit économique. Elle est divisée en trois chapitres. Le premier analyse le droit aux renseignements de l’ayant droit économique et ce, d’une part, sur son fondement légal et, d’autre part, sur son étendue.

Sont notamment examinées comme sources le contrat, la loi fédérale sur

18 Voir notamment Geiger, pp. 129 ss ; Stanislas, pp. 413 ss.

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la protection des données (ci-après LPD) 19 et la loi fédérale sur les services financiers (ci-après LSFin) 20.

Nous examinons au deuxième chapitre la responsabilité de la banque à l’égard de l’ayant droit économique. A partir de deux cas concrets, à savoir lorsque le cocontractant de la banque viole ses rapports internes avec l’ayant droit économique, nous examinons si la banque est contractuellement et/

ou délictuellement responsable envers l’ayant droit économique pour le dommage que ce dernier subit. Sont également pris en compte la théo- rie du contrat avec effet protecteur de tiers (Vertrag mit Schutzwirkung zugunsten Dritter), la responsabilité fondée sur la confiance et la stipula- tion pour autrui (art. 112 CO).

Le dernier chapitre, quant à lui, est consacré à l’impact de l’identi- fication de l’ayant droit économique dans l’appréciation de la bonne foi subjective de la banque (art. 3 CC). Nous analysons plusieurs dispositions de droit privé – à savoir les art. 884 al. 2 CC, 1112 CO, 33 al. 3 CO et 29 de la loi fédérale sur les titres intermédiés (ci-après LTI) 21 – qui instituent la bonne foi subjective comme condition d’application.

19 RS 235.1.

20 FF 2018 3733, infra chapitre 3 / IV / A, p. 114.

21 RS 957.1.

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IDENTIFICATION DE L’AYANT DROIT ÉCONOMIQUE

La présente partie, en deux chapitres, vise à analyser l’obligation des banques suisses d’identifier l’ayant droit économique. Le premier chapitre, consacré aux sources de cette obligation, analysera brièvement les sources nationales et internationales de l’obligation d’identifier l’ayant droit éco- nomique. L’objectif est de dresser un inventaire complet des sources qui nous seront ensuite utiles non seulement pour définir la notion d’ayant droit économique, mais également pour l’examen des effets en droit privé.

Le deuxième chapitre, quant à lui, se concentrera sur la notion d’ayant droit économique. L’objectif sera de donner une définition générale de la notion, tout en distinguant l’ayant droit économique des valeurs patrimo- niales de l’ayant droit économique des sociétés opérationnelles. In fine, nous nous efforcerons de concrétiser cette notion à travers des constructions juridiques.

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SOURCES

I. Droit suisse

Les sources en droit suisse de l’obligation des banques d’identifier l’ayant droit économique sont l’art. 305ter al. 1 CP, les art. 4 et 5 de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme 1 (ci-après LBA), ainsi que les art. 20 ss de la Convention relative à l’obligation de diligence des banques du 13 juin 2018 (ci-après CDB 20).

Par ailleurs, la notion d’ayant droit économique apparaît à plusieurs reprises dans l’Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des mar- chés financiers sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (ci-après OBA-FINMA) 2. Cette no- tion a également fait son apparition dans le CO, suite à l’entrée en vigueur de la loi sur la mise en œuvre des recommandations du GAFI, révisées en 2012 3.

Enfin, même si l’art. 138 ch. 1 al. 2 CP ne constitue pas stricto sensu une source de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique, il convient de le mentionner, étant donné que cette disposition se réfère à des valeurs patrimoniales appartenant à autrui sur le plan économique.

A. Art. 305

ter

al. 1 CP :

défaut de vigilance en matière d’opérations financières

1. Contexte

Le législateur suisse, soucieux de lutter contre le crime organisé et l’utilisa- tion de la place financière suisse aux fins de recycler des capitaux d’origine criminelle, a introduit en 1990 dans le CP deux nouvelles infractions pé-

1 RS 955.0.

2 RS 955.033.0.

3 RO 2015 1389.

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nales 4 : le “blanchiment d’argent” (art. 305bis CP) 5 et le “défaut de vigilance en matière d’opérations financières” (art. 305ter CP) 6.

Le blanchiment d’argent est un processus visant à déguiser la source illicite de valeurs patrimoniales d’origine criminelle, afin de les faire ap- paraître comme acquises de manière régulière. Ce processus se déroule généralement en trois phases : le placement, l’empilage et l’intégration 7. Le placement est la phase de l’introduction des profits illégaux dans le sys- tème financier, l’empilage consiste en des conversions ou des déplacements de fonds dans le but de les éloigner de leur source criminelle, alors que l’intégration est leur investissement, sous couvert d’une opération appa- remment licite, dans l’économie légale.

Jusqu’au 1er janvier 2016, l’art. 305bis al. 1 CP définissait le blanchiment d’argent comme un acte propre à entraver l’identification de l’origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales provenant d’un crime. Par crime on entend les infractions passibles d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP). A partir du 1er janvier 2016, le législateur suisse a dérogé au principe qu’un acte de blanchiment ne peut porter que sur le produit d’un crime. Il a en effet érigé le délit fiscal qualifié en infraction préalable au blanchiment d’argent. Conformément à l’art. 305bis ch. 1bis CP, “[s]ont considérées comme un délit fiscal qualifié, les infractions mentionnées à l’art. 186 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct et à l’art. 59, al. 1, 1er paragraphe, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, lorsque les impôts soustraits par période fiscale se montent à plus de 300’000 francs”.

