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La protection de l'offrant dans les offres publiques d'acquisition : la sécurité juridique à l'épreuve de la pratique

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Reference

La protection de l'offrant dans les offres publiques d'acquisition : la sécurité juridique à l'épreuve de la pratique

JENNY, Marie Catherine

Abstract

L'auteure étudie la position de l'offrant en droit suisse des offres publiques d'acquisition, sous l'angle de la sécurité juridique et de l'équité de ses rapports avec les destinataires de l'offre, la société visée et ses partenaires contractuels, et d'éventuels offrants concurrents. Vingt ans après l'entrée en vigueur de la réglementation des offres publiques d'acquisition, elle examine les risques et incertitudes auxquels l'offrant est confronté dans son projet d'acquisition, et elle avance des propositions de réforme pour améliorer la sécurité juridique. Fondée sur une approche à la fois théorique et pratique, la présente thèse estime inopportun que la réglementation ou la pratique des autorités de surveillance reportent sur l'offrant des risques qui incombent aux destinataires de l'offre à titre d'investisseurs dans la société visée, aussi longtemps que leurs titres de participation ne sont pas effectivement vendus. Elle démontre qu'affaiblir la position de l'offrant par une réglementation et une pratique qui lui sont défavorables est susceptible de compromettre l'effet modérateur des [...]

JENNY, Marie Catherine. La protection de l'offrant dans les offres publiques

d'acquisition : la sécurité juridique à l'épreuve de la pratique . Genève, etc. : Schulthess Editions Romandes, 2018, 594 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103939

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La sécurité juridique à l’épreuve de la pratique

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www.unige.ch/cdbf

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La protection de l’offrant dans les offres publiques d’acquisition

La sécurité juridique à l’épreuve de la pratique

Marie Jenny

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de Genève, 2009), et d’un LL.M. (Harvard Law School, 2015).

Thèse n° 940 de la Faculté de droit de l’Université de Genève.

Citation suggérée : Marie Jenny, La protection de l’offrant dans les offres publiques d’acquisition – La sécurité juridique à l’épreuve de la pratique, Publications du Centre de droit bancaire et financier, Genève / Zurich 2018, Schulthess Éditions Romandes

ISBN 978-3-7255-8694-3

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2018 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion et distribution en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine SPRL, Avenue Milcamps 119, B-1030 Bruxelles ; téléphone et télécopieur : +32 (0)2 736 68 47 ; courriel : patrimoine@telenet.be

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adapta- tion intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation ex- presse et écrite de l’éditeur.

Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek : la Deutsche Na- tionalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbiblio- grafie ; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Inter- net à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

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REMERCIEMENTS

Selon Albert Einstein, toute réalisation a d’abord été un rêve dans la tête de quelqu’un. C’est bien le cas du présent ouvrage. Il est le fruit d’un travail soli- taire ; néanmoins, de nombreuses personnes m’ont accompagnée dans cette odyssée et je voudrais leur témoigner ici ma gratitude.

J’exprime d’abord ma vive reconnaissance à mon directeur de thèse, M. le professeur Luc Thévenoz. Respectant constamment mon indépendance et mes prises de position, parfois aux antipodes des siennes, il m’a toujours encoura- gée et soutenue avec confiance dans mon effort et il m’a prodigué de précieux conseils et suggestions.

Je tiens également à remercier chaleureusement les membres de mon jury de thèse, MM. les professeurs Henry Peter et Rashid Bahar, et Me Jacques Iffland, avocat à Genève. Par leurs remarques et leurs réflexions à la fois judi- cieuses et bienveillantes, ils m’ont permis d’affiner ou de renforcer de nom- breux développements.

Mes vifs remerciements vont aussi à Me Frank Gerhard, avocat à Zurich, pour l’intérêt qu’il a porté à ma recherche et pour les encouragements qu’il m’a témoignés.

Parmi mes amis, M. Antoine Thélin, greffier auprès de la Ire Cour de droit civil du Tribunal fédéral, reçoit ici mes sincères remerciements pour sa relec- ture attentive du manuscrit et ses commentaires toujours francs.

Je remercie également Mme Ariane Tschopp, pour son travail remarquable dans la mise en page de cet ouvrage, ainsi que la Fondation suisse d’études, pour la confiance accordée.

Ma gratitude va encore à mon ami Valentin, pour ses nombreux encoura- gements et son appui moral constant, et à mes frères, pour leur soutien sans faille.

A toutes les étapes de mon parcours et jusque dans la présente réalisation, mes parents m’ont toujours soutenue et encouragée ; je leur dédie cet ouvrage.

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SOMMAIRE

Introduction générale 9

Chapitre 1

Le rôle de l’offrant dans le fonctionnement régulier

du marché des OPA 23

Chapitre 2

L’offre subordonnée à des conditions 73

Chapitre 3

L’accès de l’offrant aux informations concernant la société visée 157 Chapitre 4

La protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre 229 Chapitre 5

L’offrant face aux risques d’une action concertée 321 Chapitre 6

La protection de l’offrant contre des offres concurrentes 391 Chapitre 7

Les risques liés à l’exclusion des actionnaires résiduels 477

Conclusion générale 523

Summary 533

Liste des principales abréviations 541

Table des équivalences terminologiques 547

Bibliographie 549

Table des matières 583

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

I. Présentation du sujet

Les OPA portant sur des sociétés importantes en Suisse éveillent l’atten- tion d’un large public dans notre pays, au-delà du milieu des juristes impli- qués, et les opérations où des fleurons de l’industrie nationale passent sous contrôle étranger provoquent des réactions particulièrement vives dans les milieux de la politique et de l’économie. L’affaire Syngenta AG en est un exemple 1. Faut-il alors “protéger” l’offrant ? L’Etat ne doit-il pas plutôt intervenir pour protéger les secteurs industriels stratégiques suisses face à la menace de groupes étrangers ?

L’intérêt de cette recherche est né d’un constat. Paradoxalement, vingt ans après l’entrée en vigueur de la réglementation des OPA, d’abord inté- grée à la loi sur les bourses, puis à la loi sur l’infrastructure des marchés financiers dès le 1er janvier 2016 2, l’acquisition d’une société dont les titres de participation sont cotés en Suisse n’a jamais été aussi risquée pour l’au- teur d’une OPA en Suisse. Or, le modèle suisse est bâti sur le principe de la neutralité économique plutôt que sur des considérations protectionnistes 3. L’augmentation des risques liés à la présentation d’une offre a pour consé- quence une raréfaction importante des offres hostiles, et avec elle un affai- blissement de leur effet stimulant dans la gestion des sociétés cotées. Bien que d’autres facteurs puissent expliquer ce phénomène, en particulier le fait que le marché des capitaux réagisse fortement aux risques financiers, cette augmentation des risques conduit néanmoins à mettre en doute que le principe de la neutralité économique, pilier du droit des OPA, soit cor- rectement mis en œuvre.

1 A ce sujet, voir le prospectus de l’offre de China National Chemical Corporation, agis- sant par sa filiale indirecte CNAC Saturn (NL) B.V., aux actionnaires de Syngenta AG, du 8 mars 2016, ainsi que les décisions 0624/01 du 2 février 2016, 0624/02 du 7 mars 2016, 0624/03 du 29 avril 2016, et 0624/04 du 31 octobre 2016 dans l’affaire Syngenta AG.

2 Voir chiffre 11 de l’annexe à la loi du 19 juin 2015 sur l’infrastructure des marchés financiers (RO 2015 5339 ; FF 2014 7235).

3 Voir chapitre 1 : Le rôle de l’offrant dans le fonctionnement régulier du marché des OPA, p. 24 ss.

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D’ordinaire, le candidat à une acquisition ne présente une offre aux actionnaires d’une société cotée qu’après avoir longuement planifié et pré- paré son projet. La décision d’investir n’est pas anodine pour l’offrant.

