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L’OFFRE SUBORDONNÉE À DES CONDITIONS

D. Conditions d’une offre obligatoire 1. Exigence de justes motifs

Les conditions d’une offre obligatoire sont elles aussi soumises à des exi-gences supplémentaires.

Sauf justes motifs, une offre obligatoire doit être inconditionnelle 68. Ce principe ne s’applique pas aux offres de prise de contrôle 69 car celles-ci

63 Art. 13 al. 6 let. b OOPA.

64 Voir notamment décision 0551/01 du 25 novembre 2013 dans l’affaire Tornos Hold-ing AG, consid. 6 ; recommandation 0088/01 du 19 mars 2001 dans l’affaire Sulzer AG, consid. 4 ; recommandation 0294/01 du 26 octobre 2006 dans l’affaire SIG Holding AG, consid. 4.

65 Voir notamment recommandation 0243/01 du 22 juin 2005 dans l’affaire Leica Geo-systems Holdings  AG, consid. 3 ; recommandation 0249/01 du 15 juillet 2005 dans l’affaire Saia-Burgess Electronics Holding AG, consid. B.2.

66 Art. 14 al. 4 OOPA.

67 Schenker (2009), p. 318 ; Schärer / Aregger (2003), p. 156 ; décision 0624/04 du 31 octobre 2016 dans l’affaire Syngenta AG, consid. 1.3 ; recommandation 0225/01 du 7 mars 2005 dans l’affaire Forbo Holding AG, consid. 6.2.

68 Art. 38 al. 1 OIMF-FINMA. Peter / Bovey (2017), p. 687 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  255, no.  451 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre  8, p. 410 s., no. 83 ; CR CO II-Bahar, no. 125 ad art. 135 LIMF ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 16 ss ad art. 13 OOPA ; BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no. 107 ad art. 32 LBVM. Concernant le cas d’une offre obligatoire inconditionnelle, voir le prospectus de l’offre d’ACRON Swiss Premium Assets  AG aux actionnaires d’ACRON HELVETIA VII Immobilien AG, du 10 octobre 2016, ch. 2.7.

69 Art. 9 al. 6 OOPA.

sont assimilées aux offres volontaires quant aux conditions admissibles 70. Ainsi, une offre de prise de contrôle n’est pas soumise aux règles strictes visant les conditions d’offres obligatoires, sauf si l’offrant acquiert, en de-hors de l’offre, des titres de participation de la société visée lui permettant de franchir le seuil de l’offre obligatoire, auquel cas ces règles deviennent applicables 71.

2. Casuistique

a. Conditions relevant du droit de la concurrence

L’art. 38 al. 2 OIMF-FINMA énumère quelques exemples de justes mo-tifs. Ainsi, une condition est notamment admissible lorsque l’acquisition nécessite l’autorisation d’une autorité, en particulier d’une autorité de surveillance de la concurrence 72. On ne saurait en effet exiger de l’offrant qu’il exécute une offre interdite par une autorité suisse ou étrangère de la

70 BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no. 109 ad art. 32 LBVM ; Peter / Bovey (2013), p.  185, no.  410 et p.  216, no.  484 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 54, no. 94. Voir notamment décision 0624/01 du 2 février 2016 dans l’affaire Syngenta AG, consid. 3.3 ch. 31.

71 Peter / Bovey (2013), p.  216, no.  484 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 54 s., no. 95. Voir également recommandation 0057/02 du 13 avril 2000 dans l’affaire Big Star Holding AG, consid. 2 (absence d’obligation de présenter une nouvelle offre en cas de franchissement du seuil déclenchant l’offre obligatoire) ; recommandation 0116/01 du 24 janvier 2002 dans l’affaire Sopafin, Société de par-ticipations financières, consid.  2.3 (modification d’une offre par la renonciation à

une de ses conditions) ; recommandation 0293/02 du 31 octobre 2006 dans l’affaire Saurer AG, consid. 8.1 (suppression d’une réserve de risques spécifiques ou Material Adverse Effect).