Le but principal de l’incrimination de blanchiment d’argent est la pro- tection de l’administration pénale de la justice, y compris de la justice pénale étrangère (art. 305bis ch. 3 CP) 8. Notons toutefois que le Tribunal fé- déral considère que l’art. 305bis CP protège aussi les droits patrimoniaux du

4 RO 1990 1077.

5 Le législateur suisse utilisait l’expression de “blanchissage d’argent” dans la note mar- ginale de l’art. 305bis CP à son introduction en 1990.

6 Aujourd’hui art. 305ter al. 1 CP.

7 GAFI (Typologies), p. 63. Accessible sur le lien suivant : www.fatf-gafi.org/media/fatf/

documents/reports/2004_2005_ML_Typologies_ENG.pdf (consulté le 30 septembre 2018).

8 Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 170 ; CR CP II-Cassani, Art. 305bis N 10.

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lésé de l’infraction préalable, dans l’hypothèse où celle-ci a porté atteinte à ses droits 9.

Le législateur suisse ne réprime que le blanchiment d’argent intention- nel. Il a renoncé à incriminer le blanchiment d’argent par négligence. En son lieu et place, il réprime à l’art. 305ter al. 1 CP le “défaut de vigilance en matière d’opérations financières” (“Mangelnde Sorgfalt bei Finanzgeschäf- ten” ; “carente diligenza in operazioni finanziarie”). L’art. 305ter al. 1 CP pré- voit ainsi que :

“[c]elui qui, dans l’exercice de sa profession, aura accepté, gardé en dépôt ou aidé à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui aura omis de vérifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire”.

2. Bien juridique protégé par l’art. 305ter al. 1 CP

L’art. 305ter al. 1 CP est un délit de mise en danger abstrait 10. Ce délit est réalisé par la seule violation de l’obligation d’identifier l’ayant droit écono- mique. La question de savoir si les valeurs patrimoniales proviennent d’un crime est sans importance.

La norme pénale vise principalement à prévenir et à combattre le blan- chiment d’argent 11. En effet, le recours à un cocontractant qui n’est pas en même temps l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales pourrait avoir comme but d’éloigner les valeurs patrimoniales de leur source cri- minelle et viser en conséquence à leur investissement – sous couvert d’une opération apparemment licite – dans l’économie légale 12. Or le profession-

9 ATF 129 IV 322, consid. 2.2.3 ; confirmé par l’ATF 133 III 323, consid. 5.1 ; CR CP II- Cassani, Art. 305bis N 11 ; Cassani (FS Schmid), (in toto) ; contra Ackermann (Geld- wäschereinormen), p. 53 ; Ackermann (Geldwäschereistrafrecht), § 15 N 9, pp. 413 s.

Pour une analyse approfondie de la question voir infra chapitre 4 / V / B / 2 / a, pp. 165 ss.

10 Arrêt TF 6B_729/2010 du 8 décembre 2011, consid. 3.1 (considérant non produit dans l’ATF 138 IV 1) ; ATF 136 IV 127, consid. 3.1.1 ; ATF 134 IV 307, consid. 2.1 = JdT 2011 IV 43, p. 45 ; CR CP II-Cassani, Art. 305ter N 3 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktauf- sicht), B N 205 ; BSK StGB II-Pieth, Art. 305ter N 6.

11 Schmid (Kommentar Mangelnde Sorgfalt), Art.  305ter N  38 ; BSK StGB II-Pieth, Art. 305ter N 6.

12 Grüninger, p. 60.

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nel du secteur financier qui ignore l’identité de l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales risque ainsi de permettre un acte propre à dé- guiser la provenance criminelle de ces valeurs patrimoniales. C’est pour- quoi le législateur suisse veut s’assurer que les valeurs patrimoniales soient toujours attribuées à leur véritable ayant droit 13.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a souligné dans un arrêt relatif à l’art. 305ter al. 1 CP que “[c]ette norme a pour objet la réunion d’informa- tions susceptibles de faciliter les enquêtes pénales sur l’origine des valeurs.

Elle doit permettre aux autorités, notamment de poursuite pénale, de re- constituer le puzzle des transactions financières et de remonter plus facile- ment jusqu’aux cerveaux des organisations financières […]” 14. En d’autres termes, l’identification de l’ayant droit économique permet au profession- nel du secteur financier d’honorer son obligation de renseigner adéquate- ment la justice pénale en cas de demande 15.

Ainsi, comme en matière de blanchiment d’argent, le bien juridique protégé par l’art. 305ter al. 1 CP est l’administration de la justice pénale 16. En revanche, l’art. 305ter al. 1 CP ne protège pas des intérêts patrimoniaux individuels 17.