Il doit mobiliser les capitaux nécessaires à son projet d’acquisition pen- dant toute la durée de la procédure d’offre et il doit supporter des frais importants, sans avoir la certitude que son projet aboutisse. Il n’engage donc les ressources nécessaires qu’en perspective d’un profit important.

Il présente une offre parce qu’il tient la valeur intrinsèque des titres de participation visés pour supérieure à leur cours boursier, et parce qu’il es- time pouvoir utiliser les ressources de la société mieux que ses dirigeants actuels.

Les OPA ont donc un rapport étroit avec la gouvernance des entre- prises. Elles conduisent à une meilleure utilisation des ressources en favo- risant une gestion des sociétés cotées par les personnes les plus aptes à les faire fructifier 4. C’est pourquoi il existe un intérêt public à ne pas entra- ver ni à rendre indûment risquée la tentative de prise de contrôle pour l’acquéreur d’une société cotée. Une réglementation ou une pratique ex- cessivement défavorables à l’offrant peuvent exercer un effet inhibiteur et dissuader le candidat de présenter une offre. Le marché des OPA est alors paralysé. La raréfaction des offres entraîne corrélativement celle des occa- sions, pour les actionnaires, de quitter une société dont ils détiennent des titres de participation. Surtout, les dirigeants en place ne sont pas incités par un mécanisme structurel de surveillance externe à gérer les affaires sociales avec diligence et professionnalisme, et leurs fonctions ne sont pas exercées par les personnes les plus compétentes.

Dans cette étude, nous examinerons brièvement les fondements de la législation suisse des OPA et le rôle de l’offrant en droit suisse des OPA.

Nous analyserons la problématique de l’insécurité juridique croissante à laquelle un offrant doit se confronter en Suisse. Nous étudierons les risques auxquels il s’expose à tous les stades de son projet d’acquisition et nous présenterons des propositions pour améliorer la prévisibilité juridique, re médier aux incertitudes et renforcer la protection de l’offrant en droit suisse des OPA.

4 Voir notamment Schenker (2009), p. 22 ss ; Bahar (2004), p. 191 s. ; Frei (1998), p. 129 ss ; recommandation 0066/01 du 4 juillet 2000 dans l’affaire Baumgartner Pa- piers Holding SA, consid. 1.4.1.

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Cette problématique n’est pas nouvelle mais elle a pris une tournure particulièrement aiguë avec la révision du droit des OPA entrée en vigueur en 2009 5 et ses modifications intervenues en 2013 6. En particulier, le ren- forcement de la situation procédurale des actionnaires qualifiés 7 a engen- dré de nouveaux risques pour l’offrant. Avant la révision, ces actionnaires n’avaient pas la possibilité de contester les recommandations de la COPA, de sorte que l’offrant pouvait s’y fier sans s’exposer à des contestations ulté- rieures. La situation a fondamentalement changé depuis le 1er janvier 2009, avec pour conséquence que l’offrant doit dorénavant assumer des risques de litiges qui mettent en cause la régularité de l’offre après qu’elle a été publiée, soit à un moment où elle ne peut plus être retirée.

L’approche adoptée dans la présente recherche est essentiellement libé- rale. Elle a néanmoins pour objectif de proposer un juste milieu dans le régime actuel des OPA qui est passé d’abord d’un système ultra-volontaire avec le Code des Offres Publiques d’Achat entré en vigueur le 1er septembre 1989 8, puis à un système semi-volontaire, la COPA énonçant seulement des “recommandations” 9, avec droit d’évocation de la CFB (FINMA) 10, et enfin à un système très réglementé et dominé par le droit administra- tif depuis 2009, où la COPA agit par des décisions contraignantes selon l’art. 5 PA 11.

A ce jour, la doctrine et la pratique se sont moins intéressées à la perspective de l’offrant et à sa protection dans le processus d’une offre qu’à la protection des investisseurs, ce qui correspond du reste à la ratio legis du droit des OPA. La loi sur l’infrastructure des marchés financiers poursuit ainsi le double objectif d’“assurer le bon fonctionnement […] des marchés des valeurs mobilières et des dérivés” et de garantir “la protection

5 Voir chiffre 16 de l’annexe à la loi du 22 juin 2007 sur la surveillance des marchés financiers (RO 2008 5207 ; FF 2006 2741).

6 Voir chiffre I de la modification du 28 septembre 2012 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (RO 2013 1103 ; FF 2011 6329).

7 Art. 139 al. 3 LIMF ; art. 56 al. 3, art. 57 et art. 58 OOPA.

8 Voir Böckli (2009), § 7, p. 815, no. 139 ; Peter (1990), p. 153 ss ; Peter / Bovey (2013), p. 4 ss, no. 10 ss ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 2 et 16 ad art. 22- 30 LBVM ; SK FinfraG-Barthold / Isler, no. 2 ad art. 125 LIMF.

9 Voir art. 23 al. 3, 3e phr., aLBVM (dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2008).

10 Voir art. 23 al. 4 aLBVM (dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2008).

11 Art. 139 al. 1 LIMF.

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des participants aux marchés financiers” 12. En matière d’OPA, la loi doit assurer le déroulement régulier du processus de prise de contrôle 13. Pour atteindre ces objectifs, la réglementation vise à garantir la loyauté et la transparence des OPA, ainsi que l’égalité de traitement des investisseurs 14. Parce que la réglementation joue un rôle décisif dans l’élaboration d’un équilibre entre les intérêts, tantôt convergents, tantôt divergents, de toutes les personnes impliquées dans un processus de prise de contrôle, il est im- portant que l’interprétation des règles par les autorités de surveillance des OPA ne compromette pas cet équilibre. Or exiger de l’offrant qu’il assume

12 Art. 1 al. 2 LIMF. A noter que la notion de “participants aux marchés financiers”

s’entend au sens large et englobe toutes les personnes qui participent aux marchés financiers suisses ; voir Message du 3 septembre 2014 concernant la loi sur l’infra- structure des marchés financiers, FF 2014 7235, p. 7264 s. Bien qu’elle ne ressortît pas expressément de la aLBVM, la protection des investisseurs n’en constituait pas moins un objectif du droit des OPA déjà sous l’empire de la aLBVM, le silence du texte s’expliquant parce que la loi n’avait pas pour but de sauvegarder le rendement des placements. Voir recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1 ; Message du 24 février 1993 concernant une loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, FF 1993 I 1269, p. 1294.

13 Art. 1 OOPA. Voir ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3 et 4.1 ; ATF 133 II 81 (ar- rêt Atel), consid.  4.3.2 ; décision 0410/05 du 13  décembre 2012 dans l’affaire Quadrant AG, consid. 7 ch. 99 ; recommandation 0329/01 du 22 août 2007 dans l’af- faire Unilabs S.A., consid. 2.3 ; recommandation 0293/02 du 31 octobre 2006 dans l’af- faire Saurer AG, consid. 3.2.2 ; recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1 ; recommandation 0070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1.3 ; recommandation 0066/01 du 4 juillet 2000 dans l’affaire Baumgartner Papiers Holding SA, consid. 1.4.1 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 5 s., no. 12 ; Böckli (2009), § 7, p. 813 s., no. 136 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 6 ad art. 1 OOPA ; Schenker (2009), p. 199 ; Peter / Bovey (2013), p. 31, no. 63 ; CR CO II-Bahar, no. 2 ad art. 125 LIMF ; Bilek (2011), p. 43 ss ; Bernet (1998), p. 79 s. ; von der Crone (1996), p. 45 s.

