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L'internationalisation du droit suisse du travail

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. L'internationalisation du droit suisse du travail. In: Thomas Geiser, Hans Schmid, Emil Walter-Busch (Hrsg.). Arbeit in der Schweiz des 20. Jahrhunderts :

wirtschaftliche, rechtliche und soziale Perspektiven . Bern : P. Haupt, 1998. p. 455-467

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12323

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L'internationalisation du droit suisse du travail

GABRIEL AUBERT'

Sommaire

Résumé ... 455

1. Introduction ... 456

II. L'impact sur le droit en vigueur ... 456

A. L'Organisation Internationale du Travail ... 456

B. Le Conseil de I·Europe ... 458

C. L'Organisation des Nations Unies ... 459

D. L'Union Européenne ... 461

III. L'impact dans l'avenir proche ... 462

IV. L'avenir plus lointain ... 465

V. Perspective mondiale ... 466

Résumé

,

Le droit suisse subit, naturellement, l'influence du droit international. Exa- minant l'apport des règles adoptées dans le cadre de l'Organisation Interna- tionale du Travail, des Nations Unies, du Conseil de l'Europe et de l'Union Européenne, l'auteur parvient à la conclusion que les nonnes qui ont, ac- tuellement, le plus d'effet sur le droit suisse sont celles émanant d'organisa- tions dont la Suisse ne fait pas partie.

Professeur ordinaire (droit du travail) à la faculté de droit de l'Université de Genève et suppléant au tribunal fédéral.

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1. Introduction

Parmi les normes internationales qui exercent une influence sur le droit suisse du travail, on peut distinguer celles qui émanent d'organisations ap- partenant à la galaxie des Nations Unies d'avec celles qui ont été adoptées sur le plan européen.

Dans le cadre de la galaxie des Nations Unies, l'on doit considérer, en pre- mier lieu, l'Organisation Internationale du Travail, dont la Suisse est mem- bre depuis l'origine. il faut tenir compte, également, du Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Sur le plan européen vient au premier rang, chronologiquement, la Con- vention européenne des droits de l'homme. Il s'y ajoute les nombreuses normes adoptées par l'Union Européenne.

Nous voudrions examiner l'impact de ces instruments sur le droit suisse du travail, en distinguant le droit en vigueur (II), l'avenir proche (m) et l'avenir plus lointain sur le plan européen (IV) et sur le plan mondial (V).

Paradoxalement, l'on constatera que les normes qui jouent, pour la Suisse, le rôle le plus marquant sont celles édictées par l'Union européenne et les Nations Unies, dont notre pays ne fait pas partie. En revanche, l'Organi- sation Internationale du Travail et le Conseil de l'Europe, dont nous sommes membres, ne présentent, sur notre thème, qu'un intérêt moindre.

II. L'impact sur le droit en vigueur A. L'Organisation Internationale du Travail

De la création de l'O.I.T. jusqu'à la seconde guerre mondiale, les rapports entre la Suisse et cette organisation furent étroits. Il n'est pas besoin de rappeler que, dès la fin du XIXe siècle, le gouvernement suisse déploya des efforts remarquables en vue de l'adoption de conventions internationales dans le domaine du travail et qu'il participa pleinement aux activités de

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L'internationalisation du droit suisse du travail

l'O.I.T. naissantel . Parallèlement, les conventions votées par la Conférence internationale du travail ont exercé une influence réelle sur notre droit, que le parlement a parfois modifié afin de le rendre conforme aux engagements internationaux de la Suisse2.

Depuis la seconde guerre mondiale, notre pays a pris une attitude passive.

Comme il le confirmait à l'occasion du cinquantenaire de cette organisa- tion, le Conseil fédéral ne propose la ratification d'une convention de l'O.I.T. que si notre droit interne y est déjà conforme. Le gouvernement ne propose jamais une révision législative dans le seul dessein de permettre la ratification de conventions internationales du travail3.

A ce jour, la Suisse a ratifié moins d'un tiers des conventions adoptées par l'O.I.T. depuis sa création'.