3. Auteur

L’art. 305ter al. 1 CP est un délit propre pur 18. Ce délit ne peut être commis à titre principal que par une personne qui, dans l’exercice de sa profes- sion, accepte, garde en dépôt ou aide à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à autrui. Ainsi que cela ressort de la note mar-

13 Schmid (Kommentar Mangelnde Sorgfalt), Art. 305ter N 38.

14 Arrêt TF, 6B_729/2010 du 8 décembre 2011, consid. 3.4 (considérant non reproduit dans l’ATF 138 IV 1).

15 ATF 136 IV 127, consid. 3.1.2 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 206.

16 ATF 136 IV 127, consid. 3.1.2 ; ATF 125 IV 139, consid. 3 a) = SJ 2000 I 145, p. 148 ; CR CP II-Cassani, Art. 305ter N 3 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 205 ; Stratenwerth / Bommer (BT II), §  57 N  46 ; Trechsel / Pieth, Art.  305ter N  1 ; Kistler, p. 139 ; contra BSK StGB II-Pieth, Art. 305ter N 6.

17 Voir infra chapitre 4 / V / B / 3, pp. 175 ss.

18 ATF 129 IV 334, consid. 2.2 = SJ 2004 I 149, p. 151 ; CR CP II-Cassani, Art. 305ter N 5 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 210 ; Schmid (Kommentar Man- gelnde Sorgfalt), Art. 305ter N 41 ; Trechsel / Pieth Art. 305ter N 2 ; BSK StGB II- Pieth, Art. 305ter N 7.

(22)

ginale et du Message à l’appui de la disposition, sont uniquement visés les professionnels du secteur financier 19. Parmi les professionnels du secteur financier se trouvent les personnes qui travaillent dans les banques et les instituts financiers, les fiduciaires, les négociants en valeurs mobilières, les agents de change, les avocats d’affaires qui exercent des activités proches de celles des conseillers en placement ou des fiduciaires, à l’exclusion de ceux qui s’en tiennent aux activités traditionnelles de l’avocat 20.

L’entrée en vigueur de la LBA a permis de concrétiser la notion de pro- fessionnel, considéré comme intermédiaire financier 21. Cette notion est également pertinente pour délimiter les professionnels du secteur finan- cier au sens de l’art. 305ter al. 1 CP 22.

Lorsque l’auteur agit au sein d’une entreprise exerçant de manière professionnelle une activité dans le domaine financier, l’art. 29 CP permet d’imputer la qualité d’“intraneus” que possède l’entreprise aux personnes physiques ayant la qualité d’organe, d’associé, de dirigeant de fait et de col- laborateur dirigeant. Ceux-ci peuvent commettre un défaut de vigilance en matière d’opérations financières au sens de l’art. 305ter al. 1 CP même s’ils n’ont pas de fonctions opérationnelles au sein de l’entreprise 23. C’est notamment le cas lorsqu’ils enfreignent un devoir de surveillance consis- tant à empêcher que leurs subordonnées acceptent des valeurs patrimo- niales sans vérifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances 24. Peuvent également revêtir la qualité d’“intraneus” les employés non dirigeants, si leur activité professionnelle au sein de l’entreprise consiste à accepter, garder en dépôt, aider à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à autrui 25.

Quant à la responsabilité pénale de l’entreprise, le régime de la res- ponsabilité directe et parallèle de l’art. 102 al. 2 CP ne s’applique pas, étant donné que l’art. 305ter CP ne figure pas dans la liste des infractions sou- mises à ce régime. Dès lors, entre seulement en ligne de compte le régime

19 Message (Blanchissage d’argent), p. 988 ; Kistler, p. 144 ; Schmid (Kommentar Man- gelnde Sorgfalt), Art. 305ter N 69 ; BSK StGB II-Pieth, Art. 305ter N 8.

20 Message (Blanchissage d’argent), p. 988.

21 Infra chapitre 1 / I / B / 2, p. 27.

22 Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 211 ; BSK StGB II-Pieth, Art. 305ter N 9 ; Message (LBA 1996), p. 1073.

23 Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 212.

24 Ibidem.

25 Idem, N 213.

(23)

de la responsabilité subsidiaire au sens de l’art. 102 al. 1 CP. L’entreprise ne répond que s’il est impossible d’identifier en son sein une personne phy- sique qui a omis de vérifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances.

4. Éléments constitutifs de l’infraction

Le comportement réprimé est le fait d’accepter, de garder en dépôt ou d’ai- der à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers sans vérifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances. Une partie de la doctrine 26, suivie par le Tribunal fédéral 27, adopte une interprétation plus large de l’art. 305ter al. 1 CP, en incluant également la violation d’autres devoirs incombant à l’inter- médiaire financier. Plus précisément, l’identification incorrecte du cocon- tractant qui n’est pas l’ayant droit économique tomberait également sur le champ d’application de l’art. 305ter al. 1 CP. Cette interprétation ne nous paraît pas conforme au principe de légalité ancré à l’art. 1 CP. En effet, les éléments constitutifs de l’infraction ne mentionnent que l’omission “de vé- rifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances”. Il faudrait dès lors se référer à la signification précise de la notion de vérification de l’identité de l’ayant droit économique décou- lant de l’art. 4 LBA et de la CDB 28.

L’obligation d’identifier l’ayant droit économique ne s’éteint pas avec l’ouverture de la relation d’affaires. Elle se poursuit pendant toute la rela- tion d’affaires, de sorte que la vérification de l’identité doit être renouvelée chaque fois qu’il y a des doutes quant à la qualité de l’ayant droit écono- mique (art. 5 LBA). L’art. 305ter al. 1 CP réprime ainsi un délit continu 29.