14 Art. 1 al. 2 LIMF et art. 1 OOPA. Voir notamment ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3 et 4.1 ; ATF 133 II 81 (arrêt Atel), consid. 4.3.2 ; décision 0410/05 du 13 décembre 2012 dans l’affaire Quadrant AG, consid. 7 ch. 99 ; décision 0610/01 du 21 juillet 2015 dans l’affaire Schindler Holding AG, consid. 3 ; recommandation 0329/01 du 22 août 2007 dans l’affaire Unilabs S.A., consid. 2.3 ; recommandation 0294/01 du 26 octobre 2006 dans l’affaire SIG Holding AG, consid. 3.1 ; recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1. Le principe de l’égalité de traitement régit non seulement les rapports entre la société visée et ses actionnaires, mais éga- lement les rapports entre l’offrant et les destinataires de l’offre (art. 127 al. 2 LIMF et art. 9 OOPA). Il impose aussi des devoirs au conseil d’administration de la société visée (art. 133 LIMF et art. 49 OOPA).

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des risques liés à la remise en cause d’une offre publiée, et donc irrévocable, ne peut qu’altérer cet équilibre en octroyant un avantage systématique au conseil d’administration de la société visée, en particulier en cas de prise de participation hostile. Il pourrait en résulter, si les autorités ne prêtaient pas suffisamment attention à ce problème, une distorsion malvenue du marché suisse des prises de contrôle.

Seuls quelques auteurs ont tenté d’alerter l’opinion et mis en évidence la détérioration de la situation de l’offrant depuis le développement de la réglementation en 2009 15. Notre approche est donc quelque peu sin- gulière dans le paysage juridique des OPA ; elle n’en demeure pas moins essentielle, car elle illustre deux vérités. D’une part, l’offrant est en règle générale également un investisseur, et il est à ce titre tout aussi digne de protection que les actionnaires passifs d’une société cotée. D’autre part, le fonctionnement régulier du marché suisse des valeurs mobilières, et en particulier du marché suisse des prises de contrôle, est aussi le garant de la protection des investisseurs 16. Une réglementation ou une pratique excessivement défavorables à l’offrant nuisent au fonctionnement régu- lier du marché des OPA et, indirectement, à la protection des actionnaires minoritaires. A l’extrême, une réglementation ou une pratique hostiles à l’offrant le dissuadent de présenter une offre, ce qui, corrélativement, prive les actionnaires d’occasions de vendre leurs titres de participation. Rendre l’acquisition d’une société cotée indûment risquée pour l’offrant revient à compromettre le fonctionnement régulier du marché suisse des capitaux et à porter atteinte aux intérêts des investisseurs, en contradiction avec l’un des principaux objectifs de la loi sur l’infrastructure des marchés financiers.

15 Voir Schärer / Gericke / Fankhauser (2016), p.  191  ss ; également Iffland / Diem (2010), p. 251, qui critiquent la pratique des autorités de surveillance des OPA en matière d’offres conditionnelles.

16 Le Tribunal fédéral a du reste souligné l’interdépendance entre la protection des investisseurs et le fonctionnement régulier du marché des capitaux. Voir ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3.1.2, dans lequel il relève, au sujet de la concurrence entre offrants : “Die Regelung konkurrierender Übernahmeangebote im Börsengesetz bzw. in der Übernahmeverordnung-UEK will auf dem Unternehmenskontrollmarkt zwischen den Anbietern einen Wettbewerb mit möglichst gleich langen Spiessen schaffen (sog. ‘level playing field’) und damit – im Interesse der Anleger – ein effizientes und wertmaximie- rendes Auktionsverfahren gewährleisten […].”

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II. Cadre de l’analyse

A. Généralités

Notre recherche s’inscrit dans le cadre analytique de la législation suisse applicable aux OPA, à savoir l’art. 2 let. i LIMF et les art. 125 ss LIMF ainsi que leurs ordonnances d’application (art. 30 ss OIMF-FINMA ; art. 116 ss OIMF ; OOPA) 17. La recherche se concentre ainsi sur l’acquisition de par-

17 Une OPA se définit comme “toute offre d’achat ou d’échange présentée publiquement aux détenteurs d’actions, de bons de participation, de bons de jouissance ou d’autres titres de participation (titres de participation)” (art. 2 let. i LIMF). La notion d’offre selon l’art. 2 let. i LIMF est plus large que celle des art. 3 ss CO : voir notamment Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 7, no. 17 ; Schenker (2009), p. 213 ; Peter / Bovey (2013), p. 14, no. 28 ; Reutter (2002), p. 51 ss. Elle englobe toute in- tention présentée publiquement d’intervenir sur le marché dans le but d’acquérir des titres de participation, pourvu que les actionnaires de la société visée soient invités à offrir leurs titres à la vente (“Einladung zu Offertstellung”) : voir Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 7 s., no. 17 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), cha- pitre 8, p. 369 s., no. 7 ; Schenker (2009), p. 213 ; Peter / Bovey (2013), p. 14, no. 28 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 27 ad art. 9 OOPA ; Reutter (2002), p. 52 ; recomman- dation 0225/03 du 18 mars 2005 dans l’affaire Forbo Holding AG, consid. 2.4.2 ; déci- sion de la Commission de régulation dans l’affaire Société Suisse de Ciment Portland, RSDA 1998 p. 251 s. La réglementation des OPA ayant principalement pour fonction de garantir la liberté de décision des détenteurs de titres de participation, l’invitation adressée aux actionnaires doit être suffisamment claire et déterminée pour déclencher chez eux une décision d’accepter ou de refuser l’offre (“Wahlmöglichkeit betreffend An- nahme oder Ablehnung”) : décision 0649/01 du 17 janvier 2017 dans l’affaire Orascom Development Holding AG, consid. 3 ; décision 0609/01 du 14 juillet 2015 dans l’affaire SHL Telemedicine Ltd., consid. 2 ; décision 0547/01 du 23 septembre 2013 dans l’affaire International Minerals Corporation, consid. 2 ; recommandation 0260/03 du 10 février 2006 dans l’affaire Berna Biotech AG, consid. 2.3. Le caractère public d’une offre n’est pas défini dans la loi. La pratique de la COPA retient qu’une offre remplit cette condi- tion lorsque le nombre de ses destinataires est élevé ou lorsqu’elle est publiée de telle manière qu’elle est destinée à atteindre un grand nombre de personnes (par ex. dans les médias). L’acquéreur ne peut alors pas négocier les termes de l’acquisition indivi- duellement avec les actionnaires de la société visée car ceux-ci sont trop nombreux.

En raison de leur nombre, les destinataires sont aussi empêchés d’adopter une atti- tude coordonnée : recommandation 0260/03 du 10 février 2006 dans l’affaire Berna Biotech  AG, consid. 2.4 ; recommandation 0070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1.3 ; Peter / Bovey (2013), p. 15, no. 30 ; Schenker (2009), p. 215 s. ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 27 ad art. 9 OOPA ; Reutter (1999), p. 1096 ss. Bien que la COPA n’ait pas arrêté de manière absolue le nombre d’ac-

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ticipations de sociétés anonymes cotées en bourse 18, caractérisées par un actionnariat généralement dispersé et hors d’état d’adopter une attitude coordonnée en cas d’OPA.

