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D’OBTENIR DES RENSEIGNEMENTS BANCAIRES

B. Procuration par actes concluants

Sous II A, nous avons envisagé l’hypothèse de l’octroi de procuration de manière expresse, c’est-à-dire lorsque le titulaire du compte (représenté) accorde expressément à l’ayant droit économique (fondé de procuration) le pouvoir de le représenter en signant un formulaire de procuration lors de l’ouverture du compte.

Toutefois, l’octroi de procuration peut également intervenir de manière implicite (par actes concluants) 24. En matière bancaire, il est rare qu’un octroi de procuration par actes concluants se produise, étant donné qu’il est d’usage que le titulaire du compte signe un formulaire de procuration lorsqu’il souhaite octroyer une procuration. La banque ne donnera ainsi pas suite à une demande de l’ayant droit économique tendant à l’octroi des renseignements sur le compte bancaire si ce dernier n’est pas au bénéfice d’une procuration explicite.

21 Guggenheim / Guggenheim, p. 505 ; Emch / Renz / Arpagus, N 834 ; Lombardini (Droit bancaire suisse), p. 359.

22 Guggenheim / Guggenheim, p. 505.

23 Chambre civile de la CJ GE, 24 juin 1994 = SJ 1995 212, p. 217 ; Lombardini (Droit bancaire suisse), p. 359.

24 ATF 112 II 330, consid. 1 a) = JdT 1987 I 70, p. 73 ; TF 2C_1071/2012 du 7 mai 2013, consid. 5.1 ; ATF 141 III 289, consid. 4.1 = JdT 2017 II 413, p. 415 ; BSK OR-Watter, Art. 33 N 15.

Toutefois, le Handelsgericht zurichois a examiné un cas de procuration par actes concluants au profit de l’ayant droit économique 25.

Dans ce cas concret, une fondation contestait des prélèvements effec-tués sur son compte en banque sur l’instruction de l’ayant droit économique.

Les fonds, dont une partie a été perdue, avaient en effet été envoyés par poste en Autriche. La fondation faisait valoir que l’ayant droit économique ne bénéficiait d’aucune procuration afin de procéder à des prélèvements sur le compte bancaire ouvert au nom de la fondation. La banque avait dès lors suivi les instructions d’une personne non légitimée et ne pouvait en conséquence pas se prévaloir de l’art. 402 al. 1 CO pour obtenir le rem-boursement des frais du mandat.

La Cour zurichoise constate tout d’abord que l’ayant droit économique n’était au bénéfice d’aucune procuration conférée de manière expresse 26. La fondation n’avait en effet pas coché le nom de l’ayant droit économique au formulaire de procuration remis par la banque.

Toutefois, il ressortait des circonstances du cas d’espèce que l’ayant droit économique était également la personne de contact de la banque. Ce dernier procédait toujours aux retraits en espèces sur le compte bancaire sans la moindre opposition de la fondation 27. La fondation, quant à elle, n’avait pas proscrit à la banque de suivre les instructions de l’ayant droit économique sans son consentement préalable. En conséquence, l’ayant droit économique était au bénéfice d’une procuration par actes concluants et pouvait ainsi représenter la fondation dans ses relations avec la banque 28. Nous partageons la position de la Cour cantonale. La procuration par actes concluants découle de la théorie de la manifestation de volonté 29. La manifestation de volonté est “le comportement par lequel une personne communique intentionnellement à une autre sa volonté de créer, modifier, supprimer ou transférer un droit ou un rapport de droit” 30.

Lorsque la manifestation de volonté du représenté n’est pas claire, il y a lieu de recourir au principe de la confiance pour déterminer si des

pou-25 Zürich, HG, Urteil vom 18. Dezember 2006 (ZH), Arrêt reproduit dans RSJ 103 /207, pp. 258 ss.

26 Zürich, HG, Urteil vom 18. Dezember 2006 (ZH), consid. 4.

27 Idem, consid. 4 e).

28 Ibidem.

29 BK OR-Zäch / Künzler, Art. 33 N 36. 

30 Tercier / Pichonnaz, N 178.

voirs ont été accordés au représentant et en connaître l’étendue 31. D’après le principe de la confiance, les manifestations de volonté doivent être comprises dans le sens que le destinataire devait de bonne foi leur donner compte tenu de l’ensemble des circonstances 32. L’interprétation selon le principe de la confiance doit se faire du point de vue du représentant 33.

Une procuration par actes concluants découle souvent soit de la tolérance des actes de représentation (“Duldung”), soit de l’apparence (“Anschein”) 34. On est en présence d’une procuration apparente (“ Anscheins-vollmacht”) lorsque “d’une part le représenté ne sait pas qu’un tiers se fait passer pour son représentant mais qu’il aurait dû s’en rendre compte en faisant preuve de l’attention qu’on pouvait exiger de lui, et d’autre part, que le représentant pouvait interpréter de bonne foi le comportement du représenté comme valant octroi de pouvoirs” 35. La procuration par tolé-rance (“Duldungsvollmacht”), quant à elle, a lieu lorsque le représenté sait qu’un tiers le représente contre sa volonté, mais qu’il ne s’est pas opposé à cette représentation non sollicitée 36. La différence réside dans le fait que le représenté reconnaît en cas de procuration par tolérance qu’un tiers le représente, alors qu’en cas de procuration apparente, il ne connaît pas la re-présentation mais il aurait dû la connaître en faisant preuve de l’attention qu’on pouvait exiger de lui 37.