Ainsi, compte tenu de notre politique de ratification, les conventions inter- nationales du travail n'exercent guère d'impulsion sur le développement du droit suisseS.

Il peut arriver, cependant, qu'une convention internationale produise un effet de verrou, c'est-à-dire empêche une interprétation ou une modifica- tion du droit interne qui entraînerait la suppression d'un avantage acquis par les travailleurs. Un exemple de ce phénomène touche le travail de nuit des femmes. Dans les années quatre-vingt, le Département fédéral de l'économie publique refusait à une entreprise de l'industrie horlogère

Voir le rapport du Conseil fédéral à 1" Assemblée fédérale sur la 52e session de la Conférence internationale du travail, du 16 avril 1969, FF 1969 1725 ss. Cf. aussi Dominique GRoBm, La Suisse aux origines du droit ouvrier, Zurich 1979, p. 195 ss.

2 Voir Alexandre BERENSTEIN, L'influence des conventions internationales du travail sur la législation suisse, Revue internationale du [rayai} 1958, p. 563 ss.

3 Rapport précité, p. 729-730; voir aussi; Nicolas VALTICOS, L'attitude de la Suisse à l'égard des conventions internationales du travail, Revue de droit suisse 1981 1 136;

Helen U. KNEUBÜHLER. Die Schweiz aJs Mitglied der IntemationaJen Arbeitsorga- nisation, Berne 1982, p. 66 ss.

4 Hector G. BARTOlOMEl de La Cruz et Alain EUZEBY, L'Organisation IntemationaJe du Travail, Paris 1997, p. 70 et 122.

5 On trouve cependant un exemple du contraire en droit de la sécurité sociale: voir la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances sur la réduction des prestations de l'assurance-invaJidité et de l'assurance-accidents professionnels en cas de faute grave non intentionnelle (A TF 119 V 171).

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l'autorisation de faire travailler des femmes la nuit. Il se fondait, en parti- culier, sur la convention no 89 de l'OJ.T.6 Toutefois, l'effet de verrou dé- ployé par cette convention n'a pas duré très longtemps. La Suisse a dénon- cé ce texte en 19927. Depuis lors, en 1998, le parlement a révisé la loi fédé- rale sur le travail, qui interdit (et autorise) le travail de nuit des hommes et des femmes aux mêmes conditions, sous réserve de la protection particu- lière liée à la maternité8.

B. Le Conseil de l'Europe

La convention européenne des droits de l'homme garantit la liberté d'association, c'est-à-dire un aspect important de la liberté syndicale (art.

II CEDH). Dans le domaine du travail, cette garantie ne dépasse pas celle découlant de l'art. 56 de la constitution fédérale, de sorte que, de ce point de vue, la convention ne déploie aucun impact particulier sur le droit suisse.

Quant à la Charte sociale européenne, adoptée par le Conseil de l'Europe, la Suisse l'a signée, mais non pas ratifiée. Après avoir refusé une telle rati- fication, le Parlement a repris ses débats. La principale pierre d'achoppe- ment est le droit de grève des fonctionnaires9.

C'est dire que les conventions élaborées dans le cadre du Conseil de l'Europe n'ont guère d'impact, actuellement, Sur le droit suisse du travail.

6 Droit du travail et assurance-chômage 1984 p. 156; dans le même sens, ATF 1161b 281 et 296.

7

8

9

Message concernant la modification de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 2 février 1994, Feuille fédérale 1994 Il 160-161.

Voir les an. 16 et 17 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, telle que modifiée le 20 mars 1998, Feuille fédérale 1998 Il 1160 (au moment où ces lignes sont écrites, on ignore si la révision sera frappée d'un réfé- rendum); sur cette révision, voir en dernier lieu Je rapport de la commission de J'économie et des redevances du Conseil national, Feuille fédérale 1998 II 1128.

Voir le rapport de la commission de la sécurité sociale el de la santé publique du Conseil national sur la ratification de la Charte socia1e européenne, Feuille fédérale 1996 Il 717, ainsi que \' avis du Conseil fédéral sur ce rapport, Feuille fédérale 1996 IV 1273.