Il nous paraît à cet égard opportun de consacrer quelques paragraphes à la notion de l’OPA. Elle se caractérise en ce qu’elle s’adresse directement aux actionnaires de la société visée, libres d’accepter ou de refuser l’offre

tionnaires auxquels une OPA doit être adressée pour être qualifiée de publique, elle a considéré qu’une offre sollicitant une fois soixante-quatre personnes, une autre fois huitante personnes, satisfaisait à cette condition : recommandation 0260/03 du 10 février 2006 dans l’affaire Berna Biotech AG, consid. 2.4 ; recommandation 0070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1. Pour que la régle- mentation des OPA s’applique, l’offre doit porter sur les titres de participation visés à

l’art. 2 let. i LIMF. Ceux-ci incluent non seulement les actions (art. 622 CO), les bons de participation (art. 656a CO) et les bons de jouissance (art. 657 CO), mais égale- ment d’autres titres de participation (art. 2 let. i in fine LIMF ; art. 2 OOPA et art. 15 OIMF-FINMA), soit notamment les droits de conversion ou d’option. L’offre doit par ailleurs être présentée aux fins d’acquérir une participation dans la société visée, soit avoir pour objet la conclusion d’un contrat de vente selon les art. 184 ss CO ou celle d’un contrat d’échange selon les art. 237 ss CO. La réglementation des OPA s’applique aux OPA portant sur les titres de participation de sociétés “ayant leur siège en Suisse et dont au moins une partie des titres de participation sont cotés à une bourse suisse”

(art. 125 al. 1 let. a LIMF) et, depuis le 1er mai 2013, aux sociétés “ayant leur siège à l’étranger et dont au moins une partie des titres de participation sont cotés à titre principal à une bourse suisse” (art. 125 al. 1 let. b LIMF ; art. 115 OIMF par renvoi de l’art. 116 OIMF). Pour les sociétés ayant leur siège en Suisse, il suffit qu’au moins une partie des titres de participation de la société visée soient cotés (art. 2 let. f LIMF) auprès d’une bourse (art. 26 let. b LIMF) en Suisse. Pour les sociétés étrangères, le critère de rattachement est la cotation en Suisse “à titre principal”. Cette notion, définie à l’art. 115 al. 1 OIMF par renvoi de l’art. 116 OIMF, prévoit que les titres de participation d’une société ayant son siège à l’étranger sont considérés comme cotés à titre principal en Suisse lorsque la société concernée remplit au moins les mêmes obligations que les sociétés ayant leur siège en Suisse en ce qui concerne la cota- tion et le maintien de la cotation auprès d’une bourse en Suisse (art. 115 al. 1 OIMF en relation avec l’art. 116 OIMF) : décision 0609/01 du 14 juillet 2015 dans l’affaire SHL  Telemedicine Ltd., consid. 1 ; décision 0582/01 du 7 novembre 2014 dans l’affaire Cosmo Pharmaceuticals SpA, consid. 1 ; décision 0547/01 du 23 septembre 2013 dans l’affaire International Minerals Corporation, consid. 1.

18 En pratique, seules les sociétés anonymes sont concernées par le droit des OPA, même s’il n’est pas exclu qu’une personne morale d’un autre type soit visée par une OPA si elle est susceptible d’émettre des titres de participation suffisamment liquides pour être considérés comme tels selon les art. 2 let. i LIMF et 2 OOPA et cotés auprès d’une bourse ; voir Peter / Bovey (2013), p. 17 s., no. 36.

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qui leur est présentée 19. Elle relève de l’autonomie privée de l’offrant et des actionnaires de la société visée ; elle ne requiert pas nécessairement la col- laboration de la société ou de son conseil d’administration 20. L’offrant a la possibilité d’esquiver le conseil d’administration en soumettant direc- tement son offre aux actionnaires. Les actionnaires décident individuel- lement de céder ou au contraire de conserver leurs titres ; ils ne subissent pas une décision de l’assemblée générale ni du juge. C’est pourquoi l’OPA se distingue en particulier de la fusion, où la compétence d’approuver le contrat de fusion appartient à l’assemblée générale de chacune des so- ciétés participant à l’opération 21. Dans une fusion, l’assemblée générale peut décider d’approuver le contrat de fusion et, ainsi, imposer sa déci- sion à un actionnaire minoritaire qui souhaiterait conserver ses titres de participation.

Bien qu’une OPA suppose une décision individuelle de l’actionnaire, il est en pratique fréquent qu’une assemblée générale soit convoquée à la suite d’une offre, par exemple lorsque l’offrant subordonne l’offre à la sup- pression d’une clause d’agrément ou d’une clause limitative des droits de vote présente dans les statuts de la société visée 22, ou lorsque l’offre est sub- ordonnée à la démission des membres du conseil d’administration 23. La décision collective peut alors faire échec à la décision individuelle de cha- cun des destinataires de l’offre puisque les actionnaires de la société visée ont collectivement la faculté d’empêcher, par une décision prise en assem- blée générale, l’accomplissement d’une condition suspensive de l’offre.

Par ailleurs, la recherche s’intéresse au déroulement d’une OPA dans la perspective de l’offrant. Elle met en évidence les risques qu’il encourt dans son projet d’acquisition et les moyens de lege lata et de lege ferenda qui lui permettent de parer à ces risques pour assurer la sauvegarde légi- time de ses intérêts. De façon plus générale, la recherche met en avant le rôle modérateur de l’offrant sur les organes dirigeants des sociétés cotées et

19 Décision 0649/01 du 17 janvier 2017 dans l’affaire Orascom Development Holding AG, consid. 3 ; décision 0609/01 du 14 juillet 2015 dans l’affaire SHL Telemedicine Ltd., consid. 2 ; décision 0547/01 du 23 septembre 2013 dans l’affaire International Minerals Corporation, consid. 2 ; recommandation 0013/02 du 20 juillet 1998 dans l’affaire SGS, Société générale de surveillance SA, consid. 1.

20 Bahar (2004), p. 37 s.

21 Art. 18 al. 1 LFus.

22 A ce sujet, voir chapitre 2 : L’offre subordonnée à des conditions, p. 110 ss.

23 A ce sujet, voir chapitre 2 : L’offre subordonnée à des conditions, p. 114 ss.

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elle montre l’influence bénéfique des OPA sur la gouvernance d’entreprise (“corporate governance”). Parce qu’elles exposent les organes dirigeants au risque d’être remplacés en cas d’OPA couronnée de succès, les OPA, en particulier les offres hostiles, remédient au déficit de surveillance résul- tant d’un actionnariat public par définition dispersé, et elles obligent les membres du conseil d’administration à gérer les affaires sociales de ma- nière diligente. Ce rôle des OPA est présenté de manière plus développée dans les paragraphes qui suivent.

B. L’incidence d’un actionnariat dispersé sur la gouvernance de l’entreprise

Une société cotée en bourse peut être dominée ou contrôlée par un nombre restreint d’actionnaires ; d’ordinaire, ceux-ci agissent alors de façon coor- donnée. Les titres de participation d’une société cotée peuvent aussi, au contraire, se trouver disséminés parmi de nombreux actionnaires. Chacun d’eux ne détient alors qu’une participation en général fortement minori- taire et il n’est guère intéressé à contrôler les organes dirigeants de la so- ciété. Le “petit” actionnaire ne reçoit pas d’incitation économique à accom- plir des efforts de surveillance et d’intervention dont il ne retirera, le cas échéant, que des avantages modestes, proportionnels à sa participation 24. Considérant que son suffrage individuel ne modifiera pas les décisions de la société, ce qui est en général exact, il s’abstient d’exercer son droit de vote ou suit passivement les propositions du conseil d’administration 25 ; même un actionnaire doté d’une participation relativement importante renonce à étudier de manière approfondie les propositions que le conseil d’adminis- tration lui soumet. Du point de vue de l’ensemble des actionnaires, il serait pourtant souhaitable que l’un d’eux agisse lorsque les bénéfices collectifs excèdent les coûts de l’intervention ; néanmoins, nul ne se manifeste 26. Ce

24 Easterbrook / Fischel (1981), p. 1170 s. ; Easterbrook / Fischel (1983), p. 395 ss ; Ruffner (2000), p. 174-177 ; von der Crone / Steininger (2010), p. 88 s.

