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NOTION D’AYANT DROIT ÉCONOMIQUE

E. Sociétés de domicile 1. Notion

La banque doit toujours identifier l’ayant droit économique des valeurs pa-trimoniales lorsque son cocontractant est une société de domicile (art. 39 al. 1 CDB 20). La notion de société de domicile est maintenue même après l’entrée en vigueur de la loi sur la mise en œuvre des recommandations 2012 du GAFI 64. Soulignons que ni les recommandations du GAFI ni la 5e directive anti-blanchiment d’argent n’établissent une distinction entre les sociétés opérationnelles et sociétés de domicile comme c’est le cas en droit suisse.

Comme déjà indiqué, la notion de “société de domicile” comprend les personnes morales, sociétés, établissements, fondations, trusts, entreprises fiduciaires et constructions semblables, qui n’exercent pas une activité de commerce ou de fabrication, ou une autre activité exploitée en la forme commerciale (art. 2 lit. a OBA-FINMA et 6 al. 2 OBA) 65. Il s’agit généra-lement de véhicules financiers qui servent à gérer le patrimoine de l’ayant droit économique de la société ou de l’entité patrimoniale 66.

Le critère clé pour catégoriser les sociétés de domicile est l’activité effectivement exercée par la société. Pour n’être pas de domicile, la société doit avoir une véritable activité opérationnelle, discernable par une série d’indices tels que la présence d’une organisation commerciale ou technique d’une certaine envergure, l’existence d’une comptabilité relative à une

acti-63 Aperçu de la jurisprudence de la commission de surveillance (Convention relative à l’obli-gation de diligence des banques) pour la période 2005-2010, p. 28.

64 RO 2015 1389.

65 Voir supra chapitre 1 / I / B / 5, pp. 30 s.

66 Circ.-FINMA 2011/1, Cm. 102.

vité opérationnelle, l’existence de contrats avec des tiers, la source des reve-nus de la société, l’éventuel statut fiscal (etc.) 67.

Par ailleurs, une société présente des indices qu’elle est une société de domicile lorsque :

“elle ne dispose pas de ses propres locaux (adresse c/o, siège auprès d’un avocat, d’une société fiduciaire, d’une banque etc.) ou elle n’a pas de per-sonnel propre” 68.

La banque reste toutefois libre d’apprécier la nature d’une société et de décider – malgré la présence des deux indices formels ou de l’un d’eux seulement – qu’il ne s’agit pas d’une société de domicile. Si tel est le cas, elle doit verser une note documentée et justifiée au dossier 69.

L’art. 39 al. 4 CDB 20, quant à lui, prévoit deux cas des entités qui ne sont pas considérées comme des sociétés de domicile. Il s’agit, d’une part, des sociétés holding, et d’autre part, des sociétés “qui ont pour but la sau-vegarde des intérêts de leurs membres ou de leurs bénéficiaires collective-ment et par leurs propres moyens, ou qui poursuivent des buts politiques, religieux, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou des buts analogues”.

L’art. 39 al. 5 CDB 20 prévoit enfin qu’aucune déclaration relative à l’ayant droit économique n’est exigée des sociétés de domicile cotées en bourse.

2. Sociétés

La notion de “société” est une notion large qui inclut notamment les socié-tés simples, les sociésocié-tés en nom collectif, les sociésocié-tés en commandite, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, ainsi que les sociétés coopératives 70. Sont également visées les formes des sociétés étrangères à l’instar des Limited (Ltd.), Cor-porations (Corp.), Limited Liability CorCor-porations (LLC), etc. 71.

Lorsqu’une société susmentionnée se qualifie de société de domicile, la banque doit toujours identifier les personnes exerçant en dernier lieu

67 Mulinari, p. 50 ; voir aussi Circ.-FINMA 2011/1, Cm. 103.

68 Art. 39 al. 3 CDB 20.

69 Art. 39 al. 3 CDB 20, 2e phrase.

70 Heim (Praxiskommentar), Art. 39 CDB 16 N 8.

71 Ibidem.

un contrôle effectif sur celle-ci. La CDB-92 prévoyait à son ch. 32 qu’une société est contrôlée par la personne ou le groupe de personnes qui pos-sède directement ou indirectement plus de la moitié du capital social ou des voix, ou qui exerce sur elle, d’une autre manière reconnaissable, une influence déterminante. Cette disposition ne fut toutefois pas reprise par les versions ultérieures de la CDB.

