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contre la criminalité transnationale organisée

D. Recommandations du GAFI

1. Création et fonctionnement du Groupe d’Action financière (GAFI) Le GAFI a été créé en 1989 lors du sommet du G7 de Paris, en réponse aux préoccupations croissantes concernant le blanchiment d’argent. Il est un or-ganisme intergouvernemental regroupant actuellement 35 pays et territoires – dont la Suisse –, ainsi que deux organisations régionales 86.

Les objectifs principaux du GAFI sont “l’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international” 87. Le GAFI emploie différents moyens afin de concrétiser ces objectifs, à l’instar de la publication des recomman-dations, l’évaluation mutuelle des pays membres, la désignation des pays non coopératifs et l’examen des techniques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Les premières quarante recommandations du GAFI ont été publiées en 1990 (ci-après recommandations 1990 du GAFI), dans le but de lutter contre l’usage abusif des systèmes financiers à des fins de blanchiment de capitaux 88. Ces recommandations ont été révisées tout d’abord en 1996 (ci-après recommandations 1996 du GAFI) afin de refléter l’évolution des typologies de blanchiment de capitaux 89. Elles ont ensuite été révisées en 2003 (ci-après recommandations 2003 du GAFI) et en février 2012 (ci-après recommandations 2012 du GAFI). En 2001, huit recommandations contre le financement du terrorisme, complétées par une neuvième en 2004, s’y sont ajoutées. Elles ont été fusionnées avec les recommandations 2012 du GAFI, afin de constituer un corps normatif unique.

86 La Commission européenne et le Conseil de coopération du golfe.

87 Site internet officiel du GAFI “A propos du GAFI”.

88 GAFI (Rapport 1990-1991). Document accessible sur le lien suivant : www.fatf-gafi.org/

media/fatf/documents/reports/1990%201991%20FR.pdf (consulté le 30 septembre 2018).

89 GAFI (Rapport 1995-1996), p. 5. Document accessible sur le lien suivant : www.fatf-gafi.org/

media/fatf/documents/reports/1995%201996%20FR.pdf (consulté le 30 septembre 2018).

2. Nature juridique des recommandations du GAFI

Les recommandations du GAFI n’ont pas de force contraignante et sont qualifiées de soft law 90. Par soft law, on entend les normes créées par des Etats ou par d’autres organisations internationales qui n’ont certes pas d’effets juridiques contraignants, mais qui sont tout de même juridique-ment pertinentes 91. Du fait qu’elles expriment ce qui devrait être plutôt que ce qui doit être, les normes revêtant du soft law permettent la formulation consensuelle des valeurs par un processus dynamique 92. A noter que le soft law est caractérisé par l’existence des procédures de suivi (follow-up procedures) permettant d’examiner le respect des normes 93.

En dépit de leur caractère non contraignant, les recommandations du GAFI ont un effet considérable dans la mise en place des normes étatiques visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terro-risme. D’une part, elles introduisent des règles détaillées et exigeantes en la matière et, d’autre part, des procédures d’évaluation mutuelle et d’auto-évaluation permettent un suivi complet de la mise en œuvre de celles-ci.

La dernière évaluation mutuelle de la Suisse a été adoptée par le GAFI en octobre 2016 94. De même, le GAFI identifie régulièrement les pays non coopératifs et ceux qui présentent des risques particulièrement élevés de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

3. Recommandations 2012 du GAFI a. Adoption et mise en œuvre

Les recommandations 2012 du GAFI comprennent des mesures devant être adoptées par les pays afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le

90 CR CP II-Cassani, Art. 305bis N 3 ; Cassani (Internationalisation du droit pénal éco-nomique), p. 235 ; Cassani (Much Ado About Nothing), p. 78 ; SHK-Basse, Art. 1 GwG N 23, note 59 ; SHK-Liebi / Conod, Art. 4 GwG N 1 ; Brugger / Humbel, p. 742 ; Taube, p. 211 ; Naef / Clerici, p. 16 ; Ackermann (Kommentar), Art. 305bis N 27.