25 Easterbrook / Fischel (1981), p. 1170 s. ; Easterbrook / Fischel (1983), p. 402 :

“When many are entitled to vote, none of the voters expects his votes to decide the contest.”

26 Easterbrook / Fischel (1983), p. 395 ss ; Allen / Kraakman / Subramanian (2012), p. 188 ; Ruffner (2000), p. 174-177 ; Chabloz (2012), p. 41 ; Schenker (2009), p. 10 ; Groner (2007), p. 282 ; Bohrer (2005), p. 1005 ; Bahar (2004), p. 6.

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problème, dit de l’action collective (“collective action problem”), existe dans tout système où les coûts de l’accès à l’information, y compris les efforts à accomplir personnellement, sont élevés 27.

De facto, le conseil d’administration est donc son propre maître, et seul maître de l’entreprise. Cela peut l’induire à gérer l’entreprise dans l’intérêt de ses membres, lesquels se préoccupent d’abord de pérenniser leur posi- tion, plutôt que dans celui de la société et des actionnaires 28. Par consé- quent, la valeur intrinsèque de l’entreprise diminue par rapport à ce qu’elle serait si le conseil d’administration gérait dans l’intérêt de la société et des actionnaires 29. Cette perte de valeur influence négativement le cours bour- sier des titres de participation.

Cette dévaluation des titres de participation peut être atténuée par des mécanismes correcteurs, en particulier par le fonctionnement régulier d’un marché des prises de contrôle. Le manque de mécanismes de contrôle internes peut en effet entraîner le développement de mécanismes non tra- ditionnels de contrôle externes, tel le marché des prises de contrôle, envi- sagé comme un mécanisme de gouvernance “de substitution” des contrôles internes.

C. L’effet modérateur du marché des prises de contrôle

Lorsqu’une société cotée en bourse n’exploite pas son entreprise de la manière la plus profitable possible, il est financièrement intéressant d’en prendre le contrôle au moyen d’une OPA. Si cette opération aboutit, l’acquéreur peut imposer une gestion plus profitable, propre à mettre en

27 Voir notamment Allen / Kraakman / Subramanian (2012), p.  188 ; Clark (1986), p. 390 s.

28 Berle / Means (1932), p. 78 ss, ont caractérisé cette configuration comme une sépa- ration entre le statut de propriétaire et les fonctions de contrôle dans les sociétés ouvertes au public. En substance, le contrôle de la société est placé dans les mains d’organes dirigeants (en anglais : “agents”) qui sont pratiquement, voire entièrement dépourvus de tout intérêt de propriétaire (en anglais : “principals”). Les intérêts des organes dirigeants ne coïncident donc pas avec ceux des actionnaires et il en découle un risque de comportements opportunistes de la part des organes dirigeants. Voir également Jensen / Meckling (1976), p. 305 ss.

29 Groner (2007), p. 282 ; Easterbrook / Fischel (1998), p. 1 ; Williamson (1984), p. 1199 ; Fama / Jensen (1983), p. 301 ; Jensen / Meckling (1976), p. 308.

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valeur tout le potentiel disponible ; cette réforme de la gestion induit une hausse du cours boursier, et donc une plus-value si ce cours s’élève jusqu’à dépasser le prix payé 30. Ladite réforme comporte éventuellement le rem- placement des administrateurs et autres dirigeants de la société.

Les dirigeants d’une société cotée sont donc exposés à perdre leur si- tuation lorsqu’ils négligent de gérer de la manière la plus profitable possible pour la société et ses actionnaires. Ils encourent ce risque aussi lorsque les titres de participation de la société sont disséminés parmi de nombreux actionnaires et que ceux-ci ne sont pas économiquement incités à surveil- ler la gestion. En effet, si une OPA survient et que le prix offert dépasse le cours actuel, les actionnaires sont tentés d’accepter cette offre et de céder leurs titres, ce qui ouvre la voie à une réforme de la gestion et au remplace- ment des dirigeants 31.

C’est ainsi que le marché des prises de contrôle, pour autant qu’il fonc- tionne correctement, déploie un effet protecteur pour les actionnaires et modérateur sur les dirigeants 32. Il incite ces derniers à mettre en valeur tout le potentiel de l’entreprise et à réduire autant que possible une éven- tuelle différence entre la capitalisation boursière de la société et sa valeur intrinsèque. Les dirigeants sont surveillés par le marché ; ils sont donc in- téressés à gérer de manière profitable pour prévenir une prise de contrôle hostile 33.

Enfin, le marché des prises de contrôle garantit que les entreprises soient dirigées par les personnes les plus aptes à cette tâche ; il contribue par là à une bonne distribution des ressources au sein de l’économie, ce qui répond à un intérêt public 34.

30 Manne (1965), p. 113 ; Schenker (2009), p. 22 s. ; Groner (2007), p. 290.

31 Easterbrook / Fischel (1981), p. 1169 ; Manne (1965), p. 110 ss ; Schenker (2009), p. 35 ; Schiltknecht (2004), p. 48.

32 Schenker (2009), p. 35.

33 Schenker (2009), p.  23 ; Groner (2007), p.  290 ; Easterbrook / Fischel (1981), p. 1169 ; Coffee (1984), p. 1192 ss.

34 Voir recommandation 0067/04 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Hold- ing AG, consid. 2.3 ; recommandation 0066/01 du 4 juillet 2000 dans l’affaire Baum- gartner Papiers Holding SA, consid. 1.4.1 ; Häusermann (2015), p. 18 s. ; Schenker (2009), p. 36 ; Bilek (2011), p. 15 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  4  s., no.  10 ; Groner (2007), p.  290 ; Iffland (2008), p.  60 ; Frauenfelder (2001), p. 46 ss ; Bernet (1998), p. 79 s.

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III. Plan de notre étude

Il est légitime que tous les risques d’une OPA incombent à l’offrant ; il n’est en revanche pas équitable que la réglementation ou la pratique des autorités de surveillance des OPA reportent sur l’offrant des risques qui incombent aux destinataires de l’offre à titre d’investisseurs dans la société visée aussi longtemps que leurs titres de participation ne sont pas effective- ment vendus, par exemple le risque d’événements externes de type macro- économique ou d’événements préjudiciables à la société visée. Dans notre étude, nous nous efforcerons de mettre en évidence les règles et pratiques qui entraînent un transfert de risques inéquitable et indésirable à l’avan- tage des destinataires et au préjudice de l’offrant, soit des règles et pra- tiques qui, en définitive, nuisent au bon fonctionnement du marché des valeurs mobilières et contredisent le but consacré par l’art. 1 al. 2 LIMF.

Notre étude est structurée comme suit. Dans un premier temps, nous analyserons le rôle de l’offrant en droit suisse des OPA 35. Nous examine- rons les principes de la neutralité économique et de l’égalité des armes qui forment le soubassement de l’édifice réglementaire suisse des OPA. Ces principes cardinaux ont été restructurés dans le cadre de la réforme de 2009, suivie des modifications intervenues en 2013. Nous exposerons les points les plus saillants de ces réformes, qui se répercutent directement sur la situation juridique de l’offrant. Les thèses que nous défendons dans la présente étude sont corroborées par une analyse quantitative des opéra- tions intervenues sur le marché des OPA en Suisse.