72 Art. 38 al. 2 let. a OIMF-FINMA. Voir décision 0611/01 du 12 août 2015 dans l’affaire Sulzer AG, consid. 6.2 ; recommandation 0236/01 du 28 avril 2005 dans l’affaire Swiss International Air Lines  AG, consid. 4.3.3.1 (condition prévoyant l’octroi des autori-sations nécessaires, ou de certificats d’exonération, par les autorités de la concur-rence compétentes dans le cadre de la prise de contrôle de Swiss International Air Lines AG par Deutsche Lufthansa Aktiengesellschaft) ; Peter / Bovey (2017), p. 688 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 413, no. 88 ; Gericke / Wiedmer (2011), no.  17 ad art.  13 OOPA ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no.  48 ad art.  28 LBVM ; BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no.  107 ad art.  32 LBVM ; CR CO II-Bahar, no. 127 ad art. 135 LIMF ; Höhn / Lang / Roelli (2011), chapitre F, p. 287, no. 394 s.

concurrence 73. Il incombe à l’offrant de prendre toutes les mesures rai-sonnables nécessaires à l’accomplissement de la condition (“För de rungs­

pflicht”) 74. Contrairement à ce qui vaut dans une offre volontaire, l’offrant ne peut pas se réserver le droit, dans une condition, de ne pas exécuter l’offre si des charges excédant un certain volume du chiffre d’affaires pré-alablement défini lui sont imposées 75. Néanmoins, il serait à notre avis déraisonnable d’obliger l’offrant à exécuter une offre qui aurait perdu toute justification économique ; l’intérêt de l’offrant devrait donc, ici, être tenu pour prépondérant sur celui des destinataires de l’offre 76.

L’auteur d’une offre obligatoire a également la possibilité de subor-donner son offre à ce qu’aucune décision judiciaire ou administrative, ni aucun autre ordre d’une autorité ne survienne pour interdire l’acqui-sition 77. La COPA admet que cette condition puisse être formulée assez largement 78. Cette condition résolutoire peut avoir effet jusqu’à l’exécution de l’offre 79.

73 Décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.2 ; décision 0495/03 du 28 février 2012 dans l’affaire Uster Technologies AG, consid. 7 ; Schenker (2009), p. 519 ; Peter / Bovey (2013), p. 184, no. 409.

74 Art. 13 al. 3 OOPA ; Schenker (2009), p. 519 ; Peter / Bovey (2017), p. 699.

75 Schenker (2009), p. 519 ; Peter / Bovey (2017), p. 694 ss. Voir décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.2 ; recommanda-tion 0293/02 du 31 octobre 2006 dans l’affaire Saurer AG, consid. 7.5 ; recom man-dation 0236/01 du 28  avril 2005 dans l’affaire Swiss International Airlines  AG, consid. 4.3.3.2.

76 Dans ce sens, voir Schenker (2009), p. 520.

77 Décision 0611/01 du 12  août 2015 dans l’affaire Sulzer  AG, consid.  6.1 ; décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.3 ; décision 0500/02 du 17 août 2012 dans l’affaire Bank Sarasin & Cie AG, consid. 7 ; Peter / Bovey (2017), p. 688 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 413, no. 87 ; BSK BEHG- Tschäni / Iffland / Diem, no.  47 ad art.  28 LBVM ; BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no. 107 ad art. 32 LBVM ; Höhn / Lang / Roelli (2011), chapitre F, p. 288, no. 398.

78 Décision 0611/01 du 12 août 2015 dans l’affaire Sulzer AG, consid. 6.1 ; décision 0542/02 du 2 septembre 2013 dans l’affaire Società Elettrica Sopracenerina SA, consid. 6.

79 Décision 0611/01 du 12 août 2015 dans l’affaire Sulzer AG, consid. 6.1 ; décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.3 ; décision 0542/02 du 2  septembre 2013 dans l’affaire Società Elettrica Sopracenerina  SA, consid.  6 ; décision 0495/03 du 28 février 2012 dans l’affaire Uster Technologies AG, consid. 7 ; décision 0500/02 du 17 août 2012 dans l’affaire Bank Sarasin & Cie AG, consid. 7 ; décision 0468/01 du 10 février 2011 dans l’affaire Genolier Swiss Medical Network SA, consid. 7.