26 Ackermann (Eine vergleichende Darstellung), p. 112 ; Kistler, p. 195 ; Schmid (Kom- mentar Mangelnde Sorgfalt), Art 305ter N 171 ; BSK StGB II-Pieth, Art. 305ter N 19 ; contra Cassani (Évolutions législatives récentes), p. 196 ; Egger Tanner, pp. 275 s. ; Trechsel / Pieth, Art. 305ter N 9 et 14.

27 TF 6B_729/2010 du 8 décembre 2011, consid. 3.4.

28 Cassani (Évolutions législatives récentes), p. 196.

29 ATF 136 IV 127, consid. 3.1.1 ; ATF 134 IV 307, consid. 2.4.

(24)

Le défaut de vigilance en matière d’opérations financières est un délit de commission 30. L’omission est néanmoins envisageable dans les cas où l’auteur occupe une position de garant 31.

La notion de “vigilance que requièrent les circonstances” impose à l’intermédiaire financier une obligation dont les limites découlent du prin- cipe de la proportionnalité 32. L’intermédiaire financier qui fait preuve de la vigilance requise au regard des art. 4 et 5 LBA est présumé ne pas avoir violé l’art. 305ter al. 1 CP 33.

L’art. 305ter al. 1 CP s’applique également lorsque l’ayant droit écono- mique d’une personne morale opérationnelle 34 n’est pas correctement identifié.

S’agissant de la notion d’ayant droit économique, nous renvoyons le lecteur à la section dédiée à l’analyse de cette notion 35.

5. Élément subjectif

L’art. 305ter al. 1 CP réprime la violation intentionnelle de l’obligation de vé- rifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances 36. L’auteur doit au moins accepter l’éventualité de ne pas respecter son obligation.

30 ATF 134 IV 307, consid. 2.1 ; Arzt, p. 190 ; Trechsel / Pieth, Art. 305ter N 6 ; CR CP II-Cassani, Art. 305ter N 18.

31 ATF 125 IV 139, consid. 3 b) = JdT 2000 IV 51, p. 55.

32 ATF 136 IV 127, consid. 3.1.3.

33 Message (LBA 1996), p. 1082 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 226.

34 Sur la notion de personne morale opérationnelle voir infra chapitre 1 / I / B / 5, p. 30.

35 Voir infra chapitre 2, p. 47.

36 Message (Blanchissage d’argent), p. 990 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 230 ; Kistler, pp. 219 s. ; Schmid (Kommentar Mangelnde Sorgfalt), Art 305ter N  192 ; BSK StGB II-Pieth, Art.  305ter N  29 ; Trechsel / Pieth, Art.  305ter N  15 ; Stratenwerth / Bommer (BT II), § 57 N 55.

(25)

B. LBA

1. Objectifs

La LBA, entrée en vigueur le 1er avril 1998, a pour objectif de régler la lutte contre le blanchiment d’argent au sens de l’art. 305bis CP et la “vigilance que requièrent les circonstances” au sens de l’art. 305ter al. 1 CP.

Le législateur suisse concrétise ces objectifs en imposant aux intermé- diaires financiers des obligations de diligence 37 et des obligations supplé- mentaires en cas de soupçon de blanchiment d’argent 38. Les intermédiaires financiers peuvent en effet jouer un rôle essentiel dans la lutte contre le blanchiment d’argent, étant donné qu’ils sont particulièrement exposés aux risques d’abus dans les services qu’ils fournissent 39.

Depuis le 1er février 2009, la lutte contre le financement du terrorisme constitue également un objectif de la LBA 40. Il s’ensuit que les obligations imposées aux intermédiaires financiers valent tant pour la lutte contre le blanchiment d’argent que pour celle contre le financement du terrorisme 41. La LBA a fait l’objet d’une nouvelle révision législative, adoptée le 12 décembre 2014 et entrée en vigueur le 1er janvier 2016 42. La révision vi- sait la mise en œuvre des recommandations 2012 du GAFI. Cette révision législative a eu également des effets sur la CDB et l’OBA-FINMA puisque ces textes ont également été adaptés aux nouvelles exigences.

37 Infra chapitre 1 / I / B / 4, p. 29.

38 Il s’agit de l’obligation de communiquer les soupçons fondés au Bureau de communi- cation en matière de blanchiment d’argent (art. 9 LBA), l’obligation de bloquer les valeurs patrimoniales confiées dès que le bureau de communication notifie la transmis- sion des informations à une autorité de poursuite pénale (art. 10 LBA) et l’obligation de l’interdiction d’informer les personnes concernées (art. 10a LBA). L’intermédiaire financier qui ne communique pas encourt des sanctions de droit pénal administratif prévues à l’art. 37 LBA. Il est également susceptible de réaliser l’infraction de blan- chiment d’argent par abstention s’il admet, par dol éventuel, que les valeurs patrimo- niales proviennent d’un crime ou d’un délit fiscal qualifié (ATF 136 IV 188, consid. 6.2.2, confirmé par l’arrêt TF, 6B_729/2010 du 8 décembre 2011, consid. 4.3).

39 Cassani / Pavlidis, p. 311.

40 Modification de l’art. 1 LBA par la loi fédérale sur la mise en œuvre des recommanda- tions révisées du Groupe d’action financière, du 3 octobre 2008 (RO 2009 361).