Dans un deuxième temps, nous étudierons la possibilité pour l’offrant de subordonner l’offre à des conditions 36. Compte tenu que l’étendue et l’indétermination du cercle des destinataires de l’offre empêchent la sti- pulation de garanties contractuelles dans l’acquisition d’une société cotée en bourse, le seul véritable outil permettant à l’offrant de se protéger effi- cacement contre la survenance de certains risques consiste à subordonner l’offre à des conditions. La possibilité de subordonner l’offre à des condi- tions tempère la rigueur du principe selon lequel une offre est irrévocable

35 Voir chapitre 1 : Le rôle de l’offrant dans le fonctionnement régulier du marché des OPA.

36 Voir chapitre 2 : L’offre subordonnée à des conditions.

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dès la publication du prospectus ou de l’annonce préalable, sous réserve que des conditions soient respectivement défaillantes ou accomplies, selon qu’elles sont suspensives ou résolutoires. A cet égard, la réglementation et la pratique des autorités de surveillance des OPA en matière de conditions admissibles jouent un rôle essentiel dans la décision de l’offrant de présen- ter une offre ou de s’en abstenir.

Dans un troisième temps, nous examinerons spécifiquement les risques et les incertitudes auxquels l’offrant est confronté au cours de son projet. Une analyse critique de la réglementation et de la pratique des auto- rités de surveillance des OPA éveille la crainte que les offrants, découragés de présenter une offre, en particulier dans un contexte hostile, préfèrent y renoncer plutôt qu’assumer des risques parfois difficilement conciliables avec leurs intérêts. Cette crainte concerne non seulement l’accès de l’of- frant aux informations confidentielles de la société visée, qui constitue une phase décisive dans le processus d’une éventuelle acquisition, y compris dans la fixation de ses modalités financières 37, mais également la déter- mination du prix de l’offre 38. Nous examinerons ces points dans un ordre successif. En outre, nous nous pencherons sur la question délicate, et étroi- tement liée à celle de la fixation du prix de l’offre, du risque d’une action concertée opposable à l’offrant, action que celui-ci n’aurait pas discernée à temps 39.

Dans un quatrième temps, nous étudierons les instruments contrac- tuels permettant à l’offrant de protéger son projet contre le risque d’éven- tuelles offres concurrentes 40. Nous verrons que ces instruments sont ri- goureusement encadrés par des règles impératives qui dérogent à la liberté contractuelle et limitent fortement la faculté de l’offrant de se protéger effi- cacement contre un enchérisseur concurrent.

Enfin, nous analyserons les risques et les difficultés qui se présentent à l’offrant au stade final de l’acquisition des participations résiduelles des actionnaires minoritaires 41.

37 Voir chapitre 3 : L’accès de l’offrant aux informations concernant la société visée.

38 Voir chapitre 4 : La protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre.

39 Voir chapitre 5 : L’offrant face aux risques d’une action concertée.

40 Voir chapitre 6 : La protection de l’offrant contre des offres concurrentes.

41 Voir chapitre 7 : Les risques liés à l’exclusion des actionnaires résiduels.

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Chapitre 1

LE RÔLE DE L’OFFRANT DANS

LE FONCTIONNEMENT RÉGULIER DU MARCHÉ DES OPA

I. Introduction

Contrairement à l’acquisition d’une société “privée” (dont les titres de par- ticipations sont détenus par un cercle limité de personnes), dans le cadre de laquelle les termes font l’objet de négociations entre le vendeur et l’ache- teur, l’acquisition d’une société cotée en bourse prend la forme d’une OPA adressée à un nombre indéterminé de personnes. Dans ce cas, l’acquéreur ne peut pas négocier avec les actionnaires de la société visée, qui sont trop nombreux et ne peuvent pas toujours être identifiés. Ces motifs excluent également que l’offrant obtienne des garanties contractuelles des vendeurs sur les qualités de l’entreprise cédée.

En matière d’acquisition de sociétés cotées en bourse, les règles sur les OPA affectent directement les termes des offres présentées aux action- naires. Elles déterminent les conditions auxquelles celle-ci peut être su- bordonnée, l’accès éventuel aux informations confidentielles de la société visée, la façon dont les modalités financières de l’offre doivent être fixées ainsi que le degré de protection de l’offrant contre d’éventuelles offres concurrentes. La réglementation influence donc le processus de change- ment de contrôle dans son ensemble.

Le législateur a adopté un régime en principe neutre en matière de prises de contrôle, même hostiles. La réglementation ne doit ni encou- rager ni entraver les OPA. Or, nous verrons qu’au motif de protéger les actionnaires minoritaires des sociétés cotées et de limiter les désagréments qu’une procédure d’offre peut causer aux sociétés qui en sont l’objet, la réglementation et la pratique des autorités de surveillance des OPA ont tendance à imposer à l’offrant des modalités dont la justification peut prê- ter à discussion, et qui peuvent en définitive aboutir à empêcher la réali- sation de transactions potentiellement avantageuses pour les actionnaires

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de sociétés cotées 1. Stimulée par la réforme réglementaire de 2009 2, cette évolution est particulièrement sensible en matière d’offres hostiles 3. Dans ce chapitre, nous étudierons également le rôle controversé des fonds spéculatifs (“hedge funds”), dont l’activisme tel qu’ils le pratiquent est l’objet d’un vif débat 4. Pour ses partisans, il s’agit d’une force économique propre à générer des rendements positifs à long terme, en exerçant un effet modérateur sur les organes dirigeants des sociétés. Du point de vue de ses détracteurs, l’activisme des fonds spéculatifs diminue la productivité des entreprises à long terme ; il est axé sur la plus-value qui peut être obte- nue rapidement en stimulant des cours de bourse anémiés, et il perturbe ainsi le fonctionnement des organes dirigeants des entreprises. Ces visions opposées sont toutefois réductrices et elles ne suffisent pas à rendre compte de la réalité. Ce chapitre passe notamment en revue les études empiriques qui ont été accomplies aux Etats-Unis sur l’activisme des fonds spécula- tifs. Beaucoup de ces recherches démentent les reproches élevés contre eux et mettent en évidence leur influence positive tant à court terme qu’à long terme. Ces résultats doivent à tout le moins permettre d’éviter que l’empreinte des fonds spéculatifs ne paralyse le marché suisse des prises de contrôle avec des règles et pratiques trop défavorables à l’offrant.

II. Les principes de la neutralité économique et de l’égalité des armes

A. Fondements et portée théoriques

1. Protection de la liberté de choix des destinataires de l’offre

La réglementation suisse des OPA est conçue dans une perspective de neu- tralité économique 5. Elle ne doit en principe ni favoriser, ni entraver ces

1 Voir infra p. 24 ss.

2 Voir infra p. 42 ss.

3 Voir infra p. 56 ss.

4 Voir infra p. 61 ss.

5 Groupe d’experts chargé d’élaborer une loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, Rapport sur l’avant-projet, Berne, mars 1991, p. 66 ; ATF 133 II 81 (arrêt Atel), consid. 4.3.2 ; Tschäni / Diem / Iffland /

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opérations. Elle a notamment pour buts de garantir la liberté de décision des destinataires de l’offre 6 et d’assurer la protection des investisseurs, quels qu’ils soient 7, ainsi que l’égalité de traitement entre investisseurs 8. Ces Gaberthüel (2014), p. 6, no. 13 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 368, no. 5 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 4 ad art. 22-30 LBVM ; CR CO II- Bahar, no. 1 ad art. 125 LIMF ; Iffland / Diem (2010), p. 258 ; Iffland (2008), p. 60 ; von der Crone (2005), p. 2 ; Schenker (2009), p. 199 ; Bilek (2011), p. 43 et 68 ; Bernet (1998), p. 79 ; Köpfli (1998), p. 58 ; voir également recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1.

