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sur la base de la loi sur la protection des données

C. Ayant droit économique

On peut se demander si la LSFin confère des droits à l’ayant droit écono-mique des valeurs patrimoniales. La notion d’ayant droit éconoécono-mique ne figure en effet ni dans le projet ni dans le message l’accompagnant.

En revanche, la LSFin emploie la notion de client en ce sens que c’est ce dernier que la loi vise à protéger. La notion de client n’est pas définie dans la loi mais dans le message. On entend ainsi par clients “tous les créan-ciers, investisseurs et assurés (...) à qui un prestataire fournit des services financiers” 149. Et le Message de souligner, d’une part, que “les clients peuvent être des personnes physiques ou morales ou des sociétés de personnes ainsi que d’autres entités juridiques constituées en vertu d’un droit étranger (trusts p. ex.)” 150 et, d’autre part, que “la relation entre le prestataire de ser-vices financiers et son client peut être de nature contractuelle ou purement formelle” 151.

On en déduit que la LSFin n’exige pas que le client soit l’ayant droit économique de la relation d’affaires pour pouvoir bénéficier de la protec-tion de la loi. En effet, conformément au Message, le client protégé peut être également une société de domicile ou un trustee. Or ces structures ne peuvent pas être des ayants droit économiques des valeurs patrimoniales.

Il s’ensuit que la banque, conformément à l’art. 75 LSFin, doit remettre les documents à son cocontractant même si ce dernier n’est pas l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales. Elle ne peut remettre les docu-ments à l’ayant droit économique que si ce dernier est au bénéfice d’une procuration ou s’il est un organe de la personne morale cocontractante, sans quoi elle violerait le secret bancaire.

Par ailleurs, l’art. 4 LSFin classifie les clients en clients privés, clients professionnels et clients institutionnels. Les clients privés bénéficient d’une protection plus large par la loi. Suivant le modèle des art. 10 al. 3 lit. d

147 Message (LSFin/LEFin), p. 8194.

148 Ibidem.

149 Message (LSFin/LEFin), p. 8140.

150 Idem, p. 8148.

151 Ibidem.

LPCC 152 et 6 OPCC, 153 l’art. 5 al. 1 LSFin donne, sous réserve de certaines conditions, la possibilité aux clients privés fortunés d’être traités comme des clients professionnels. L’art. 5 al. 2 LSFin définit le client privé fortuné comme :

“(…) quiconque déclare valablement disposer : a. des connaissances nécessaires pour comprendre les risques des placements du fait de sa formation professionnelle et de son expérience professionnelle ou d’une expérience comparable dans le secteur financier, et d’une fortune d’au moins 500’000 francs, ou b. d’une fortune d’au moins 2 millions de francs”.

Sous réserve du seuil de 2 millions de francs, la définition proposée par l’art. 5 al. 2 LSFin ressemble à celle de l’art. 6 al. 1 OPCC 154. Les clients privés fortunés peuvent être tant les personnes physiques que les structures d’investissement privées instituées par ceux-ci 155. La structure d’investis-sement privée n’exerce pas d’activité opérationnelle mais se concentre sur l’administration des valeurs patrimoniales confiées à elle 156. Elle consti-tue ainsi une société de domicile qui ne peut avoir la qualité d’ayant droit économique ni en vertu de l’art. 4 al. 2 lit. b LBA ni en vertu des art. 39 ss CDB 20. Or comme nous venons de le voir, la société de domicile peut avoir le statut de client privé fortuné au sens de la LSFin. C’est ainsi à elle, et non pas à l’ayant droit économique, de faire une demande écrite auprès du prestataire de service financier afin d’être qualifié de client professionnel 157. Sous peine de violation du secret bancaire, la banque ne peut recevoir la déclaration de l’ayant droit économique que si ce dernier est au bénéfice d’une procuration ou s’il est un organe de la structure d’investissement 158. Il résulte de ce qui précède que l’ayant droit économique ne peut pas se prévaloir des droits découlant de la LSFin, et plus particulièrement d’un droit à la remise des documents (art. 75 LSFin). C’est le cocontractant de la banque qui bénéficie de ces droits et ce, même s’il n’est pas l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales.

152 RS 951.31.

153 RS 951.311.

154 S’agissant de la définition de l’art.  6 OPCC voir aussi Eichhorn, N  100 ss ; Rayroux / Scholler (in : Bovet, Finanzmarktaufsicht), N 33 ; BSK KAG-Wyss, Art. 10 N 55 ss.