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L'internationalisation du droit suisse du travail

C. L'Organisation des Nations Unies

Le Tribunal fédéral n'a pas encore expressément tranché la question de sa- voir si le travailleur est protégé contre un licenciement motivé par sa parti- cipation à une grève. Il a seulement dit, en 1985, que, supposé qu'une telle protection existe, le travailleur ne pourrail en bénéficier que si la grève, premièrement, est déclenchée par un syndicat; deuxièmement, a pour objet la réglementation des conditions de travail; troisièmement, ne viole pas une obligation de paix et, quatrièmement, respecte le principe de la proportion- nalité (le lecteur reconnaîtra ici l'influence du droit allemand sur la juris- prudence suisse en cette matière)lO. En d'autres termes, le Tribunal fédéral, sans poser le principe, a énoncé les conditions qu'il appliquerait si ce prin- cipe devait être reconnu.

L'article 8 al. 1 du Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vigueur pour la Suisse depuis le 19 septembre 199211 , oblige les parties contractantes à garantir le droit de grève confor- mément à la législation nationale. La question qui surgit est de savoir si cette disposition comporte une protection du gréviste contre le licencie- ment, dont un travailleur suisse pourrait se prévaloir devant les tribunaux.

On verrait mal que la garantie du droit de grève, selon le Pacte 1, interdise seulement aux États contractants de réprimer la cessation de travail comme une infraction pénale. La garantie effective du droit de grève suppose, au contraire, que le travailleur puisse l'exercer sans craindre de perdre son emploi, à tout le moins lorsque la grève satisfait aux conditions de licéité posées par le droit national.

Certes, il est généralement admis que le Pacte 1 renferme des normes "pro- grammatiques", qui s'adressent au législateur et non pas aux tribunaux, de sorte que les particuliers ne peuvent pas en demander le respect devant ces derniers. Toutefois, cette opinion n'est pas absoluel2.

10 ATF III 11 257-258.

11 Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux el culturels (ci- après: Pacle J, RS 0.103.1).

12 Sur ces questions, Walter KALIN/Giorgio MALlNVERNIIManfred NOWAK. Die Schweiz und die UNO-Menschenrechtspakte. La Suisse et les Pactes des Nations Uniesrelatifs aux droits de l'homme, 2e éd., Bâle 1997, p. 73 ss. et 124 SS.

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En premier lieu, on ne saurait considérer que toutes les dispositions du Pacte 1 revêtent un simple caractère "prograrnmatique", en vertu duquel le juge ne pourrait pas les mettre en oeuvre. Il faut plutÔt se demander dans chaque cas si le contenu de la norme invoquée est suffisamment clair et déterminé pour servir de base à une décision judiciairel3 . Dans sa jurispru- dence récente, le Tribunal fédéral n'a nullement considéré qu'aucune dis- position du Pacte 1 ne pourrait remplir cette condition; au contraire, il scrute chaque norme invoquée pour dire s'il y a lieu de la reconnaître comme "self executing"14. Selon les termes du Tribunal fédéral, "il n'est pas exclu ( ... ) que l'une ou l'autre des normes du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels puisse être considérée comme directe- ment applicable"15. Dans cette perspective, l'on doit retenir qu'une règle interne autorisant le licenciement de tout gréviste viderait de sa substance la protection découlant de l'art. g al. 1 du Pacte 1 et serait contraire à ce dernier. Le Tribunal fédéral ne saurait l'appliquerI6. Demeure réservée la compétence, laissée aux États contractants, de déterminer les conditions de Iicéité de la grève. Or, ces conditions ont déjà été posées par le Tribunal fé- dérai, de sorte que rien ne s'oppose à l'application du principe qui se dé- gage de l'art. 8 al. 1 du Pacte.

