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L'impact dans l'avenir proche

D. L'Union Européenne

III. L'impact dans l'avenir proche

1. Depuis le rejet, par le peuple et les cantons, du traité sur l'Espace éco-nomique européen, le Conseil fédéral souhaite conclure des accords bilaté-raux avec l'Union européenne. L'un des textes actuellement négociés tou-che la libre circulation des personnes et des services.

Selon le régime actuel, l'employeur ne peut Occuper un travailleur étranger que s'il se trouve au bénéfice d'une autorisation administrative. Pour obte-nir celle dernière, il doit accorder au travailleur les conditions de travail dont bénéficie la main-d'oeuvre suisse dans son entreprise ou dans sa bran-che. En pratique, ce système permet d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail à toutes les entreprises occupant de la main-d'oeuvre étrangère. L'autorisation administrative déploie des effets de droit civil, de sorte que le travailleur peut en obtenir le respect devant les tribunaux du travail22 .

Si la Suisse concluait un accord prévoyant la libre circulation des tra-vailleurs et (dans une mesure limitée) la libre prestation des services, le ré-gime de l'autorisation administrative tomberait. Il s'ensuivrait un risque de sous-enchère de la main-d'oeuvre étrangère, dont les conséquences politi-ques ne seraient pas à négliger.

C'est la raison pour laquelle dans divers milieux, dont l'administration, l'on envisage certaines modifications législatives, qui devraient permettre de faire face à l'internationalisation du marché du travail. Les indications ci-dessous reflètent des discussions informelles, qui n'ont pas encore abouti à des conclusions. Il n'existe pas de document publié sur ces sujets.

22 Art. 9 de J'ordonnance du Conseil fédéral limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre \986, R.S. 823.2\ et l'art. 342 al. 2 CO.

L'internationalisation du droit suisse du travail

3. a) Le premier projet toucherait le contrat-type de travail.

Comme on sait, aujourd'hui, le contrat-type de travail n'a qu'une valeur supplétive: les parties peuvent y déroger librement. Dans certains cas, la dérogation doit revêtir la forme écrite, mais cette exigence ne restreint pas autrement la liberté des intéressés (art. 360 CO).

La sous-enchère salariale ne peut être combattue que si le contrat-type revêt un caractère impératif. L'on devrait envisager une modification du régime du contrat-type, afin de fixer des salaires minimum obligatoires.

Ainsi, si les salaires pratiqués par certaines entreprises étaient considéra-blement inférieurs à ceux usuels dans la localité, la branche ou la profes-sion, le contrat-type pourrait contenir des dispositions fixant des salaires minimaux, dans le dessein de combattre ou de prévenir les abus. Pour évi-ter que la sous-enchère soit le fait de salariés n'occupant qu'un emploi à court terme, il pourrait être prévu que les salaires minimaux s'appliquent également aux travailleurs qui ne sont actifs que temporairement dans le champ d'application du contrat-type.

S'inspirant de la pratique de certains cantons, le texte pourrait prévoir que les cantons fixant des salaires minimaux institueraient une commission tri-partite composée de représentants des partenaires sociaux et de l'État. Cette commission aurait pour tâche de proposer au gouvernement, le cas échéant, la modification, le maintien ou l'abolition des salaires minimaux.

Un tel succédané de la négociation collective ne saurait surprendre, puis-que, déjà sous le régime actuel, les conditions de travail des étrangers, tel-les que fixées par l'autorité administrative, sont en général le reflet des conventions collectives de la branche.

b) Contrairement à une idée trop répandue, les travailleurs qui bénéficient (directement ou indirectement) de la protection d'une convention collective travail sont proportionnellement moins nombreux en Suisse que dans d'autres pays. Ils représentent environ 50% de la main-d'oeuvre23 .

23 Cf. Jean-Claude PRINCE, L'impact des conventions collectives de travail en Suisse, Zurich 1994, p. 34·36; Dario LOPRENO, Conventions collectives de travail (CeT) en vigueur en Suisse au 1er mai 1994, La Vie économique 1995, no 10, p. 62.

Certains milieux considèrent que le mécanisme d'extension du champ d'application des conventions collectives de travail est trop lourd pour permettre une protection satisfaisante des travailleurs.

Aujourd' hui, la convention ne peut être étendue que si sont respectés trois quorums: les employeurs (premier quorum) et les travailleurs (deuxième quorum) liés par la convention doivent respectivement former la majorité des employeurs et des travailleurs auxquels le champ d'application de la convention doit être étendu; en outre (troisième quorum), les employeurs liés par la convention doivent occuper la majorité de tous les travailleurs.

Des circonstances particulières permettent de renoncer au deuxième quo-rum24. En pratique, cette dérogation joue un rôle non négligeable.

Depuis de nombreuses années, il est proposé d'assouplir les conditions de l'extension du champ d'application des conventions collectives de travail.

L'on pourrait par exemple ne retenir qu'un seul quorum, en exigeant que les employeurs liés par la convention occupent plus de la moitié des tra-vailleurs auxquels le champ d'application de la convention doit être étendu25.

c) Selon notre droit international privé, sauf élection de droit, le droit suisse ne s'applique pas aux rapports de travail exécutés en Suisse lorsque le tra-vailleur n'y accomplit pas habituellement son travail (art. 121 al. 1 LOIP).

Il s'ensuit que les travailleurs détachés pour une courte période par une entreprise étrangère ne sont pas régis par le droit suisse (sous réserve des lois d'application immédiate, dont la portée est discutée).

Il est donc envisagé que la Suisse adopte (comme l'Allemagne) une loi sur le détachement des travailleurs, en vertu de laquelle, même si leur contrat n'est pas soumis au droit suisse, les travailleurs détachés bénéficieraient obligatoirement des conditions de travail et de salaire prescrites dans des lois fédérales, des ordonnances du Conseil fédéral, des conventions collec-tives déclarées de force obligatoire ou des contrats-types de travail en ce qui concerne les conditions de travail importantes, soit: la durée du travail

24 Art. 2 ch. 3 de la loi fédérale permettant d'éteodre le champ d'application de la con·

vention collective de travail, R.S. 221.215.3 t 1.

25 Pour l'examen de différentes solutions, cf. Hans Peter TSCHUDI. Die Revision des BuodesgeselZes über die AYE von GAY, AJbeitsrechdicbe Mitteilungen 1986, p. 61.

L'internationalisation du droit suisse du travail

et du repos; la durée minimale des vacances; la rémunération; la sécurité, la santé et l'hygiène au travail; la protection des femmes enceintes et accou·

chées, des enfants et des jeunes; l'égalité de traitement entre femmes et hommes; les conditions de mise à disposition des travailleurs, en particulier par des entreprises de travail intérimaire.

Une telle réglementation permettrait, en particulier, de faire face à la sous·

enchère que pourrait provoquer la prestation de services par des entreprises sises à l'étranger.

A noter, d'ailleurs, que l'Union Européenne a adopté une directive sur le détachement des travailleurs, qui aura des effets sur un tel détachement, en direction de la Communauté, par des entreprises sises en Suisse26.

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