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Rapport contractuel distinct entre la banque et l’ayant droit économique

D’OBTENIR DES RENSEIGNEMENTS BANCAIRES

B. Rapport contractuel distinct entre la banque et l’ayant droit économique

En pratique, il peut arriver que l’ayant droit économique d’un compte “B”

soit au préalable le titulaire d’un compte “A” auprès de la même banque

“X”. S’agissant du compte “A”, l’ayant droit économique du compte “B”

est ainsi cocontractant de la banque “X” et peut se prévaloir d’un droit aux renseignements à l’égard de cette dernière. En fonction de la volonté des parties, le rapport peut relever d’un simple compte courant jusqu’à un mandat de gestion de fortune.

La banque “X” peut conseiller le titulaire du compte “A” dans la créa-tion d’une société de domicile. Ce conseil peut avoir plusieurs motifs, à savoir une nécessité de discrétion, une optimisation fiscale ou un motif suc-cessoral. La banque peut en outre assister son client dans la constitution du véhicule et dans l’administration des actifs.

Se conformant aux conseils de sa banque mandataire, le titulaire du compte “A” décide de transférer une partie des valeurs patrimoniales du compte “A” au compte “B”. Le compte “B” est ouvert dans les livres de la banque “X” au nom de la société de domicile. En vertu de l’art. 4 LBA, le titulaire du compte “A” est désigné comme ayant droit économique du compte “B”. Une nouvelle relation contractuelle est ainsi créée entre la banque et la société de domicile. En vertu de cette relation, le titulaire du compte “A”, n’étant pas partie contractuelle, ne dispose pas d’un droit aux renseignements. Comme déjà souligné, la qualité d’ayant droit écono-mique ne lui octroie pas un droit aux renseignements relevant du contrat.

Il est fort probable en pratique que la nouvelle relation créée entre la banque et la société de domicile octroie à l’ayant droit économique la pos-sibilité d’obtenir des renseignements. Ainsi, l’ayant droit économique peut se voir conférer une procuration 14 ou bénéficier d’un droit aux

renseigne-13 ATF 57 II 502, consid. 1 ; CR CO I-Tevini / Du Pasquier, Art.  112 N  7 ; CHK OR-Reetz / Graber, Art. 112, N 20.

14 Infra chapitre 3 / II, pp. 84 ss.

ments en vertu d’une stipulation pour autrui 15. Il peut également être un organe ou un représentant de la société de domicile et ainsi obtenir de par cette qualité un droit aux renseignements.

Il s’ensuit qu’en pratique, l’ayant droit économique disposera des moyens juridiques pour obtenir des renseignements sur le compte B. Il n’en demeure pas moins que ces moyens ne découlent pas de sa qualité d’ayant droit économique, mais des instruments de droit privé à l’instar de la procuration, de la stipulation pour autrui ou de la constitution d’une société.

Partons toutefois de l’hypothèse que les parties n’ont prévu ni une pro-curation au bénéfice de l’ayant droit économique ni une stipulation pour autrui. Par ailleurs, ce dernier n’est ni organe ni représentant de la société de domicile.

Dans ces circonstances, l’ayant droit économique du compte “B” peut tout de même se prévaloir d’un droit aux renseignements à l’égard de la banque. Le droit aux renseignements ne résulte toutefois pas de la relation conclue entre la banque et la société de domicile, mais du rapport de man-dat préexistant entre la banque et l’ayant droit économique du compte “B”.

En effet, l’ayant droit économique est lié avec la banque par un rapport de mandat préexistant étant donné qu’il est le titulaire du compte “A”. De même, l’activité de conseil et d’assistance dans la constitution d’une so-ciété de domicile, qui peut faire ou non l’objet d’un mandat séparé, s’inscrit dans le cadre des relations que la banque entretient avec son mandant 16, en l’espèce le titulaire du compte “A” et l’ayant droit économique du compte

“B”. La banque est ainsi tenue en vertu de l’art. 400 al. 1 CO de rendre à son cocontractant – ayant droit économique du compte “B” – compte de sa gestion en tout temps. L’obligation de rendre compte comprend égale-ment l’obligation de renseigner le mandant sur tous les faits en rapport avec l’exécution du mandat. Or ce mandat ne s’étend pas au rapport entre la banque et la société de domicile 17, de sorte que l’obligation de rendre compte n’inclut en principe pas les opérations du compte “B”.

L’étendue du droit aux renseignements dépendra du mandat conclu entre la banque et l’ayant droit économique du compte “B”. On pourrait

15 Voir supra chapitre 3 / I / A, p. 81.

16 Cf. Thevenoz (Commentaire CDBF) ; Thevenoz / Zobl / Do Duc / Blöchlinger, p. 322, r29 ; Thevenoz / Gomez Richa, pp. 173 ss.

17 Cf. infra chapitre 4 / II / B, pp. 123 ss.

tout de même envisager que la banque soit tenue à renseigner l’ayant droit économique sur tous les faits qui se rapportent à la constitution de la so-ciété de domicile, y compris de ses actifs. Tel est le cas lorsque la banque gère la société de domicile pour le compte de l’ayant droit économique. Or le compte bancaire ouvert au nom de la société de domicile fait également partie des actifs de la société de domicile.

II. La procuration bancaire

Le contrat conclu entre la banque et le titulaire du compte n’accordant en principe pas de droit aux renseignements à l’ayant droit économique, ce dernier demande souvent à être mis au bénéfice d’une procuration afin d’obtenir des renseignements à l’égard de la banque.

A. Notion

La procuration bancaire est un acte juridique unilatéral sujet à réception par lequel le titulaire du compte bancaire déclare à une autre personne (représentant, fondé de procuration) sa volonté de l’autoriser à agir en son nom 18. L’acte accompli par le fondé de procuration déploie ses effets dans la sphère juridique du titulaire du compte 19. La déclaration de volonté du titulaire du compte peut être adressée soit directement au fondé de procu-ration en informant la banque, soit d’abord à la banque qui est chargée elle, ensuite de notifier au fondé de procuration l’existence de la procuration 20. L’étendue de la procuration peut varier d’une procuration générale à une procuration limitée à certains actes seulement. Suivant la volonté du titulaire du compte, le fondé de procuration peut ainsi avoir le pouvoir d’effectuer toutes les transactions comme le titulaire ou se limiter à gérer

18 CR CO I-Chappuis, Art. 33 N 5 ; Guggenheim / Guggenheim, p. 503 ; Lombardini (Droit bancaire suisse), p. 359 ; Gauch / Schluep / Schmid, N 1307 ; Emch / Renz / Arpagus, N 816.

19 ATF 130 III 87, consid. 3.3 ; ATF 126 III 59, consid. 1 ; CR CO I-Chappuis, Art. 33 N 5 ; BK OR-Zäch / Künzler, Art. 32 N 2.

20 Guggenheim / Guggenheim, p. 503 ; Lombardini (Droit bancaire suisse), pp. 360 s.

les actifs en compte, sans pourtant pouvoir effectuer des prélèvements 21. Il est également possible de conférer au fondé de procuration le seul pouvoir d’obtenir des renseignements en relation avec le compte 22.

Rien n’empêche en l’espèce le titulaire du compte de donner une pro-curation bancaire à l’ayant droit économique des valeurs patrimoniales. Le titulaire du compte déterminera librement l’étendue de la procuration et pourra ainsi accorder à l’ayant droit économique le pouvoir d’obtenir des renseignements sur le compte bancaire.

L’ayant droit économique exercera toutefois le pouvoir d’obtenir des renseignements, au nom et pour le compte du titulaire du compte. Il n’est dès lors pas partie au contrat qui lie la banque au titulaire du compte. Si la banque ne donne pas suite aux demandes des renseignements de l’ayant droit économique, ce dernier ne peut pas agir en justice, en son propre nom, contre la banque 23. Il n’a pas la légitimation active.