En second lieu, lorsqu'il interprète une norme de droit privé, le juge doit préférer la solution qui garantit le mieux l'exercice des droits fondamen- taux, tels qu'ils sont ancrés notamment dans les traités internationauxl7 . Ainsi, dans la mesure où la Suisse est liée par une obligation internationale de garantir le droit de grève, les tribunaux ne pourront pas admettre que toute

13 ATF 121 V 248-249; 120 la Il.

14 P. ex. ATF 121 V 232-233; 121 V 250; 120 la 12-13; plus sommaire: ATF 1221 103; d'un autre avis. Jean Fritz STOCKLl, Das Streikrecht in der Schwciz, Basler Juristische Mitteilungen 1997, p. 172-173; également sceptique, B~atrice AUBERT- l'IGUET, L'exercice du droit de grève, Pratique juridique actuelle (pJA) 1996, p.

1501.

15 ATF 121 V 250; voir aussi 121 V 232.

16 Sur la primauté du traité international, cf. ATF 122 11 487, commenté par Astrid EPINEY in AJP 1997, p. 351. Pour une opinion plus réservée. s'agissant en particu- lier des rapports entre le traité et une loi postérieure contraire. Yvo HANGARlNER, Das Verhliltnis von V olkerrecht und Landesrecht, Revue suisse de jurisprudence 1998, p. 201 ss; voir aussi une note du même auteur, in PJA 1997, p. 634.

17 Voir HANGARTNER, RSJ 1998, p. 202, avec réf.

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L'internationalisation du droit suisse du travaiJ

grève autorise l'employeur à résilier le contrat de travail, avec effet immédiat ou même moyennant respect du délai de congé, faute de quoi serait vidée de sa substance la protection découlant du traité. Au contraire, vu l'article 8 al. 1 du Pacte, il devra retenir qu'une grève licite constitue une activité syn- dicale conforme au droit. Or, si le travailleur est licencié parce qu'il a exercé une activité syndicale conforme au droit, le congé est abusif, de sorte que l'employeur doit être condamné à payer à l'intéressé une indemnité, dont le maximum est de six mois de salaire (art. 336 al. 2 let. b et 336a CO).

Ainsi, le droit international élaboré dans le cadre de l'Organisation des Na- tions Unes oblige la Suisse à reconnattre le droit de grève. Le droit interne peut préciser les conditions de licéité de la grève. Paradoxalement, le droit suisse a fixé les conditions de la grève licite (dans le cadre de la jurispru- dence) avant de proclamer le principe, qui est désormais acquis en vertu de nos engagements internationaux.

D. L'Union Européenne

A l'occasion de l'exercice Eurolex, antérieur au rejet du Traité sur l'Espace Économique Européen (EEE), le législateur suisse a préparé l'harmoni- sation. partielle du droit interne du travail avec le droit communautaire.

Malgré l'échec de l'EEE, le parlement a réalisé cette harmonisation18, en révisant de façon fondamentale les dispositions du code des obligations relatives aux licenciements collectifs et aux transferts d'entreprise, ainsi

qu'en adoptant une loi fédérale sur la participationl9 . Comme le montre la

jurisprudence publiée du Tribunal fédéral, les effets du droit européen se sont déjà fait sentir aussi bien dans le domaine des licenciements colle- ctifs20 que dans celui des transferts d' entreprise21 .

18 Voir en dernier lieu le message du Conseil fédéral sur Je programme consécutif au rejel de l'Accord EEE, Feuille fédérale \993 [ 815, 8\8 el 829. Voir aussi STOCKLl, Schweizerisches Arbeitsrecht und europfusche Integration, Revue de droit suisse

1993 Il lss; Gabriel AUBERT, Le droit suisse du travail face à l'intégration euro- péenne, Revue de droit suisse 1993 Il 15755.

19 Loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises.

R.S.822.\4.

20 ATF \23 1lI 180.

2\ ATF \23 1lI 468.

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Il s'agit là d'un véritable phénomène de réception de règles juridique adoptées par une instance internationale (la Communauté européenne). Le droit de l'OJ.T. n'ajamais connu, en Suisse, un tel accueil.

III. L'impact dans l'avenir proche

1. Depuis le rejet, par le peuple et les cantons, du traité sur l'Espace éco- nomique européen, le Conseil fédéral souhaite conclure des accords bilaté- raux avec l'Union européenne. L'un des textes actuellement négociés tou- che la libre circulation des personnes et des services.