Dans l’hypothèse d’une offre obligatoire, Peter / Bovey (2017) tiennent la pratique de la COPA pour trop permissive en matière de condi-tions relevant du droit de la concurrence 80, en tant que, dans son état ac-tuel, n’importe quel refus opposé par une autorité de la concurrence per-met à l’offrant de retirer son offre. Selon l’approche de ces auteurs, seul un refus entraînant des conséquences importantes pour l’offrant ou la société visée, prévisibles et mesurables objectivement d’après des critères énon-cés d’avance, devrait permettre un retrait de l’offre 81. Ils appellent à un changement de pratique de la COPA et proposent que les conséquences topiques soient obligatoirement spécifiées dans l’offre d’après des seuils de valeur définis par analogie avec la pratique de la COPA concernant les ré-serves de risques spécifiques (clauses RRS ou MAC pour “Material Adverse Change”) 82. Ils admettraient que l’énoncé de la condition comprenne une liste des Etats où un refus opposé par les autorités de la concurrence serait présumé excéder les seuils de gravité prévus 83. Par exemple, le prospec-tus de l’offre (volontaire) d’AFG Arbonia­Forster­Holding AG aux action-naires de Looser Holding AG, du 29 septembre 2016, comportait la liste des Etats où l’offrant tenait une autorisation pour indispensable à l’exécution de l’offre 84.

Par ailleurs, ces auteurs soulignent le devoir de coopération de l’offrant à l’accomplissement de la condition relevant du droit de la concurrence et ils subordonnent le retrait de l’offre en raison d’un refus des autorités de surveillance de la concurrence à la bonne foi de l’offrant 85. Si l’offrant n’accomplit pas de bonne foi les procédures idoines auprès des autorités compétentes concernées, il court le risque que la COPA considère que la condition est réputée réalisée conformément à l’art. 156 CO et exige de lui qu’il exécute l’offre 86.

80 Peter / Bovey (2017), p. 687 ss.

81 Id., p. 694 ss et 702.

82 Id., p. 697 s. Voir infra p. 133 ss.

83 Peter / Bovey (2017), p. 698.

84 Prospectus de l’offre d’AFG Arbonia-Forster-Holding  AG aux actionnaires de Looser Holding AG, du 29 septembre 2016, let. B, ch. 8, a ; décision 0639/01 du 28 septembre 2016 dans l’affaire Looser Holding AG, consid. 9.1 ; Peter / Bovey (2017), p. 698.

85 Peter / Bovey (2017), p. 699 s. Voir supra p. 77 s.

86 Voir notamment recommandation 0243/01 du 22 juin 2005 dans l’affaire Leica Geo-systems Holdings AG, consid. 3.3.2 ; Peter / Bovey (2017), p. 699 s. Contra : Gericke / Wiedmer (2011), no. 33 ad art. 13 OOPA ; Reutter (2002), p. 132.

Pour concilier la contradiction entre la possibilité de retirer l’offre, d’une part, et le droit des actionnaires minoritaires de la société visée de recevoir une offre en cas de franchissement du seuil de l’offre obligatoire, droit lésé par le retrait de l’offre, d’autre part, ces auteurs estiment que la COPA devrait être en droit d’exiger de l’offrant, sur la base de l’art. 138 al. 3 LIMF, qu’il revende ses titres de manière à réduire sa participation au seuil de l’offre obligatoire 87, ou d’exiger que les droits de vote des titres excéden-taires soient suspendus conformément à l’art. 135 al. 5 LIMF 88, de façon à éviter qu’en définitive le retrait de l’offre permette à l’offrant d’acquérir une participation majoritaire dans la société visée sans que les actionnaires minoritaires aient reçu la possibilité de quitter cette société.