41 Message (LBA 2007), p. 5946 ; Graber / Oberholzer (Das neue GwG), Art. 1 N 2.

42 Modification de la LBA par la loi fédérale sur la mise en œuvre des recommandations du Groupe d’action financière, révisées en 2012, du 12 décembre 2014 (RO 2015 1389).

(26)

2. Champ d’application a. Intermédiaires financiers

La LBA s’applique en premier lieu aux intermédiaires financiers (art.  2 al. 1 lit. a LBA). La notion d’intermédiaire financier englobe toutes les per- sonnes physiques et les personnes morales visées par les al. 2 et 3.

L’art. 2 al. 2 LBA énonce les domaines du secteur financier qui sont régis par des lois fédérales spéciales. Il s’agit des banques (lit. a) ; des direc- tions de fonds “pour autant qu’elles gèrent des comptes de parts ou qu’elles distribuent elles-mêmes des parts de placements collectifs” (lit. b) ; des sociétés d’investissement à capital variable ou à capital fixe, des sociétés en commandite de placements collectifs, et des gestionnaires de placements collectifs au sens de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs 43,

“pour autant qu’ils distribuent eux-mêmes des parts de placements col- lectifs” (lit. bbis) ; des assurances-vie ou assurances proposant ou distri- buant des parts de placements collectifs (lit. c) ; des négociants en valeurs mobilières (lit. d) ; des contreparties centrales et des dépositaires centraux (lit. dbis) ; des systèmes de paiement soumis à l’autorisation de la FINMA (lit. dter), ainsi que des maisons de jeu (lit. e) qui en réalité ne sont pas des intermédiaires financiers.

L’art. 2 al. 3 LBA prévoit que “[s]ont en outre réputées intermédiaires financiers les personnes qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appar- tenant à des tiers […]”. Les lit. a à g de la disposition énoncent une liste non exhaustive des activités soumises. Par ailleurs, tant les art. 3 à 8 de l’Ordonnance sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, du 11 novembre 2015 (ci-après OBA) 44 que la Circulaire FINMA 2011/1 sur l’activité d’intermédiaire financier au sens de la LBA (ci- après Circ.-FINMA 2011/1) exposent de manière précise quand une activité d’intermédiaire financier exercée à titre professionnel est caractérisée.

L’art. 2 al. 4 LBA, quant à lui, établit une liste de personnes qui, mal- gré l’exercice d’une activité d’intermédiation financière, sont exemptées du champ d’application de la loi.

43 RS 951.31.

44 RS 955.01.

(27)

b. Négociants

Suite à la révision législative adoptée le 12 décembre 2014, la LBA s’applique également à des négociants. Les négociants sont des “personnes physiques ou morales qui, à titre professionnel, négocient des biens et reçoivent des espèces en paiement” (art. 2 al. 1 lit. b LBA). Soulignons que le régime anti- blanchiment applicable aux négociants est plus souple que celui applicable aux intermédiaires financiers 45. C’est l’art. 8a LBA qui introduit les obliga- tions de diligence incombant aux négociants.

3. Surveillance

La compétence de surveiller les obligations imposées aux intermédiaires financiers en vertu de la LBA incombe à différentes autorités.

Les intermédiaires financiers visés à l’art. 2 al. 2 lit. a à dter LBA sont soumis à la surveillance de la FINMA (art. 12 lit. a LBA). Les maisons de jeu (art. 2 al. 2 lit. e LBA) sont en revanche soumises à la surveillance de la Commission fédérale des maisons de jeu (art. 12 lit. b LBA).

Les intermédiaires financiers au sens de l’art. 2 al. 3 LBA, quant à eux, ont le choix entre l’affiliation à un organisme d’autorégulation (ci-après OAR) reconnu par la FINMA (art. 12 lit. c ch. 1 LBA) ou la soumission au contrôle direct de la FINMA (art. 12 lit. c ch. 2 LBA). Demeurent réser- vés les avocats et les notaires agissant en qualité d’intermédiaire financier.

Ceux-ci doivent obligatoirement s’affilier à un organisme d’autorégulation s’ils agissent comme intermédiaires financiers (art. 14 al. 3 LBA).

Les OAR sont des organismes constitués par les représentants des pro- fessions financières, qui doivent obtenir la reconnaissance de la FINMA.

Afin d’en obtenir la reconnaissance, les OAR doivent notamment se doter d’un règlement précisant à l’intention de leurs affiliés les obligations de diligence, ainsi que les sanctions appropriées en cas de violation de ces obligations (art. 25 LBA).

Les négociants, quant à eux, ne sont soumis ni à une surveillance ni à une obligation d’adhérer à un OAR. Ils doivent toutefois charger un organe de révision de vérifier qu’ils respectent les obligations de diligence décou- lant de l’art. 8a LBA (art. 15 al. 1 LBA).

45 Cassani / Henninger, p. 87.

(28)

4. Obligations de diligence Un intermédiaire financier doit :

– vérifier l’identité du cocontractant (art. 3 LBA) ; – identifier l’ayant droit économique (art. 4 LBA) ;

– renouveler la vérification de l’identité du cocontractant et l’identifica- tion de l’ayant droit économique si des doutes surviennent au cours de la relation d’affaires (art. 5 LBA) ;

– identifier l’objet et le but de la relation d’affaires souhaitée par le cocon- tractant en fonction du risque que représente ce dernier (art. 6 al. 1 LBA) ; – clarifier l’arrière-plan et le but d’une transaction ou d’une relation d’af-

faires aux conditions alternatives de l’art. 6 al. 2 LBA ; – établir et conserver les documents pertinents (art. 7 LBA) ;

– prendre des mesures organisationnelles de manière à prévenir le blan- chiment d’argent et le financement du terrorisme.