La simple inscription de l’ayant droit économique dans un formulaire A ne lui donne pas la qualité de représentant. Même en recourant au prin-cipe de la confiance, on parviendrait à la même conclusion. En effet, l’ins-cription de l’ayant droit économique dans le formulaire A intervient dans le but de se conformer au dispositif anti-blanchiment d’argent. Le cocon-tractant ne communique pas le nom de l’ayant droit économique dans le cadre du rapport contractuel tenu avec la banque et encore moins dans le

31 TF 5C.40/2001 du 23 mai 2001, consid. 4a ; CR CO I-Chappuis, Art. 33 N 10 ; CHK OR-Kut, Art. 33, N 7 et 14 ; BK OR-Zäch / Künzler, Art. 33 N 39 ss.

32 ATF 129 III 118, consid. 2.5.

33 CR CO I-Chappuis, Art. 33 N 11.

34 ATF 120 II 197, consid. 2 et 3b ; ATF 141 III 289, consid. 4.1 = JdT 2017 II 413, p. 415.

35 ATF 141 III 289, consid. 4.1 = JdT 2017 II 413, p. 415. Contra CR CO I-Chappuis, Art. 33 N 12. Selon Chappuis, la distinction entre Duldungsvollmacht et Anscheinsvollmacht n’est pas justifiée. En effet, “dans la mesure où le point de vue du destinataire est déterminant en raison de l’application du principe de la confiance, une distinction repo-sant sur ce que sait ou ne sait pas le représenté n’est pas justifiée”.

36 Ibidem.

37 BK OR-Zäch / Künzler, Art. 33 N 53. 

but d’octroyer un pouvoir de représentation à l’ayant droit économique.

Qui plus est, si la banque n’a pas de doutes sur la qualité d’ayant droit éco-nomique, elle ne prend même pas de contact avec ce dernier. Par ailleurs, l’ayant droit économique ne se fait pas passer pour un représentant du cocontractant du fait de sa seule inscription dans le formulaire A. C’est pourquoi l’ayant droit économique ne peut pas interpréter de bonne foi sa simple inscription dans un formulaire A comme valant octroi de pouvoirs.

Néanmoins, l’état de fait de l’arrêt cantonal montre que l’ayant droit économique pourrait exercer en pratique un rôle très actif dans le rap-port entre la banque et le cocontractant. Malgré l’absence de procuration, il peut obtenir de la banque, sur la durée, des renseignements sur l’état du compte. Il peut en outre recevoir de sa part des notifications et se per-mettre même de donner des instructions à la banque.

Etant donné que le cocontractant tolère les actions de l’ayant droit économique, ce dernier est en droit d’interpréter – d’après le principe de la confiance – le comportement du cocontractant comme un octroi de procuration par actes concluants. Le cocontractant de la banque ne serait ainsi pas en droit de reprocher à la banque d’avoir suivi les instructions de l’ayant droit économique, alors qu’il a toléré en toute connaissance de cause ses actes depuis longtemps. Même si, par hypothèse, le cocontractant ne connaît pas les actes de l’ayant droit économique, il aurait pu s’aperce-voir, en faisant preuve de l’attention qu’on pouvait exiger de lui, qu’un tiers (l’ayant droit économique) se fait passer pour son représentant.

Certes, une manifestation de volonté par actes concluants ne doit pas être acceptée facilement 38. Le cocontractant doit toutefois se voir imputer la qualité de représenté s’il n’a, à aucun moment de la relation, réagi aux actes de l’ayant droit économique.

C’est le principe de la confiance qui détermine l’étendue des pouvoirs du représentant (ayant droit économique) 39. Dans le cas examiné, l’ayant droit économique avait le pouvoir de donner des instructions à la banque.

La Cour n’a pas examiné si la procuration par actes concluants s’étendait également au pouvoir d’obtenir des renseignements sur l’état du compte.

Il convient d’admettre un tel pouvoir, étant donné que l’ayant droit éco-nomique pouvait donner des instructions à la banque, un pouvoir qui va au-delà d’une simple obtention des renseignements.

38 CR CO-Chappuis, Art. 33 N 10.

39 Ibidem.

On pourrait ainsi tout à fait imaginer en pratique des cas dans lesquels le cocontractant permet à l’ayant droit économique d’obtenir des rensei-gnements sur l’état du compte bancaire et lui confère en conséquence une procuration par actes concluants. L’ayant droit économique (représentant) exercera ce pouvoir au nom et pour le compte du titulaire du compte (représenté). Le cocontractant demeure toutefois libre de révoquer à tout moment cette procuration s’il souhaite que l’ayant droit économique n’obtienne pas des informations. Il n’a qu’à notifier la banque sur cette révocation.

III. Demande de renseignements