91 Thürer, p. 434; Naef, p. 1110.

92 Cassani (Internationalisation du droit pénal économique), p. 236.

93 Naef, p. 1110.

94 GAFI (Rapport d’évaluation mutuelle). Voir aussi supra note 50.

financement du terrorisme, ainsi que le financement de la prolifération des armes de destruction massive 95. Ces mesures incluent notamment : – l’identification des risques et le développement des politiques au niveau

national ;

– l’agissement contre le blanchiment d’argent, le financement du terro-risme et le financement de la prolifération ;

– la mise en œuvre des mesures préventives pour le secteur financier et les autres secteurs désignés ;

– le renforcement de la transparence et de la disponibilité des informations sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales et des construc-tions juridiques ;

– l’encouragement de la coopération internationale ;

– l’attribution des pouvoirs nécessaires aux autorités compétentes.

Le texte comprend les recommandations et leurs notes interprétatives, ainsi qu’un glossaire des définitions applicables.

En droit suisse, les recommandations 2012 du GAFI ont été mises en œuvre au moyen de la “loi fédérale du 12 décembre 2014 sur la mise en œuvre des recommandations du Groupe d’action financière, révisées en 2012” 96. L’Union européenne, quant à elle, les a mis en œuvre à travers la 4e directive anti-blanchiment de capitaux 97 et le Règlement 2015/847 du Parlement européen de du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompa-gnant les transferts de fonds 98. A noter que le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 30 mai 2018 la 5e directive anti-blanchiment, modifiant la 4e directive anti-blanchiment 99.

Nous nous limiterons dans ce travail à indiquer brièvement les devoirs de diligence incombant aux institutions financières.

95 Introduction des Recommandations 2012 du GAFI.

96 RO 2015 1389.

97 Supra introduction, note 4.

98 JO UE L 141 du 05.06.2015, pp. 1-18.

99 Voir aussi infra chapitre 1 / II / E, pp. 42 s.

b. Devoirs de diligence incombant aux institutions financières

La notion d’institution financière est définie par le Glossaire des recomman-dations 2012 du GAFI et s’apparente à la notion d’intermédiaire financier au sens de la LBA 100.

Les institutions financières doivent fondamentalement :

– identifier le client et vérifier son identité au moyen de documents, données et informations de source fiable et indépendante (recommandation 10, lit. a) ;

– identifier le bénéficiaire effectif, et prendre des mesures raisonnables pour vérifier cette identité (recommandation 10, lit. b) ;

– comprendre et, le cas échéant, obtenir des informations sur l’objet et la nature envisagée de la relation d’affaires (recommandation 10, lit. c) ; – exercer une vigilance constante à l’égard de la relation d’affaires et assurer

un examen attentif des transactions effectuées pendant toute la durée de cette relation d’affaires (recommandation 10, lit. d) ;

– conserver les documents (recommandation 11) ;

– adopter des mesures de vigilance supplémentaires lorsqu’il est question des personnes politiquement exposées et des relations de correspondant bancaire transfrontalières (recommandations 12 et 13) ;

– identifier et évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de finan-cement du terrorisme pouvant résulter de l’utilisation de technologies nouvelles ou en développement en lien avec de nouveaux produits (recommandation 15).

Ces obligations sont par ailleurs précisées par les notes interprétatives des recommandations 2012 du GAFI.

c. Devoir d’identifier le bénéficiaire effectif

En vertu de la recommandation 10, l’institution financière doit prendre toutes les mesures raisonnables pour vérifier l’identité du bénéficiaire ef-fectif, de sorte qu’elle a l’assurance de savoir qui est le bénéficiaire effectif

100 Nous n’entreprenons pas une analyse approfondie et comparative entre la notion d’institution financière et celle d’intermédiaire financier, étant donné que l’objet de cette étude sont les banques. Or les banques entrent dans le champ d’application de ces notions.

de sa relation d’affaires 101. Pour les personnes morales et les constructions juridiques, les institutions financières doivent comprendre la structure de propriété et de contrôle du client 102.

Ce devoir est précisé dans les notes interprétatives à la recomman-dation 10. Un accent particulier est mis sur les personnes morales et les constructions juridiques. S’agissant des personnes morales, les institu-tions financières doivent procéder à une identification en cascade, c’est-à-dire, identifier tout d’abord des personnes physiques qui en dernier lieu détiennent une participation de contrôle 103 dans une personne morale 104, à défaut, l’identité des personnes physiques exerçant le contrôle de la per-sonne morale ou de la construction juridique par d’autres moyens 105 et, à défaut, l’identité de la personne physique importante qui occupe la posi-tion de dirigeant principal 106. L’identification en cascade est également prévue à l’art. 2a al. 3 LBA.