6 La liberté de décision des destinataires de l’offre est mise en œuvre par les art. 133 al. 1 LIMF et 48 al. 4 OOPA, qui posent le principe du libre choix en cas d’offres concurrentes. Ce mécanisme est complété par le droit des actionnaires de révoquer leur acceptation de l’offre initiale jusqu’à son échéance dans l’hypothèse où une offre concurrente est publiée (art. 51 al. 2 OOPA en relation avec l’art. 133 al. 2 LIMF). Voir décision 0649/01 du 17 janvier 2017 dans l’affaire Orascom Development Holding AG, consid. 3 ; décision 0609/01 du 14 juillet 2015 dans l’affaire SHL Telemedicine Ltd., consid. 2 ; décision 0582/01 du 7 novembre 2014 dans l’affaire Cosmo Pharmaceuti- cals  SpA, consid. 2 ; décision 0547/01 du 23 septembre 2013 dans l’affaire Interna- tional Minerals Corporation, consid. 2 ; recommandation 0260/03 du 10 février 2006 dans l’affaire Berna Biotech AG, consid. 2.4 ; recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1 ; recommandation 0071/01 du 31 août 2000 dans l’affaire Banque des Règlements Internationaux, consid. 1 ; recommanda- tion 0070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1.3 ; décision de la Chambre des offres publiques d’acquisition de la CFB du 5 octobre 1998 dans l’affaire SGS Société Générale de Surveillance Holding SA, Bulletin CFB 39/2000, p. 19 s., consid. 2b/aa ; également Schenker (2009), p. 437, qui souligne que le droit des actionnaires de la société visée d’accepter ou de refuser une offre est nécessaire au fonctionnement régulier du marché des prises de contrôle.

7 Art. 1 al. 2 LIMF. Voir ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3 et 4.1 ; ATF 133 II 81 (ar- rêt Atel), consid. 4.3.2 ; recommandation 0293/02 du 31 octobre 2006 dans l’affaire Saurer  AG, consid.  3.2.2 ; recommandation 0161/02 du 11  juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1 ; recommandation 0070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1.3 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 5 s., no. 12 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 6 ad art. 1 OOPA ; CR CO II- Bahar, no. 1 ad art. 125 LIMF ; Schenker (2009), p. 199 ss ; Peter / Bovey (2013), p. 31 ss, no. 63 ss.

8 Art. 1 al. 2 LIMF et art. 1 OOPA ; art. 127 al. 2 LIMF et art. 9 al. 1 OOPA. Voir ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3 et 4.1 ; décision 0410/05 du 13 décembre 2012 dans l’affaire Quadrant  AG, consid.  7 ch.  99 ; décision 0610/01 du 21  juillet 2015 dans l’affaire Schindler Holding AG, consid. 3 ; recommandation 0329/01 du 22 août 2007 dans l’affaire Unilabs S.A., consid.  2.3 ; recommandation 0294/01 du 26  octobre 2006 dans l’affaire SIG Holding AG, consid. 3.1 ; recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.1 ; recommandation 0070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1.3 ; recommandation 0066/01 du 4 juillet 2000 dans l’affaire Baumgartner Papiers Holding SA, consid. 1.4.1 ;

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objectifs vont de pair avec l’objectif de la réglementation de garantir le fonctionnement régulier du marché suisse des valeurs mobilières 9. La réglementation a aussi pour but de limiter les mesures de défense que les organes dirigeants de la société visée peuvent adopter 10. Le principe de la neutralité économique n’a pas pour vocation de protéger les intérêts patri- moniaux des détenteurs de titres de la société visée ; il s’agit au contraire d’un compromis garantissant le libre choix des actionnaires 11, poursuivant ainsi un but de police économique 12. L’objectif n’est donc pas d’influer sur le comportement des acteurs économiques 13.

A ces fins, la réglementation assujettit l’offrant à diverses obligations.

Celui-ci est notamment tenu de publier un prospectus d’offre complet et

Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  5  s., no.  12 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 6 ad art. 1 OOPA ; Schenker (2009), p. 199 ss ; Peter / Bovey (2013), p. 31 ss, no. 63 ss.

9 Art. 1 al. 2 LIMF. Voir ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3.1.2 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 6 ad art. 1 OOPA.

10 Art. 132 al. 2 et 3 LIMF ; art. 36 et 37 OOPA.

11 Voir recommandation 0071/01 du 31 août 2000 dans l’affaire Banque des Règlements Internationaux, consid. 1, dans laquelle la COPA relève : “Le droit des OPA tend essen- tiellement à garantir la régularité du processus de prise de décision des détenteurs de droit de participation invités publiquement à disposer de leurs titres. La notion d’ ‘offre’ définie à l’art. 2 lit. e LBVM [soit l’art. 2 let. i LIMF] suppose donc en principe l’existence d’un choix pour les personnes concernées […]. En l’absence d’un tel choix, les mécanismes de protection du droit des OPA (prospectus d’offre, délai de carence, durée minimale d’acceptation, rapport du conseil d’administration de la société visée, etc.) n’ont pas de raison d’être.” Dans sa décision 0550/07 du 11 février 2014 dans l’affaire Victoria-Jungfrau Collection AG, consid. 1 ch. 8, la COPA évoque la garantie d’un choix libre et éclairé pour les destinataires de l’offre (“Wahrung der freien und informierten Entscheidung der Angebotsempfänger”). Voir également décision de la Chambre des offres publiques d’acquisition de la CFB du 5 octobre 1998 dans l’affaire SGS Société Générale de Surveillance Holding SA, Bulletin CFB 39/2000, p. 19 s., consid. 2b/aa ; décision 0649/01 du 17 janvier 2017 dans l’affaire Orascom Development Holding AG, consid. 3 ; décision 0609/01 du 14 juillet 2015 dans l’affaire SHL Telemedicine Ltd., consid. 3.2.3.

12 Message du 24 février 1993 concernant une loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, FF 1993 I 1269, p.  1278, 1283 et 1338 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 4 s., no. 10 ; Böckli (2009), § 7, p. 813 s., no. 136 ; Häusermann (2017), p. 675 ss ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 367 s., no. 4.

13 Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre  8, p.  367  s., no.  4 ; Iffland / Diem (2010), p. 259.

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exact 14, de soumettre son offre à l’examen d’un organe de contrôle 15 et de respecter les délais prescrits 16. En particulier, si l’offre aboutit, l’offrant doit accorder aux actionnaires qui ne l’ont pas acceptée un délai supplémentaire d’acceptation, fixé à dix jours de bourse dès la publication de l’annonce dé- finitive du résultat intermédiaire 17. La réouverture de la procédure d’offre a pour but de briser ce qui est communément appelé le “dilemme du pri- sonnier”, celui-ci consistant dans l’alternative, pour les destinataires de l’offre, entre céder leurs titres à des conditions tenues pour insatisfaisantes ou prendre le risque de conserver une participation minoritaire dans une société désormais contrôlée par un offrant majoritaire 18. Pendant la durée de l’offre, l’offrant doit également déclarer toutes les acquisitions ou aliéna- tions de titres qui sont visés par l’offre ou offerts en échange 19.

La réglementation des OPA expose également l’offrant au risque d’offres concurrentes 20 et elle lui impose des contraintes dans les modalités de son offre. En particulier, elle restreint les conditions auxquelles l’offre peut être valablement subordonnée 21. Dans certaines circonstances 22, la régle- mentation oblige l’offrant à étendre l’offre à tous les titres de participation

14 Art. 127 al. 1 LIMF ; art. 17 à 25 OOPA.

15 Art. 128 al. 1 LIMF ; art. 26 à 29 OOPA ; Circulaire COPA no 3 : Contrôle des offres publiques d’acquisition, du 26 juin 2014.

16 Art. 131 let. e LIMF et art. art. 14 OOPA. En matière d’offres concurrentes, le ca- lendrier est raccourci pour ne pas retarder le processus de manière excessive ; voir art. 133 LIMF, art. 48 al. 5 et art. 50 OOPA.

17 Art. 131 let. e LIMF et art. 14 al. 5 OOPA.

18 Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 4, no. 10 ; Iffland / Diem (2010), p. 261.