Le seuil de 25% (du capital et des droits de vote applicable) applicable pour les sociétés opérationnelles n’entre pas en considération pour les so-ciétés de domicile 72. Face à une société de domicile, toutes les personnes derrière celle-ci doivent être identifiées, même si elles détiennent moins de 25% de l’entité 73. Si l’ayant droit économique de la société de domicile est une société opérationnelle, il faudrait ensuite identifier au moyen du formulaire K les ayants droit économiques de ladite société 74.

3. Trusts a. Notion

Le trust est une institution juridique issue d’une longue tradition histo-rique, dont l’origine se trouve en Grande-Bretagne. Après avoir longtemps assimilé les trusts à des contrats et à des sociétés pour déterminer leur loi applicable, la Suisse a ratifié en 2007 la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance du 1er juillet 1985 (ci-après la Convention de La Haye) 75. La Suisse reconnaît ainsi les trusts comme étant des relations juridiques sui generis sans équivalent strict dans notre droit interne, mais dont les effets sont reconnus par notre ordre juridique 76.

Conformément à l’art. 2 § 1 de la Convention de la Haye, “le terme

“trust” vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant (settlor) – par acte entre vifs ou cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé”.

72 Cassani / Henninger, p. 91.

73 Cassani / Henninger, p. 91 ; Cassani (Évolutions législatives récentes), p. 197.

74 Heim (Praxiskommentar), Art. 39 CDB 16 N 4.

75 RS 0.221.371.

76 Thevenoz (Créer et gérer), p. 52.

L’art. 2 § 2, quant à lui, énumère les caractéristiques essentielles du trust, à savoir : “[…]

a) les biens du trust constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee ;

b) le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d’une autre personne pour le compte du trustee ;

c) le trustee est investi du pouvoir et chargé de l’obligation, dont il doit rendre compte, d’administrer, de gérer ou de disposer des biens selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi”.

Le trust est ainsi une relation juridique particulière qui a pour carac-téristique d’être dépourvue de toute personnalité juridique. Cette relation est créée par le constituant (settlor) qui déclare sa volonté d’affecter cer-tains biens aux intérêts d’un ou plusieurs bénéficiaires ou à un but déter-miné 77. A moins qu’il n’en ait disposé autrement, le rôle du constituant s’arrête là 78. Il disparaît ainsi de la relation juridique qui se noue entre le trustee et le bénéficiaire.

Les biens du trust sont détenus formellement par le trustee qui en est le propriétaire juridique. Ce dernier a l’obligation d’administrer, de gérer ou de disposer les biens en trust selon les termes du trust et les règles particu-lières imposées au trustee par la loi. Par ailleurs, les biens du trust consti-tuent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee.

Les bénéficiaires du trust sont les personnes dans l’intérêt desquels le trust a été constitué. Ces derniers peuvent se voir attribuer par l’acte du trust une extrême diversité des droits et/ou expectatives. Ils peuvent être existants au moment de la création du trust et identifiés, ou être détermi-nés ultérieurement par des critères tels que la parenté, l’appartenance à un groupe etc. 79. Leurs droits peuvent par ailleurs être de nature différente.

Ils peuvent être certains et déterminés d’avance (fixed interest trust) ou ils peuvent être laissés à la libre appréciation du trustee (discretionary interest trust). Le pouvoir du trustee peut aller jusqu’à la désignation de nouveaux bénéficiaires ou leur suppression 80.

77 Thevenoz (Trusts en Suisse), p. 21.

78 Ibidem.

79 Idem, p. 33.

80 Ibidem.

Les bénéficiaires sont pourvus de l’“equitable title” ou “equitable interest” 81. L’equitable title leur confère une protection juridique accrue, notamment lorsque le trustee viole les obligations que lui imposent l’acte de trust et la loi. D’une part, les bénéficiaires peuvent intenter une action personnelle à l’encontre du trustee. Cette action visera à exiger du trustee qu’il répare “toute perte causée au fonds du trust et qu’il l’augmente de tout profit qu’il aurait réalisé” 82. D’autre part, les bénéficiaires peuvent exiger des tiers la restitution au fonds du trust des biens qui ont été indûment aliénés. Ce droit de suite (tracing the trust assets) existe en principe contre tout acquéreur d’un bien en trust, à l’exception du tiers acquéreur de bonne foi et à titre onéreux (bona fida purchaser for value without notice) 83.