Selon le régime actuel, l'employeur ne peut Occuper un travailleur étranger que s'il se trouve au bénéfice d'une autorisation administrative. Pour obte- nir celle dernière, il doit accorder au travailleur les conditions de travail dont bénéficie la main-d'oeuvre suisse dans son entreprise ou dans sa bran- che. En pratique, ce système permet d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail à toutes les entreprises occupant de la main-d'oeuvre étrangère. L'autorisation administrative déploie des effets de droit civil, de sorte que le travailleur peut en obtenir le respect devant les tribunaux du travail22 .

Si la Suisse concluait un accord prévoyant la libre circulation des tra- vailleurs et (dans une mesure limitée) la libre prestation des services, le ré- gime de l'autorisation administrative tomberait. Il s'ensuivrait un risque de sous-enchère de la main-d'oeuvre étrangère, dont les conséquences politi- ques ne seraient pas à négliger.

C'est la raison pour laquelle dans divers milieux, dont l'administration, l'on envisage certaines modifications législatives, qui devraient permettre de faire face à l'internationalisation du marché du travail. Les indications ci-dessous reflètent des discussions informelles, qui n'ont pas encore abouti à des conclusions. Il n'existe pas de document publié sur ces sujets.

22 Art. 9 de J'ordonnance du Conseil fédéral limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre \986, R.S. 823.2\ et l'art. 342 al. 2 CO.

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L'internationalisation du droit suisse du travail

3. a) Le premier projet toucherait le contrat-type de travail.

Comme on sait, aujourd'hui, le contrat-type de travail n'a qu'une valeur supplétive: les parties peuvent y déroger librement. Dans certains cas, la dérogation doit revêtir la forme écrite, mais cette exigence ne restreint pas autrement la liberté des intéressés (art. 360 CO).

La sous-enchère salariale ne peut être combattue que si le contrat-type revêt un caractère impératif. L'on devrait envisager une modification du régime du contrat-type, afin de fixer des salaires minimum obligatoires.

Ainsi, si les salaires pratiqués par certaines entreprises étaient considéra- blement inférieurs à ceux usuels dans la localité, la branche ou la profes- sion, le contrat-type pourrait contenir des dispositions fixant des salaires minimaux, dans le dessein de combattre ou de prévenir les abus. Pour évi- ter que la sous-enchère soit le fait de salariés n'occupant qu'un emploi à court terme, il pourrait être prévu que les salaires minimaux s'appliquent également aux travailleurs qui ne sont actifs que temporairement dans le champ d'application du contrat-type.

S'inspirant de la pratique de certains cantons, le texte pourrait prévoir que les cantons fixant des salaires minimaux institueraient une commission tri- partite composée de représentants des partenaires sociaux et de l'État. Cette commission aurait pour tâche de proposer au gouvernement, le cas échéant, la modification, le maintien ou l'abolition des salaires minimaux.

Un tel succédané de la négociation collective ne saurait surprendre, puis- que, déjà sous le régime actuel, les conditions de travail des étrangers, tel- les que fixées par l'autorité administrative, sont en général le reflet des conventions collectives de la branche.

b) Contrairement à une idée trop répandue, les travailleurs qui bénéficient (directement ou indirectement) de la protection d'une convention collective travail sont proportionnellement moins nombreux en Suisse que dans d'autres pays. Ils représentent environ 50% de la main-d'oeuvre23 .

23 Cf. Jean-Claude PRINCE, L'impact des conventions collectives de travail en Suisse, Zurich 1994, p. 34·36; Dario LOPRENO, Conventions collectives de travail (CeT) en vigueur en Suisse au 1er mai 1994, La Vie économique 1995, no 10, p. 62.

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Certains milieux considèrent que le mécanisme d'extension du champ d'application des conventions collectives de travail est trop lourd pour permettre une protection satisfaisante des travailleurs.

Aujourd' hui, la convention ne peut être étendue que si sont respectés trois quorums: les employeurs (premier quorum) et les travailleurs (deuxième quorum) liés par la convention doivent respectivement former la majorité des employeurs et des travailleurs auxquels le champ d'application de la convention doit être étendu; en outre (troisième quorum), les employeurs liés par la convention doivent occuper la majorité de tous les travailleurs.