La position défendue par Peter / Bovey (2017) est intéressante car elle contribue à plus de transparence et de sécurité juridique, même si elle implique corrélativement plus de contraintes pour l’offrant. En revanche, elle nous paraît essentiellement théorique, le dilemme d’un éventuel retrait d’une offre obligatoire pour défaut d’obtention des autorisations néces-saires en matière de concurrence ne s’étant encore, à notre connaissance, jamais concrètement posé. La position défendue par ces auteurs nous semble aussi difficile à mettre en œuvre, en particulier dans sa composante portant sur le devoir de coopération de l’offrant. Dans la grande majorité des cas, l’offre est amicale 89, l’offrant agissant de concert avec la société visée 90. Dans ces circonstances, démontrer la bonne foi de l’offrant ou apporter la preuve de sa mauvaise foi peut créer un conflit d’intérêts entre l’offrant et la société visée (le premier essayant d’établir, dans le but de justifier son retrait de l’offre, qu’il a fait preuve de bonne foi dans sa ten-tative d’obtenir les autorisations nécessaires en matière de concurrence, la seconde essayant de prouver le contraire pour obliger l’offrant à honorer l’offre), et s’avérer inextricable en pratique. La solution proposée ne nous paraît donc pouvoir être applicable que dans une petite minorité des cas, c’est-à-dire en cas d’offre obligatoire hostile.

87 Peter / Bovey (2017), p. 702 s.

88 Id., p. 703.

89 Voir chapitre 1 : Le rôle de l’offrant dans le fonctionnement régulier du marché des OPA, p. 56 ss.

90 Concernant cette problématique, voir chapitre  5 : L’offrant face aux risques d’une action concertée, p. 374 ss.

b. Conditions tendant à l’exercice effectif des droits de vote

Parmi les justes motifs énumérés par l’art. 38 al. 2 OIMF-FINMA, une condition est admissible dans une offre obligatoire lorsque les titres de par-ticipation qui en sont l’objet ne confèrent pas de droit de vote 91, soit surtout lorsque les statuts de la société visée contiennent une clause d’agrément ou une clause limitative des droits de vote. L’offrant est alors autorisé à prévoir dans son offre qu’il ne l’exécutera pas s’il ne peut pas exercer les droits de vote afférents aux titres acquis dans le cadre de l’offre 92.

c. Condition tendant à la protection de la valeur économique de la société

Une offre obligatoire peut être grevée d’une condition ayant pour objet que la valeur économique de la société visée, valeur définie concrètement, ne soit pas diminuée 93. La pratique interprète l’art. 38 al. 2 let. c OIMF-FINMA de manière restrictive et elle n’admet pas que l’offrant énonce des seuils de valeur pour définir l’altération de la substance économique dont il entend se protéger 94. Au contraire, l’offrant doit clairement définir quelles sont les parties essentielles de l’entreprise dont il exige qu’elles ne

91 Art.  38 al.  2 let.  b OIMF-FINMA. Voir recommandation 0343/01 du 16  novembre 2007 dans l’affaire Implenia AG, consid. 4 (condition prévoyant la suppression d’une clause statutaire empêchant l’inscription de l’offrant au registre des actions comme actionnaire avec droit de vote, ou exigeant du conseil d’administration de la société visée qu’il inscrive l’offrant au registre des actions par rapport à toutes les actions acquises dans le cadre de l’offre) ; Peter / Bovey (2017), p. 688 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 411 s., no. 85 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 18 ad art. 13 OOPA ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 43 ad art. 28 LBVM ; BSK BEHG- Hofstetter / Schilter-Heuberger, no. 107 ad art. 32 LBVM ; CR CO II-Bahar, no. 128 ss ad art. 135 LIMF ; Höhn / Lang / Roelli (2011), chapitre F, p. 287 s., no. 396.

92 Décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.1 ch. 47 ; recommandation 0343/01 du 16 novembre 2007 dans l’affaire Implenia AG, consid.  4.3 ; recommandation 0067/05 du 24  août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 2.2 ; Reutter (2002), p. 219 ss ; Schenker (2009), p. 520 ; Peter / Bovey (2013), p. 184, no. 409.

93 Art. 38 al. 2 let. c OIMF-FINMA. Voir Peter / Bovey (2017), p. 688 s. ; BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no.  107 ad art.  32 LBVM ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 19 ad art. 13 OOPA ; CR CO II-Bahar, no. 131 s. ad art. 135 LIMF ; Höhn / Lang / Roelli (2011), chapitre F, p. 288, no. 379 ; Reutter (2002), p. 221 ss.

94 Décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.1.

soient ni modifiées, ni aliénées à la suite d’une décision du conseil d’ad-ministration ou de l’assemblée générale de la société visée 95. Ces parties essentielles de l’entreprise visée sont familièrement dites “joyaux de la couronne (Crown Jewels)” 96. On admet en effet qu’il n’est pas exigible de l’offrant qu’il acquière une société qui s’est fondamentalement modifiée depuis le moment où il a présenté son offre 97.