Il incombe à la FINMA 46 (art. 17 LBA) et aux OAR (art. 25 LBA) de préciser ces obligations de diligence prévues dans la LBA. Les exigences peuvent certes différer d’un domaine à l’autre, à condition que le standard minimal découlant de la LBA soit respecté 47.

5. Obligation d’identifier l’ayant droit économique

Conformément à l’art. 4 al. 1 LBA, l’intermédiaire financier doit identifier l’ayant droit économique “avec la diligence requise par les circonstances”.

En principe, il peut présumer que son cocontractant est en même temps l’ayant droit économique 48. Dans ce cas, l’intermédiaire financier doit tout de même documenter, au sens de l’art. 7 LBA, qu’il estime que le cocon- tractant est aussi l’ayant droit économique 49.

L’identification de l’ayant droit économique intervient sur la base de la déclaration du cocontractant. Le droit en vigueur en Suisse n’exige tou- tefois pas une vérification systématique par l’intermédiaire financier de la

46 Ainsi qu’à la Commission fédérale des maisons de jeu qui reste l’autorité de surveil- lance des casinos.

47 Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 263.

48 Message (LBA 1996), p. 1080 ; Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 282 ; GwG-Wyss, Art. 4 N 4.

49 Message (Recommandations 2012 GAFI), p. 661.

(29)

déclaration écrite du cocontractant. Dans sa dernière évaluation mutuelle, le GAFI a critiqué cette manière de procéder de la Suisse, contraire à ses recommandations 50. En réponse à cette critique, le Conseil fédéral a ouvert le 1er juin 2018 une procédure de consultation concernant la modification de la LBA 51. Il est proposé de modifier l’art. 4 al. 1 LBA de manière à ce que l’obligation de vérifier les informations concernant l’ayant droit éco- nomique y soit expressément inscrite 52.

A teneur de l’art. 4 al. 1 2e phrase LBA, l’intermédiaire financier peut renoncer à l’identification de l’ayant droit économique si “le cocontrac- tant est une société cotée en bourse ou une filiale détenue majoritairement par une telle société”. En effet, ces sociétés font déjà l’objet des mesures de transparence résultant des exigences boursières 53. En revanche, conformé- ment à l’art. 4 al. 2, l’intermédiaire financier doit obtenir la déclaration écrite quant à l’ayant droit économique dans trois hypothèses : si le cocon- tractant n’est pas l’ayant droit économique ou qu’il y ait un doute à ce sujet (lit. a) 54, si le cocontractant est une société de domicile ou une personne morale exerçant une activité opérationnelle (lit. b) et si une opération de caisse d’une somme importante au sens de l’art. 3 al. 2 LBA, est effectuée (lit. c).

L’art. 2a al. 3 LBA définit les ayants droit économiques d’une personne morale exerçant une activité opérationnelle. Il s’agit des “personnes phy- siques qui, en dernier lieu, contrôlent la personne morale, du fait qu’elles détiennent directement ou indirectement, seules ou de concert avec un tiers, une participation d’au moins 25% du capital ou des voix ou qu’elles la contrôlent d’une autre manière. Si ces personnes ne peuvent pas être identifiées, il y a lieu d’identifier le membre le plus haut placé de l’organe de direction”.

La notion de société de domicile est précisée aux art.  2 lit. a OBA- FINMA et 6 al. 2 OBA. Il s’agit des “personnes morales, sociétés, établisse- ments, fondations, trusts, entreprises fiduciaires et structures semblables, qui n’exercent pas une activité de commerce ou de fabrication, ou une autre

50 GAFI (Rapport d’évaluation mutuelle), p. 195 s. et 256. Accessible sur le lien suivant : www.fatf-gafi.org/media/fatf/content/images/mer-suisse-2016.pdf (consulté le 30 sep- tembre 2018).

51 Voir supra introduction, note 3.

52 Voir aussi Rapport (Modification LBA), p. 15.

53 Message (Recommandations 2012 GAFI), p. 662.

54 Pour des exemples voir Message (LBA 1996), p. 1080 s. et Art. 59 OBA-FINMA.

(30)

activité exploitée en la forme commerciale”. Par opposition aux sociétés de domicile, les personnes morales opérationnelles exercent une activité de négoce, de fabrication ou de prestation de services 55.

En ce qui concerne les opérations de caisse, par quoi il faut entendre les “affaires qui ne se traitent pas par le biais d’un compte ouvert chez un intermédiaire financier et qui n’entraînent pas de relation suivie entre celui-ci et le client” 56, l’identification de l’ayant droit économique ne doit intervenir qu’à partir d’un seuil fixé à 15’000 francs (art. 4 al. 2 lit. g CDB 20).Enfin, l’art. 4 al. 3 LBA dispose que “l’intermédiaire financier doit exi- ger du cocontractant qui détient des comptes globaux ou des dépôts glo- baux qu’il lui fournisse une liste complète des ayants droit économiques et lui communique immédiatement toute modification de cette liste”.