Des circonstances particulières permettent de renoncer au deuxième quo- rum24. En pratique, cette dérogation joue un rôle non négligeable.

Depuis de nombreuses années, il est proposé d'assouplir les conditions de l'extension du champ d'application des conventions collectives de travail.

L'on pourrait par exemple ne retenir qu'un seul quorum, en exigeant que les employeurs liés par la convention occupent plus de la moitié des tra- vailleurs auxquels le champ d'application de la convention doit être étendu25.

c) Selon notre droit international privé, sauf élection de droit, le droit suisse ne s'applique pas aux rapports de travail exécutés en Suisse lorsque le tra- vailleur n'y accomplit pas habituellement son travail (art. 121 al. 1 LOIP).

Il s'ensuit que les travailleurs détachés pour une courte période par une entreprise étrangère ne sont pas régis par le droit suisse (sous réserve des lois d'application immédiate, dont la portée est discutée).

Il est donc envisagé que la Suisse adopte (comme l'Allemagne) une loi sur le détachement des travailleurs, en vertu de laquelle, même si leur contrat n'est pas soumis au droit suisse, les travailleurs détachés bénéficieraient obligatoirement des conditions de travail et de salaire prescrites dans des lois fédérales, des ordonnances du Conseil fédéral, des conventions collec- tives déclarées de force obligatoire ou des contrats-types de travail en ce qui concerne les conditions de travail importantes, soit: la durée du travail

24 Art. 2 ch. 3 de la loi fédérale permettant d'éteodre le champ d'application de la con·

vention collective de travail, R.S. 221.215.3 t 1.

25 Pour l'examen de différentes solutions, cf. Hans Peter TSCHUDI. Die Revision des BuodesgeselZes über die AYE von GAY, AJbeitsrechdicbe Mitteilungen 1986, p. 61.

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L'internationalisation du droit suisse du travail

et du repos; la durée minimale des vacances; la rémunération; la sécurité, la santé et l'hygiène au travail; la protection des femmes enceintes et accou·

chées, des enfants et des jeunes; l'égalité de traitement entre femmes et hommes; les conditions de mise à disposition des travailleurs, en particulier par des entreprises de travail intérimaire.

Une telle réglementation permettrait, en particulier, de faire face à la sous·

enchère que pourrait provoquer la prestation de services par des entreprises sises à l'étranger.

A noter, d'ailleurs, que l'Union Européenne a adopté une directive sur le détachement des travailleurs, qui aura des effets sur un tel détachement, en direction de la Communauté, par des entreprises sises en Suisse26.

IV. L'avenir plus lointain

Des accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse n'auraient pas la même portée que le Traité sur l'Espace Économique Européen. A notre connaissance, il n'est pas prévu que la Suisse doive faire sien l'acquis communautaire, comme ce fut le cas dans le cadre de l'exercice Eurolex.

Il n'en reste pas moins que, à la longue, l'Union Européenne pourra diffi·

cilement accepter que, dans un marché commun du travail (créé par la libre circulation des travailleurs), la Suisse se tienne à l'écart du droit commu·

nautaire du travail. Il faut donc s'attendre que, dans le prolongement de Swisslex, de nouvelles modifications du droit suisse du travail soient mises en chantier, qui viseront à l'adaptation de notre législation au droit corn·

munautaire.

On peut distinguer à cet égard deux groupes de textes.

D'une part, ceux auxquels nous nous sommes déjà efforcés de rendre con·

forme notre ordre juridique, mais qui, depuis lors, ont été modifiés ou sont en passe de l'être. Il s'agit en particulier de la directive de 1975 sur les li·

cenciements collectifs ou de celle de 1977 sur les transferts d'entreprises27 .

26 Britta BONFRANCHI-GEB, Hintergrund und Tragweite der "Entsenderichtlinie" der Europiiischen Union, Recht 1997. p. 225.