D’autres personnes, comme les protecteurs ou les curateurs, peuvent participer à un trust. Leur fonction peut varier suivant l’acte constitutif du trust. Il peut ainsi s’agir de la surveillance du trustee, des fonctions du conseil, de la désignation des bénéficiaires ou de leurs quotes-parts respectifs 84.

Soulignons enfin que, outre les trusts constitués par acte juridique, les ordres du common law prévoient la catégorie des constructive trusts. Les constructive trusts sont des trusts qui sont créés par décision judiciaire.

b. Ayant droit économique

Conformément à l’art. 41 CDB 20, les données requises concernant les trusts doivent être fournies par le cocontractant (le trustee) au moyen d’une déclaration écrite ou d’un formulaire T annexé à la convention. Indépen-damment de la nature du trust, le formulaire T exige l’identification du constituant effectif (settlor) 85, du protecteur ou toute autre personne habili-tée à révoquer le trust ou à nommer un trustee, ainsi que des bénéficiaires,

81 Le terme “equitable” est sans correspondant en français, puisqu’il dérive directement de l’“equity”, corps de règles dont sont issus à l’origine les droits des bénéficiaires. Cf.

Peyrot, p. 25 ; Thevenoz (Bilan), p. 163 ; Béraudo, p. 8.  

82 Thevenoz (Trusts en Suisse), p. 27.

83 Thevenoz (Trusts en Suisse), p. 28 ; Béraudo, pp. 79 ss ; Peyrot, p. 26.

84 Heim (Praxiskommentar), Art. 41 CDB 16 N 1.

85 Y compris en cas de “resettlement” d’un trust précédent, l’identité du “settlor” du premier trust.

qu’ils soient nommément désignés ou qu’ils fassent partie d’une catégorie de bénéficiaires fondée sur des critères objectifs 86.

Par ailleurs, le formulaire T exige des précisions concernant la nature du trust et les droits respectifs. Ainsi, le trustee doit indiquer, d’une part, s’il s’agit d’un trust discrétionnaire ou d’un trust non discrétionnaire et, d’autre part, si le trust est révocable ou irrévocable 87. S’il s’agit d’un trust révocable, il faudrait préciser si le constituant du trust (settlor) a le droit de révoquer le trust 88. S’agissant des bénéficiaires, il est nécessaire de préciser si ces derniers ont un droit inconditionnel à des distributions 89.

La CDB 20 (son art. 41 et le formulaire T annexé) s’inspire des recom-mandations 2012 du GAFI et de la 5e directive anti-blanchiment 90. Elle omet toutefois d’indiquer qui, parmi les personnes identifiées au moyen du formulaire T, serait l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales.

Les experts du GAFI ont critiqué la Suisse sur cette omission. Il est en effet indiqué dans le dernier rapport d’évaluation mutuelle que :

“Un formulaire type utilisé par les banques requiert des informations sur l’identité de l’ayant droit économique […], sans qu’il soit précisé de quelle manière ou à travers quel lien la personne identifiée serait à même d’exer-cer un contrôle sur les valeurs patrimoniales ou de se les voir attribuer.

Les informations sur les ayants droit économiques des sociétés de domi-cile, en particulier celles collectées par les banques, sont insuffisantes pour satisfaire l’objectif du GAFI. En effet, aucune mesure raisonnable n’est requise auprès des intermédiaires financiers aux fins de vérifier le sta-tut d’ayant droit économique des personnes désignées dans les formulaires remis aux banques. Ceux-ci ne requièrent pas d’appréhender de quelle manière s’exerce le contrôle des personnes qui en dernier lieu contrôlent ou bénéficient des valeurs patrimoniales, notamment dans les cas des chaînes de détention complexes” 91.

A notre avis, la critique des experts du GAFI est fondée. En effet, le for-mulaire T oblige les banques à identifier seulement les acteurs d’un trust, à savoir le(s) constituant(s), le(s) trustees, le(s) bénéficiaires et le(s) protectors.

Or la banque ne connaît toujours pas qui, parmi les personnes identifiées

86 Voir aussi Matthey (Know your customer), p. 27.

87 Ch. 1 du Formulaire T.

88 Ch. 2 du Formulaire T.

89 Ch. 4 du Formulaire T.

90 Voir Recommandations 2012 du GAFI, Note interprétative de la recommandation 10, ch. 5 b (ii) et art. 3 par. 6 lit. b de la 5e directive anti-blanchiment.