C. OBA-FINMA

La FINMA précise les obligations de diligence à travers l’OBA-FINMA.

L’OBA-FINMA s’applique, d’une part, aux intermédiaires financiers visés à l’art. 2 al. 2 lit. a à d LBA et, d’autre part, aux intermédiaires financiers directement soumis à la surveillance de la FINMA au sens de l’art. 2 al. 3 LBA (art. 3 al. 1 lit. a-b OBA-FINMA).

L’art.  35 OBA-FINMA souligne toutefois que pour la vérification de l’identité du cocontractant et l’identification des ayants droit écono- miques, les banques – ainsi que les négociants en valeurs mobilières et les organismes de placements collectifs de capitaux – sont soumis aux dispo- sitions de la CDB 20.

Soulignons encore que l’OBA-FINMA a été modifiée le 20 juin 2018 57. Les modifications visent à combler les lacunes constatées dans la dernière évaluation mutuelle du GAFI 58. Le contenu des art. 3 et 35 OBA-FINMA demeure inchangé. En revanche, conformément à l’art. 9a OBA-FINMA, l’intermédiaire financier doit clarifier le motif du recours à une société

55 Commentaire concernant la Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB 20), art. 20, p. 31.

56 Message (LBA 1996), p. 1078. Voir aussi Art. 2 lit. b OBA-FINMA et Cassani (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), B N 268.

57 RO 2018 2691.

58 Voir supra note 50.

(31)

de domicile. L’OBA-FINMA partiellement révisée entrera en vigueur le 1er janvier 2020.

D. CDB 20

1. Objectifs

Conclue pour la première fois en 1977, la CDB a précédé l’art. 305ter al. 1 CP et la LBA. Dès l’origine, elle s’est donnée pour objectif de “contribuer à pré- server le renom du système bancaire suisse sur les plans national et inter- national” et “d’établir des règles assurant lors de l’acceptation de fonds et dans le domaine du secret bancaire une gestion irréprochable” 59. Depuis 1977, la CDB est régulièrement actualisée, la version actuelle en vigueur étant celle de 2016. La CDB 20 entrera en vigueur le 1er janvier 2020.

La CDB est une convention à caractère privé 60 conclue entre l’Associa- tion suisse des banquiers (ci-après ASB) et ses signataires 61. Elle s’applique aux banques et aux négociants en valeurs mobilières 62.

Relevons, par ailleurs, que l’art. 35 OBA-FINMA a conféré le statut d’une ordonnance d’exécution à la CDB 63. La violation de la CDB peut remettre en question la garantie d’une activité irréprochable 64.

Le rôle principal de la CDB 20 est de concrétiser les art. 3 à 5 de la LBA, ainsi que de “contribuer efficacement à la lutte contre le blanchi- ment d’argent et le financement du terrorisme” 65. Les chapitres 2 à 5 sont dès lors consacrés à l’obligation de vérifier l’identité du cocontractant et à l’obligation d’identifier l’ayant droit économique. Une distinction est mise en avant entre l’identification de l’ayant droit économique des personnes morales et des sociétés de personnes exerçant une activité opérationnelle, d’une part (art. 20-26 CDB 20), et l’identification de l’ayant droit écono- mique des valeurs patrimoniales, d’autre part (art. 27-42 CDB 20).

59 Préambule de la CDB 77.

60 ATF 109 Ib 146, consid. 3 b) = JdT 1985 I 242, p. 249.

61 Lombardini (Banques et blanchiment d’argent), p. 17.

62 Art. 1 al. 1 CDB 20.

63 Arrêt TF, 6B_501/2009 du 17 janvier 2011, consid. 2.1.4 ; Friedli / Eichenberger (Praxis 2011-2016), p. 680.

64 Art. 9 al. 1 OBA-FINMA et Ch. 9 de l’Annexe de la Circ.-FINMA 08/10.

65 Lit. a et b de la Préambule de la CDB 20.

(32)

Soulignons enfin que la CDB 20 consacre un chapitre à l’interdiction de l’assistance active à la fuite de capitaux (art. 47 à 52 CDB 20) et un autre à l’interdiction de l’assistance active à la soustraction fiscale (art. 53 à 57 CDB 20). Elle prévoit au chapitre 8 des sanctions conventionnelles en cas de violation des obligations et institue une commission de surveillance et un tribunal arbitral pour les appliquer (art. 58 à 68 CDB 20).

2. Obligation d’identifier l’ayant droit économique

Comme déjà indiqué, la CDB 20 prévoit des dispositions détaillées visant à mettre en œuvre l’art. 4 de la LBA. Nous reviendrons sur ces dispositions dans différentes parties de notre travail.

Relevons à ce stade de l’étude que, conformément aux art. 20 al. 5 CDB 20 et 27 al. 3 CDB 20, l’identification de l’ayant droit économique doit avoir lieu “à l’ouverture de comptes ou de livrets ; à l’ouverture de dépôts ; à la conclusion d’opérations fiduciaires ; à l’acceptation de mandats de gestion de fortune sur des avoirs déposés auprès de tiers ; à l’exécution d’opérations de négoce sur des valeurs mobilières, des devises ainsi que sur des métaux précieux et d’autres marchandises (commodities)”. Sont également visées les opérations de caisse lorsqu’elles portent sur un montant supérieur à 15’000 francs.