Ce raisonnement est certes pertinent mais, à notre avis, il ne confère qu’une protection insuffisante à l’offrant. Dans la mesure en effet où l’art. 132 al. 2 LIMF permet à l’assemblée générale de la société visée d’adop-ter des mesures ayant pour effet de modifier de façon significative l’actif ou le passif de la société cible, l’offrant devrait avoir la possibilité, même en cas d’offre obligatoire, de se prémunir contre le risque de pareilles modi-fications. La ratio legis de l’offre obligatoire, à savoir conférer un droit de sortie aux actionnaires de la société visée 98, ne serait pas compromise si les actionnaires de cette société décidaient en connaissance de cause et de leur plein gré d’en modifier significativement l’actif ou le passif. Ils renon-ceraient par là à leur droit de sortie mais celui-ci ne subirait aucune res-triction. L’offrant devrait donc être autorisé à insérer dans son offre une condition prévoyant des seuils de valeur, par analogie avec la pratique de la COPA, déjà restrictive 99, concernant les réserves de risques spécifiques (clauses RRS ou MAC pour “Material Adverse Change”) 100. A défaut de ces seuils, il est loisible aux actionnaires de la société visée d’adopter des mesures contraires aux intérêts de l’offrant et privant l’acquisition de sa justification économique.

95 Décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.1 ; Schenker (2009), p. 521 ; Peter / Bovey (2013), p. 185, no. 409.

96 Décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.1.

97 Schenker (2009), p. 521 ; Peter / Bovey (2013), p. 185, no. 409 ; Reutter (2002), p. 221 ss.

98 ATF 130 II 530 (arrêt Quadrant), consid. 5.3.1 ; décision 0594/01 du 5 mars 2015 dans l’affaire Sika AG, consid. 1.2.1 ; Message du 24 février 1993 concernant une loi fédé-rale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, FF 1993 I 1269, p. 1312 et 1317 s. ; BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no. 4 ad art. 32 LBVM ; Schenker (2009), p. 464 s. ; Reiser / von der Crone (2012), p. 31 ; Bernet (1998), p. 212. Au surplus, voir chapitre 4 : La protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre, p. 234 ss.

99 Peter / Bovey (2013), p. 231, no. 517.

100 Voir infra p. 133 ss.

3. Conditions exclues dans l’offre obligatoire

Lors d’une offre obligatoire, les conditions qui ne répondent pas à un juste motif sont interdites. D’après la pratique de la COPA, l’offrant ne peut notamment pas subordonner son offre à la condition qu’il obtienne un pourcentage minimum d’acceptations (“Acceptance Condition”) 101. Cette approche restrictive est légitime car le régime de l’offre obligatoire porte sur tous les titres de participation cotés de la société visée et il a précisé-ment pour but de conférer un droit de sortie à ses actionnaires 102 ; l’offrant ne saurait l’éluder par une condition insérée dans l’offre lorsque, par hypo-thèse, le résultat ne lui apporte pas la majorité qu’il souhaite 103.

En cas d’offre obligatoire, les réserves de risques spécifiques (clauses RRS) ne sont pas non plus admissibles 104, sauf exception dans des cas très particuliers 105. L’idée sous-jacente est que le transfert des risques liés à des événements défavorables affectant la société visée s’opère dès que l’offrant a franchi le seuil déclenchant l’obligation de présenter une offre 106. L’obli-gation de présenter une offre est donc indépendante de l’évolution écono-mique de la société visée après ce franchissement 107. Comme exposé plus haut, ce raisonnement ne convainc pas en tant qu’il se rapporte à des mo-difications significatives de l’actif ou du passif de la société visée que son

101 Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 256 no. 455 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 57 ad art. 13 OOPA ; Schenker (2009), p. 521 ; Höhn / Lang / Roelli (2011), chapitre F, p. 290, no. 404.