91 GAFI (Rapport d’évaluation mutuelle), p. 197.

au moyen du formulaire T, est le vrai ayant droit économique des valeurs patrimoniales, de sorte que l’obligation d’identifier l’ayant droit économique au sens de l’art. 4 LBA n’est pas pleinement satisfaite. On ne peut pas consi-dérer toutes les personnes identifiées au moyen du formulaire T comme des ayants droit économiques des valeurs patrimoniales. Le constituant d’un trust irrévocable, par exemple, perd tout contrôle sur le trust et ne bénéficie pas de ses distributions.

A noter qu’il est tenu compte de la critique des experts du GAFI dans l’avant-projet de la modification de la LBA 92. Conformément à l’art. 4 al. 1 AP-LBA 93, les intermédiaires financiers sont tenus de prendre des mesures raisonnables aux fins de vérifier le statut d’ayant droit économique de la personne désignée 94.

1) Trustee

Lorsque les valeurs patrimoniales confiées à la banque font l’objet d’un trust, c’est le trustee qui est le cocontractant de la banque. Ce dernier n’a toutefois pas le pouvoir de fait sur les valeurs patrimoniales, étant donné qu’il a l’obligation d’administrer, de gérer ou de disposer les valeurs en question selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi. Par ailleurs, les valeurs patrimoniales constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee. Ainsi, le trustee n’est pas l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales en trust.

2) Constituant (settlor)

Le constituant est la personne qui permet la création du trust en mettant son patrimoine – ou une partie de celui-ci – à sa disposition 95. Il perd en principe au moment de la constitution du trust tout contrôle sur les va-leurs patrimoniales (trust irrévocable). Toutefois, le constituant peut aussi

92 Supra introduction, note 3.

93 Ibidem.

94 Voir aussi supra chapitre 1 / I / B / 5, p. 30.

95 Commentaire concernant la Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB 20), art. 41, p. 61.

décider de créer un trust révocable, de sorte qu’il pourra, s’il le souhaite, reprendre ce qu’il a donné. Dans ce cas, le constituant serait – tout comme le fiduciant dans la fiducie gestion – l’ayant droit économique des valeurs pa-trimoniales en trust 96, puisqu’il conservera le pouvoir de fait sur celles-ci.

3) Bénéficiaire

Les bénéficiaires sont toutes les personnes qui au moment de la consti-tution du trust peuvent faire valoir des droits sur la fortune du trust ou sur ses revenus, que ces droits soient fixes ou que les distributions aux bénéficiaires relèvent de la libre appréciation du trustee (bénéficiaires discrétionnaires) 97.

Dans un fixed interest trust, le bénéficiaire a un droit fixe et défini à la distribution de la fortune ou des revenus du trust 98. En d’autres termes, le trustee ne possède pas de marge d’appréciation quant à l’attribution des revenus et/ou de la fortune du trust. Le bénéficiaire d’un fixed trust dis-pose d’une prétention patrimoniale qu’il peut faire valoir en justice. Cette faculté lui donne un pouvoir de fait sur les valeurs patrimoniales en trust.

Il est ainsi l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales 99.

Dans un discretionary interest trust, la décision déterminant qui béné-ficiera de la fortune ou des revenus du trust est laissée au trustee. Il n’est pas possible de déterminer au moment de la constitution du trust quelles personnes entreront effectivement en possession d’une attribution du trust, pas plus que l’importance ni le moment de cette attribution 100. Le bénéficiaire n’a ainsi que de simples expectatives.

Cela étant, le bénéficiaire garde tout de même un contrôle sur les va-leurs patrimoniales en trust. Il peut en effet faire valoir en justice le respect des obligations des trustees concernant l’administration du trust 101. Le

96 Heim (Praxiskommentar), Art. 41 CDB 16 N 16 ; Arter (Trusts und Bankbeziehungen), p. 521.

97 Commentaire concernant la Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB 20), art. 41, p. 61.

98 Cf. Arter (Trusts und Bankbeziehungen), p. 520.

99 Arter (Trusts und Bankbeziehungen), p. 520.

100 Voir aussi Conférence Suisse des impôts (Trusts), p. 7. Accessible sur le lien suivant : www.steuerkonferenz.ch/downloads/kreisschreiben/ks030_f.pdf (consulté le 30 sep-tembre 2018).