La banque est en revanche exemptée de l’obligation d’identifier l’ayant droit économique lorsqu’elle noue des rapports d’affaires avec des sociétés cotées en bourse (art. 22 et 31 CDB 20), des banques et autres intermé- diaires financiers dont le siège est en Suisse (art. 24 et 22 CDB 20), des banques et autres intermédiaires financiers qui ont leur siège à l’étranger et sont soumis à une surveillance prudentielle et réglementation adéquate (art. 24 al. 2 et 33 al. 2 et 3 CDB 20) ainsi qu’avec des autorités (art. 32 CDB 20).

En outre, les banques doivent recueillir des données au sujet de l’ayant droit économique (art. 21 et 28 CDB 20) 66. Plusieurs formulaires sont pré- vus afin de mettre en œuvre ces obligations. Outre le formulaire A qui sert à identifier l’ayant droit économique, le formulaire K sert à l’identification du détenteur du contrôle des personnes morales opérationnelles ; les for- mulaires S et T sont destinés aux fondations et aux trusts et le formulaire I

66 Voir aussi infra chapitre 3 / III / A / 2, pp. 93 ss.

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s’applique aux “insurance wrappers”. Ces formulaires figurent dans l’An- nexe de la CDB. Les banques peuvent avoir leurs propres formulaires pour autant que leur contenu soit équivalent aux formulaires annexés dans la CDB 20 67. Le formulaire R (non annexé à la CDB 20), quant à lui, s’applique aux relations ouvertes au nom d’un avocat ou d’un notaire pour le compte de clients.

E. Code des obligations

La notion d’ayant droit économique figurant à l’art. 697j al. 1 CO est un concept nouvellement introduit dans le CO 68. Cet article prévoit que, “qui- conque acquiert, seul ou de concert avec un tiers, des actions d’une société dont les titres ne sont pas cotés en bourse et dont la participation, à la suite de cette opération, atteint ou dépasse le seuil de 25% du capital-actions ou des voix, est tenu d’annoncer dans un délai d’un mois à la société le prénom, le nom et l’adresse de la personne physique pour le compte de la- quelle il agit en dernier lieu (ayant droit économique)”. De même, en vertu de l’art. 790a CO, les ayants droit économiques des parts sociales doivent être annoncées aux sociétés à responsabilité limitée.

Cette obligation ne s’adresse toutefois pas aux banques et aux intermé- diaires financiers mais aux actionnaires d’une société non cotée en bourse.

A noter que les actionnaires d’une société cotée en bourse sont soumis à des obligations plus étendues de déclaration en vertu de l’art. 120 LIMF 69. Si la participation des actionnaires des sociétés non cotées en bourse at- teint ou franchit le seuil de 25% du capital-actions ou des voix, ils sont te- nus d’annoncer à la société – au mieux de leurs connaissances – la personne qui est au bout de la chaîne de contrôle 70.

Relevons enfin que l’art.  697j CO n’est pas une disposition typique de droit des sociétés en ce sens qu’elle n’est instituée ni dans l’intérêt des

67 Pour exemples de formulaire de contenu équivalent voir Friedli / Eichenberger (Praxis 2011-2016), p. 689.

68 Bettschart / Fischer, p. 113 ; Glanzmann / Spoerlé, p. 12.

69 Loi fédérale sur les infrastructures des marchés financiers et le comportement sur le marché en matière de négociation de valeurs mobilières et de dérivés, RS 958.1.

70 Message (Recommandations 2012 GAFI), p. 639.

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actionnaires, ni dans celui des sociétés et des créanciers 71. Elle relève de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

F. Art. 138 ch. 1 al. 2 CP :

abus de confiance portant sur une valeur patrimoniale

Conformément à l’art. 138 ch. 1 al. 2 CP, “celui qui, sans droit, aura em- ployé à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire” 72. Il s’agit d’une infraction contre les droits d’une personne à qui les valeurs patrimoniales appartiennent sous l’angle économique. Cette personne est généralement appelée ayant droit économique 73.

L’art. 138 ch. 1 al. 2 CP vise en effet des cas dans lesquels les valeurs patrimoniales n’appartiennent pas nécessairement à autrui sur le plan ci- vil, mais peuvent au contraire appartenir à l’auteur de l’infraction 74. Il est toutefois nécessaire que, d’un point de vue économique, les valeurs patri- moniales en question appartiennent à autrui 75. La personne qui confie les valeurs patrimoniales reste l’ayant droit économique, l’auteur de l’infrac- tion étant tenu de les conserver à la disposition du lésé.

II. Normes internationales

Les sources de droit suisse s’insèrent dans un cadre normatif supranatio- nal, instaurant des mesures préventives contre le blanchiment d’argent.

Sans prétention d’exhaustivité, nous présenterons brièvement les normes

71 Bettschart / Fischer, p. 106.

72 Sur l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction voir infra chapitre 4 / V / B / 1 / a, pp. 151 ss.

73 Kistler, pp. 178 ss.

74 ATF 133 IV 21, consid. 6.2 ; ATF 120 IV 117, consid. 2 e.

75 BSK StGB II-Niggli / Riedo, Art. 138 N 34 ; CR CP II-De Preux / Hulliger, Art. 138 N 32.

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