102 Art. 135 al. 1 LIMF. Voir chapitre 4 : La protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre, p. 234 ss.

103 Schenker (2009), p. 521.

104 Décision 0540/01 du 25 juillet 2013 dans l’affaire Schmolz + Bickenbach AG, consid. 7.2 ; recommandation 0293/02 du 31 octobre 2006 dans l’affaire Saurer AG, consid. 7.5 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  281, no.  503 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 415, no. 90 ; Schenker (2009), p. 521 s. ; BSK BEHG-Hofstetter / Schilter-Heuberger, no.  107 ad art.  32 LBVM ; CR CO II-Bahar, no. 131 ad art. 135 LIMF ; Höhn / Lang / Roelli (2011), chapitre F, p. 289, no. 399.

105 Voir recommandation 0236/01 du 28 avril 2005 dans l’affaire Swiss International Air Lines AG, consid. 4.3.3.2. Dans cette affaire, la COPA considéra qu’une OPA pour des participations minoritaires devait être soumise aux règles de l’offre obligatoire même avant l’exécution de la transaction portant sur le bloc de contrôle ; elle admit une clause RRS car l’acquisition de la participation ayant déclenché l’obligation d’offre était elle-même soumise à cette condition et que l’obligation de présenter une offre n’aurait pas pu naître sans son accomplissement.

106 Schenker (2009), p. 521 s.

107 Ibid.

assemblée générale décide après la naissance de l’obligation de présenter l’offre 108. On ne peut pas raisonnablement exiger de l’offrant qu’il étende son offre à tous les détenteurs de titres cotés de la société visée et s’acquitte d’un prix minimum alors que ces détenteurs ont la possibilité de “saigner”

la société en adoptant des mesures ayant un impact défavorable sur les fonds propres, le chiffre d’affaires ou le bénéfice. L’offrant devrait donc être autorisé à subordonner son offre à la condition qu’aucune mesure adoptée par l’assemblée générale n’ait un impact qui dépasse les seuils de 10% des fonds propres, 5% du chiffre d’affaires ou 10% du bénéfice, par analogie avec la pratique développée en rapport avec les clauses RRS en cas d’offres volontaires 109.

Enfin, les conditions relatives à la disponibilité ou à la cotation des titres offerts en échange, le cas échéant, ne sont pas autorisées dans le cadre d’une offre obligatoire 110. En particulier, l’offrant ne peut pas subordonner son offre à la condition que sa propre assemblée générale décide de l’aug-mentation de capital nécessaire à l’offre obligatoire et que l’émission des titres soit inscrite sur le registre du commerce 111. Une condition portant sur la cotation des titres offerts en échange est probablement aussi inad-missible 112. Ainsi, l’offrant ne peut pas se soustraire à l’obligation de pré-senter une offre au motif que son assemblée générale refuse l’augmentation de capital nécessaire à l’émission des titres offerts en échange ou que la décision correspondante a été annulée. Ces contraintes peuvent soulever des difficultés importantes en pratique, que l’offrant doit évaluer soigneu-sement avant de franchir le seuil déclenchant l’obligation de présenter une offre. Elles ont néanmoins perdu de leur importance depuis que la régle-mentation des OPA impose à l’auteur d’une offre obligatoire de proposer

108 Voir supra p. 89 ss.

109 Voir notamment décision 0630/01 du 19 mai 2016 dans l’affaire gategroup Holding AG, consid. 6.2 et 6.3 ; décision 0623/01 du 25 février 2016 dans l’affaire Kuoni Reisen Holding  AG, consid.  6.2 et 6.3 ; décision 0624/01 du 2  février 2016 dans l’affaire Syngenta AG, consid. 3.4 ; décision 0551/01 du 25 novembre 2013 dans l’affaire Tornos Holding AG, consid. 6. Au surplus, voir infra p. 133 ss.

110 Recommandation 0251/06 du 7 avril 2006 dans l’affaire Aare-Tessin AG für Elektrizität, consid. 9.3 et 9.3.2 ; Schenker (2009), p. 522.

111 Recommandation 0251/06 du 7 avril 2006 dans l’affaire Aare-Tessin AG für Elektrizität, consid. 9.3.2 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 274, no. 489 ; Höhn /

111 Recommandation 0251/06 du 7 avril 2006 dans l’affaire Aare-Tessin AG für Elektrizität, consid. 9.3.2 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 274, no. 489 ; Höhn /