27 Sur ces matières, cf. Roger BLANPAINlMarlene SCHMIDTlUirike SCHWEmERT, Euro- piii,ches Arbeitsrecht. 2ème éd. Baden-Baden 1996, p. 316 et 333.

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D'autre part, de nouveaux textes ont été adoptés par l'Union européenne, dans le domaine desquels aucun effort d'hannonisation systématique n'a encore été fourni en Suisse. Il s'agit des directives sur l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail, de 1991; sur les travailleuses enceintes, accou- chées ou allaitantes, de 1992; sur l'aménagement du temps de travail, de 1993; sur le comité d'entreprise européen, de 1994 vrai dire déjà mise en oeuvre par plusieurs grandes entreprises, soit suisses, soit étrangères, mais disposant de filiales dans notre pays); sur la protection des jeunes au tra- vail, de 1994; sur le congé parental, de 1996; sur le travail à temps partiel, de 1997; ainsi que des projets relatifs à la représentation des travailleurs dans les sociétés anonymes28

v. Perspective mondiale

Le droit suisse du travail s'est développé, dans la seconde moitié de ce siè- cle, en étapes que délimitent assez bien les cinq décennies successives. Du- rant les années cinquante intervint la refonte du droit collectif (art. 356ss CO et la loi fédérale sur l'extension du champ d'application des conven- tions collectives de travail); durant les années soixante, celle du droit public du travail (loi fédérale sur le travail); durant les années soixante-dix, celle du droit du contrat individuel de travail (art. 319 ss CO). Pendant les an- nées quatre-vingt, le parlement procéda à diverses révisions partielles aussi bien du droit public que du droit privé (en particulier, révision du droit des vacances et du licenciement, réglementation de la location de services). Les efforts déployés durant les années quatre-vingt-dix visèrent principalement au rapprochement du droit suisse et du droit européen (réglementation des licenciements collectifs et des transferts d'entreprise, lois fédérales sur la participation et sur l'égalité). Comme on l'a dit, la première décennie du siècle prochain verra sans doute se renforcer cet effort de rapprochement, dans le cadre de relations plus étroites.

28 BLANPAINISCHMIDTISCHWEIBERT, p. 217 SS, 224 SS, 231 SS, 281 SS, 286 SS, 365 SS., 37755. La révision de la loi fédérale sur le travail, de 1998, s'inspire en partie de la directive européenne de 1992 sur la maternité.

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L'internationalisation du droit suisse du travail

Ainsi, sur le plan des conditions de travail, les conditions de concurrence s'harmonisent progressivement au sein de l'Union européenne et dans nos rapports' avec cette dernière. Cependant, d'autres concurrents - non moins redoutables - surviennent ailleurs, que ce soit en Europe (les anciennes dictatures socialistes) ou plus loin, en Asie.

Lors de la naissance du droit fédéral du travail à la fin du siècle dernier, la Suisse s'est montrée sensible à la nécessité d'harmoniser les conditions de travail dans les pays concurrents; ses préoccupations étaient essentielle- ment d'ordre économique. L'harmonisation mondiale, rêvée lors de la créa- tion de l'Organisation Internationale du Travail, en 1919, a largement échoué. Mais le problème demeure. Même si, récemment, le dossier a été retourné au Bureau International du Travail, rien n'exclut que, malgré ses hésitations, l'Organisation Mondiale du Commerce ne devienne un forum particulièrement approprié pour débattre de ce problème. On peut se de- mander, en effet, si la garantie des droits fondamentaux des travailleurs, sur le plan mondial, ne trouvera pas de meilleures bases dans des traités com- merciaux autorisant, en cas de violation, des sanctions économiques.

Le droit suisse du travail rejoint progressivement le droit européen. TI y a moins de dix ans, cette direction était franchement originale. Ce qui n'est pas nouveau, en revanche, ce sont les préoccupations causées par la concur- rence mondiale. Elles se manifestaient lors de la naissance du droit fédéral du travail. Elles se manifestent encore maintenant. Les percées réalisées dans l'Union européenne se sont produites sans aucun concours de la Suisse. Notre pays contribuera-t-il à un progrès sur le plan mondial?

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