155 Art. 5 al. 1 LSFin ; Rayroux / Scholler, in : Bovet, Finanzmarktaufsicht, N 33 ; BSK KAG-Wyss, Art. 10 N 72 b.

156 BSK KAG-Wyss, Art. 10 N 72a.

157 Ibidem.

158 Ibidem.

V. Synthèse

Nous avons examiné au deuxième chapitre si l’ayant droit économique pouvait se prévaloir d’un droit aux renseignements à l’égard de la banque et dans l’affirmative, quelle en serait l’étendue. Quatre fondements légaux ont été analysés, à savoir le contrat, la procuration bancaire, la LPD et la LSFin.

Il n’existe en principe pas de contrat entre la banque et l’ayant droit économique. L’identification de ce dernier intervient dans le cadre du dis-positif anti-blanchiment d’argent, et les rapports entre le cocontractant et l’ayant droit économique demeurent res inter alios acta pour la banque. Le secret bancaire est pleinement opposable à l’égard de l’ayant droit écono-mique. Faute de rapport contractuel, l’ayant droit économique n’a pas un droit aux renseignements de fondement contractuel à l’égard de la banque.

Toutefois, il peut exister en pratique entre la banque et l’ayant droit économique un rapport distinct de mandat. C’est ainsi le cas lorsque, dans un premier temps, la banque conseille et assiste son client dans la constitu-tion d’une société de domicile et, dans un second temps, ouvre un compte au nom de la société de domicile, avec comme ayant droit économique le client conseillé. En tant que mandataire, la banque est tenue à une reddi-tion de compte à son mandant, ayant droit économique de la société de domicile. La reddition de compte comprend un droit aux renseignements.

L’étendue du droit aux renseignements dépend du mandat initial conclu entre les parties, mais s’étend en tout cas à tous les faits permettant au mandant de contrôler l’activité de son mandataire et par conséquent de déterminer si ce dernier a exécuté le mandat avec diligence. La banque doit renseigner l’ayant droit économique sur tous les faits qui se rapportent à la constitution de la société de domicile. Si la banque gère la société de domi-cile pour le compte de l’ayant droit économique, elle doit renseigner son mandant (ayant droit économique) sur l’état du compte bancaire ouvert au nom de la société de domicile.

La procuration bancaire (générale ou limitée aux renseignements) serait une autre institution juridique qui confie à l’ayant droit économique la pos-sibilité d’obtenir des renseignements sur le compte bancaire. La procuration peut être expresse, en ce sens que le cocontractant confère expressément à l’ayant droit économique le pouvoir d’obtenir des renseignements sur le compte bancaire. Elle peut intervenir également par actes concluants. Il

en est ainsi lorsque le cocontractant tolère les actes de représentation de l’ayant droit économique pendant une certaine durée.

En outre, les données que la banque collecte au sujet de l’ayant droit éco-nomique en vertu du dispositif anti-blanchiment d’argent constituent des données personnelles protégées tant par la LPD que par le P-LPD. L’ayant droit économique a un droit d’accès à ces données en vertu des art. 8 LPD et 23 P-LPD. Le droit d’accès est toutefois limité par les art. 9 al. 1 lit. a LPD et 24 al. 1 lit. a P-LPD. En effet, les données concernant le contractant de la banque à l’instar du numéro du compte et l’état du compte sont protégées par l’art. 47 LB, à savoir une loi au sens formel (art. 9 al. 1 lit. a LPD et 24 al. 1 lit. a P-LPD). L’ayant droit économique pourra toutefois être informé sur les autres données et sur la question de savoir s’il est désigné comme ayant droit économique. Étant donné que la collecte et le traitement des données sont prévus par le dispositif anti-blanchiment d’argent, l’ayant droit économique ne peut en principe pas se prévaloir des art. 4 al. 4 et 14 LPD, respectivement 5 al. 3 et 17 P-LPD, afin d’obtenir des renseignements actifs et spontanés de la banque.

Enfin, l’ayant droit économique ne peut pas se prévaloir des droits découlant du LSFIn, et plus particulièrement d’un droit à la remise des documents (art. 75 LSFin). C’est le cocontractant de la banque qui bénéficie de ces droits et ce, même s’il n’est pas l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales.