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À L’ÉGARD DE L’AYANT DROIT ÉCONOMIQUE

B. Réception en Suisse

En Suisse, l’acceptation de l’institution du contrat avec effet protecteur de tiers représenterait des avantages pour le tiers, surtout en cas de dommage patrimonial. En effet, il est souvent complexe d’établir l’illicéité de com-portement au sens de l’art. 41 CO tout en sachant qu’il faut trouver une disposition qui protège directement les intérêts patrimoniaux touchés.

Le Tribunal fédéral s’est penché plusieurs fois sur la théorie du contrat avec effet protecteur de tiers 41. Il n’a cependant jamais conféré à un tiers qui n’est pas partie au contrat un droit à la réparation du dommage fondé sur cette théorie. Notre Haute cour a toutefois laissé ouverte la question de savoir si le contrat avec effet protecteur de tiers devait être reconnu en droit suisse.

35 Palandt Kommentar BGB-Grüneberg, § 328 N 14.

36 MüKO BGB-Gottwald, § 328 N 170.

37 Ibidem.

38 Janoschek (in : Bamberger / Roth) BGB § 328 N 46.

39 NK BGB-Preuss, Vorbemerkung zu § 328 ff N 9.

40 BGH, Urteil vom 14 Juni 2012, IX ZR 145/11, consid. 14.

41 ATF 117 II 315, consid. 5 b) ; ATF 121 III 310 consid. 4 b = JdT 1996 I 360, p. 365 ; TF 4C.194/1999 du 18 janvier 2000, consid. 4 ; ATF 130 III 345 consid. 1 = JdT 2004 I 207, p. 209 s. ; TF 4A_226/2010 du 28 juillet 2010, consid. 3.1 et 3.2.

Les juges de Mon Repos ont examiné dans au moins deux décisions les conditions d’application de l’institution du contrat avec effet protecteur de tiers 42, en partant de l’hypothèse que cette institution était reconnue en droit suisse 43. Dans le premier cas, il s’agissait d’un architecte ayant éta-bli sur mandat des propriétaires un rapport d’estimation d’un bien-fonds qui ne mentionnait aucun défaut 44. Les acheteurs du bien-fonds, ayant découvert des défauts, ont intenté une action en dommages-intérêts contre l’architecte en invoquant parmi d’autres griefs la théorie du contrat avec effet protecteur de tiers. Le Tribunal fédéral l’a écartée en considérant que les intérêts du créancier (vendeur) et du tiers (acheteur) étaient opposés. Le vendeur était intéressé par une valeur vénale aussi élevée que possible tan-dis que l’acheteur l’était par une valeur vénale aussi basse que possible 45. La condition de proximité avec le créancier n’était dès lors pas réalisée.

Dans le second cas, un maître d’ouvrage avait invoqué la théorie du contrat avec effet protecteur de tiers dans une action en dommages-intérêts contre un sous-traitant 46. Après avoir énuméré les conditions d’application de la théorie, le Tribunal fédéral a rejeté le grief du maître d’ouvrage étant donné que ce dernier ne l’avait pas invoqué en deuxième instance 47. Certes, le principe “jura novit curia” permettait aux juges d’examiner le cas sous l’angle du contrat avec effet protecteur de tiers. Cela n’était toutefois pas possible en l’espèce dès lors que l’entrée en matière sur un argument juri-dique nouveau impliquait le complètement de l’administration des preuves et des constatations de fait 48.

42 Voir les conditions d’application de la théorie du contrat avec effet protecteur de tiers infra chapitre 4 / III / C, pp. 132 s.

43 Cf. ATF 130 III 345 consid. 1 = JdT 2004 I 207, pp. 209 s. ; TF 4A_226/2010 du 28 juil-let 2010, consid. 3.1 et 3.2.

44 ATF 130 III 345 = JdT 2004 I 207.

45 ATF 130 III 345 consid. 1 = JdT 2004 I 207, pp. 209 s. A noter que dans une décision ultérieure à l’arrêt suisse le BGH allemand a admis la théorie du contrat avec effet pro-tecteur de tiers également dans des cas où les intérêts du créancier et du tiers sont opposés. Cf. BGH, Urteil vom 25 September 2008 - VII ZR 35/07, consid. 17 ; MüKo-Gottwald, § 328 N 185.

46 TF 4A_226/2010 du 28 juillet 2010.

47 TF 4A_226/2010 du 28 juillet 2010, consid. 3.2.2.

48 ATF 134 III 643, consid. 5.3.2 ; ATF 130 III 28, consid. 4.4 ; ATF 129 III 135, consid.

2.3.1.

La doctrine, quant à elle, est partagée 49. L’institution du contrat avec effet protecteur de tiers est souvent envisagée dans le contexte de la respon-sabilité fondée sur la confiance et du rapport de protection légale 50.

Examiner la question de savoir si le contrat avec effet protecteur de tiers doit être reconnu en droit suisse dépasse toutefois le cadre de notre recherche. Force est de constater que la reconnaissance de cette institution pourrait porter atteinte à la prévisibilité du droit et à la sécurité juridique.

Ce d’autant plus qu’entre parties à un contrat, l’invention jurispruden-tielle ex post factum d’obligations accessoires, fondées sur les règles de la bonne foi (CC 2 I), permet déjà une extension considérable des obligations que les parties ont expressément envisagées et assumées 51. Par ailleurs, en Allemagne, le contrat avec effet protecteur pour des tiers sert à pallier des déficits en droit de la responsabilité civile. Or une telle nécessité n’existe pas en droit suisse.

Toutefois, compte tenu de la position du Tribunal fédéral et d’une partie de la doctrine favorable au contrat avec effet protecteur des tiers, il n’est pas à exclure que cette institution soit reconnue en droit suisse dans le futur. C’est pourquoi il convient d’énumérer brièvement les conditions d’application du contrat avec effet protecteur de tiers, à savoir la proximité avec la prestation (a), la proximité avec le créancier (b), la reconnaissabilité (c), la nécessité de protection (d) et les conditions usuelles de la responsa-bilité contractuelle (e). Dans un second temps, nous examinerons si ces conditions peuvent venir au secours de l’ayant droit économique dans une action contre la banque.

49 Favorables BSK OR-Wiegand, Einl. Art. 97-109, N 9 ; BSK OR-Zellweger-Gutknecht Art. 112, N 22 ss ; Gauch / Schluep / Emmenegger, pp. 362 ss ; Chaix, pp. 250 ss ; BK-Kramer / Schmidlin, Allgemeine Einleitung in das schweizerische Obligationen-recht, N 144 ss ; Loser-Krogh, pp. 583 ss ; contra CR CO-Thevenoz, Art. 97 N 48 ; Honsell, pp. 947 ss ; Engel, N 22 ss ; Schwenzer OR AT, N 87.05 ; Pichonnaz, p. 75 ; Piotet (Une théorie juridique allemande), pp. 340 ss.

50 Cf. CR CO-Thevenoz, Art. 97 N 47.

51 Ibidem.