L’identification des bénéficiaires effectifs poursuit un double but. Elle vise tout d’abord à “prévenir l’utilisation illicite des personnes morales et des constructions juridiques par une compréhension suffisante du client permettant d’évaluer correctement les risques potentiels de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la relation d’affaires” 107. Ensuite, l’identification a comme objectif de prendre les mesures appro-priées pour atténuer ces risques 108.

Enfin, l’institution financière est exemptée du devoir d’identifier le bénéficiaire effectif lorsque le client ou le propriétaire d’une participation de contrôle est une société cotée sur un marché boursier 109.

101 Sur la distinction entre les notions d’ayant droit économique et de bénéficiaire effectif voir infra chapitre 2 / I, pp. 48 ss.

102 Cf. Recommandation 10 du GAFI.

103 Selon le ch. 5 b (i) (i.i) de la note interprétative à la recommandation 10, “une parti-cipation de contrôle dépend de la structure de propriété d’une société. Elle peut être fondée sur un seuil, par exemple, toute personne détenant plus d’un certain pourcen-tage de la société (par exemple, 25%)”.

104 Recommandations 2012 du GAFI, Note interprétative de la recommandation 10, ch. 5 b (i) (i.i).

105 Idem, ch. 5 b (i) (i.ii).

106 Idem, ch. 5 b (i) (i.iii).

107 Idem, ch. 5.

108 Ibidem.

109 Cf. Recommandations 2012 du GAFI, Note interprétative de la recommandation 10, ch. 5.

E. 5

e

directive contre le blanchiment d’argent

Bien qu’elle ne fasse pas partie de l’Union européenne, la Suisse subit l’influence du droit de son voisin. Elle ne saurait ainsi ignorer le droit de l’Union européenne dans la construction de son propre droit 110. C’est pourquoi il se justifie d’examiner brièvement l’instrument principal de lutte contre le blanchiment d’argent en vertu du droit européen, à savoir la 5e directive anti-blanchiment d’argent 111.

Tout comme la LBA, la 5e directive s’applique en premier lieu aux éta-blissements de crédit et aux étaéta-blissements financiers (art. 2 par. 1 ch. 1 et 2). Ces notions sont définies à l’art. 3 de la 5e directive et se recoupent avec la notion d’“intermédiaire financier” en droit suisse. Sont également visées par la 5e directive les activités professionnelles énumérées à l’art. 2 par. 1 ch.

3. Les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle sont prévues au cha-pitre II de la 5e directive (art. 11 ss). L’obligation d’identifier le bénéficiaire effectif figure à l’art. 13 par. 1 lit. b. En vertu de cette disposition, l’entité assujettie doit prendre des mesures raisonnables pour vérifier l’identité du bénéficiaire effectif, de telle manière qu’elle ait l’assurance de savoir qui il est. En ce qui concerne des structures comme des personnes morales, des fiducies/trusts, des sociétés, des fondations et des constructions juridiques similaires, l’obligation est satisfaite lorsque l’assujetti comprend la struc-ture de propriété et de contrôle du client. Tout comme les recommanda-tions du GAFI et la LBA, l’obligation d’identifier le bénéficiaire effectif ne s’étend pas aux sociétés cotées 112.

Conformément à l’art. 30 § 3 de la 5e directive, les informations concer-nant les bénéficiaires effectifs doivent être stockées dans un registre central, accessible aux entités assujetties, ainsi qu’aux cellules de renseignement fi-nancier et aux autorités compétentes. Contrairement à la 4e directive anti-blanchiment d’argent, les membres du grand public peuvent avoir accès aux informations concernant les bénéficiaires effectifs des sociétés sans démontrer un intérêt légitime 113. S’agissant des trusts, l’accès n’est donné qu’en cas d’un intérêt légitime 114.

110 Cf. Cassani (Internationalisation du droit pénal économique), p. 263.

111 Supra introduction, note 5.

112 Cf. Art. 3 ch. 6 lit. a de la 5e directive anti-blanchiment.

113 Art. 30 par. 5 lit. c de la 5e directive anti-blanchiment.

114 Art. 31 par. 4 lit. c de la 5e directive anti-blanchiment.

La 5e directive anti-blanchiment d’argent s’applique à partir du 20 juin 2018. Les pays membres de l’Union européenne doivent l’avoir transposé dans leur droit national au plus tard le 10 janvier 2020.

F. Sound management of risks related to money laundering and