19 Art. 134 LIMF ; chapitre 8 OOPA.

20 Art.  133 LIMF ; chapitre  10 OOPA. Voir notamment ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3.1.2 ; recommandation 0293/02 du 31 octobre 2006 dans l’affaire Saurer AG, consid.  3.2.3.5 ; recommandation 0161/02 du 11  juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital  AG, consid.  5.4 ; décision de la Chambre des offres publiques d’acquisition de le CFB du 23 juillet 2003 dans l’affaire Smith & Nephew plc. et al., consid. 3.3.2 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  4, no.  10 ; Schenker (2009), p. 203 s. ; von der Crone (2005), p. 8 ss ; Bernet (1998), p. 79 s.

21 Art. 131 let. b LIMF et art. 13 OOPA ; art. 38 OIMF-FINMA.

22 En cas d’offre obligatoire, soit lorsque l’offrant acquiert des titres qui lui permettent de franchir le seuil de 331/3% des droits de vote de la société visée, ou le seuil de 49%

des droits de vote en cas d’opting up dans les statuts de la société visée (art. 135 al. 1 LIMF) ; également en cas d’offre de prise de contrôle (art. 9 al. 6 OOPA).

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cotés de la société visée 23 et elle impose un prix minimum 24. Par ail- leurs, l’offrant est tenu de respecter l’égalité de traitement entre tous les destinataires de l’offre, ce qui lui impose une augmentation du prix s’il acquiert des titres de participation de la société visée à un prix supérieur à celui de l’offre 25 ; le principe de l’égalité de traitement oblige également l’offrant à étendre l’offre à toutes les catégories de titres cotés de la société visée 26. En cas d’offre partielle 27, l’offrant doit traiter les acceptations pro- portionnellement 28, et il ne peut donc pas appliquer le principe “premier arrivé, premier servi” car cela conférerait à l’offre un caractère coercitif inadmissible 29. Enfin, dans une offre d’échange et dans certaines circons- tances, l’offrant doit proposer une alternative en espèces 30.

Pour garantir la mise en œuvre effective du principe de la neutralité, la réglementation assujettit également le conseil d’administration de la société visée à diverses obligations et interdictions. Le conseil est notam- ment tenu d’adresser aux détenteurs de titres de participation un rapport où il prend position sur l’offre 31. Les mesures de défense que peut adopter

23 Art. 135 al. 1 LIMF ; art. 35 OIMF-FINMA. CR CO II-Bahar, no. 120 s. ad art. 135 LIMF ; Schenker (2009), p. 250 s. ; SK FinfraG-Barthold / Schilter, no. 147 ad art. 135 LIMF.

24 Art. 135 al. 2 à 4 LIMF ; art. 42 à 47 OIMF-FINMA.

25 Art. 127 al. 2 et 131 let. c LIMF ; art. 10 OOPA.

26 Art.  9 al.  2, 1re  phr., OOPA. Voir décision 0670/01 du 28  août 2017 dans l’affaire ImmoMentum AG, consid. 1 ; décision 0651/05 du 9 mai 2017 dans l’affaire LifeWatch AG, consid. 3 ; CR CO II-Bahar, no. 47 ad art. 127 LIMF ; Peter / Bovey (2013), p. 34, no. 75.

27 Voir art. 21 al. 1, 1re phr., OOPA.

28 Art. 9 al. 5, 3e phr., OOPA. Schenker (2009), p. 250 ; CR CO II-Bahar, no. 56 ad art. 127 LIMF ; Peter / Bovey (2013), p. 35, no. 76.

29 CR CO II-Bahar, no. 47 ad art. 127 LIMF ; Schenker (2009), p. 250.

30 L’alternative en espèces doit être proposée lorsque, entre la publication d’une offre vo- lontaire portant sur l’échange de valeurs mobilières et l’exécution de cette offre, son auteur acquiert des titres de participation contre paiement en espèces (art. 9a al. 1 OOPA) ; également lorsque, dans le cadre d’une offre de prise de contrôle comportant l’échange de valeurs mobilières, l’offrant a acquis, contre paiement en espèces et au cours des douze mois précédant la publication de son offre, des titres de participation de la société visée représentant 10% ou plus du capital de cette société (art. 9a al. 2 OOPA). Enfin, dans une offre obligatoire, l’offrant doit toujours proposer une alterna- tive en espèces s’il propose un échange de valeurs mobilières (art. 45 OIMF-FINMA).

Au surplus, voir chapitre 4 : La protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre, p. 247 ss.

31 Art. 132 al. 1 LIMF ; art. 30 à 34 OOPA. Böckli (2009), § 7, p. 825 ss, no. 166 ss.

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la société visée, destinées à provoquer l’échec de l’offre, sont par ailleurs limitées 32. Cette société est également tenue de respecter l’égalité de traite- ment entre les offrants, et, en particulier, de leur fournir à tous les mêmes informations 33.

2. Droit de révocation des actionnaires et protection de la concurrence entre offrants

Le postulat d’égalité des armes a une double portée en droit suisse des OPA.

Il ne garantit pas seulement la liberté de choix des destinataires de l’offre, mais il s’applique également entre offrants, voire entre offrants potentiels 34. L’art. 133 al. 1 LIMF exige que dans l’hypothèse d’une offre concur- rente 35, les propriétaires de titres de participation puissent choisir libre-

ment 36. Dans le but d’assurer la mise en œuvre de la liberté de choix des

actionnaires en cas d’offre concurrente, l’ordonnance sur les OPA prévoit que ceux-ci ont le droit de révoquer leur acceptation de l’offre initiale

32 Art. 132 al. 2 et 3 LIMF ; art. 35 à 37 OOPA. Voir recommandation 0066/01 du 4 juillet 2000 dans l’affaire Baumgartner Papiers Holding SA, consid. 1.4.1 ; Böckli (2009), § 7, p. 829, no. 178 et p. 833 ss, no. 189 ss.

33 Art. 133 LIMF ; art. 49 OOPA.

34 Iffland (2008), p. 63 ; CR CO II-Bahar, no. 10 ad art. 133 LIMF.

35 La définition d’une offre concurrente figure à l’art. 48 al. 1 OOPA, qui dispose : “Si des titres de participation sont visés par plusieurs offres, la dernière offre est appelée ‘offre concurrente’ et l’offre précédente est appelée ‘offre initiale’ ”. Voir Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  412, no.  753 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), cha- pitre 8, p. 442, no. 141 ; Bilek (2011), p. 3 ss. A noter que dans une affaire Absolute Private Equity AG, la COPA a laissé ouverte la question de savoir si une offre partielle constituait une offre concurrente, étant donné que la première offre et l’offre par- tielle ne poursuivaient pas le même objet et qu’il était concevable qu’elles aboutissent toutes les deux. Voir décision 0477/04 du 2  août 2011 dans l’affaire Absolute Pri- vate Equity AG, consid. 3 ; également Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  412, no.  753 note 1817 ; Peter / Bovey (2013), p.  242, no.  545 ; Peter / Bovey (2012), p. 596 ss ; Roelli / Leuenberger (2012), 370 ss ; Gaberthüel (2012), p. 105 ss ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 10 ad art. 133 LIMF.

36 Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  417, no.  761 ; Schenker (2009), p. 410 ss ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 8 ad art. 48 OOPA ; Bilek (2011), p. 108 s. ; CR CO II-Bahar, no. 1 et 4 ss ad art. 133 LIMF ; Epper (2008), p. 97 s. ; Watter / Maizar (2005), p.  9 ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no.  28 ad art.  133 LIMF ; décision 0477/04 du 2  août 2011 dans l’affaire Absolute Private Equity AG, consid. 3 ; recommandation 0161/02 du 11 juin 2003 dans l’affaire InCentive Capital AG, consid. 5.4.2.

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