101 Heim (Praxiskommentar), Art. 41 CDB 16 N 22.

bénéficiaire dispose en outre de la propriété économique sur le fond du trust (equitable interest) et a un droit à la séparation des avoirs du trust dans le cadre de la faillite du trustee 102. Si le patrimoine du trust échappe au trustee, le bénéficiaire peut par ailleurs exiger la restitution des valeurs patrimoniales au trust, respectivement au trustee 103. Ce contrôle ne lui confère toutefois pas de fait un pouvoir de disposition sur les valeurs patri-moniales en trust, dès lors qu’il n’a pas un droit fixe sur celles-ci, mais des simples expectatives. Il n’a en conséquence à notre avis pas le statut d’ayant droit économique des valeurs patrimoniales en trust.

La banque doit toutefois faire preuve de prudence dans les cas concrets.

Il se peut en effet que le bénéficiaire dispose des droits fixes sur les va-leurs patrimoniales de sorte que la qualification de discretionary interest trust n’est que formelle et vise à contourner l’obligation d’identifier l’ayant droit économique ou d’autres dispositions de droit fiscal. En l’espèce, les banques doivent toujours adopter une approche fondée sur les risques et ce d’autant plus lorsqu’elles doivent identifier l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales en trust.

4) Protector

Le protector est une personne physique ou morale instituée par le consti-tuant afin de surveiller l’exécution des obligations du trustee en confor-mité avec l’acte constitutif du trust 104. Les pouvoirs d’un protector peuvent varier. Il peut ainsi donner des instructions au trustee, bloquer par un droit de veto ses actes, ou même le révoquer 105. Le protector doit exercer ses devoirs dans l’intérêt de tous les bénéficiaires du trust et pas unique-ment dans celui du constituant, même si c’est ce dernier qui a désigné le protector 106.

A moins de profiter en tant que bénéficiaire du patrimoine du trust, le protector n’agit pas pour son propre compte. Il n’est ainsi en principe pas l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales en trust.

102 Conférence Suisse des impôts (Trusts), p. 4.

103 Ibidem.

104 Idem, p. 5.

105 Arter (Protektor eines Trusts), p. 729.

106 Arter (Protektor eines Trusts), p. 729 et les références citées.

Il résulte de ce qui précède qu’aucune des personnes susmentionnées n’est l’ayant droit économique d’un trust discrétionnaire. Si le jeu des trusts est correctement fait, il s’agit à notre avis de valeurs patrimoniales pour lesquelles il n’existe pas d’ayant droit économique déterminé. Il n’en demeure pas moins que les bénéficiaires d’un trust discrétionnaire restent des ayants droit économiques potentiels. En effet, l’obligation d’identifier l’ayant droit économique ne s’éteint pas au moment de l’établissement des relations d’affaires. A teneur de l’art. 5 LBA, elle doit être renouvelée lorsque, au cours de la relation d’affaires, des doutes surviennent quant à l’identité de l’ayant droit économique. Dès lors si, au cours de la relation d’affaires, le trustee décide d’exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du bénéficiaire, l’expectative se transforme en un véritable droit à une dis-tribution pour le bénéficiaire 107. Étant au bénéfice d’un véritable droit à une distribution, le bénéficiaire doit à ce moment être identifié comme ayant droit économique des valeurs patrimoniales.

4. Fondations

a. Notion

La fondation est une masse de biens affectée à la réalisation d’un but déter-miné et dotée d’une organisation propre 108. Elle n’a ni membres, ni pro-priétaires mais des destinataires. La fondation est dépourvue du droit à l’autodétermination en ce sens qu’elle ne peut ni se dissoudre volontaire-ment, ni modifier son but ou son organisation en dehors des cadres prévus par la loi 109.

Le constituant reste en principe libre tant dans la détermination du but de la fondation que dans la désignation du cercle des destinataires 110. Sa liberté n’est admise cependant que dans les limites de la loi. Suivant les buts poursuivis, les fondations sont classées en fondations classiques,

Le constituant reste en principe libre tant dans la détermination du but de la fondation que dans la désignation du cercle des destinataires 110. Sa liberté n’est admise cependant que dans les limites de la loi. Suivant les buts poursuivis, les fondations sont classées en fondations classiques,